Où partir randonner dans les Pyrénées au mois de Novembre ? Tour du Balaïtous, du Vignemale ? Trop de neige ! Et pourquoi ne pas retourner dans les Pyrénées Orientales, vers le lac des Bouillouses ? Et si nous faisions le Tour du Carlit ? Ah non, il nous faudrait trois jours… et nous n’en avons que deux. À moins que…
Après une bonne heure à chercher un spot de randonnée pour notre week-end prolongé, je propose de faire une boucle de deux jours en passant par le sommet du Carlit. Lorsque j’avais commencé mon GR10 pour bifurquer sur le Pic du Canigou, je pensais à l’époque qu’il était le plus haut sommet des Pyrénées Orientales. Que nenni ! C’est bien le Carlit, du haut de ses 2921 mètres qui remporte le titre. Randonnée très fréquentée en été, je n’avais jamais pu me résoudre à le grimper jusque-là. Pour le mois de novembre, j’hésitais encore, mais le réchauffement climatique et le temps doux annoncé, finirent par me convaincre d’y aller, munie tout de même de crampons. En effet, en plein hiver, le Carlit n’est accessible qu’avec le matériel adéquat et non sans expérience d’ascension hivernale !
Heureusement j’embarquais avec moi deux randonneurs qui avaient déjà grimpé l’Aneto. Je pouvais partir sereine.
Après 3h de route au départ de Toulouse, nous avons la bonne surprise de pouvoir encore accéder au parking du lac des Bouillouses. En plein hiver, l’accès y est fermé et il faudra se garer au Pla des Avellans et marcher quatre bons kilomètres pour rejoindre le lac.
Frôlé avec mes parents petites, redécouvert pendant ma traversée des Pyrénées sur le GR10, arpenté en plein hiver alors qu’il était gelé, le lac des Bouillouses est un repère à souvenirs. Les premiers pas m’inquiètent déjà, la neige dure est là, vais-je assurer sur ces deux jours ?
Du lac des Bouillouses, nous empruntons le GR10 que je connais déjà, qui remonte jusqu’à la Portella de la Grava. Ce qui est bien avec la randonnée, c’est que tu as beau faire le même parcours, les paysages fluctuent en fonction des saisons. Je gardais un souvenir mémorable de ce parcours à deux jours de la fin de ma première longue randonnée en solitaire. Aujourd’hui, ce n’est plus la fin de l’été qui s’annonce mais bien le début de l’hiver. Mon regard se pose sur les herbes vertes tendres qui ont été balayées par le vent. Saupoudrées de neige quelques jours auparavant, elles semblaient délavées à mesure que nous avancions sur le sentier. Parfois nous en perdions la trace, jonglant parmi la neige fondue et les eaux surprenantes au détour d’une motte de terre. Mais le chemin finissait toujours par réapparaître.
Puis, il avait suffit de s’éloigner de quelques kilomètres pour ne trouver aucune âme qui vive dans les alentours. Après avoir remonté, depuis le parking, la partie Ouest du lac des Bouillouses, c’est la Têt que nous suivions sur sa rive gauche. Nous passons l’Estany del Raco pour bifurquer un peu plus loin vers la gauche, en direction de l’Estanyol, pour ensuite monter au col de la Portella de la Grava. De là, les étangs de Lanoux et de Roset se dévoilent au loin, dans une lumière d’après-midi automnale. La neige s’est faite rare sur cette partie du GR10, que nous quittons pour rejoindre le GR7 à la cabane de Rouzet.
Au moment de rejoindre la petite cabane de pierre, c’est une horde de mouflons qui nous surprennent. J’avais appris quelques semaines auparavant dans les Alpes-de-Haute-Provence, que les mouflons étaient une espèce introduite et non endémique au département. Quelle ne fût ma surprise d’en voir dans les Pyrénées ! Les tous premiers auraient été introduits en 1957 par la Fédération Départementale des chasseurs des Pyrénées-Orientales…
Mais nous devons nous hâter, le jour descendant rapidement en ce mois de novembre. Nous avons l’étang de Lanoux à longer et la cabane du soir à découvrir. Nous nous engageons donc sur le GR7 ou le GRP du tour du Carlit, pour rejoindre les contre-forts du barrage de Lanoux. À vrai dire nous avions hésité à commencer notre boucle de Porté-Puymorens pour raccourcir notre temps de route et rejoindre le lac par le GR7, mais le vent annoncé et le manque de cabanes du côté du Lac des Bouillouses nous contraignit à ne pas le faire.
Arrivés au bout du lac, nous empruntons un PR pour rejoindre la Maison des Ingénieurs du Lanoux. Une partie tout confort et chauffée est accessible aux employés, qui pourront obtenir la clé après réservation. C’est cette porte que nous ouvrons, trouvant à notre grande surprise une salle propre avec cuisine et un cocon chaud. Nous posons finalement nos affaires dans le petit refuge adjacent, non chauffé, mais composé de lits superposés rustiques, de matelas et de couverture. Nous passerons la nuit là, à l’abri du froid dans ce coin ouvert aux randonneurs.
C’est le jour de la grande ascension. Nous partons vers 8h pour rebrousser le chemin de la veille, retrouver le GR7 puis prendre sur notre droite sur le HRP. La Haute Route Pyrénéenne se suit à l’aide des cairns. Elle promet aussi, à l’image de mes souvenirs, un sentier de pierriers scabreux.
Heureusement la première partie est douce jusqu’à l’étang dels Forats. Il nous reste un peu plus de 400 m de dénivelé pour atteindre le Puig Carlit, plus haut sommet des Pyrénées Orientales. La voie se dessine assez rapidement sous mes yeux. « C’est bien là, que nous montons ?! ».
On nous avait prévenu ! La voie Ouest semble aérienne et je croise les doigts pour que la glace n’ait pas profité de l’ombre pour se former sur les pierres glissantes. Nous laissons dans notre dos l’étang dels Forats et la Serra de les Xemeneies pour nous engager sur le pierrier. Le chemin zigzague sur le sol gris et le cardio s’accélère dès nos premiers pas. À mesure que nous avançons le sentier s’incline plus hardiment. Mon corps suit la trajectoire pour ne pas se faire entrainer dans le vide, par mon sac trop lourd. Moi qui ait l’habitude de monter sur la pointe des pieds, je me retrouve à dérouler chaque pied pour pauser ma plante sur le sol glissant.
Tantôt de glace, tantôt roulant, le chemin qui se présage s’amorce d’un pas lent. Je tente de trouver une échappatoire pour finalement rester sur la trace qui me mènera péniblement jusqu’au dernier couloir. Ici, il suffit d’un brin d’escalade pour atteindre le col et se laisser happer par la vue sur les lacs. C’est splendide ! Encore quelques pas sur la droite et nous atteignons la belle croix du Carlit, pour une pause gourmande bien méritée.
Maintenant il va falloir descendre. L’aller s’est fait sans crampons et les randonneurs que nous croisons nous confirment que la descente se fera de même. De ce côté du Carlit, les marcheurs sont beaucoup plus nombreux. C’est que l’ascension du Carlit par la face Est reste la plus accessible.
Ici la neige est beaucoup plus présente et je prends mon temps pour ne pas glisser. Heureusement que les pas sont déjà formés, mes pieds s’engouffrant dans les traces laissées par les autres. Je profite du passage des randonneurs montants, pour admirer les lacs devant moi. Nous suivons les balises jaunes, tantôt les pieds dans la neige, tantôt sur la terre sèche, pour nous diriger vers le lac de Sobirans qui semble former un cœur au loin.
Le lac sur notre gauche, nous choisissons le chemin de droite nous éloignant des étangs de Trebens et del Castellar pour nous rapprocher de l’Estany Llong. C’est d’ailleurs devant l’étang de Vallell que nous pique-niquerons avant de rejoindre le lac des Bouillouses, notre point de départ à 1h de là.
Je n’aurais pas eu à chausser les crampons cette fois-là, mais c’était réconfortant de les avoir dans le sac et ils me semblent obligatoires dès que la neige pointe le bout de son nez. Mon inconfort et ma peur de glisser demeurent quand la neige est dure et un brin gelée, mais je me rends compte que je ne suis plus tout à fait au même niveau que lors de mon Tour du Queyras en raquette. Novembre n’est clairement pas mon mois de randonnée préféré, laissant un peu trop planer le doute entre la fin de l’automne et le début de l’hiver. Et pourtant la boucle de deux jours dans les Pyrénées Orientales, avec l’ascension du Carlit, fut un délice sans nom !
Si je devais la refaire, je ne la ferais pas dans l’autre sens, la face Est me semblant plus facile à descendre. En tout cas, ce coin des PO offre des opportunités à couper le souffle à longueur d’année, et je suis sûre que j’y reviendrai chercher d’autres itinéraires de plusieurs jours. D’ailleurs vous en connaissez ?