Updated on octobre 9, 2019
TCQ #1 – Les voyages de presse
Tout ce que l’on ne vous dit pas sur les voyages de presse ! *
Point de vue de l’attaché de presse
Trouver un sujet, les idées, construire le circuit, contacter les prestataires, négocier les prix, préparer l’invitation presse, concocter sa liste de presse, inviter les journalistes, les relancer, les convaincre, les reconvaincre, lister les journalistes présents, veiller à ce que tout soit calé avant le jour J, les accompagner, s’assurer que tout se passe bien, être souriant faux cul avec les journalistes (pas tous hein, il y en a qui sont sympas !), tâter leurs ressentis, achever le voyage de presse en beauté (de préférence). Mais ce n’est pas fini ! Au retour, remercier les prestataires pour leur accueil (pour entretenir de bonnes relations, car c’est eux qui font l’activité touristique de la destination, eux qui vous font des tarifs dérisoires dans l’espoir que le journaliste les citera dans leurs écrits, eux qui permettent de faire vivre le voyage !)… remercier les journalistes, tout en les relançant, en leur rappelant gentiment qu’en échange de ces quelques jours gracieux, ils ont plutôt intérêt à vous pondre quelque chose dans leur magazine.
Vous l’aurez compris organiser un voyage de presse c’est du boulot ! Et une pression de fou, parce qu’il faut que tout se passe bien… parce que le but en soi d’un VP (raccourci utilisé dans le milieu, la classe !), ce n’est pas de balader le journaliste ou de le faire partir en vacances, mais c’est vraiment de l’impliquer au cœur de la destination, de l’emmener à découvrir des coins pas forcément connus autour d’une thématique, de le pousser à écrire des articles sur le sujet que l’on souhaite ! Et oui le voyage de presse, c’est un outil de manipulation de promotion qui demande beaucoup de sang froid et un brin de budget tout de même.
Mais ne vous inquiétez pas le journaliste sait où il met les pieds !
Point de vue du journaliste
« Tiens ! Encore un voyage de presse, dans le trou du cul de la France… »
Et oui ce n’est pas toujours évident d’être journaliste, d’autant plus que les invitations aux voyages de presse ne sont pas toujours bien ciblées. Du coup, on se retrouve avec une offre de 3 jours au cœur de la campagne auvergnate, alors que l’on écrit pour Citymachin… une proposition au cœur d’un hôtel de luxe **** alors qu’on est journaliste chez randomag et que notre cœur de cible, c’est la classe moyenne adepte d’aventures et d’auberges de jeunesse.
Oui, vous me direz que tout ça est alléchant ! Qu’en tant que journaliste on a une chance monstre et qu’il serait vraiment dommage de passer à côté de telles opportunités !
Mais vous croyez quoi ? Qu’un voyage de presse, c’est des jours de vacances tout frais payés ?! Non (à 50%) ! Ok… c’est au frais de la princesse, mais… partir en VP c’est bien aller travailler ! Car pendant que nous partons à la découverte des merveilles de l’Auvergne, c’est les articles au bureau qui s’empilent, les deadlines qui approchent et les pages blanches qui trépignent ! S’absenter, c’est perdre du temps sur ses projets pro, temps que l’on sait précieux. D’autant plus qu’au retour, à ajouter à la pile de travail qui s’est agglutinée, c’est bel et bien un article que l’on doit rédiger sur la destination visitée, ce sont ses notes à déchiffrer, ses idées à aligner, ses mots à mesurer (car oui, au final, on a bien été invité…). Un travail de longue haleine donc, à fournir, au retour de ces 3 jours pluvieux dans le creux des volcans (non il ne pleut pas toujours en Auvergne).
Oh ça oui, on en a profité ! Après l’arrivée en train ou en avion, c’est une déferlante d’activités qui s’enchainent… à peine le temps de respirer, qu’il est déjà l’heure d’aller visiter un musée, déguster un Bordeaux ou écouter la guide qui nous parle de guerre de religions. C’est le cerveau en ébullition que l’on essaye, tant bien que mal, de prendre quelques notes, histoire de ne pas en perdre une miette et de ne pas passer 3 plombes à rechercher l’info au retour. Mais gribouillage ou photo, il faudra choisir… car tout est chronométré. C’est bel et bien au pas de course que l’on s’engage dans un voyage de presse. La destination a tant de choses à montrer qu’il serait dommage de tout manquer. L’organisateur a beau alléger le programme, il faut bien « rentabiliser » le voyage.
Ouf, le soir arrive, c’est l’heure du diner. Un peu de répit… quoique l’on se sent bien obligé de papoter avec son voisin de table. Arrivé dans sa chambre d’hôtel, c’est épuisé qu’on se jette sur le lit. Même pas le temps de profiter des chocolats offerts par la maison, d’admirer la vue, de profiter de la baignoire auto-massante ou des 126 chaînes aux films désaltérants. C’est littéralement exténué qu’on s’endort, en se disant qu’une chambre de la sorte c’est bien dommage d’en profiter seul et qu’un logement moins mirobolant aurait fait l’affaire.
Comment ? Jamais content ?
Si si ! Le VP offre la possibilité de s’émerveiller, de découvrir des endroits auxquels on n’aurait pas pensé, de profiter d’un accueil chaleureux (un peu trop d’ailleurs) et de s’immerger dans une ambiance bon enfant où tout est beau et rose. Mais en parallèle, on ne choisit pas son programme (en général…il faut bien sur noter que la planète compte quelques privilégiés), la personne en charge nous montre ce qu’elle veut et il apparaît dur de se mettre à la place d’une personne lambda venue en touriste, visiter tel domaine. C’est un peu comme si on vous mettait un filtre « Instagram » devant les yeux.
Mais n’oublions pas que le voyage de presse reste bel et bien un fabuleux outil, pour montrer au monde entier aux français, les délices d’une destination, qu’elle soit connue ou non. Promouvoir des coins méconnus, faire découvrir un musée sous un angle particulier, susciter l’intérêt, l’émotion, tel est le but d’un tel projet. Cela reste peut-être un travail avec des points positifs et négatifs, mais l’on en retient au final un article, le précieux, qui vous incitera peut-être, à tenter l’aventure et à la transmettre. Car oui, avant le bouche à oreille, c’est une véritable source d’inspiration que l’on trouve dans les magazines et derrière cela se cache toute une démarche presque laborieuse. Mais si le résultat est là, ce sont des petits paradis sortis à la lumière du jour, qui raviront vous et moi.
* l’auteur de cet article ne doit pas être tenu responsable de votre manque de second degré. Merci.
Très drôle et très juste. J’ai bombardé de questions les responsables de mon premier voyage de presse. Novice, j’ai regardé avec des yeux ronds les journalistes qui semblaient sauter d’un VP à un autre.
La remarque sur le « filtre Instagram » posé sur le regard est parfaite, c’était mon impression tout au long du voyage. Je manquais de ces moments de solitude, d’ennui, ces petits moments dérisoires, aléatoires, qui construisent pourtant notre regard en voyage.
NowMadNow
C’est drôle à lire car j’ai été formé à créer des VP et l’équation parfaite était à l’époque (il y a 10 ans) : tout montrer et laisser respirer… Il semblerait que le laisser respirer ne soit plus de mise.
(je n’ai jamais eu à en créer pour des groupes, seulement pour des journalistes qui m’ont toujours semblé un peu perdu vu où j’ai travaillé).
« Le tout montrer et le laisser respirer » est une équation assez difficile à mon sens. Mais le but premier de cet article était de montrer qu’un VP n’est pas synonyme de vacances (comme l’entourage le fait souvent remarquer), que l’on soit journaliste ou attaché de presse.