Updated on octobre 9, 2019
La solitude en voyage
Déjà un an et demi que je suis sur la route.
C’est une expérience extraordinaire, qui me permet d’évoluer au fil du voyage et des rencontres.
J’ai beau voyager seule, je ne le suis jamais ! Après 5 mois de voyage en Nouvelle-Zélande, je ne rêvais que d’une chose: m’enfermer dans une pièce, le temps d’une soirée, histoire de pouvoir me retrouver seule avec moi même.
Depuis j’ai changé. J’ai appris à me créer une bulle, même avec des gens autour. Appris à prendre du temps pour moi, même si mon voyage s’agrémente de HelpX, couchsurfing et autres magnifiques moyens d’aller à l’encontre de l’autre et de sa culture.
Mais aujourd’hui faut que je vous le dise… tout n’est pas beau et rose en voyage. Il y a les coups de blues, les remises en question, les incertitudes, les déceptions. Tout comme dans la “vraie” vie quoi ! Et quand on voyage seule, la solitude nous pèse encore plus parfois.
À mon arrivée en Australie il y a de cela 3 mois, j’avais un plan: trouver du boulot pour une longue période, histoire de me poser et de reprendre des forces. Mais vous le savez peut-être déjà, les plans sont faits pour être changé. Il y a quelques semaines en arrière, j’ai décroché un job dans une station de ski (oui vous avez bien lu, il neige aussi en Australie !). C’était parfait ! Un boulot pour la saison, un très bon moyen de rencontrer plein de gens et l’occasion parfaite pour apprendre à skier. Mais voilà, le jour de mon départ en train, j’ai fini par m’écouter et tout annuler.
«Le voyage est riche en enseignement. J’ai appris à m’écouter, à suivre mes intuitions et mes émotions. Le voyage m’a aussi montré que j’étais seul maître de mes décisions. »
Je n’avais pas de plan B, les finances en vrac et personne pour me conseiller.
Je me suis sentie seule, très seule.
Moi qui vait souvent de l’avant, j’ai pris du recul, physiquement et moralement.
Je suis allée me réfugier chez mon ancien hôte HelpX, pensant que son environnement confortable et sécurisant me remettrait en phase avec moi-même.
J’ai passé un bon mois à tout remettre en question.
Le pourquoi j’étais là. Pourquoi je n’étais pas en France à développer ma carrière professionnelle. Pourquoi à bientôt 30 ans, je n’étais pas posée avec un mec et un gosse. La situation personnelle de mon hôte me mettait en face des yeux ce que je ne voulais pas voir et les questions incessantes que je voulais éviter résonnaient à haute voix: “Qu’est-ce que tu vas faire de ta vie ?” “Quand vas-tu rentrer au pays ? Si tu rentres, penses-tu encore bosser dans le tourisme ?” “Ton amie de maternelle a un gosse de 2 ans et demi, t’attends quoi ?”.
J’avais beau ne pas être seule “physiquement”, la solitude s’est engouffrée. Mes amis me manquaient, ma famille, mon pays… Je me suis rêvée en France, dans ma maison de campagne, dans ma chambre. Je me suis demandée s’il n’était pas temps de rentrer, de retrouver une routine, un schéma réconfortant, un peu de calme.
J’ai voulu troqué l’excitation de ma vie actuelle, pour une vie plus zen sans prise de tête. Car voyager c’est pour moi: ne pas savoir où je vais dormir le soir, comment je vais m’organiser pour les repas, est-ce que mes finances vont suivre, trouver du boulot dans un lieu inconnu, ne pas se faire arnaquer, les limites de mon visa à prendre en compte, la concurrence avec les autres backpackers et s’adapter, toujours.
« Derrière le voyage se cache une logistique immense qui te demande d’avoir la tête sur les épaules et de l’énergie en permanence. »
Alors j’ai appelé à l’aide…
C’est bien beau d’être indépendante, de vivre sa vie comme on l’entend, mais parfois on a besoin de ses proches. Et mes proches étaient loin à ce moment là.
Pour certains de mes amis, la distance ne change rien… pour d’autres, on s’efface. C’est dans ces moments là que tu sais sur qui compter ou pas. Alors est-ce que je peux en vouloir à ces personnes de ne plus me demander comment ça va, parce que je suis à l’autre bout du monde ?
Je me suis même demandée si j’avais le droit d’être malheureuse dans un pays où beaucoup de monde rêve d’aller. Je me suis sentie coupable de ne pas être au top de ma forme en Australie. “Mais attends quoi ! T’es en Australie ! T’as trop de « chance » ! Tu te rends pas compte ou quoi ?! C’est quoi ton problème ? Profites-en, au lieu de pleurer dans ton coin.” Bon j’avoue… cette phrase je m’en suis servie moi-même pour aller de l’avant. Puis je me suis aussi rendue compte que non, j’avais tout autant le droit d’avoir des coups de mou que quelqu’un qui avait choisi de vivre une vie plus pépère (parce que oui, la vie est un choix).
« Hors j’ai l’impression qu’en voyage tout est décuplé parce que ce que tu vis est éphémère: les rencontres, les émotions, la solitude. «
J’ai envié ces couples qui voyagent à deux, leur permettant de se reposer l’un sur l’autre à tour de rôle. Puis je me suis dit que la solitude pouvait frapper tout le monde.
« Moi, je me la suis prise dans la gueule. Sèche, ingrate et associable. J’avais beau être entourée physiquement, je me suis sentie très seule moralement. »
Alors j’ai repris la route, je suis allée de l’avant, comme je l’ai toujours fait. Vous pouvez appeler ça de la fuite, mais l’avantage en voyage c’est que le mouvement est plus facile. La solitude semble, par contre, plus intense.
« La solitude ça a du bon aussi. Elle nous porte sur un plateau les remises en question, qui nous permettent d’avancer… dans le voyage, dans notre bien-être, dans notre vie de tous les jours. »
Comme dirait Maxime de Détour Local, dans son magnifique article qui éclaire mes maux: “C’est peut-être ça le repos idéal. Prendre le temps de se questionner sur un rien et voir comment on en ressort à l’autre bout. Décrocher ou s’accrocher. Partir ou revenir. S’arrêter ou continuer. Mais sans jamais oublier d’avancer.”
La solitude donc… ou l’art d’évoluer doucement.
Tout ce que tu décris là, la plupart des voyageurs le disent en quelques lignes dans un billet sur leur blog pendant leur grand voyage. Avec une tendance à l’enfouissement pour ne pas en dire trop.
Or toi, tu choisis l’inverse: foncer dans le vrai, le spontané pour décrire avec précision que nous vivons tous à un moment ou plusieurs moments dans le grand voyage (quelque soit sa forme).
Je me reconnais complètement dans la perte des repères, dans la solitude qu’il faut gérer, dans la fabrication d’un nouveau mode de fonctionnement interne. Rien de mieux que le grand voyage pour éplucher, vider, rincer tous les parasites de notre éducation, schémas de pensée pour laisser place à l’instinct, au coeur.
Voilà ce que je peux te dire pour ce que tu vis maintenant. Ensuite, sois en sur, cela te servira par la suite, comme cela m’a servi et me sers maintenant. Une énergie nouvelle, une force plus directe, moins filtrée vient et te permet d’avancer !
On nait, on vit et on meurt seul. Apprendre à faire seul procure une grande force. Une fois qu’on a compris ça, on peut faire nos trucs !
Bon vent Lucie !
J’aime la simplicité et la spontanéité. J’ai essayé de révéler certains maux du voyage dans ce sens, mais ça n’a pas été évident.
Merci pour ton retour d’expérience Manu et tes mots toujours choisis avec soin et force. On se sent de suite moins seul 😉
Très beau texte ! Et tu as tout résumé « parce que oui, la vie est un choix » et que ça n’a rien à voir avec de la chance.
Continue à aller de l’avant comme tu le fais. Et puis si un jour tu veux rentrer au pays, fais le et ne t’inquiète pas, rien n’est irréversible. Si tu repars, certains de diront sans doute que tu est « instable » mais qu’importe…
Biz et « enjoy your trip » 🙂
Merci Bab. Oui tu as bien raison quand tu précises que rien n’est irréversible.
L’être humain est ainsi fait qu’il oublie au fil du temps les temps durs et garde les bons souvenirs, à moins que ça soit une sorte de déni, je ne sais pas trop. Mais à te relire, c’est vrai que je reconnais certains passages à vide que j’ai pu connaître. Des questionnements « et si j’avais décidé de partir trop longtemps », « et si je rentrais ».
Mais c’est clair que trouver du soutien dans ces périodes n’est pas chose facile comme tu le dis. Et même sans fierté mal placée, il n’est pas forcément évident de se l’avouer à soi même, et donc qui plus est de chercher du soutien.
Des passages à vide, on en connaît également chez soi, sauf qu’ils nous semblent sans doute moins incongrus.
Oui je dois avouer que j’ai écrit mon article après coup car il n’est pas évident de mettre des mots sur ses émotions.
Les coups de blues chez soi sont sans doute tout aussi fort et important, mais le fait de connaître son environnement et d’avoir ses proches sous la main, aide surement à passer outre plus doucement. Qui sait.
Il est vrai qu’au final, on oublie et le meilleur reste 🙂 Merci pour ton passage Laurent !
Magnifique texte. Pour différentes raisons, tes mots me parlent 🙂 merci pour ce beau témoignage!
Merci Clara pour ton petit mot ! 🙂
Coucou Lucie, très bel article 🙂 Je le découvre à un moment où il fait particulièrement écho à certaines de mes humeurs et de mes questions.
À ta question « ais-je le droit d’être malheureuse dans un pays où beaucoup de monde rêve d’aller ? », je me suis parfois posée celle « ais-je le droit d’être malheureuse dans cette année sabbatique que j’attends depuis si longtemps et que tant de gens rêvent de vivre ? ».
Le droit, qu’on l’ait ou pas, on finit toujours par le prendre de toute façon 😉 Oui, le coup de blues, ça arrive à tout le monde, même les voyageurs en couple. Tout le monde peut se sentir seul/perdu, comme tu le soulignes si justement.
Un article très juste, très personnel et en même qui doit parler à beaucoup de voyageurs…
Vivant une phase de transition, pas vraiment rentrée et pas encore repartie, je suis passée (et passe encore) par des phases de remise en question totale. De mes projets. De ma vie. De mes espoirs. De moi… Personne ne peut vous accompagner dans les profondeurs de ces doutes. C’est seul qu’on y descend et seul que l’on doit se créer le chemin pour remonter. Un pas après l’autre. Le plus important pour moi, c’est cette lumière au bout du tunnel, ce phare : un projet futur, un but qui motive et donne envie d’avancer, encore.
C’est le sujet que je développe dans l’article que je publie demain sur le blog. Entre nostalgie et espoirs, une transition de voyage pas si évidente à vivre…
Merci pour ton témoignage Amandine ! ça me rassure un peu de ne pas être la seule à me poser ce genre de question. Il est vrai que lorsque l’on a un rêve et qu’on est entrain de le vivre, on se demande s’il est justifier de le remettre en question.
Tu résumes très bien mon sentiment général quand tu écris que nous sommes seuls dans « les profondeurs de nos doutes ». La petite lumière ou le futur projet sont également mes facteurs moteurs… La vie est un voyage, avec ses embuches et ses remises en questions 🙂
Je file lire ton article !
beau texte ! Qui croise avec des questions qu.on se pose toute la vie . Nous sommes des êtres sociaux et pourtant nous avons aussi besoin de liberté.
Merci Michel.
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