C’est l’histoire d’un rêve. Le rêve d’une petite fille qui se voit aventurière, assise sur un traineau, voguant dans les immensités blanches du Canada. Il y a des rêves que l’on met de côté, pour mieux les côtoyer à l’âge adulte et pourtant à l’aube de leur réalisation on doute encore.
Il est 18h, j’ai rejoint Toulouse pour rejoindre les 3 gars avec qui je suis censée partir vers le Néouvielle. Un moment déjà que l’on me fait miroiter ses beautés aux milles lacs. La route est longue avec les embouteillages toulousains et les départs en vacances. On dirait que tout le monde a découvert les joies de la montagne cette année. La météo s’annonce mauvaise dans les Hautes-Pyrénées, mais une fenêtre de quelques heures devrait nous offrir assez de temps pour l’ascension du Pic.
Arrivés au lac d’Aubert à 2150 m, nous nous installons à l’aire de bivouac juste derrière le barrage. Il n’ y a pas foule au vu du temps annoncé, et on profite de notre première soirée pour prendre des forces en compagnie des moustiques et réaliser ce qui nous attends…. du moins pour moi. Je suis la seule à ne jamais avoir fait l’ascension du Néouvielle et l’idée de traverser des névés, fréquents à cette période de l’année ne m’enchante pas (nous sommes début Juillet). Le seul 3000 que je me suis octroyée, était dans les Alpes au Mont-Thabor. Le Mont Perdu, dans les Pyrénées Espagnoles fut restreint par la neige de la vielle, le Néouvielle sera donc mon premier 3000 pyrénéen.
Le lendemain, notre guide du jour semble galérer. La première montée au détour du barrage l’emmène à cracher ses poumons. Je ne suis pas encore en confiance. Je sais qu’il me faut toujours un peu de temps pour trouver mon rythme, et je me suis souvent répétée que la première demi-heure était la plus dure. Laissons-lui le bénéfice du doute. Le réveil à 6h du mat fut corsé. Le programme du jour est de trouver un névé, assez sécuritaire pour que l’on puisse s’y laisser glisser.
La neige n’est plus… où du moins c’est ce que l’on croit à la vue de nos 400 m de dénivelé monté. Notre guide, ancien personnel du CAF, finit par trouver la forme et grimpe vaillamment à l’affût d’un terrain de jeu. Je ne suis clairement pas enthousiaste à l’idée de jouer au toboggan, ayant peur de tout ce qui glisse. Partir au ski ne fut jamais un délice pour ma part, n’ayant pu profiter des compétences de mon père, petite. Pourtant il va falloir que j’y passe. Le névé est trouvé ! Glissant, finissant en pente douce. Il est temps de se lancer.
Les gars se jettent de tout leur corps en haut de ce nevé, qui finit par naturellement ralentir leur chute. Je vois bien que ce n’est pas dangereux et pourtant tout mon corps bloque face à l’idée de se lancer pour le plaisir. Comment peut-on y trouver une once de positif lorsque l’on est tétanisé par la peur ? Je cache tellement bien mes émotions que notre guide du jour nous raconte les pires anecdotes qui arrivent aux personnes qui tombent d’un névé. « C’est mieux d’en avoir conscience » nous dit-il. Je rigole nerveusement. « Allez Lucie c’est à toi ». « Non merci, ça ira ». Regard interrogateur, notre compère finit par comprendre que c’est la peur qui me tétanise. Moi, j’ai surtout honte de ne pas être à la hauteur des 2 autres. Je n’ai aucune envie de faire perdre leur temps à ceux qui m’accompagnent et oublient complètement pourquoi je suis là. Celui qui n’arrivait pas à avancer au début de la journée, finit par trouver les mots. « C’est normal d’avoir peur, cela signifie que tu as la tête sur les épaules ». Je monte doucement le névé et m’assoie telle une enfant qui essaie le toboggan tétanisée pour la première fois. Je descends, me sentant ridicule d’avoir eu peur de ça. Je remonte le névé un peu plus haut cette fois, et il est temps de me faire tomber dans la neige pour apprendre à me retourner telle une grenouille agrippée à la paroi. « C’est bien ! » m’encouragent les gars. On finit par passer au piolet, puis à se faire tomber encordés. Le terrain de jeu devient de moins en moins pentu à mesure que nous avançons dans notre apprentissage.
Il est déjà 12h, nous sommes exténués tels des gosses qui auraient trop joués dans la neige. L’orage est prévu à 15h. Il nous reste seulement 500 mètres de dénivelé à faire. Pas de nuages gris à l’horizon, annonciateur de mauvais temps: l’ascension sera pour aujourd’hui. Pique-nique sur les pierres chauffées par le soleil au dessus de notre névé de jeu, puis petite sieste avant de continuer.
En juillet, la neige est encore là, facilitant notre avancée jusqu’au pic. En effet, elle recouvre goulument le pierrier géant que l’on rencontre dès le mois d’août. Je me retrouve donc devant le névé le plus grand de ma vie. Mais la leçon du matin permet de me laisser avancer confiante. Parfois la neige n’est plus et il faut jouer l’équilibriste sur les gros cailloux glissants. Mais j’avance consciencieusement et la pente me semble plus facile que ce que j’avais appréhendé.
Malgré le levé matinal et les fausses glissades, j’ai assez d’énergie pour espérer atteindre les 3091m du Néouvielle. Nous avançons sans crampons, la neige étant trop molle, le piolet à la main, la tige longue plantée dans la neige. Le mien pèse une tonne et me semble plus lourd qu’un sac de 20kg sur le dos. Je suis reconnaissante que l’on ait pu me le prêter pour le week-end. Je me dis qu’un piolet de ce genre me permettrait de tenir debout sur une planche, les bras musclés, la prochaine fois que je penserais m’aventurer à surfer en Namibie. On ne manque pas d’humour à la montagne !
Je me recentre sur mon objectif et en profite pour prendre quelques photos. Notre guide a l’air stressé de mes aventures matinales et propose de m’encorder sur certains passages. Je ne suis pas de cet avis, mais me laisse faire pour le rassurer. Après tout c’est lui qui a le plus d’expérience, mais la corde qui s’emmêle dans mes jambes ne serait-elle pas de trop ?
Heureusement nous atteignons la fin du névé, qui nous laisse face à un amas de grosses pierres à grimper. Nous les franchissons doucement, en compagnie de deux jeunes randonneurs. Une fois arrivés au sommet, on nous propose de fêter l’arrivée à coup de « pompotte magique ». Nous refusons gentiment et profitons de la vue bercée par les nuages. L’ orage prévu semble encore loin, mais nous ne tardons pas à entamer la descente que, bien sûr, j’appréhende.
Le piolet arnaché sur mon sac cette fois, c’est les deux pieds joints que je descendrais le névé, jusqu’à retrouver notre base matinale. Il ne restera plus que les 400 mètres de dénivelé négatif à franchir, avant de replanter la tente, sur notre zone de bivouac.
Nous nous levons un brin plus tard que la veille. Nous avons passé la nuit sous l’orage, mais nos tentes ont tenu le coup et fini par sécher. Un grand soleil nous accueille matinal, tandis que les moustiques prennent plaisir à nous dévorer. Le petit-déjeuner s’avale vite et nous optons pour une randonnée autour des lacs. Je suis ravie ! Moi qui pensait que nous aurions seulement le temps de l’ascension, j’espérais apercevoir les eaux tant citées du coin.
Du parking où nous avons laissé notre matériel de bivouac, nous contournons le lac d’Aumar, puis prenons le chemin vers le col au même nom. Je carbure de bon matin. Si je m’arrête dans la montée, je ne suis pas sûre de pouvoir repartir. Arrivés au col, nous croisons une famille avec de jeunes enfants, qui viennent de passer la nuit dans les contrées peu exploitées du Néouvielle. Pour rappel, le bivouac est interdit dans la réserve naturelle et seulement toléré sur l’aire réservée.
Du col, nous repérons le lac vers lequel nous souhaitons nous diriger: le lac supérieur. Le lieu est splendide et nous offre des vues sur le sommet de la vieille et le chemin parcouru. On ne m’avait point menti sur le Néouvielle. La zone semble moins exploitée que les gros lacs près du parcours. Nous avons trouvé un terrain de jeu où nous sommes seuls. Nous nous posons le temps d’un pique-nique et d’une sieste, avant de rejoindre le lac de l’île et celui de l’Ours, où nous finissons par nous égarer hors sentier.
Exténuée, l’énervement finit par prendre le dessus après une journée conviviale parmi les splendeurs pyrénéennes. Mon intuition me chuchote de ne pas passer par là, et pourtant le gps gagnera la manche des décisions. Comment leur expliquer cet outil formidable qui m’a maintes fois accompagné en voyage, basé sur aucune technologie, ni recherche scientifique ? Nous faisons demi-tour et la fatigue l’emportera jusqu’à notre retour sur Toulouse, au camp de base.
Un chapitre s’est clos, mais m’amène 2 mois après à reprendre la route pour un sommet d’une même envergure. Souvenez-vous: l’expérience se déguste, humble face aux montagnes.
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