Le Parc naturel du Queyras, je l’ai découvert un peu par hasard pendant une recherche d’emploi. J’avais envie d’allier mes compétences professionnelles à la montagne et une offre s’était présentée à moi. De fil en aiguille, j’ai voulu y aller plusieurs fois. Mais au départ de Toulouse, la route semblait longue et sans alternative en transport en commun. J’ai donc fini par remettre ce projet à plus tard… jusqu’à cet hiver de janvier 2022. Une semaine de vacances et c’était l’heure de partir à la conquête des Alpes, après plus de 2 ans à opter pour un tourisme ultra-local. Voici mon aventure : le Tour du Queyras en hiver.
Optant pour du covoiturage, la route passe d’arrêts aux abord de l’autoroute en conversations. Nous finissons par arriver tard le soir, jusqu’à un petit village du nom de Montbardon. Nous devions à la base dormir directement sur Ville-Vieille, mais les propriétaires ont annulé notre réservation pour cause de Covid. Même en vacances, il nous rattrape. Heureusement j’ai fini par trouver un petit Airbnb de dernières minutes avec des locaux flexibles. Après une montée glacée qui nécessitait des chaînes, à des virages serrés, nous finissons par atteindre le village, où nous ne trouvons pas un chat. Garés prêt de la fontaine, nous avançons vers les maisons afin de trouver notre coin pour la nuit. Un aligot et de la confiture de « grate-cul » plus tard, il est temps de rejoindre Ville-Vieille, notre point de départ.
Distance : 11 km
Dénivelé : 888 m D+ | 250 D-
De Ville-Vieille, nous empruntons le chemin qui bifurque vers la gauche, vers le Sommet Buchet. Nous nous enfonçons rapidement au cœur de la forêt, grimpant doucement vers un brin de soleil. On chausse rapidement les raquettes. Il n’a pourtant pas neigé dernièrement, mais le sentier semble finalement peu fréquenté et nos pieds s’enfoncent au creux d’un nuage blanc, légèrement croustillant.
Certains passages en côte montent fort, l’échauffement semble déjà dernière nous. Il ne faut pas s’arrêter très longtemps, pour garder la chaleur de la montée. Quelques touches de soleil semble se faufiler à travers les arbres. Lorsque la vue se dégage, je propose une pause déjeuner, dans un coin ensoleillé.
Finalement la pause sera courte. Le temps d’un sandwich et le froid nous gagne. Nous continuons donc notre route en direction de Molines-en-Queyras. La vue s’ouvre complètement et nous quittons la forêt pour regarder l’autre versant. Nous sommes encore loin de Saint-Véran, mais la neige s’enfonce encore plus profondément. J’envie l’autre côté, celui gorgé de soleil en cet hiver alpin. J’espérais pouvoir le rejoindre ce coin chaud, cet écrin de lumière, ce semblant de chaleur sur mes joues brunies de froid. Le chemin devient coquin avec des passages sympas. Heureusement que je ne suis pas la première à faire des traces. Saint-Véran finit par se rapprocher et nous rejoignons ses routes gelées pour enfin se réchauffer au cœur de notre gîte du soir : les Gabelous. Une chambre pour deux, un repas pour plusieurs groupes, et c’est la fin d’une première journée d’hiver sur le Tour du Queyras qui s’achève.
Distance : 8,4 km
Dénivelé : 549m D+
Nous quittons notre gîte tout confort avec nos chaussures un brin humide de la veille. Les boules de journal laissées à disposition ont fait leur affaire pour éponger le plus gros pendant la nuit. Je suis contente de quitter le côté forêt et j’imagine que la journée va être plus chaude que la première, de ce Tour du Queyras en hiver.
Au départ de Saint-Véran, nous empruntons la piste qui mène jusqu’au refuge de la Blanche. Celle-ci est damnée et les raquettes ne sont pas nécessaires. Nous faisons demi-tour pour récupérer le GR® 58, qui nous mène sur un chemin plus propice à l’amusement. La lumière matinale rase délicatement les montagnes d’une douce couleur orangé et nous profitons de cette avancée pour happer la beauté des paysages, qui se présentent à nous. La petite chapelle de Clausis se pose comme un point de repère et nous finissons par la rejoindre vers 12h.
« Et si nous profitions de la chapelle pour faire une pause déjeuner au soleil ? » Il était un peu tôt certes, mais j’avais le pressentiment que c’était le bon moment. Nous sortons nos victuailles. Le temps d’un sandwich et d’un carré de chocolat, nous voyons le soleil descendre rapidement jusqu’à atteindre les montagnes. Mon compagnon de route est gelé. Il commence à partir, tandis que je suis encore entrain de me dépatouiller avec mes raquettes. Pas le temps de digérer, le froid est tombé violemment et il faut absolument marcher pour se maintenir à flot.
De la chapelle au refuge de la Blanche, mes doigts s’endolorissent. Mes gants de ski sont à l’arrière de mon sac. Je reste avec mes gants de rando, cherchant désespéramment à les réchauffer, tout en marchant le plus vite possible pour rattraper mon compagnon de randonnée. C’est dommage. Les paysages autour de nous sont grandioses, mais l’ombre et le froid ne me permettent pas de les capturer. Ils nous laissent seulement avec la promesse d’un doux lendemain.
Nous finirons par atteindre le refuge tôt dans la journée, ravis de pouvoir se réchauffer au coin du poêle. Petit tour dehors pour prendre la température, le tour du lac gelé se finira au cœur d’un igloo déposé là.
Distance : 6 km
Dénivelé : 527m D+
En boucle
Nous avions décidé de rester 2 nuits au refuge de la Blanche. Et quelle bonne idée ! Un refuge 6 étoiles avec des repas de fou et un cadre exceptionnel. Sans le savoir, nous faisions la même route que deux groupes constitués, l’un à raquettes, l’autre à ski de rando. Les guides au top n’ont pas hésité à nous conseiller plusieurs fois et les gardiens du refuge également. C’était décidé : nous partions pour le Caramantran, un sommet finalement accessible en raquettes.
Pour se faire, nous empruntons le chemin longeant l’extrémité nord du lac, pour rejoindre le Col de St-Véran. La montée se déroule tranquillement grâce aux traces d’un groupe partis devant. Nous finissons par les doubler et suivons nos compères de table et de chambre, qui nous ont proposé la veille une gorgée de rhum venu tout droit de La Réunion. Ces derniers montent en ski de rando avec un bon rythme. La vue est grandiose et je n’arrête pas de m’arrêter pour prendre des photos.
Arrivés au col de Saint-Véran, l’Italie montre le bout de son nez. J’ai hâte de me trouver en haut des 3004 mètres du Caramantran pour avoir une vue à 360°. Depuis le début de notre périple, nous n’avons pas eu un seul nuage dans le ciel. C’est l’un des premiers jours, cependant, où nous profitons pleinement du soleil. Le pique-nique sommital, s’apprécie délicieusement, l’œil aguerri sur les sommets enneigés. Au moment de redescendre, nous croisons la guide et son groupe en raquettes. Elle nous montre au loin le sommet du Mont-Blanc et nous confirme que nous avons bien de la chance avec un temps si dégagé.
Pour redescendre, nous décidons de continuer tout droit au niveau du col de Saint-Véran pour rejoindre la variante du GR58. Le coin est moins fréquenté et la neige se gagne raquettes aux pieds. Mais quel délice de pouvoir faire ses propres traces, avec une sensation de poudreuse ! Nous devinons les contours du Lac Blanchet Supérieur recouvert de neige et rejoignons le lac inférieur. Dos à nous, le col Blanchet en impose et je repense aux compères de la veille qui avaient décidé d’y monter en ski de rando. Nous descendons le Vallon du même nom, à l’ombre cette fois, jusqu’au Lac de la Blanche. La journée a été excellente. Le soleil et la qualité de la neige y sont surement pour quelque chose et nous profiterons de nouveaux compagnons de table et d’un brin de génépi maison, pour clore notre dernière soirée au refuge de la Blanche.
Distance : 9,8 km
Dénivelé : 511m D-
Je crois n’avoir jamais aussi bien dormi pendant une nuit de pleine lune. Il est malheureusement temps de quitter la douceur du refuge, pour redescendre sur Saint-Véran, le plus haut village d’Europe.
Nous décidons de prendre un chemin différent que celui à l’aller, légèrement plus exposé au soleil. Du refuge, nous traçons tout droit vers le Petit Canal. Nous croisons nos compagnons de route, qui avec leur guide, partent en ski de rando vers un nouveau col, inaccessible en raquettes.
Nous finissons par apercevoir la chapelle, qui quelques jours plus tôt, nous avez servi d’appui pour notre pause du midi. Le soleil matinal rase avec mélancolie les couleurs hivernales. Je sens que le meilleur est déjà dernière nous, malgré les paysages splendides. Nous finissons par rejoindre le Petit Canal et devinons la mine de marbre, qui s’écoule en éboulis à nos pieds. Le vert scintillant de la pierre m’éloigne un court instant de mes pensées gelées. Il faut savoir que j’ai horreur de la glace et les prochains kilomètres vont être délicats pour ma part.
Le chemin est pourtant plat. Je trouverais péniblement chaque prétexte pour marcher sur la terre ou la neige, qui paraît encore assez craquante pour que je m’y enfonce. Mon hiver à Montréal semble déjà loin. Les matinées à descendre la rue de Champlain gelée sont révolues. Je ne sais si c’est l’âge qui me fait prendre conscience des risques ou une peur qui s’est inconsciemment glissée jusqu’à moi… mais le chemin qui semblait sympa de loin, se transforme en une mauvaise partie de poker. Après des heures qui me parurent éternelles, nous retrouvons Saint-Véran avec le temps devant nous, pour en faire le tour et apprécier ses multiples constructions faites de bois. Les beaux cadrans solaires de la plus haute commune habitée d’Europe me feront oublier mes péripéties. La montagne s’apprécie aussi au cœur des villages, autour d’une bonne gaufre locale.
Distance : 13,4 km
Dénivelé : 281m D+ | 885m D-
Le lendemain, il ne nous reste qu’une journée de marche avant de retrouver notre voiture. Nous voulions de Saint-Véran continuer jusqu’à Aiguilles, pour ensuite rentrer à Ville-Vieille. Mais nous avons décidé d’adapter notre parcours aux conseils des connaisseurs du coin. De Saint-Véran, nous nous dirigeons donc vers Pierre Grosse, pour ensuite continuer vers Prat Hauts afin de redescendre vers notre point de départ.
De la dernière habitation saint-vérannaise, nous croisons un patou, un magnifique chien de montagne des Pyrénées, qui s’approche vigoureusement après avoir aboyé goulument. Finalement il nous suivra sur notre première demi-journée, nous accompagnant fièrement jusqu’à notre 1er arrêt. Une petite pensée au Tour du Val d’Azun pour ma part, et je finis par mourir de honte lorsque arrivés sur une piste de ski que nous devons longer, notre gentil compagnon du jour se remet à aboyer et à courser les skieurs, à moitié confiants, à moitié craintifs. Ils mettent du temps à réaliser que le chien blanc comme neige, ne nous appartient pas et que nous n’avons aucun moyen pour le faire obéir, à part marcher vigoureusement vers nos destinations, espérant qu’il nous suive.
Nous reprenons notre route et finalement de Pierre Grosse à Vielle-Vieille ma mémoire faiblit. La neige n’est plus. La glace a repris le dessus; le dessus sur ma confiance, sur ma joie en montagne, sur ma liberté ressentie en randonnée, sur ma capacité à marcher, à avancer, à prendre du plaisir. J’ai passé des heures à me remettre en question et j’ai fini par faire de cette journée un lointain souvenir.
Distance : 8,7 km
Dénivelé : 582m D+ | D-
Après une nuit dans une auberge à Aiguilles, nous prenons la route pour Arvieux puis Brunissard, où nous rejoignons le parking du restaurant le Jamberoute. D’ici, nous traversons les pistes de ski de fonds, empruntant le GR5 pour l’Eychaillon. De là, nous suivons les quelques groupes de soixante-huitards qui se dirigent à raquettes vers les chalets de Clapeyto. Le temps d’une pause déjeuner, agrémentée des délices du coin, nous laissons les constructions dernière nous pour œuvrer notre retour par Le Collet. La neige est ici plus sympa avec un peu moins de passage, et je regrette doucement les journées sauvages du Queyras, où l’on se croyait seuls au monde.
Notre hôte du soir nous parlera du temps où les chalets de Clapeyto étaient réservés aux gens du coin. « Petite, on y allait fin juillet pour y passer l’été, à l’époque où il y avait encore des alpages. Aujourd’hui c’est les touristes qui ont pris le dessus, et même si nous y avons toujours notre cabane, la forte fréquentation ne rend point hommage au charme de ces étés d’antan ».
Le tour du Queyras en raquettes fut une belle aventure. Un premier trek hivernal pour ma part d’une semaine, inspiré des agences locales. Le coin semble fréquenté en été et l’hiver, la priorité est donné aux skieurs. Les randonneurs sont tout de même bienvenus et je pense que le moment était optimal pour profiter du côté sauvage du parc naturel régional. Je reviendrais dans le coin lorsque les mélèzes auront revêtu leurs couleurs feux à l’issue de l’automne. Et vous, connaissez-vous le Queyras ? ♥
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J’ai le sentiment que tu aurais été plus à l’aise avec des crampons d’alpi dans certains secteurs 🙂
chouette partage !
Merci pour ton commentaire Manu ! J’aurais été plus à l’aise avec des petits crampons de randonnée. Ceux d’alpi n’étaient pas du tout nécessaire… ma peur était bien plus grande que le danger en lui-même sur cette section. J’ai investi depuis 😉 J’espère que ça t’a donné un brin envie d’aller faire un tour dans le Queyras. 😀