Il y a des villes comme ça…

Qui t’assomme. Qui te font perdre totalement confiance en toi. Qui te ramène tout droit chez toi sans même avoir pris l’avion. Des villes avec qui tu as du mal au premier abord, mais dont tu te forces à apprécier certaines facettes parce que tout le monde est là… Oui pourquoi serais-tu si différente ? Pourquoi n’aimerais-tu pas une ville dont l’effervescence des stations de ski ou du winter festival regroupe la moitié de l’Europe ?

Queenstown

Son lac, ses montagnes la rendent belle. Ses petites ruelles parsemées de boutiques la dessinent attractive. Oui elle est charmante mais parfois trop superficielle.

Tu finis par t’y accoutumer, par y faire des rencontres. Les rencontres sont faciles ici… il suffit d’aller dans l’un des nombreux bars de la ville, tout le monde a le même statut que toi: celui de voyageur à la conquête du boulot en or pour l’hiver. Henry qui a trouvé un taff la semaine dernière sera sympa, voudra surement coucher avec toi car tu es française et ne te rappellera pas. Dave qui recherche ardument de quoi payer son backpacker depuis 3 semaines sera cool aussi, mais tu ressentiras un brin de concurrence dans sa façon de s’exprimer: “Ah mais non c’est trop trop dur ici, il y a pas de boulot (pour toi) et c’est pire pour trouver un logement”. La pression ressentie dès ton arrivée est encore perceptible et tu te demandes pourquoi tu es encore là à essayer de lutter avec ton anglais basique, ton accent pas très sexy pour les recruteurs et le peu de courage qu’il te reste encore après 4 mois de voyage.

Wanaka

Une copine te propose alors de venir visiter sa petite sœur. Elle t’hébergera quelques jours, mais la fatigue ressentie chez sa voisine ne te poussera pas à aller quémander du travail. Une soirée dans un bar de la ville et tu te sentiras encore trop vieille pour ce genre d’endroit. Mais finalement toi qui ne skie pas, qu’est-ce que tu es venue foutre là?

Il est 9h du matin. Tu dois prendre une décision. Te battre pour briller dans ces deux villes, pour pouvoir te réveiller tous les matins émerveillée par ces montagnes aux sommets enneigés ? Ou partir ? Partir vers d’autres horizons complètement différents, en espérant retrouver un peu de motivation.

Wanaka

L’Abel Tasman et moi

La saison des kiwis vient de finir et j’ai enfin quelques jours devant moi pour profiter de l’Abel Tasman Coastal Track. J’en ai tellement entendu parler, que je me sens bien obligé d’aller vérifier l’envers du décor.

Je passe la nuit chez David, un couchsurfer canadien rencontré un mois plus tôt, qui me mènera à Marahau le lendemain matin. L’arrivée sur le village m’offre une belle mise en bouche.

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Le lever de soleil sur les marécages alentours me dévoile ses couleurs pourpres. Je sens que la journée va être appréciée. Une heure dans le froid plus tard, il est temps de rejoindre la base de Kayak. J’ai choisi de passer ma première journée sur l’eau avant de porter mon sac à dos à terre. Mon guide Kaleb nous embarque avec une brésilienne sur la Mer de Tasman. L’eau est calme et dégagée, nous y serons seuls toute la matinée. Mai/Juin semble la période idéale pour venir apprécier ce Parc National. Peu de personnes empruntent le track au début de l’hiver, et kayaker dans ses eaux peu fréquentées vous apporte une sensation de liberté. Mes bras regonflés par la cueillette des kiwis ne souffriront pas trop de la non-coopération de ma coéquipière. Emportée par la vue des phoques, elle en oubliera de pagayer le long du trajet.

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Les deux heures à effleurer l’eau passent vite et je dois débarquer à Anchorage où je suis censée passer la nuit. La vue est belle, la plage déserte, je m’aventure à faire une pause sous le soleil avant de m’y endormir. Oups. Il ne me reste plus que deux heures avant le coucher de soleil, j’en profite pour aller marcher du côté de Pitt Head. Le décor bleuté m’apaise. A mon retour, je retrouve d’autres randonneurs. Je ne serais donc pas seule dans l’Anchorage Hut le soir.

Le lendemain, 7h de marche m’attendent. Le chemin en lui même n’est pas très compliqué et certains parleraient même d’autoroute pour marcheurs. Le track est tracé, il ne me reste plus qu’à avancer jusqu’à Awaroa Hut, où je vais passer ma seconde nuit. Le parcours est calme et il est rare que je croise quelqu’un sur ma route. Je me dis alors que ce Great Walk devrait être réservé aux amoureux. Une ambiance d’île déserte, brodée de plages et eaux turquoises, parfait pour être partagé à deux.

La randonnée en elle-même n’a rien d’exceptionnel. Pas de difficulté énorme, la rocaille me manque.

Les nuages commencent alors à se montrer menaçant. Je suis à la dernière partie de mon parcours, lorsque une rafale de vent tente de m’emporter. Je dois marcher sur la plage, il ne me reste seulement quelques mètres avant le hut. Le sable me gifle le visage et je manque de perdre l’équilibre à deux-trois reprises. Où suis-je ? Une atmophère de désert d’Arabie me vient à l’esprit, tandis que je me force à continuer ma route sous cette tempête de sable. Le Hut est là, personne à bord. J’en profite pour prendre une douche froide avant que la pluie ne s’annonce. Le feu dans la cheminée, le repas avalé, il est 18h, il ne me reste plus qu’à me coucher.

Le lendemain matin, l’orage fait rage et je sors péniblement de mon sac de couchage. Il fait froid dans le hut et le temps dehors ne me donne point envie d’en sortir.

Je suis supposée traverser l’Awaroa Inlet à marée basse, j’ai donc quelques heures devant moi. Que dois-je faire ? Continuer mon parcours malgré la pluie qui risquerait de me glacer jusqu’au os ? Attendre une nuit de plus en me privant légèrement sur la nourriture et traverser le lendemain en espérant que le soleil soit au rendez-vous ? Impossible de me décider… et plus je prends le temps d’y réfléchir, moins l’envie de marcher sous la pluie se dessine.

Deux américaines arrivent finalement dans la Hut pour leur repas de midi. Elles sont trempées, semblent avoir froid, mais restent bien motivées à continuer jusqu’au bout. Après quelques bouts de conversation, j’apprends qu’elles doivent se rendre à Totaranui, où un water taxi les attend pour 14h30. La solution est là ! Je me décide enfin à les suivre, complètement démotivée par cette pluie incessante. Les deux heures de marche seront humides, et il me tardera qu’une seule chose: rentrer chez moi pour prendre une douche bien chaude.

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Le Water Taxi tarde et je me demande si je vais bien pouvoir monter à bord. Fort heureusement le chauffeur est compréhensif et le retour sur les eaux agitées nous offrent quelques sensations fortes. Mon voisin allemand me raconte alors son parcours, de Totaranui à Wainui où j’étais censé continuer. On m’avait dit que c’était la meilleure partie du track… Déçue mais rassurée par son expérience peu agréable à cause du vent, nous retournons sur Marahau mon point de départ. Prenant la route pour Nelson, l’Allemand me dépose sur Riwaka, où je retrouve mes collègues de cueillette. Un petit cidre pour me réconforter et j’apprendrais le lendemain qu’il m’est possible de retravailler pour quelques jours, de quoi rembourser le prix du trajet retour…

L’Abel Tasman Park ne m’aura pas permis d’atteindre mes objectifs: faire du stop à partir de Wainui et continuer ma route vers Takaka et Golden Bay. Tant pis, les prévisions météo étant très floues en Nouvelle-Zélande, cette expérience aura tout de même été rafraichissante.

Napier, capitale néo-zélandaise d’art deco

Deux échos m’étaient parvenus sur Napier. Beaucoup semblaient déçus du côté art deco tant promu par la ville, d’autres étaient plus enthousiastes à l’idée que j’y fasse un tour. Aimant me faire ma propre opinion sur un lieu, je décidais de tenter ma chance vers Hawkes Bay.

Le beau temps vanté par la région n’est pas au rendez-vous. Je viens de passer 6h30 dans le bus au départ de New Plymouth. Arrivée à Napier, il pleut des cordes. Heureusement il est tard, je me dirige vers mon auberge, le Criterion Hotel, et sombre presque immédiatement dans de doux rêves.

Criterion Hotel Napier

Le lendemain, je profite du petit-déjeuner gratuit, tandis que ma plume creuse le papier de mon carnet de voyage. Je ne me sens point l’âme de sociabiliser aujourd’hui. Les allemands ont envahi les backpackers de Nouvelle-Zélande (ni voyez aucun racisme) et j’avoue de plus en plus apprécier le couchsurfing qui me permet de sortir de ma zone de confort.

J’opte donc pour un tour en ville, malgré la pluie menaçante. Je décide de longer la plage de Napier bercée par le bruit des vagues folles, pestant intérieurement de ne pas avoir la foi de louer un vélo au vu du temps.

Au retour vers le centre d’information, le long de Marine Parade se tient un petit marché (nous sommes dimanche) qui ravitaillera mon estomac le temps d’une pause.

Bluff Hill me tend la main pour une marche digestive et je finis tant bien que mal (ça grimpe et mes mollets ont gardé des restes de randonnées) par arriver en haut. Le panorama donne sur la mer et de jolies maisons bordent les allées.

C’est sans doute ces dernières qui m’auront le plus marquée dans la ville.

Mais il est tant d’aller découvrir pourquoi Napier se fait surnommer la capitale d’art deco de Nouvelle-Zélande.

Je choisis de déambuler sans carte, ni visite guidée (possible le matin à 10h, 14h ou 17h l’été). Je ne suis pas la seule à être accompagné de mon appareil photo cet après-midi. Le troupeau de papis / mamies croisé ce matin m’a bien conforté dans l’idée que je n’étais pas l’unique touriste.

Pour la petite histoire, le centre ville de Napier a été dévasté par un terrible tremblement de terre en 1931. 256 personnes furent tuées. 4000 hectares, autrefois sous les eaux, émergèrent suite à ce phénomène naturel. La ville fut alors reconstruite dans le style art deco de l’époque (il aura fallu 22 mois). Ce n’est qu’au début des années 90 que l’importance architecturale de Napier sera reconnue. Son style est aujourd’hui précieusement protégé, conservé, voire adulé.

Napier me laisse cependant de marbre. J’ai l’impression d’être tombé dans un piège à touriste. Heureusement que les charmants cafés, dont le Groove Kitchen Express qui me tient lieu d’écriture aujourd’hui, me détache quelque peu de cette image de ville musée.

Si le beau temps est au rendez-vous, n’hésitez pas à louer un vélo. J’avais pour projet de pédaler jusqu’à Hastings, ville également touchée par le tremblement de terre et découvrir les vignobles de l’arrière pays. Ce ne sera pas pour cette fois.

Napier ne m’a ni plu, ni déçu. En fait, je ne sais toujours pas quoi penser de mon passage ici. Les joueurs de piano de la ville auront tout de même fini par me décrocher un sourire. Je vous laisse en compagnie de Pokey LaFarge, chanteur américain découvert sur Auckland la semaine dernière, qui s’accommoderait bien du style art deco que nous vante si bien le tourisme de Napier. Bonne balade !

Le Tongariro Alpine Crossing

Vous connaissez déjà mon amour pour la randonnée, mais saviez-vous que c’était l’une des principales raisons qui m’avait poussé à m’envoler pour la Nouvelle-Zélande ? Il faut bien que je vous l’avoue, les paysages vendus sur les brochures touristiques et les gros plans du film Le Seigneur des Anneaux m’ont vendu du rêve. Classique.

Voilà plus d’un mois que je me trouve dans le pays des Kiwis. Jusque là je n’avais arpenté que des bushs walks au cœur de la Bay of Islands, le long des plages du Coromandel ou lors de mon break sur Waiheke Island. Ce n’est pas vraiment ces petites balades sur terrain aménagé, quoique sympathiques, que je suis venue chercher. Après avoir quitté mes compagnons de voyage, avec qui j’avais décidé de parcourir le sud de l’île du nord, pour cause d’incompatibilité de programme et d’envies, je prends mes aises sur Taupo.

Je propose à Christophe, un HelpXer, de se joindre à moi pour le Tongariro Alpine Crossing. J’imaginais une randonnée moyenne, pas très dure comparée à ce que j’avais pu expérimenter en France (pas grand chose en fait). L’article de Stéphanie croisée sur Auckland quelques jours plus tôt m’avait bien inspirée. Ultra-motivée, j’avais pris mes précautions avec litres d’eau, polaire et coupe vent (la base).

Réveil à 5h45, pour prendre le bus à 6h30 en face de mon backpacker (que je vous conseille d’ailleurs), censé nous amener au départ de la randonnée. Il y a du monde… quelques kms de sieste plus tard nous voilà au point de départ, le Mangatepopo parking. Il est 7h30, la brume nous accueille, nous plongeant dans un mélange de douceur et mélancolie.

Mangatepopo

C’est la première fois que je vois autant de personnes sur une rando. Je trouve que ça démystifie assez le parcours et gâche un peu mon expérience. On fait un détour vers les Soda Springs, histoire de laisser prendre de l’avance aux autres marcheurs, que l’on finira par dépasser dans la montée du Devil’s Staircase. Une bonne respiration cadencée et c’est parti pour la grimpette des escaliers. Arrivés en haut, on opte pour le Mt Ngauruhoe, malgré les nuages cachant le sommet de 2291 mètres.

Soda Springs

La montée n’est pas évidente. Mes pieds glissent dans le sable et sur les restes de lave (car oui le Mont Ngauruhoe est un volcan). Il faut redoubler d’effort, user ses chaussures de rando et mettre les mains à la pâte pour arriver au sommet, 1h30 plus tard. Je ne pensais jamais me mettre dans la peau de Gollum, et pourtant c’est bien l’étrange sensation que j’avais en escaladant ce sommet.

Ce n’est pas insurmontable… pour moi le pire reste à venir. Sans trop penser à la suite, on profite de la vue molletonnée.

12h. Mon estomac rempli d’un mélange – cacahouètes, noix, cranberries et chocolat – me redonne de l’énergie. Mon esprit divague dans les bras d’Aragorn tandis que j’imagine les moyens matériels utilisés pour tourner Le Seigneur des Anneaux sur les pentes du volcan, choisi pour illustrer la Montagne du Destin en plein Mordor.

Mais trêve de rêverie, le temps file à une vitesse folle et il ne faut absolument pas que l’on rate notre bus retour à 17h30. Le moment tant appréhendé est là. Il me faut redescendre les pentes du Mont Ngauruhoe. Nos compagnons de route s’élancent comme des cabris ou skieurs échauffés (à vous de choisir) sur chemin glissant. Je suis tétanisée par la peur. Mes parents ne m’ont jamais appris à faire du ski petite. Depuis je suis plutôt réticente lorsqu’il s’agit de descente. Heureusement Christophe m’encourage et m’attend et je finirais péniblement la glissade en 1h de temps au lieu des 30 minutes prévues.
Mais pas le temps de me remettre de mes émotions, nous sommes clairement en retard, il va falloir rattraper le temps perdu pour arriver à tant au Ketetahi parking.

La Montagne du Destin

Epuisée moralement, les genoux encore sous le choc, je jette un dernier regard au Mont Ngauruhoe avant de continuer péniblement ma route. Le passage entre le Cratère Sud et le Cratère Rouge me laisse un peu de répit avant de m’efforcer à remettre mes jambes en position « monter ». L’ascension jusqu’au Red Crater me semble interminable et difficile, mes cuisses à bout et ma tête vide.

Arrivée en haut du Cratère rouge, la vue est splendide. Le temps d’une photo, d’un avalage rapide de pizza et il faut qu’on reparte car le bus ne nous attendra pas.

Sommet du Cratère Rouge

La couleur des Lacs Émeraudes, quelques minutes plus tard, me remettra un peu de baume au cœur, mais l’énervement sera au rendez-vous Christophe me répétant sans cesse qu’on n’a pas le temps. Je me serais bien posé une petite demi-heure devant ces tâches bleu-vertes, jaillissant du jaune pâle, presque lunaire des paysages alentours.

On trace la route après avoir pu prendre, malgré l’empressement, quelques photos. La Rotopaunga Valley s’offre ensuite à nous, délaissant les montées pour une longue, très longue descente.

Mes jambes ne me portant presque plus, je décide de m’élancer sur le chemin en courant. Mes chaussures de randonnée me semblent alors plus légères et me voilà gambadant comme une chèvre entre quelques troupeaux de touristes italiens ou agés. Christophe finira par m’imiter et me délaissait en chemin pour arriver à temps au bus.

Je crois que je suis passée par toutes les émotions durant ces 10h de marche: la fatigue matinale, la douceur du paysage, la montée du Sommet subliminale suivi d’une bouffée d’endorphine, la descente atroce m’offrant peur, frayeur, souffrance et énervement, la mise en mode automatique pour continuer à avancer, les couleurs irréelles des lacs, cette soudaine envie de courir et l’envie de laisser le bus partir.

Mais j’y serais arrivée ! 17h30 – fin de ma Tongariro Alpine Crossing experience. Le bus est encore là, Christophe semble fier de moi. On attendra 30 min supplémentaires les derniers retardataires, l’occasion d’étirer mes muscles fatigués. Je ne verrais pas passer le trajet du retour…

Ne prenez pas cette randonnée à la légère surtout si vous optez pour le premier sommet. Mais n’hésitez surtout pas à la faire, vous aurez surement moins peur que moi dans les descentes… Le Tongariro Alpine Crossing vaut le détour !

Tongariro Alpine Crossing