Traverser les Pyrénées à pied : le GR10, d’Est en Ouest de Banyuls à Hendaye

Je n’aurais jamais pensé être capable un jour de traverser les Pyrénées à pied, seule et en autonomie, sur le GR10. Pourtant c’est au cours d’un trek dans les Écrins, il me semble, que ce projet est né. Dans un coin de ma tête, je me suis dit : « finalement pourquoi pas ! Tu pourrais prendre ton sac à dos, ta tente et ton réchaud que tu n’as pas encore, pour voir jusqu’où tes pieds te mèneraient ».

C’est que finalement j’en avais fait des kilomètres en Nouvelle-Zélande et en Australie. La Tasmanie a été ma terre de treks pendant 2 beaux étés. Je bossais dans les vignes la semaine et le week-end je partais avec mon pote de rando dans les parcs nationaux accessibles en quelques heures. De retour en France, je me suis retrouvée lyonnaise et les Alpes sont alors devenues mon terrain de jeu. Pourtant au fond de moi, les Pyrénées appelaient ma quête de sauvage et j’avais le sentiment qu’y retourner, après y avoir fait quelques randonnées enfant, me permettrait d’y retrouver des ressources inespérées.

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Comment se prépare-t-on à traverser les Pyrénées sur le GR10 ?

Alors j’ai laissé ce projet dans un coin de ma tête, puis à mon retour de Côte d’Ivoire, pour mieux atterrir, je me suis dit que c’était le timing idéal pour partir. Que nenni ! Les seules randonnées que j’avais pu faire étaient bien trop humides et chaleureuses pour que je sois physiquement au niveau. J’avais tout de même passé des années à enquêter sur le matériel qu’il me faudrait pour une telle traversée et dès que mes achats furent prêts, je pris le bus pour Hendaye.

Vous l’aurez compris : ce fut l’histoire d’un faux départ. Mon sac de voyage n’était clairement pas adapté à la randonnée et mes 2kgs d’amandes furent de trop. Orage, première expérience de bivouac en solo, j’ai opté pour la solution de repli pour mieux repartir.

Une semaine plus tard, je repartais avec mon sac de 30L pensant qu’il allégerait mon dos et me permettrait de m’offrir une traversée en douceur, mais cette fois au départ de Banyuls ! Le faux départ m’avait laissé un goût amer et je n’avais clairement pas envie de remarcher sur mes pas inachevés. Un covoiturage de Toulouse à Banyuls plus tard, j’étais à nouveau sur le GR10 un brin plus confiante… sauf que tout ne s’est pas passé comme prévu.

Traverser les Pyrénées Orientales, de Banyuls à Mérens-les-Vals sur le GR10

Je me souviens de cette belle montée sous la chaleur écrasante d’un après-midi d’août. Mes 3L d’eau furent compté lorsque je décidais d’opter pour une nuit en bivouac au Col des Terres. La montée jusqu’au Pic de Sailfort et l’absence d’eau furent fatidique à mon talon d’Achille. Mais je n’ai pas voulu lâcher. Non pas après avoir grimpé le Canigou, ce sommet si mythique pour les catalans et qui ferait partie de mon aventure pyrénéenne.

Ce fut donc à Mérens-les-Vals que je finissais mon aventure de GRdiste. À regret de ne pas pouvoir le faire d’une seule traite, je savais que le GR10 me rappellerait à lui ultérieurement. Et bizarrement ce fut à l’étranger que cela se produisit. Au cœur de Madagascar, j’avais décidé qu’il était temps de quitter mon travail et de reprendre ce projet qui m’avait filé du fil à retordre jusque-là. C’était donc de Mérens-les-Vals que je débutais ma traversée des Pyrénées Ariégeoises, à deux pour le week-end, puis seule avec moi-même.

Traverser les Pyrénées-Ariégeoises sur le GR10, de Mérens-les-Vals à Fos sur le GR10

J1-2 / De Mérens-les-Vals au refuge du Rulhe

Après avoir dormi dans un virage menant vers les cascades, G. qui m’accompagne sur ce week-end du 15 août et moi-même, prenons la route pour le GR10. Mon sac me semble bien trop lourd avec les kilos de nourriture que j’ai emporté avec moi. Le doute m’envahit dans la montée. Ne serais-je pas entrain de faire la même erreur que la dernière fois ? Emporter avec moi un poids conséquent de nourriture pour me rassurer, alors que tous les 2-3 jours il est possible de se ravitailler dans la vallée ?

Je finis par me donner raison. Il paraît qu’en Ariège, il y a peu de ravitaillement… les prochains jours finiront par me donner tort.

Il parait qu’on emporte ses peurs dans son sac.

Après la petite grimpette matinale, nous finissons par déjeuner juste avant l’étang de Comte, les pieds dans l’eau, regardant au loin les nuages menaçant. Nous prenons ensuite le chemin zigzaguant jusqu’à ce que G. décide de s’arrêter pour la journée au bord du ruisseau, sa cheville lui faisant très mal. Après un petit bain de pied, je lui propose de monter la tente… il est à peine 13h passé.

Quelle belle idée ! Dès 13h30, il se met à pleuvoir jusqu’à l’éclaircie de 17h. Nous dinerons bien plus tard en speed pour échapper au nouvel orage. Résultat : 13h de sieste pour repartir à 9h le lendemain et monter doucement vers le refuge du Rulhe que nous atteindrons vers 14h.

J3 / Du refuge du Rulhe à la cabane de Clarans

Je me réveille un peu avant 7h pour regarder la brume au loin et engloutir un petit-déjeuner. C’est le grand jour pour moi : celui de mon départ officiel en solitaire sur le GR10. Un mélange d’excitation mais aussi d’angoisse se conjuguent magnifiquement, tandis que vers 8h je quitte G. qui repart, cheville en vrac, vers Mérens-les-Vals.

Le chemin monte doucement et pourtant, je perds rapidement les balises du GR. Il faut que j’apprenne à me faire confiance à nouveau. Hier mon intuition et l’écoute de mon environnement nous ont évité une belle douche, aujourd’hui seule, je dois canaliser mon énergie pour aller dans la bonne direction.

Je tourne une demi-heure jusqu’à me rendre compte que la trace IGN n’est plus exacte. Je rejoins le panneau en hauteur et me détache de mon téléphone portable. Je marcherai ensuite gaiement jusqu’aux crêtes me menant au plateau de Beille. Vers 12h30, je me pose sur la petite table qui semble avoir été déposée là sur le point le plus haut. 30 min plus tard, j’échapperai au vent en me remettant en marche.

Beille, c’est long et le chemin est inintéressant.

Je finis par arriver à la station, à passer à côté des chiens de traineaux qui ont l’air d’avoir trop chaud, pour rejoindre la cabane d’Artignan.

C’est alors que Daniel sort sa tête et me propose un café. Je comprendrais alors que je me trouve devant la cabane vue dans l’émission Échappée Belle, retapée par « Antoine » alias Jacob Karhu. Je vous avoue que je l’imaginais plus coupée du monde cette cabane, loin de tout et surtout d’une station de ski. Mais Antoine en a fait un petit coin de paradis ! Daniel me raconte quelques anecdotes de cette aventure mais aussi de ceux croisés sur le GR10 au fil de ses allers-retours à venir entretenir les lieux.

Une heure plus tard, je reprends le GR10, qui descend alors dans la forêt pour arriver sur la jasse et passer un petit moment à chercher la cabane de Clarans à la boussole. Petite toilette à la micro-rivière, puis c’est la pluie qui prendra le relai vers 18h.

Un couple, dont j’ai oublié le nom, me rejoint et nous passons la soirée à papoter, échangeant sur la vie, les aventures à pieds et de par le monde, les tournants professionnels et nos lectures, jusqu’aux premiers ronflements de la gente masculine. La moustiquaire sur ma tête ne m’aidera malheureusement pas à m’endormir rapidement.

J4 / De la cabane de Clarans à Siguer

Je quitte la cabane au petit matin et croise un autre couple dans ma direction. Ça grimpe rapidement dans la forêt, puis arrivée au col de Sirmont, je redescends quelques instants pour remonter à nouveau jusqu’à la cabane de Balledreyt.

Je décide de pousser jusqu’au Courtal Marti, qui s’avère être une micro cabane entourée de vaches et de chevaux. Je salue le vacher puis continue à grimper pour trouver un « abri » en pierre au col du Sasc. 30 min de pause plus tard et je repars à cause du vent. Le ciel se fait menaçant.

Je recroise dans la montée de Montcamp le couple du matin. Charlotte et Thomas arrivent au bon moment et partagent le passage en crête sous les grondements et le vent violant.

C’est toujours lorsque tu en auras besoin, que quelqu’un surgira sur ton chemin.

Le couple qui semblait distant ce matin, s’ouvre gentiment après cet épisode de stress sous l’orage. La descente pour Siguer nous parait interminable alors on en profite pour échanger sur le chemin. Petit arrêt à Gestier au cœur de la fête du village pour une boisson sucrée puis c’est l’accueil randonneur, mis gracieusement à notre disposition à Siguer qui prendra le relais.

J5 / De Siguer à Goulier, puis Bassiès

La matinée semble dure. C’est ce qu’on appelle un jour sans. Le ciel est couvert et n’aide pas le moral. De Siguer à Goulier, ça monte puis ça descend en forêt. Le tonnerre gronde au loin, après le col de Gamel. J’hésite à continuer plus longuement. J’avais prévu de couper au vu du temps pour rejoindre directement Bassiès par un PR.

Goulier m’offre une petite placette toute mignonne pour poser mes fesses le temps d’un sandwich, mais la pluie s’en mêle. Ça crachote alors je tente d’avancer un peu.

De Goulier à Olbier, me voilà à Auzat à chercher mon chemin quand je croise Eymeric et Damien qui partent sur Marc, pour rejoindre l’Espagne.

Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous.

Paul Eluard

On prend le même chemin et en discutant, ils finissent par quitter leur idée de GR11 pour bifurquer avec moi jusqu’aux étangs. On croise alors Céline et Magali, et c’est parti pour une sacrée grimpette sous la pluie.

Partie à 7h30 ce matin, j’arrive vers 19h au refuge un brin humide. Heureusement toute la chaleur du monde avait décidé de se joindre à ma table, de discussions en points communs, je savais qu’il n’y avait pas de hasard. Repas en douce compagnie avant de rejoindre ma tente sous la pluie.

J6 / Du refuge de Bassiès à Aulus-les-Bains

Ma journée qui s’annonçait courte prend des heures de rallonge. Nous partons à 5 pour le port de Saleix, où nous laissons les filles prendre à droite tandis que nous suivons le GR. La pluie fait rage et nous peinons à trouver un lieu pour le casse-croûte, jusqu’à une installation posée au bord de la route. On se réchauffe et la pluie finit par passer. La descente jusqu’à Aulus-les-Bains se fait douce et c’est presque à la fin du chemin que je recroise Thomas et Charlotte, les deux artistes de la veille. Camping à Aulus puis repas guinguette. Oups, il est déjà minuit !

J7 / D’Aulus-les-Bains au Cirque de Cassiérans

Il est 20h. Je suis posée au cœur du cirque de Cassiérans, une heure avant le col d’Escots, pour profiter d’un bivouac au bord du ruisseau. Je me pose… seule. Eymeric et Damien sont finalement partis du côté espagnol au niveau du Cap de Rich. C’est d’ailleurs là que je les ai attendu après être montée tranquillement à la cascade d’Ars, tandis qu’eux se baignaient. Un ariégeois m’a tenu compagnie pour le repas, me racontant comment l’Ariège changeaient au fil du temps, des paysans aux étrangers (hollandais), à l’arrivée des écolos. Il me parle du HRP, des Pico de Europa et de comment il était possible dans le temps de travailler à Toulouse et d’habiter en Ariège avec l’essence peu chère. Il m’explique aussi que le sentier sur lequel les 2 compères doivent s’engager pour rallier l’Espagne, était emprunté chaque année en signe de pèlerinage, en souvenir du temps où les franquistes devaient quitter l’Espagne.

Malheureusement ces sentiers sauvages et magnifiques risquent de se perdre car les gens ne veulent plus partir en alpage, ou monter avec les bêtes.

L’ariégeois

Au moment de son départ, les 2 basques débarquent pour que je puisse leur dire au revoir. Je continue donc le chemin seule, pestant intérieurement contre les sentiers ariégeois qui montent raides et descendent… raides. Peut-être une façon de faire le deuil des belles rencontres de ces derniers jours.

J8 / Du cirque de Cassiérans à Saint-Lizier

J’arrive à Saint-Lizier vers 13h et décide de me poser au camping l’après-midi. Quand on est une femme en randonnée, on doit en plus gérer la fatigue liée à nos hormones et ce n’est pas toujours cool. Le chemin nous apprend aussi à nous écouter et même si l’envie de continuer se fait forte, je préfère prendre ce temps pour récupérer.

J9 / De Saint-Lizier à la cabane d’Aula

Le départ de Saint-Lizier se fait morose. 8h du camping, je grimpe doucement vers le col de la Serre du Cot. Je croise une mère et son fiston dans la forêt, qui me raconte que le gite d’étape de Rouze offre le repas 4 étoiles du coin. Un autre groupe me confirme que la descente sera raide. Finalement à Rouze vers 11h, il sera un peu tôt pour la pause, que je ferai à Couflens. De Couflens, je remonte rapidement à Angouls puis Faup où il semble faire bon vivre le dimanche. De Faup, je zigzague jusqu’au col de Pause, où je croise une multitude de gens, me rassurant quant à l’éventuel orage auquel j’espérais échapper.

Après avoir discuté avec une « médiatrice », également guide de montagne, je recharge mon eau avant de monter à l’étang d’Arreau, où je me fais prendre en photo par un espagnol.
De l’étang, je monte encore vers la brume avant d’entamer la redescente vers la cabane d’Aula, où trois gars y sont déjà. Je rejoins le couple et la fille qui bivouaquent pour échapper surement aux ronflements, mais non à la pluie.

La cabane d’Aula semble un repère à Gipaète Barbu. La lumière du soir était faible, je n’ai donc pas pu en observer la couleur, mais de grands rapaces étaient regroupés vers les montagnes et semblaient lâcher des choses du haut de leur altitude.

J10 / De la cabane d’Aula à Esbintz

La matinée est humide. Je sors de ma tente alors que les gouttes de pluie m’offrent encore leur son répétitif mais apaisant. Je la plierai d’ailleurs mouillée comme souvent. Je descends à travers la forêt en passant par la cascade d’Arcouzan et une cabane où les vaches m’attendent. Heureusement que je trouve un spot convivial à Couflens de Betmajou au bord de l’eau, car l’arrivée à Esbintz se fera elle aussi sur la route. Je crois qu’après les belles rencontres des premiers jours, la solitude me pèse.

J11 / De Esbintz au Pla de Lau

Je suis partie un peu tard ce matin, comme si le confort me sortait de mon cycle naturel. J’ai rapidement rejoint la cabane de Tariolle, où j’espérais dormir la veille puis le col de la Core. Après une montée parmi les fougères hautes, un petit stand semblait éclairé parmi le brouillard adjacent… pour mieux dévoiler la foule et les voitures. Heureusement, peu sont ceux qui montent et je continue d’un bon rythme jusqu’à l’étang d’Ayes indiqué à 2h20 de là. Objectif : y être pour la pause déj.

Vers 12h30, je glisse les pieds dans l’eau et profite d’une pause au soleil. La trempette me tente mais j’ai peu de temps si je veux atteindre le pla de Lau annoncé à 10h de marche du col. Puis il y a du monde à l’étang, alors je préfère m’éloigner de la foule pour rejoindre le col de Laziès.

La vue est superbe et j’ai le sentiment que le mental est au top, la tête dans les sommets et les pieds sur les crêtes. Je me régale jusqu’au cap des Lauses où s’amorce la descente. Longue hésitation à rejoindre le côté espagnol pour gravir le Valier. Mais n’étant plus sûre de la météo, je préfère rejoindre le pla de Lau pour installer mon bivouac après 1 longue descente. 1h pour choisir un spot et une douche rafraichissante plus tard, c’est au bord du torrent avec les bruits de la chouette au loin que je poserai ma plume jusqu’au lendemain.

J12 / Du Pla de Lau à la cabane d’Arech

Il est 17h, j’arrive à la cabane d’Arech. Il y a de l’eau. Je m’arrête donc pour passer la nuit en espérant que les brebis ne fassent pas de même. J’en ai plein les pattes avec les 1400 mètres de dénivelé positif. Il y a eu la montée jusqu’à la cabane du clot du lac avec un « médiateur » bien sympathique, puis celle depuis la passerelle sur l’Orle, où je pensais que ce serait ma seule source d’eau jusqu’à Eylie. Je dors très peu souvent en cabane… on verra si le berger décide de pointer le bout de son nez.

J13 / De la cabane de l’Arech aux mines de Bentaillou

On est bien dans cette petite cabane. Tellement bien que j’ai du mal à sortir de mon sac de couchage, malgré les aboiements des chiens une heure plus tôt. Finalement les brebis sont descendues et le berger aussi hier soir. Pas de discussion malgré mon bonsoir plein d’enthousiasme.

Je finis tant bien que mal par me lever pour rejoindre Eylie. 12h. Il me reste encore 3h avant l’orage, je me décide alors à rejoindre les anciennes mines de Bentaillou. C’était sans compter un autre troupeau que je tente de laisser passer sur le seul chemin praticable. Impossible… elles bifurquent dans le vide tandis que les patous me surveillent de loin. Je commence à avoir froid. Le brouillard se lève et les brebis prennent leur temps. Je finirai par rejoindre les anciennes mines, où une vieille maison ONF me servira d’abri. Le refuge non gardé est bien fermé et le réseau ne passe pas pour que je puisse appeler le numéro indiqué sur la porte. La bergère semble bien au chaud dans sa cabane. Je me contente d’une maison glauque, en compagnie des araignées, bien trop heureuse d’avoir un toit assez solide sur ma tête pendant cette longue après-midi et nuit d’orage… jusqu’à l’éclaircie du lendemain.

J14 / Des mines de Bentaillou à Fos

Je quitte les mines complètement dégagées. La brume a disparu, du moins pour quelques temps. Les pauses photos sont nombreuses devant ces montagnes escarpées, qui semblent taillées grossièrement par la main de l’homme. Je finis par rejoindre le refuge où je croise un irlandais, dépité d’avoir passé la nuit au col sous l’orage mais bien trop content d’être en vie et de parler anglais à quelqu’un. Il m’annonce qu’il a croisé 11 patous la veille juste avant la cabane d’Uls, que je dois rejoindre. Des onze, je n’en verrai que trois et j’attendrai patiemment que le troupeau veuille bien descendre de la colline.

Passé les bocages et les magnifiques couleurs qui semblent automnales, la descente s’amorce en direct de Melles. Je croise deux gars qui vont dans le même sens que moi, mais qui semblent peu enclin à partager la route. La route d’ailleurs, je la rejoins rapidement et elle me mènera jusqu’à Fos et son ancien camping avec douche chaude en prime.

Une petite bière et quelques emplettes sur la terrasse de l’hôtel le Gentilhomme plus tard, les deux jeunes finiront par m’inviter à leur table. C’est au cœur de Fos que nous parlerons de parcs nationaux africains, de famille et de la difficulté à être un chercheur, autour d’une conversation courte mais passionnante.

Traverser les Pyrénées-Centrales sur le GR10, de Fos à la corniche des Alhas

J15 / De Fos à Bagnères de Luchon

Je pars de Fos un peu tard pour m’engager dans la forêt. Pendant 1h c’est un combat avec des lipoptènes du cerf (que je prenais pour des tiques « volantes ») que je mènerai jusqu’à ce que la forêt se refroidisse. La montée est raide jusqu’à la cabane d’Artigue et grâce à l’énergie retrouvée après un échange avec un autre randonneur, je continuerai jusqu’à la cabane des Courraux pour manger. Il me reste encore une trotte mais le GR10 ne passe plus par l’étang de St-Béat et j’ai le sentiment de bien grimper.

C’est à la montée juste avant le Col d’Esclot que je croise Annie légèrement perdue sur sa boucle du jour. On marchera ensemble jusqu’au Pic de Bacanère offrant une vue à 360°, puis on se retrouvera à la cabane de Saunère où je pensais passer la nuit.

Il y a foule à la cabane, alors j’accepte la proposition d’Annie, de continuer jusqu’à Artigue où elle a laissé sa voiture. Arrivée à Luchon, je prendrai la pluie dès la montée de tente. Une pizza finira par me réconforter avant d’étendre mon linge au cœur de la nuit.

J16 / De Superbagnères à Espingo

Matinée courses à Luchon, où je suis un peu dépitée de retrouver la société de consommation. J’en avais pourtant rêvé de cette arrivée à Bagnères-de-Luchon. Je m’étais imaginé y rester 2 jours pour profiter des thermes et célébrer comme il se devait ma traversée des Pyrénées-Ariégeoises. Mais à peine arrivée à Luchon, j’ai voulu en partir. L’effet d’une ville sur une randonneuse n’est pas toujours bénéfique. J’y ai trouvé la pluie, le gris des bâtiments, malgré la douce compagnie d’Annie. Alors une fois mes courses finies, je me devais de repartir au plus vite au cœur des montagnes, qui me semblaient alors un environnement plus accueillant.

Après un déjeuner avec Annie, celle-ci m’accompagne jusqu’à Superbagnères, la journée étant déjà bien entamée. Je réussis à la convaincre de partager quelques pas encore avec moi, et nous voilà embarquées sur la montée du col de Coume de Bourg. Annie me quitte, tandis que les nuages s’obscurcissent.

C’est moins pire qu’un quai de gare !

Annie

Ce message lancé au loin me prit aux tripes. Moi aussi j’étais triste de quitter cette dame qui avait l’âge de ma mère et m’avait apporté tant en si peu de jours. Mais aussitôt seule, la nature reprit le dessus sur mes émotions et je n’avais pas d’autres choix que d’avancer.

L’orage me fait accélérer et semble arriver de part et d’autre des vallées. Les lumières sont splendides et les montagnes encore plus fières, tandis que je les guette nerveusement, happée par le stress. Au niveau de la Hourquette des Hounts Secs, j’aperçois le lac d’Oo et son auberge. L’orage semble avoir dansé au dessus de ma tête pour s’en éloigner aussi soudainement que l’arrivée de la pluie, qui m’accueille gentiment à la bifurcation pour le lac d’Espingo. Après une nuit d’orage, je décide d’opter pour l’option dortoir au refuge, alors que le ciel au dehors se dégage splendidement.

J17 / Du refuge d’Espingo à Loudenvieille

Du refuge d’Espingo, je descends en 2h aux Granges d’Astau, pour remonter sur 1000 m de dénivelé positifs vers le couret d’Esquierry. Je connais déjà le coin pour y avoir randonné l’été passée et je suis attristée par la petitesse du torrent à côté de la cabane d’Ourtiga, où j’avais bivouaqué. La pluie m’a suivi lors de la montée jusqu’au col puis n’est plus en cette après-midi. La descente vers Loudenvielle s’annonce longue avec mes pieds en compote, mais je finis par arriver avant le gros orage du soir, au camping.

J18/ De Loudenvielle au lac de l’Oule

Je quitte Loudenvielle, la tente mouillée. Je n’aurais même pas pris le temps d’aller voir le lac de plus près, ni même goûté à la tarte aux myrtilles aperçue la veille.

Je monte doucement vers le Couret de Latuhe, où je croise mon 2ème serpent. Le cœur n’y est pas, je serais bien restée à Loudenvielle pour me reposer une vraie journée… mais l’idée n’a fait son apparition qu’en chemin. Je marche lentement et finis par arriver à Bourisp vers 12h30. Je trouve l’endroit parfait pour la pause et m’autorise un bain de pied dans les eaux glacées.

Vers 13h30, je me motive pour une longue étape. De Vieille-Aure, je passe par le chemin des mines bétonné sous un soleil de plomb et finis par apprécier l’ombre que veulent bien m’offrir les arbres sur le sentier qui zigzague. Je prends de altitude et 4h30 plus tard, je finis tant bien que mal par arriver au col de Portet, où je prendrai seulement une photo avant de repartir. La route est encore longue jusqu’au Lac de l’Oule, où je souhaite passer la nuit.

Je croise deux gars qui font le tour du Néouvielle et j’emprunte le chemin menant vers le GR10C. Il faut ensuite redescendre et ce sera au pas de course que je trouverai l’aire de bivouac. Je salue mon voisin et monte ma tente mouillée du fort orage de la veille. Le temps de me faire à manger, il fera déjà nuit.

J19 / Du Lac de l’Oule à la cabane d’Aygues Cluses

Le lac de l’Oule offre des reflets parfaits de bon matin. Tellement parfaits que j’en oublie la bifurcation menant au col d’Estoudou ! Ça monte parmi les paysages familiers du Néouvielle et le col ne manque pas de m’offrir un beau spectacle. J’échange quelques minutes avec un monsieur ici pour 3 jours, puis j’entame la descente vers le lac d’Aumar, le ciel sombre derrière moi. La pluie finit par me rattraper au lac et le manque d’abri me fait poursuivre ma route jusqu’au col de Madamète, annoncé à 1h30 de là.

Mes pieds jonglent parmi les roches mouillées et le col se rapproche, tandis que l’orage tourne au dessus de ma tête depuis Aumar. Le Néouvielle, que j’ai pu grimper l’été dernier, est recouvert. Je ne m’attarde que très peu jusqu’à franchir le col et redescendre vers le lac de Madamète. Je profite d’une éclaircie pour un lunch express à 14h, agrémenté de myrtilles sauvages. 30 minutes plus tard, je serai à la cabane d’Aygues-Cluses en compagnie de Mathis et Aurélien, qui nous propose une tisane à la verveine. Encore une belle soirée en bonne compagnie, cette fois-ci entre 4 murs froids.

J20 / De la cabane d’Aygues-Cluses à Luz St-Sauveur

Je me régale toute la matinée en suivant le ruisseau. L’endroit est magique jusqu’à Pountou et mon âme d’enfant se réveille. Mais à partir de Tournaboup ce n’est plus pareil. Les stations de ski, c’est toujours aussi moche et je dois longer la route quelques temps. Je rejoins Barèges en 45 min mais il reste encore une trotte jusqu’à Luz Saint-Sauveur. À Luz, je finis par planter ma tente en dehors de la ville dans un camping familial. Quelques courses plus tard, il sera temps de m’envelopper dans mon sac de couchage.

J21 / De Luz St-Sauveur au pont St-Savin

Grosse journée au départ de Luz et beaucoup de route. Je finis péniblement par arriver aux granges de Saugué que je trouve fermées. Heureusement que la vue sur la Brèche de Roland égaye ma descente jusqu’aux Granges de Holle. 20 min avant de les atteindre, je trouve un spot de bivouac au bord du torrent et finis par poser ma tente là, à 2 pas du pont de St-Savin.

J22 / Du pont de St-Savin au refuge de Baysselance

Je rejoins les granges de Holle de bon matin que je trouve sous la brume. Il est déjà 9h et les campeurs semblent à peine sortir de leurs tentes. Je monte doucement dans la vallée d’Ossoue, un peu à l’aveugle, croisant quelques brebis sur le chemin. D’ailleurs, l’une d’entre elle, curieuse, est venue me lécher la main. Je continue jusqu’à ce que la brume se lève, me laissant complètement ébahie devant le spectacle que la nature m’offre.

De cabanes en cabanes, je finis par atteindre le barrage d’Ossoue vers 13h. Une petite pause s’impose avant d’entamer la montée jusqu’au refuge de Baysselance. Je suis le ruisseau des oulettes qui semblent peiner en cette fin d’été, double quelques personnes dans la montée et suis les lacets qui serpentent vers le refuge, que je connais déjà. Celui-ci est encore complet ce soir, mais je me glisserai sur une table pour le repas du soir, entre trois espagnols venus gravir le Vignemale, des papis en faisant le tour et deux jeunes filles se retrouvant pour le week-end entre Bordeaux et Perpignan. Le plus haut refuge gardé des Pyrénées m’offre à chaque fois une belle ambiance.

J23 / De Baysselance à Cauterets, par le col d’Araillé

Je me fais réveiller par le vent vers 6h du mat et je sais que mon seul poids permet de maintenir ma tente au sol, au vu du terrain sableux trouvé la veille. J’ai du mal à sortir de mon sac de couchage et pourtant une longue journée m’attend. Au lieu de descendre par le lac de Gaube, chemin parcouru par deux fois lors de mon ascension du Petit Vignemale, je décide de passer par le col d’Araillé.

Un gros pierrier m’attend et je finis péniblement mais fièrement par arriver au refuge d’Estom, où je ne suis pas hyper bien accueillie. Une omelette plus tard et je repartirai rapidement via la Vallée du Lutour, qui me semble remplie de touristes ingrats et malpolis. Peut-être qu’il me tarde juste d’arriver à Cauterets… La vallée est belle mais je me rends compte que je l’ai déjà parcouru il y a plus de 10 ans déjà.

J’arrive à Cauterets et indécise, je m’offrirai un bout de nuit dans le gîte le Beau Soleil. L’accueil est super, avec une cuisine à disposition, mais je serai réveillée de bon matin par un groupe de personnes sourdes, ne pouvant pas entendre leurs pas lourds et intenses dans les escaliers.

J24 / De Cauterets à Arrens-Marsous

De Cauterets, ça grimpe bien pour rejoindre le lac d’Ilhéou, mais heureusement que la route bétonnée est vite derrière moi. Je me retrouve à suivre les brebis à partir de la cascade du même nom, qui ont pour destination la petite cabane avant le refuge. Pour ma part je continue jusqu’au lac, où j’avais prévu de déjeuner, mais le vent me contraint à pousser jusqu’au col, que l’on peut rejoindre en téléphérique depuis Cauterets. Ça grimpe sec et la faim me tiraille.

Je finis par m’arrêter à la cabane d’Arras, où un jeune chien de berger m’invite à lui lancer le bâton. Repas cheveux au vent, puis je finis par atteindre le col avant de redescendre sur Estaing. Les nuages obscurcissent le ciel et je prends une grosse averse, heureusement courte. Le temps de croiser une mère et ses deux enfants adultes faisant le chemin inverse, je serai au lac d’Estaing vers 15h30. De là, je me rends compte qu’il me faut marcher 3h sur le bord de la route pour rejoindre Arrens-Marsous.

La première bifurcation au cœur de la nature semble inaccessible à cause de chutes de pierre. Je finis par lever le pouce, rêvant d’une lessive et d’une bonne douche. Un couple de retraités originaire de Belfort, en vacances dans le coin, me dépose à Arrens, les hasards de la route m’ayant permis de suivre le GR10 à vitesse grand V. S’en suivra une petite bière en bonne compagnie.

J25 / De Arrens-Marsous au lac d’Anglas

D’Arrens jusqu’au col de Saucède, le chemin est le même que celui du Tour du Val d’Azun, emprunté en automne dernier. Pas de surprise pour moi et l’envie de planter ma tente comme la veille me taraude.

Du col de Saucède, je décide de prendre la route afin de marcher à niveau quelques temps. Je retrouve la bifurcation vers le col de Tortes qui est annoncé à 1h30. Je craque pour une pause déjeuner sachant que la montée avec le ventre plein sera plus dure.

Et ce fut le cas… Le chemin me semble interminable et la descente vers Gourette peu intéressante. Malgré mon manque d’entrain du jour, je décide de pousser jusqu’au lac d’Anglas, Gourette ne m’offrant rien de saisissant pour passer la nuit. Il est 15h et j’ai encore 700 m de dénivelé positif qui m’attendent. Je croise une foule de retraités qui m’encouragent. Les deux groupes qui s’arrêtent pour discuter me redonnent la dose de motivation nécessaire pour grimper.

Je finis par planter ma tente sur une pelouse resplendissante au bord du lac.

J26 / Du lac d’Anglas à Gabas

Je quitte le lac d’Anglas après une nuit réveillée par le vent. Je monte jusqu’à la Hourquette d’Arre qui m’offre une vue magnifique et la vision de 2 bouquetins. La descente du col est moins sympa avec un terrain glissant et un vent tellement fort que j’ai eu l’impression de sauter en parachute une seconde fois. Puis la descente s’adoucit et offre un chemin plat mais long jusqu’aux cabanes de Cézy, que je ne verrai guère car hors GR10. La descente reprend et la corniche des Alhas ne présente rien de percutant, mais marque le passage vers les Pyrénées Occidentales.

Arrivée à Gabas, je n’ai plus de jambes pour continuer jusqu’au lac d’Ayous, où je rêvais de bivouaquer depuis ma dernière escapade là-bas. Je prendrai le spot de bivouac pourri que m’offrira le village, sans vous cacher ma frustration ni ma déception.

Traverser les Pyrénées-Occidentales sur le GR10, de la corniche des Alhas à Hendaye

J27 / De Gabas à Etsaut

De Gabas, je longe la route menant à Bious-Artigue et y croise quelques vaches. Du lac, la route devient chemin et après 1 crêpe à la crème de marron, je croise un ancien du PSIG (peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie) et son chien d’avalanche « réformé » comme il s’amuse à l’appeler. Essayant de me rassurer, il me raconte que dans toute sa carrière, il n’a vu que 3 personnes foudroyées et me raconte les sommets parcourus d’antan.

Le chemin monte et je découvre le Pic du Midi d’Ossau en saison estivale, ainsi que le refuge d’Ayous au loin que j’avais vu sous la neige. Le sentier bifurque à droite pour monter au col du même nom qui m’offre une vue incroyable. Pause déj. avant de redescendre sur un chemin vallonné jusqu’à la cabane de la Baigt de St-Cours, dans laquelle je me serais bien vue dormir quelques jours. Heureusement elle est réservée au berger en période d’estive (jusqu’au 15 septembre) et je continue donc ma route jusqu’au fameux Chemin de la Mature.

Et là, c’est le drame ! Avec des cailloux qui font vaciller les chevilles, j’ai beau faire attention, la mienne y passe sous un soleil de plomb. Je finirai la route en boitant jusqu’au gîte d’Etsaut, dépitée et clairement mal lunée pour la soirée.

J28 / De Etsaut à la cabane d’Ardinet

Je quitte Etsaut vers 8h, grâce au réveil matinal de mes colocataires d’un soir, pour entamer une douce montée jusqu’au col de Barrancq. Ma cheville semble tenir le coup. Au col, il n’est que 10h30. Je continue donc ma route vers Lescun que je rejoins vers 13h30. Je refais le plein à l’épicerie et depuis hier, je n’arrête pas de me dire que la fin de la saison rend les commerçants peu aimables.

Après avoir mangé sur les escaliers de la mairie, je reprends mon sac pour le refuge de Labérouat. Espérant atteindre la cabane d’Ardinet pour la nuit, je croise une dame béarnaise à qui je demande si cette cabane est bien ouverte. Elle m’explique qu’habituellement c’est son neveu le berger qui l’occupe, mais ce dernier est descendu la veille dans la vallée. On fait un bout de chemin ensemble et elle me raconte que petite elle allait ravitailler son père berger à cheval et redescendait le fromage. Son fils a quitté son boulot dans le social pour suivre les traces de son grand-père, à sa grande déception. « Vous imaginez à plus de 45 ans ? Mais il me dit être plus heureux que jamais ».

La dame fait demi-tour, puis j’aperçois la cabane à la sortie de la forêt quelques pas plus tard. Pas le temps de la visiter, je me précipite comme une enfant sur la pelouse plate et verte, qui m’offre un spot de bivouac splendide pour la nuit. Je profite du petit torrent qui coule un peu plus loin pour remplir mon camelbag et faire mon brin de toilette du soir, avant de prendre le temps d’admirer la vue splendide à 360° sur les Orgues de Camplong.

J29 / De la cabane d’Aribet à Ste-Engrâce

J’exploite mon spot favori de bivouac jusqu’au bout puis je rejoins la cabane du Cap de Baitch, où se trouve un berger, pour bifurquer à droite. Ça grimpe tranquillement dans un paysage surprenant jusqu’au Pas d’Azun. Au Pas de l’Osque, pas de difficulté majeure, excepté le temps que je trouve long jusqu’à la Pierre-St-Martin. La station est moche mais je profite d’une pause au refuge Jeandel pour mieux repartir jusqu’au col. Du col, ça redescend jusqu’à St-Engrâce où je rejoins le gite en face de l’église pour planter ma tente.

J30 / De Ste-Engrâce à Logibar

Beaucoup de bitume en cette chaude journée. Heureusement que le petit cayolar ouvert me donne du baume au cœur pour une pause déjeuner. Il me rappelle la joie des cabanes ouvertes ariégeoises. Je sors reboostée de mes rêveries, pour atteindre le col d’Anhaou Kurutché. De là, c’est à nouveau de la route goudronnée puis ça redescend doucement en plein cagnard. Je manquerai d’eau à la passerelle d’Holtzarté et bivouaquerai au bord du torrent, sur un spot détenu par le gîte, qui a bien voulu me rembourser la chambre que je venais de prendre (après m’avoir accueilli de la plus désagréable des façons). Soirée en compagnie de GRdistes marchant dans l’autre sens.

J31 / De Logibar à Iraty-Cize

Je pars de Logibar de bon matin dans l’optique d’une belle étape mais d’une nouvelle journée chaude. À peine les quelques mètres de dénivelé avalé, le vent se met à souffler. Un vent d’ouest, preneur de tête mais aussi d’équilibre. Je lutte pour avancer sur les sommets ronds du Pays-Basque, jusqu’au col d’Ugatzé. Je verse quelques larmes de peur, et c’est toujours dans ces moments-là que d’autres randonneurs croisent ma route. D’abord ceux qui viennent de la forêt et m’inspireront un détour à l’abri du vent. Ceux qui me surprennent entrain de lutter dans un nouveau col (où j’aurais fait faire un saut de 2 mètres à une vache prise de peur). Ceux qui m’encouragent et me conseillent de mettre des cailloux dans mes poches pour passer le col du Pic des Escaliers.

C’est dommage, l’étape est belle mais je suis trop concentrée à essayer de rester en vie sur le sentier. Je réussis à faire une pause déj. juste avant ce col d’ailleurs, et une fois passé, les cols d’Iraizabaleta et Bagargiak arrivent vite et semblent moins agités. Petite glace au lait de brebis aux Chalets d’Iraty, le temps d’échanger avec un voyageur à vélo venu faire la traversée des Pyrénées avec sa copine. Je rejoindrai l’aire de bivouac mise à disposition par la commune d’Iraty, bien trop contente d’être encore en vie.

J32 / D’Iraty-Cise à St-Jean-Pied-de-Port

Dès que je pars, à 8h, le vent se lève à nouveau. J’appréhende déjà une nouvelle journée folle, à lutter contre un vent d’ouest pour grimper au sommet d’Okabe. Les paysages semblent lunaires, brossées par le souffle de la nature en continu. Pas d’arbres, seulement des herbes jaunies par le soleil. Le vent semble moins m’atteindre que la veille, avec les pieds un peu plus ancrés dans la terre. Et pourtant, passé le sommet et le site des cromlechs aux arc-en-ciels et chevaux galopants, je me retrouve à douter au col d’Irau. Dois-je prendre le risque de rejoindre les bordes d’Intzarazki dans des conditions météorologiques si violentes ? Ne serait-il pas temps de quitter le GR10 pour rentrer chez moi et me mettre à l’abri ? Je suis restée là 10 bonnes grosses minutes à lutter pour rester debout, tandis qu’une basque me regardait à l’abri de sa voiture, sans même me demander si tout allait bien…

Sur le GR10 en solitaire, on ne peut compter que sur soi-même. On aura beau se conter des histoires, on se retrouve seul face au vent, aux orages, à la nature dans toute sa splendeur. Seuls face à ses décisions.

Je prends mon courage à deux mains et repars. Le fait de rejoindre un chemin plus large me calme et je finis par arriver à Estrençuby pour la pause déjeuner, croisant de nouveau les cavaliers sortis de nulle part au niveau des bordes d’Intzarazki.

Le panneau annonce encore 4h de marche pour rallier St-Jean-Pied-de-Port que je rejoindrai vers 17h. La sensation de me retrouver au cœur de Disneyland Paris, à peine passer la porte Saint-Jacques est grande. Les touristes sont là, mélangés à ceux qui marchent sur le chemin de Compostelle. L’atmosphère montagnarde est loin et j’ai tout d’un coup du mal à trouver ma place. C’est une balade à l’heure du diner qui me réconcilie avec une ville pleine de charme, à la croisée des chemins.

J33 / De St-Jean-Pied-de-Port à St-Etienne-de-Baigorry

Journée tranquille aujourd’hui, annoncée à 6h de marche. Départ vers 8h30 après une nuit agitée, je profite de la montée jusqu’au Pic de Munhoa pour prendre mon temps. Le vent est encore présent mais son degré d’intensité a diminué.

Pause déjeuner cheveux emmêlés tout de même, avant de redescendre jusqu’à St-Etienne-de-Baïgorry, où je passerai la soirée au camping municipal en compagnie de Julien et Philippe.

J34 – J35 / St-Etienne-de-Baigorry à Bidarray

Je suis restée un jour de plus à St-Etienne, pensant éviter l’orage sur les crêtes d’Iparla, qui n’aura jamais lieu. Finalement il pleut ce matin. Je finis par partir à 9h avec ma tente mouillée sur le dos. Le temps est exactement celui que je craignais pour faire les crêtes : humide et brumeux.

J’avance un peu à l’aveugle jusqu’au col d’Harrieta. Parfois la brume laisse place à de douces couleurs automnales. J’ai suivi le couple à cheval toute la matinée. Ce sont bien les cavaliers rencontrés 3 jours plus tôt sous un vent de fou. Dans leur avancé, ils se retrouvent en sens inverse par erreur. C’était peut-être pour les guider que j’ai pris une journée de pause… eux qui viennent tout droit du Canigou, lieu où j’avais décidé de quitter le chemin quelques années plus tôt.

Vers 12h, le temps semble se dégager et j’avance jusqu’au Pic d’Iparla pour ensuite descendre vers Bidarray, où je passerai une soirée sympa en compagnie d’Arthur et Félix, qui font aussi le GR10 mais cette fois-ci dans mon sens.

J36 / De Bidarray au col des 3 fontaines

Je pars tôt de Bidarray dans l’espoir de rejoindre Sare en fin de journée. J’avance vite, espérant peut-être rattraper Félix et Arthur, partis 40 min avant moi ce matin. Je rejoins le col des Veaux, puis celui des 3 croix, où je décide de manger.

Dans ma descente pour Ainhoa, je discute avec deux bordelais venus pour le week-end. De Ainhoa, j’arrive à Sare en plein mariage et me motive à continuer jusqu’au Col des 3 fontaines pour passer une belle dernière soirée. À 19h, je découvre mon spot de bivouac du soir, magnifiquement choisi par Arthur et Félix, qui m’auront convaincu malgré la fatigue de pousser jusque-là. C’est exactement là que je voulais passer ma dernière nuit sur le GR10 : face à l’océan. Tout y est : des vaches meuglant de jour comme de nuit, un feu réchauffant mon âme en perdition avec le bleu du large, un nouveau gâteau basque à partager et des randonneurs qui ne savent vraiment pas ce qu’ils m’offrent en cette douce soirée.

J37 / Du col des 3 fontaines à Hendaye

Je quitte le col vers 9h, un peu avant Félix et Arthur. Ils finissent pas me rattraper mais m’attendent patiemment au col d’Ibardin, col que j’ai envie de quitter au plus vite. Toute la société de consommation s’y est donné rendez-vous ! Je n’en reviens pas et clairement dégoutée, je finis quand même par me dégoter un sandwich et le gentil serveur espagnol me remplit ma bouteille d’eau. Les gars sont partis, alors je continue ma route pensant les retrouver le soir.

Il me tarde d’arriver à Hendaye. Il ne me tarde pas d’arriver à Hendaye.

Mes émotions me submergent. Je ne sais plus trop où donner de la tête… alors je marche. Je finis par manquer d’eau et profite d’un bonjour sympa pour en demander. Le monsieur m’invite à rentrer dans son garage pour remplir ma gourde et me félicite presque les larmes aux yeux pour le chemin parcouru. « Vous savez je marche à la journée, mais je serais bien incapable de faire ce que vous faites ». Le voyant en habits de courses, je lui rétorque que je suis incapable de courir et il me dit qu’il n’a fait que prendre sa voiture pour ensuite monter à la Rhune, ce matin même.

Cette rencontre me fait réaliser que j’y suis presque… Hendaye finit par m’accueillir. 2 femmes et un homme attendent que j’arrive à leur portée pour me demander avec un grand sourire si c’est mon dernier jour. « Nous partons nous-même demain sur le GR10 ! ». Les larmes montent et je me retrouve devant 3 inconnus à refouler des sanglots de fierté et de tristesse, ravalant un « oui » à moitié prononcé. « Tu vas voir, tu as encore un peu de chemin, mais celui-ci est plutôt sympa ». Je les quitte pour rejoindre la Bidassoa qui me mènera jusqu’à l’océan. Les gens se promènent en cette fin de week-end, et j’avance tristement jusqu’à la fin du GR10.

La fin d’une aventure : celle de la traversée des Pyrénées sur le GR10

Puis rien. Il n’y a pas de foule escomptée pour m’encourager dans ces derniers pas. Pas de copain. Pas de famille. Pas d’amis. Pas d’épaule sur laquelle pleurer, ni de panneau devant lequel prendre un selfie et l’envoyer au monde entier. J’avais envisagé cette fin de la façon suivante : une plage déserte, moi courant vers l’océan, laissant mon sac derrière moi sur le sable, puis mes chaussures puis mes habits, plongeant délicieusement dans mon plus simple appareil, me délectant de l’eau salé sur mon corps meurtri par les kilomètres.

Rien ne se passa comme je l’avais imaginé. Je pris une glace puis avançais le plus doucement possible vers l’océan. Il était 17h mais la plage me semblait encore bondée. Je m’asseyais sur un rebord bétonné, avalant cette fin comme j’engloutissais la glace sucrée que j’avais emporté. Je me sentais seule et vide. Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir faire maintenant que j’étais arrivée au bout de cette aventure ? Qui allait pouvoir me guider si ce n’était les balises rouge et blanche de ce célèbre GR10 qui avait bercé mes rêves pendant quelques années ? Ne devrais-je pas repartir dans l’autre sens pour aller prendre une photo à Banyuls et prolonger cet état de béatitude que nous offre la marche et les montagnes, malgré les coups durs, les chevilles abimées, les doigts cornés par nos bâtons de marche ?

Je décidais alors de troquer mes chaussures de randonnée pour un instant bref les pieds dans l’océan, avant d’entamer les 45 autres minutes de marche qui me ramènerait vers mon hôte du soir. Je m’éloignais doucement de la petite bière tant espérée avec mes camarades de ces derniers jours, pour passer la soirée à échanger avec un couchsurfer, prolongeant peut-être encore un instant ces souvenirs de voyages lointains que le GR10 me susurrait doucement lorsque tout allait bien.

Le GR10, finalement c’est quoi ?

Alors le GR10, finalement qu’est-ce que c’est à part un simple chemin de randonnée ?!

Pour tout vous avouer, je ne savais pas vraiment par quel bout le prendre cet article. Aurais-je dû vous partager mes étapes au jour le jour ? La sensation de mes pieds sur le bitume et les routes mal dessinées pour les randonneurs ? Le bonheur de gravir une raide montée pour s’offrir une vue sur la beauté des sommets ? La fierté de traverser les Pyrénées d’Est en Ouest, délaissant mes lunettes de soleil pour profiter du souffle venté sur mon visage ? Qu’aurais-je dû vous raconter ?

Mes peurs ? Celle de marcher sous l’orage, celle de manquer d’eau, celle de ne me blesser, de ne pas y arriver ? Ou ma rencontre avec des milliers de vaches, de brebis, quelques serpents, des nuages sous toutes leurs formes ? Le bruit de la pluie qui arrive ? L’odeur de sa trace lorsqu’elle s’efface pour laisser place à un doux soleil réconfortant ? La dureté des fougères cramées, cisaillant mes jambes non couvertes ? Ou bien… ces rencontres fortuites qui arrivent toujours quand on s’y attend le moins mais qu’on en a le plus grand besoin ? La richesse des discussions partagées avec de parfaits inconnus, qui se retrouvent finalement avec le même but : celui de marcher, d’avancer pour peut-être mieux se trouver ou essayer de comprendre pourquoi on en arrive là… à parcourir 922 km, agrémentés de 55 000 mètres de dénivelé positifs et négatifs.

Le GR10, ce n’est pas de savoir qui a le sac le plus léger, le nombre de kilomètres par jour avalé. Le GR10, c’est faire confiance, se laisser guider par un chemin tout tracé mais que l’on appréhende jamais vraiment sans l’avoir parcouru. Le GR10, c’est tout ça à la fois… et qu’est-ce qu’il est dur de le laisser derrière soi, une fois que la traversée des Pyrénées se finit. Heureusement il n’offre qu’une introduction à ce que les Pyrénées ont à nous offrir.

Pour préparer son GR10, je vous conseille le site de l’association, qui gère la cabane de Clarans : http://www.gr10.fr

De Vancouver à Seattle, via l’île de Vancouver

Le jour de mes 35 ans, je me suis inscrite dans le bassin des pvtistes pour le Canada. Ce visa Vacances-Travail, j’avais déjà eu la chance de l’obtenir pour la Nouvelle-Zélande puis l’Australie. Concernant le Canada, c’est un peu différent vu qu’un quota est imposé et par conséquent le nombre de place est limité. Je m’étais dit que le hasard déciderait pour moi et dix jours seulement après m’être enregistrée, j’avais la chance de pouvoir me lancer dans le processus d’obtention du fameux visa, suite au tirage au sort. Un an plus tard, me voilà sur le territoire canadien, où j’ai passé mes premières semaines de Vancouver à Seattle.

Une semaine à Vancouver ?

Premières impressions

J’avais déjà vécu à Montréal lors d’un échange universitaire. 17 ans déjà ! Dix sept ans que je n’avais pas reposé les pieds sur le sol canadien, ni sur le continent américain d’ailleurs. Pourtant Montréal avait été un coup de cœur. J’y avais découvert la liberté de vivre et celle d’être expatriée à l’autre bout du monde. Lorsqu’il fallut choisir dans quelle ville j’allais m’installer pour cette seconde fois, Vancouver est tout de suite venu à moi. J’avais l’image d’un coin du monde entouré de montagnes, avec la nature à proximité sans trop avoir à se déplacer.

Quand je suis arrivée, j’ai trouvé Vancouver très grand et très gris. On était loin de la petite ville dans laquelle j’avais élu domicile au cœur du Val d’Azun juste avant de partir. J’ai eu beaucoup de mal avec le décalage horaire et la pluie d’un mois de février ne m’a pas facilité ces premiers jours. Pour tout vous avouer, j’ai voulu fuir Vancouver au plus vite. Finalement une sous-location au cœur du quartier Kitsilano m’a convaincu de rester.

Que faire à Vancouver ?

J’en ai profité pour récupérer du décalage horaire. Il faut compter 9h entre Vancouver et Paris. Mes journées étaient donc peu remplies (ce qui est rare pour moi lorsque je voyage). Cette expérience au bout du monde, je la sentais déjà différente des autres… Serait-ce l’âge, le manque de niaque ou l’envie de prendre mon temps plus que d’ordinaire ?

J’ai récupéré mon numéro d’assurance sociale, obligatoire pour trouver du travail au Canada et j’ai ouvert un compte en banque, pensant que j’allais rejoindre une équipe rapidement. À chaque éclaircie, je sortais de cet appartement immense et sur-chauffé dans lequel je me trouvais, pour parcourir à pied les étendues de la ville.

Vancouver côté ville

Le calme de Kitsilano

« Kits » de son petit nom local, c’est un peu le quartier résidentiel par excellence. Les rues sont longues et perpendiculaires, comme partout à Vancouver, à la différence qu’ici, le charme opère avec ses maisons de style victorien. On est loin des gratte-ciel du centre ville. L’atmosphère d’un petit village imprègne les contours de chaque croisement et je m’habitue encore à ce que les rares voitures attendent que je traverse alors que je ne suis pas encore engagée sur le bitume. Je retrouve le calme plat du Canada et la nervosité à la française semble s’être condensée au cœur des nuages gonflés, au-dessus de ma tête.

Je rejoins la plage de Kitsilano à 15 min de mon domicile. Les montagnes s’étendent à perte de vue et tandis que je croise coureurs et cyclistes qui se sont donnés rendez-vous en pleine semaine, mes pas m’emmènent devant le musée maritime.

Où manger ?
Be Fresh Local Market pour le banana bread à tomber par terre
– Nofrills pour faire ses courses pas trop chères

Le marché de Granville Island

De Kitsilano, j’aime rejoindre l’île de Granville à pied. J’y retrouve un couchsurfer un dimanche pluvieux puis y reviens pour m’y perdre seule à ma guise. L’ambiance change de quartier en quartier. Le week-end ici, c’est blindé. C’est que les petites boutiques d’artisans font envie. Si mon sac n’était pas déjà rempli, j’y glisserais un nouveau carnet, un gros gilet en laine, un foulard en soie et des bijoux à n’en plus finir. Je regarde le jonc qui décore mon poignet gauche. Acheté au milieu du désert de Mauritanie, il suffit par me convaincre de m’éloigner du labyrinthe des artisans et artistes qui ont élu résidence dans les contours industriels de l’île.

Dans les années 1970, Granville Island s’est transformé. À l’origine, elle accueillait les activités majeures de la ville, à savoir les scieries, abattoirs et usines sidérurgiques qui ont vu leurs portes fermer suite à la seconde guerre mondiale et une économie en mutation. Aujourd’hui les rues se teintent d’une aura festive.

Les passants font la queue devant la boutique de donuts locales, les enfants dansent devant les musiciens de rue et je chantonne les paroles d' »Hallelujah », l’unique chanson que je pourrais me permettre à un karaoké. Rien d’étonnant d’apprendre que le festival de Jazz International de Vancouver s’y tient chaque été. Je m’aventure au cœur du marché public, qui accueille à foison les spécialités de la Colombie-Britannique. Les poissons frais côtoient les fruits colorés de l’Okanagan Valley et j’y trouve même une version canadienne adapté des cannelés bordelais. Difficile de ne pas craquer pour une gourmandise qu’on finit par emporter pour s’éloigner de la foule et se poser au bord de l’eau.

Les festivités de Chinatown

Autre quartier, autre ambiance. Cette fois, je prend le bus pour rejoindre le centre ville. C’est le nouvel an chinois et de nombreux habitants se retrouvent dans les rues de Chinatown pour le défilé. Il pleut, il fait froid, je m’abrite sous la devanture d’un magasin en attendant que les festivités commencent. Les gens ne sont pas aussi respectueux que lorsqu’il faut faire la queue pour rentrer dans les transports en commun. Chacun joue des coudes sous les gouttes pour apercevoir les animations. Je prendrais mon mal en patience. Heureusement les dragons volants apportent un peu de couleur à ma matinée.

Les contrastes du downtown

Je me suis finalement très peu aventurée au centre ville depuis mon arrivée. Un soir, alors que j’étais en compagnie d’un couchsurfeur, je suis allée voir un spectacle d’improvisation théâtrale au Chit Chat Comedy. Un moment très sympa et drôle qui a apaisé ma gène d’avant-show. À la recherche d’un restaurant pour grignoter au cœur du centre, j’ai eu l’impression de me retrouver dans un mauvais film en noir et blanc.

Alors que nous marchons, les lumières tamisées du « downtown » se reflètent dans les flaques, parsemant les rues opaques du quartier. À ma gauche, les accro à l’héroïne et au fentanyl se font des injections aux yeux de tous. J’interroge du regard les passants autour de moi. Chacun semble s’accoutumer d’une activité routinière, agrémentée des effluves de marijuana. Je suis profondément choquée et la tristesse s’empare de chaque molécule de mon petit corps. Cette image ne me quittera pas de la semaine.

Ici l’itinérance n’est pas synonyme de voyage.

Lucie Raynal
Crise du logement et médicaments

Bien sûr il a fallu que j’interroge, que je comprenne ce qui se passait… Le fentanyl, un puissant opiacé de synthèse a pris ses quartiers au cœur du Downtown Eastside. Moins cher que l’héroïne, cette drogue est un véritable fléau en Amérique du Nord depuis quelques années et on observe ses effets en pleine rue.

Vancouver étant la ville la moins froide du pays, beaucoup de drogués et de sans-abris se retrouvent à errer en saison hivernale dans le centre-ville. Couplé à la crise du logement, avec les prix flamboyants des loyers en Colombie-Britannique, le nombre d’itinérants ne cesse d’augmenter ! Souvent sujet aux opioïdes, c’est le serpent qui se mort la queue… alors pour endiguer les surdoses mortelles, des centres proposent des injections en toute sécurité avec des doses contrôlées. Des mesures sont prises régulièrement et les personnes « itinérantes » semblent être poussées vers Campbell River, Victoria ou encore la vallée d’Okanagan lorsque les beaux jours reviennent.

La visite guidée « gratuite », au départ de Gastown

Je me décide tout de même à revenir dans le quartier, en direction de gastown car j’ai rendez-vous devant le centre des congrès de la ville. Il est 10h et le guide du jour m’accueille en compagnie d’australiens, anglais et argentins. On papote un moment le temps que tous les inscrits arrivent, puis on part pour 3h d’anecdotes avec Toonie Tours. En échange de pourboires que l’on voudra bien donner, le guide nous offre une belle introduction à Vancouver. Souvent teintés d’humour, j’adore ce genre de « free tours ». J’y apprends plein de choses et je lève la tête pour comprendre les gratte-ciel qui m’entourent.

Vancouver, l’Hollywood du Nord

Saviez-vous, par exemple, que Vancouver était surnommé « Hollywood North » en raison de sa place imposante dans l’industrie cinématographique ? La ville représente l’équivalent géographique de Los Angeles dans certaines productions, comme le Mont Taranaki en Nouvelle-Zélande avait pu servir de décor au Mont Fuji au Japon dans le film Le Dernier Samouraï.

Nous nous trouvons en face du « marine building », un bâtiment Art Déco de 1930. Le guide nous raconte qu’il a servi de décor à plusieurs séries, à l’image de Smallville ou du film Les 4 Fantastiques. Vancouver et ses alentours inspirent. Deadpool, Juno, Virgin River ou encore Charmed, pour les nostalgiques, ont posé certains de leurs décors ici. On aperçoit Christian Grey faire son footing sur les bords du parc Stanley ou encore X-Files aux abords de Grouse Mountain. Troisième site de production en Amérique du Nord, après Los Angeles et New York, la ville emploierait plus de 70 000 personnes dans le business de « l’entertainment ».

Vancouver côté nature

Il est temps que je m’éloigne des bâtiments pour profiter de la nature. Malgré le temps à l’irlandaise, j’ai le droit à quelques touches de soleil.

La balade de West End à Stanley Park

J’en profite donc pour longer la plage de West End pour rejoindre le célèbre parc Stanley. Avec ses 400 hectares, il invite à la marche loin des tumultes de la ville ou à louer un vélo pour en dessiner les contours. J’ai opté pour la première option. J’emprunte le « seawall » pour 2h de balade avec l’océan Pacifique en toile de fond. De la plage de la Baie des Anglais, je remonte vers la « second beach » puis la troisième plage avant de m’arrêter un instant au Siwash Rock, croqué par un peintre qui semble dans son élément. Je rejoins ensuite le lac Beaver à la recherche de castors, puis les totems dont j’ai encore du mal à comprendre la signification. Dans un coin de ma tête, déjà pleine, je me note de lire sur le sujet. Je retrouve le West End pour un petit goûter de fin de journée.

Randonnées au départ de North Van
Deep Cove

Ma coloc temporaire me parle de Deep Cove. « Tu vas voir c’est tout mignon et sympa ! ». Je prends donc le bus vers le quartier Nord de Vancouver. Les liaisons sont faciles et Google Map facilite les choses. À 1h30 de Kitsilano, me voilà arrivée à destination.

Je me balade au cœur du village où de petites maisons en bois ont parfaitement trouvé leur place au milieu de la forêt. Les enfants rentrent de l’école et les décorations posées ça et là ajoutent une touche accueillante au lieu. Qu’est-ce que ça me fait du bien de m’échapper de la ville ! Je longe les bords de la baie pour m’engager sur le chemin Badell Bowen qui mène au point de vue du Quarry Rock, un rocher qui surplombe Deep Cove que l’on atteint après 45 min de marche. Je ne suis pas seule à avoir eu cette idée alors j’emprunte le même chemin au retour pour fêter mon anniversaire avec un donut à la cannelle.

Lynn Canyon

Lynn Canyon est une autre destination connue de « North Van » comme est surnommé le quartier du nord. À la différence du pont suspendu de Capilano, ici la passerelle accessible à quelques minutes du parking, est gratuite. Je grimpe sur le pont et me laisse porter par la multitude de chemins qui bifurquent pour me retrouver au bord d’une petite cascade. Je pique-nique les pieds dans l’eau transparente et les autres touristes semblent avoir fait demi-tour rapidement, me laissant seule dans ce petit coin de paradis loin du tumulte de la ville.

Les opportunités de balades sont nombreuses au départ de Vancouver. Il est recommandé d’avoir une voiture si l’on souhaite s’éloigner des chemins de randonnées les plus fréquentés. Je vais tenter ma chance plus au sud.

Où randonner à Vancouver ? https://www.vancouvertrails.com/

L’île de Vancouver

Comment aller sur l’île de Vancouver ?

De Vancouver, il est facile de rejoindre l’île éponyme. Deux choix s’offrent à vous :

  • optez pour le ferry au départ de Horseshoe Bay pour ralier Nanaimo
  • au départ de Tsawassen pour atteindre Victoria (ou Nanaimo via le terminal Duke Point).

Pour réserver votre ferry pour l’île de Vancouver : https://www.bcferries.com

Que faire sur l’île de Vancouver en hiver ?

Avec ses 32 134 km2, le choix est vaste et l’île est plus grande que la Belgique ! Mais sans voiture, difficile d’en parcourir les moindres recoins surtout quand la pluie s’invite.

Opter pour du woofing à Campbell River

J’ai donc décidé de rejoindre Campbell River en bus au départ de Nanaimo. Le jour s’efface rapidement en plein mois de février. Le mini-bus longe l’océan. Mes yeux s’acclimatent à la nuit noire sans voir une onde de sable. Mon hôte m’accueille sur un parking où quelques sans-abris demeurent. Il est déjà 21h. Je découvre la vue du balcon le lendemain, donnant sur les grands pins embrouillés par la pluie. Quelques heures à bosser sur un album photo en échange de balades pluvieuses, je resterai une semaine en compagnie de Cindy et Hearty, le chat noir.

Pour réserver votre bus sur l’île de Vancouver: https://www.islandlinkbus.com

Profiter d’un week-end pluvieux à Tofino

De Campbell River, je grimpe dans le nouveau mini-bus qui me ramène à Nanaimo. De là, un autre m’attend. La route est longue jusqu’à Tofino. À peine arrivée, je profite des rayons de soleil si rares pour m’engager sur une randonnée vers la plage de Tonquin. Je cherche les orques au loin, alors que la saison n’a pas encore commencé. Elles sont plutôt présentes entre mai et fin septembre. Les jours de pluie s’en suivent et la motivation reste à l’auberge au coin du feu.

S’offrir une escapade sur l’île de SaltSpring

Heureusement mon séjour sur l’île de Saltspring sera plus actif. J’y retrouve un couchsurfer qui m’a écrit quelques semaines plus tôt, m’invitant à explorer son petit coin de paradis. Mon week-end prolongé sur l’île se remplit de belles balades en forêt, d’une atmosphère un brin hippie, d’une randonnée au sommet du mont Erskine et d’un match de foot sous la pluie. La neige s’est joint à nous, enveloppant la vue du balcon de mon hôte. J’admire mes premiers wapitis qui ont élu domicile dans le jardin du voisin, me donnant l’impression d’être leurs animaux de compagnie. Les animaux sauvages mènent leur vie au plus près de la nature et cela deviendra une habitude de les croiser sur les chemins balisés. Après ces quelques jours bien chargés, je reprends le ferry, cette fois-ci vers Swartz Bay, où le bus en direction de Victoria m’attend.

Découvrir Victoria, la capitale de la Colombie-Britannique

On m’avait beaucoup parlé de Victoria. Je savais qu’on allait bien s’entendre elle et moi. Capitale de la Colombie-Britannique, elle a un petit air de Londres, tout en se laissant border par la mer des Salish. Je passe mes journées à arpenter les rues de la ville à taille humaine, humant l’air marin et profitant d’un incroyable fish and chips. Je m’y sens bien, trouvant un rythme de non-voyageuse. Le matin, je postule. L’après-midi, je profite des éclaircies pour la découvrir : quartier chinois de Victoria; randonnée jusqu’au Mont Douglas; galerie d’art; quai des pêcheurs et ses petites maisons colorées. On ne s’ennuie pas ! Je quitte Victoria avec un pincement au cœur me promettant de revenir une prochaine fois.

Mes adresses :
Finest At Sea Seafood Market and Food Truck : délicieux fish & chips
Nourish Kitchen : une adresse végane offrant de beaux brunchs

Rejoindre Seattle depuis l’île de Vancouver

Lorsque j’ai vu qu’un ferry reliait Victoria à Seattle, je me suis empressée de contacter mon ami rencontré au détour d’un billard il y a quelques années, en Nouvelle-Zélande. Le rendez-vous est pris pour début mars et la traversée ne m’offre ni baleines, ni orques. Il est encore un peu tôt dans la saison et la nuit s’en vient rapidement. À bord du bateau depuis 17h, je finis par poser l’ancre à Seattle vers 20h, le temps de passer à l’immigration. On me demande ce que je viens faire dans le coin, où est-ce que j’ai rencontré l’ami qui m’accueille. Je m’amuse toujours de mes réponses données aux agents curieux.

Pour réserver votre ferry de Victoria à Seattle : https://www.clippervacations.com/seattle-victoria-ferry

Quelques jours à Seattle

C. m’attend sur le quai et il ne semble pas avoir changé depuis notre dernière rencontre à Édimbourg. On rattrape le temps perdu puis il me dépose vers la plage Alki au petit matin, pendant son cours de volley. C’est l’occasion pour moi de prendre du recul sur la ville et d’observer le Space Needle de loin.

Nous partons ensuite à la découverte du quartier Freemont, où un troll grandeur nature se cache sous un pont, où des chocolats dignes de ce nom se dégustent à Theo Chocolate. On profite de l’éclaircie pour admirer les quelques cerisiers en fleurs au Washington Park Arboretum, nous faisant compter les touches de couleurs sur le bout des doigts. Les colibris s’immiscent au cœur de notre balade, transformant mon hôte en grand enfant.

Quels musées choisir à Seattle ?

Chihuly Garden and Glass

Le soir, C. m’embarque avec sa compagne au cœur du Chihuly Garden and Glass. Je ne sais pas du tout à quoi m’attendre. La première pièce me plonge rapidement dans une obscurité profonde et des teintes de lumières semblent jaillir de sculptures de verre. Chaque œuvre captive mon regard. Je n’avais jamais imaginé que des souffleurs de verre puissent parsemer un musée entier ! Pourtant Dave Chihuly, un artiste américain, a su relever le défi. Vous en dire plus serait gâcher la surprise. Quelle a été ma stupeur lorsque j’ai levé la tête pour admirer le plafond de verre aux couleurs captivantes. À couper le souffle !

Space needle

Le lendemain, je reviens en solitaire dans le quartier de Lower Queen Anne. Mon ami travaille et j’ai envie de grimper en haut de la Space Needle, construite pour l’exposition universelle de 1962. C’est un peu la Tour Eiffel de Seattle alors je décide de prendre un peu de hauteur. Il pleut. Je crois que la dernière fois que je suis montée en haut d’une tour à l’étranger, c’était à New York il y a plus de 17 ans ! J’avais à l’époque pris le bus de Montréal. C’est marrant la vie. J’aime y voir des liens, un fil rouge, une symbolique.

Museum of pop culture

Dans l’après-midi, je remonte aux sources de Jimi Hendrix et Nirvana. Je me laisse porter par l’expérience immersive que m’offre le MoPop. Chaque pièce me plonge dans un univers différents : musique, film, science fiction. Même les expositions temporaires valent le coup d’œil. Me voici baignée dans le monde de LEIKA. Le musée fait même un clin d’œil au Seigneur des Anneaux. Des guitares s’exposent telles une vague horizontale. J’ai de la musique plein les oreilles et mes yeux se délectent d’univers en univers. J’ai bien dû passer 3h dans ce musée sans jamais me lasser. Seattle a une belle offre pour tous les amoureux d’activités intérieures. Quand il pleut, c’est le petit paradis du visiteur.

Où manger à Seattle ?

Grâce au Seattle Center Monorail, je rejoins le Pike Place Market, le plus vieux marché du pays dont les débuts datent de 1907. Les boutiques d’artisans et d’antiquités se mélangent aux étals de poissons, fruits et légumes. Je déambule dans les artères du marché à la recherche d’un déjeuner frais, mais je me retrouve face à des mets gras et salés, parmi la foule. J’y admire les arcades, la déco un peu ancienne et la queue devant le premier Starbucks du nom, ouvert en 1971 à proximité du Pike Place Market, avant de rejoindre mon ami pour notre goûter quotidien.

Il m’aura fait découvrir tous les soirs un restaurant différent. J’aurais goûter des plats raffinés aux influences asiatiques, mexicaines, italiennes. Les fusions ont conquis mes sens et j’en ai oublié de noter toutes les belles adresses auxquelles j’ai été convié. J’ai sauvé quelques noms pour que vous puissiez vous aussi y succomber. N’oubliez pas de réserver !

Se restaurer à Seattle :
Moon tree : les meilleurs sushis de ma vie avec un saumon qui font littéralement en bouche
Bounty Kitchen : un petit café simple avec des options végé
Rupee : une déco soignée, des mets succulents aux douces inspirations indiennes et sri-lankaises
Fiore : une adresse stylée pour du bon café
Molly Moon’s : des glaces fait maison à vous faire baver

Relier Seattle à Vancouver

Il est temps de quitter mes amis. J’aurais aimé rester quelques semaines de plus à Seattle, poussant un peu vers l’extérieur pour profiter des parcs nationaux environnements. Heureusement la météo ne s’y prête pas et m’invite soigneusement à repartir pour Vancouver. Mon flixbus a été annulé la veille. C’est donc Amtrak qui me sauve la mise avec des tarifs fixes. Je jette un dernier regard à Seattle à travers la vitre du train qui me ramène en Colombie-Britannique. Le passage à la frontière est rapide et d’autres aventures semblent encore m’attendre au Canada.

Dans le désert de Mauritanie : une semaine de trek au cœur de l’Adrar

Une envie née dans les Hautes-Pyrénées il y a 15 ans déjà. La Mauritanie fait partie de ces destinations que l’on prend le temps de savourer… avant, pendant, après. J’ai voulu y poser les pieds tant de fois, mais j’imagine qu’il me fallait cette opportunité à l’orée d’une fin de contrat. Alors j’ai tenté le coup. J’ai signé pour une aventure dans le désert de Mauritanie où je n’avais rien à organiser. Un sac à dos à préparer, un train pour Paris et c’était partie pour une semaine pas comme les autres.

J1 – De Atar à Azoueïga

Arrivée en Mauritanie

Prendre un taxi pour l’aéroport. Attendre dans cette salle vide tout en sachant que je m’apprête à brûler mon bilan carbone. Me retrouver à chercher du regard ceux et celles qui pourraient rejoindre mon groupe.

Il y a bien longtemps que je n’ai pas posé un pied en dehors de la France. J’ai l’impression d’avoir perdu l’habitude de voyager. Est-ce comme le sport ? Faut-il pratiquer souvent pour se dégriser ? Après quelques heures de vol, je demande à ma voisine de devant ce qu’elle a mis sur le lieu d’arrivée. Il a fallu remplir ce papier pour passer la frontière.

Les mauritaniens nous accueillent à l’aéroport d’Atar avec des « bienvenue » lancé ça et là. Je n’ai toujours pas trouvé mes futurs compagnons de voyage, alors j’attends à l’ombre, observant ce qui se passe. Une queue commence à se former. J’en profite pour faire un tour aux toilettes extérieures qui sont d’une propreté impeccable, avant de rejoindre la file pour les visas. Une femme me prend les empreintes, tout en reniflant bruyamment et en pressant la fille devant moi. Une fois le visa mal collé sur mon passeport, j’échange quelques euros pour la semaine et je découvre le groupe qui m’accompagnera dans cette épopée au cœur du désert de Mauritanie.

À peine sorti de l’aéroport, on est stoppé au 1er poste de gendarmerie. Je replonge doucement dans mon année en Côte d’Ivoire, me demandant si, ici aussi, ils fonctionnent au « backchish ». On interroge le chauffeur. Il semblerait que le bon de sortie attendu soit manquant. S’en suit discussions et négociations en arabe, patience et vertu. Je prends le temps de réaliser que je suis enfin sur le sol mauritanien après toutes ces années.

En route pour Azoueïga

On repart sur une route bien goudronnée au milieu du désert de Mauritanie. On s’élance à vive allure et j’ai la chance de me retrouver devant, ingurgitant mes premières images. Nous faisons un stop déjeuner dans le préau d’une école, dégustant un sandwich chaud, délicieusement garni. On repart pour des routes de sable, profitant de quelques sensations fortes. Nous nous rapprochons des dunes, jusqu’à poser notre camp à Azoueïga, près des végétations.

Mohammed notre guide nous invite à le suivre au cœur d’un buisson. À notre grande surprise, un petit abri de fortune se dévoile sous les acacias. Une femme nous prépare le thé et nous nous initions au rituel qui occupera chaque journée. « Trois thés pour vraiment prendre le temps », nous dit Mohammed. Le premier éponge toutes mes appréhensions. Le deuxième soulage mes maux de ventre qui ont eu la surprise de se pointer en tout début de voyage. Les joies d’être une femme… Le troisième pose la première pierre de cette itinérance. À partir de ce moment, je n’avais plus le choix que de profiter du moment présent.

Le soleil se couche sur les contours mauritaniens.
Les formes qui se dessinent annoncent un voyage émerveillé. Une envie de savourer chaque seconde, comme si le sable nous filait entre les doigts.

On le retrouvera partout au cœur de notre itinérance : croustillant le matin dans le pain de notre petit-déjeuner; à midi lors de nos pauses à l’ombre des acacias; le soir dans nos sacs de couchage, bien trop chaud pour ce mois de janvier.

Coucher de soleil sur l’erg Amatlich

Pour me suivre dans cette lancée, celui qu’on appellera Momo des heures durant, nous emmène en haut d’une dune, nous offrant une vue spéciale sur l’erg Amatlich. S’asseoir sur le sable avec mes nouveaux compères de voyage, regardant dans la même direction le coucher de soleil, m’offrit de belles promesses.

Je choisis cette première nuit sous les étoiles. La petite équipe de chameliers nous a rejoint et je les entends discuter et rire en fond. Je ne suis pas encore habituée aux bruits du désert. Les moustiques chantent et la chaleur transpire à travers mon sac de couchage. Le ciel brille de mille étoiles et je finis par me laisser bercer par ces doux éclats de voix.

J2 – D’azoueïga aux dunes de l’Amatlich

Apprentissage de la vie nomade

Je me réveille avec les étoiles filantes et une envie de trouver un coin cachée. Je tombe nez à nez avec M-C qui a perdu son chemin. Je suis donc en train de me déculotter quand une lumière s’approche et je l’entends heureuse de me trouver. Les bivouacs rapprochent inexorablement.

Tout le monde se lève et se retrouve pour le petit-déjeuner. Au menu : du pain cuit la veille et des crêpes encore toutes chaudes. Chacun refait son sac qu’on laisse aux chameliers pour partir plus légers vers 8h. La fraicheur de matin est là et le désert de Mauritanie semble changer constamment sous nos pas. Au cœur des dunes de l’Amatlich, on repère les traces de chacals, serpents et scarabées et on s’élance sur les rondeurs ensablés. Je n’ai pas croisé de serpents depuis l’Australie. Je les imagine zigzaguant sur les grains de sable, exfoliant leur peau à leur contact.

Mes pieds, eux, s’enfoncent constamment et la fatigue de mes premiers jours de règles se mêlent à une avancée fragile. Heureusement la compagnie est agréable et apaise ses premiers pas en Mauritanie. Dès que le sol se durcit, le soulagement se lit sur mon visage. Mais personne ne le voit. Chacun avance cherchant les traces de Mohammed dans le sable. Chaque pas, chaque rythme nous porte vers la direction des ombres. La végétation laisse place aux cailloux et rochers. On retrouve le sable pour la pause de midi sous les acacias.

Sous la chaleur du désert de Mauritanie

Le thé devient une habitude. Il s’agrémente de dattes, de cacahuètes et de petits gâteaux. S’en vient une boisson rafraichissante au citron puis des légumes crus. L’heure de la sieste a sonné. Je suis encore plongé dans le monde occidental où tout est dû à la productivité. Je ralentirai le rythme jusqu’à 16h, allongée sur nos tapis formant un rectangle décousu.

Les dromadaires se font charger. Il est l’heure de repartir sans ombre à l’horizon. M-C souffre de la chaleur, alors après 2h de marche, nous posons le champ au bord des dunes. Une petite chèvre agrémenté de riz et ce sera l’heure de dormir sous les étoiles.

J3 – Vie nomade au cœur des dunes

Réveil vers 6h avant que le soleil émerge lui aussi. Les affaires se plient et le petit-déjeuner est déjà servi. On part vers 7h15 alors que K. finit encore ses affaires. Les dunes aujourd’hui nous appellent. Les pieds s’enfoncent et je tache de suivre le rythme alors que tous les muscles sont sollicités. Je reprends du poil de la bête et les montées dans le sable s’adoucissent. Le sol se durcit régulièrement laissant le corps reprendre de l’élan. Les ombres jouent avec les contrastes de l’horizon. Le soleil commence à raser les formes et à taper sur le chèche bleu acheté à l’aéroport, annonçant la pause déjeuner sous les acacias d’Aguassar. Les chameliers s’ouvrent un peu… Abderaman, Nenni et Kassem prennent eux aussi le temps d’une sieste sous la chaleur inhabituelle d’un mois de janvier.

Après la pause, nous rejoignons le petit village d’El-Meddah, nous acquittant de boissons fraiches. La mienne sucrée au goût de mangue a déjà parcouru des kilomètres. Le village émerge du sable jusqu’à apercevoir au loin l’hôpital flambant neuf qui se construit. Les allées ombragés sont appréciables sous le soleil plombant. On s’octroie un petit stop auprès des femmes et de leurs marchandises, le soleil ne nous invitant pas à marchander. On retrouve les dromadaires après une petite montée éprouvante sous la chaleur d’une fin de journée. Montée du camp en plein désert de Mauritanie et couscous du soir. Je dormirai sur notre tapis de repas.

J4 – La vallée blanche

Départ à 7h30. Le rythme semble avoir été pris. La montagne se rapproche à l’avancée de nos pas ensablés. Les cailloux finissent par apparaître moins flous et le sable laisse place à la roche légère. J’aime le contraste du jaune et du noir. L’ocre du sable et le grisâtre des rochers. On grimpe puis la vue s’ouvre sur une mosaïque de paysage sublime : la vallée blanche. L’une des plus belles qu’il m’ait été donné de voir en Mauritanie. Je me pause sur un rocher et chacun semble vouloir ralentir le temps devant les dunes dessinées à l’horizon. On doit redescendre avant que le soleil prenne toute la place pour se réfugier à l’ombre des acacias. Les dunes jouent avec les ombres offrant des captures époustouflantes.

Après une bonne sieste, on repart sous la chaleur torride du désert de Mauritanie. La palmeraie nous offre un brin de répit, tandis qu’à l’horizon le gré s’étend à perte de vue entre les vallées de sable. C’est au cœur de ce paysage que nous posons le camp. Ce soir-là nous nous resservirons du thé par deux fois. La soirée se prolonge autour du feu de camp. Allongés sur la grande paillasse, nos fous rires se mélangent à l’oasis de la Gleïtat. Peut-être que le thé était trop fort finalement. Même K. tarde à s’endormir sur les tapis qui nous servent de table. Je ne fermerai pas les yeux avant 1h du mat, bercée par une soirée riche en partage et émotions.

Le sable s’incruste dans chaque pas, chaque pore.
La Mauritanie est une invitation à la poésie.
Les paysages changent au rythme du soleil.
Dur, tendre, croustillant…le désert s’accommode des bourrasques de vent et du manque d’eau.
Les dromadaires soulagent nos dos.
Le thé panse nos plaies intérieures.
Et telles les deux poignées de sucre dans la théière, la Mauritanie finit toujours par gagner le combat du cœur.

J5 – La passe de Tifujar

Ce matin, le gré a pris toute la place. Nous avançons sur un sol dur, de rochers en rochers. J’en profite pour papoter avec B. tandis que les dunes se dégagent au loin. La caravane nous rattrape et nous prenons ombrage au cœur de la tente de femmes nomades que nous croisons. L’ainée pile les noyaux des pastèques, utilisées ensuite pour faire de la bouillis. K. s’empresse de l’aider quelques minutes mais elle ne semble pas convaincue. L’instant est court et nous continuons notre traversée sur le plateau de l’Adrar.

Nous stoppons notre marche plus tôt que d’habitude pour un rafraichissement à l’hibiscus. Nous rattrapons Mohammed qui veut nous montrer des peintures rupestres. La chaleur est telle en plein désert mauritanien que nous sommes plusieurs à ne pas être serein. Un mal de ventre fulgurant me rattrape sur le retour. Les dattes, le thé ? Je préfère pencher sur les dattes lorsque Nenni se rapproche de moi pour me servir ma dose quotidienne. Le tout accompagné de taboulé et mandarines… la sieste se présage vitale à l’ombre, avant de rejoindre la splendide passe de Tifujar.

Après s’être posée pour quelques photos, on contourne la passe afin de descendre les dunes telles des pistes de ski. Le camp du soir est posé et nous profitons de conversations au fil du soleil couchant.

J6 – Les gorges de N’Tezzent

Matinée platonique dans le désert de Mauritanie

6h30. L’arrivée de K. me réveille. J. balance son matelas plein de sable me sortant du reste de ma nuit. J’ai dormi sur les tapis servant de table pour le petit-déjeuner. Pour la première fois depuis le début de la semaine, j’ai du mal à me lever. La nuit a été fraiche et j’ai dormi d’une traite. Mes compagnons de route profitent des crêpes, il faut que je me dépêche avant de reprendre la route.

Ce matin le paysage est plat. Les dunes se font absentes et ce manque de dénivelé semble annoncer la fin d’un voyage. On passe le petit village de Tentemdege, où les enfants rentrant de l’école se mettent à courir derrière nous. Je m’arrête à la coopérative El Medina pour un jus de mangue.

Après-midi pleine de surprises

Le déjeuner prend place sous les arbres en compagnie de fourmis doré. On se rapproche petit à petit du canyon qui borde notre route. Les gorges de N’Tezzent nous accueillent à leur pied pour une dernière nuit dans le désert de Mauritanie. Momo nous montre un jeu, tandis que la fine équipe s’installe. Nous découvrons une grotte un peu plus loin, étendue là telle une cathédrale de dentelle. Notre guide rigole derrière ces énormes stalagmites qui prennent toute la place et nous invite à le rejoindre. La vue est splendide sur les montagnes alentours. Nous faisons le tour avant de retrouver notre camp, en descendant la grande dune d’Ehl Abdellahi. Le sable se glisse entre mes pas une toute dernière fois.

Les jours sont comptés.
Il va falloir les quitter.
Je n’aime pas les au-revoirs.
Ces moments suspendus où tu ne sais pas si vos routes se recroiseront un jour.
Ils sont souvent remplis de promesses non-dites, de sous-entendus vitaux et de douces fissures au cœur d’amitiés ensablées.
Alors on profite du paysage pour se concentrer sur le moment présent, tel un équilibriste sur un fil.

Comme chaque soir, Kassem nous prépare le pain du désert. Le Kesra est pétri puis cuit à même le sable, recouvert de braises. Nenni concocte le thé comme il sait si bien le faire, avec en fond sonore la musique de « Kais et Leilla » sur son téléphone. Adberaman se joint à la troupe pour quelques acrobaties, une fois le repas englouti. Le feu mettra plus de temps à s’éteindre ce soir-là. Les bourrasques de vent semblent accompagner ma mélancolie sous les étoiles. Les gars dorment paisiblement à côté de moi alors que je lutte contre les grains sables obstruant chacune de mes pores.

J7 – De Tergit à Chinguetti

En route pour Tergit

Après le petit-déjeuner, on se pause un instant pour une photo de groupe. On quitte les chameliers et le cuisinier non pas sans une pointe d’émotions. Nous suivons le cours du canyon qu’on longe par la droite. Je pose mes pieds dans les empreintes de Mohammed. Une voiture passe et on emprunte la route offrant des paysages dignes des plus grands panoramas américains. Ici pourtant mon cœur est lourd. Je m’éloigne du groupe pour avancer seule sur le goudron. Je sors de la stupeur de ma nuit ensablée pour la mélancolie des jours comptés.

Tergit stoppe mes songes. Quelques femmes vendent des babioles. Je m’arrête pour du bissap, alors que nous suivons la rue principale du village. Au cœur de l’oasis, les pieds s’unissent à l’eau serpentant parmi la palmeraie.

Posés sur un tapis sous une tente, le thé qui nous est servi ne contient pas toute la chaleur du sourire de Nenni. L’amertume ressort sous le sucre légèrement diminué. Je me retrouve à observer ces autres groupes qui ont eux aussi passé la semaine dans le désert de Mauritanie. J’ai du mal à émerger.

En route pour Chinguetti

Le déjeuner se passe à l’ombre des palmiers et la petite sieste est vite terminée. Vers 14h, on prend la route pour Chinguetti. Arrivés vers 16h, nous posons nos bagages dans notre petite case du soir, avant de filer voir la bibliothèque. Les marchands nous sautent dessus et les livres que nous espérions voir ne sont plus. On rentre à pied sur les allées sablées de la ville. Je me délecte de notre seule douche, que je troquerais bien pour une autre semaines dans le désert mauritanien.

Le lendemain, Mohamed nous largue à l’aéroport et on attend le point final de ce voyage dans la chaleur d’Atar.


J’ai retrouvé Paris puis la neige salvatrice des Hautes-Pyrénées… mais la sensation de marcher dans le sable a disparu. Ici la glace a pris le dessus et les crampons sont de sortie. Les pas de Mohammed ont depuis longtemps disparu pourtant je les cherche encore devant moi. Au détour d’un virage, au détour d’un sourire, j’entends les rires lointains de conversations aujourd’hui anonymes. Les camarades d’une semaine ont chacun repris leur vie, tandis que moi, je cherche encore la mienne.

Refuge d’Art, une œuvre de 150km autour de Digne-les-Bains

Vers la fin de mon GR10, Mathieu me contacte pour me proposer de me joindre à lui, à la découverte du Refuge d’Art. Il me parle d’un trek de 10 jours au départ de Digne-les-Bains au cœur des Alpes de Haute Provence. Il a besoin d’une figurante pour prendre quelques photos. Comment refuser une randonnée dans un département que je connais finalement si peu, au delà des Gorges du Verdon et de la belle Sisteron ?


Je prépare mon sac le plus léger possible. J’ai délaissé ma tente pour un séjour tout confort, emportant duvet, changes et mes trois couches habituelles pour une randonnée. J’ai caché quelques graines dans mon sac, au cas où le guide aurait oublié quelques détails. Je rejoins Digne-les-Bains en train au départ de Toulouse, où je passe la nuit.

Refuge d’Art, de Digne-les-Bains à Thoard

Après un court transfert matinal en taxi jusqu’au petit village de Courbons, c’est à travers un paysage méditerranéen que nous montons, pour rejoindre la forêt domaniale du Bès. Je suis en compagnie de Mathieu, Luc, notre guide et Eric présent pour la journée. Nous cheminons tous les quatre sur un chemin parsemé de pierres, prenant le pouls de notre petite équipe du jour. Le paysage s’offre dru et les montagnes dessinent de leurs courbes un aperçu de ces prochaines étapes. C’est à 1386 mètres d’altitude, à Martignon que nous prenons une pause déjeuner en compagnie des chevaux. De là, le chemin file droit. De la Comberge à La Bigue, les vues offrent leurs premières couleurs automnales, avant que nous ne plongions au cœur d’une forêt de hêtre aux feuilles duveteuses.

La traversée sous les arbres, parés de jaune, est courte. Le bois de Sivon laisse alors place à quelques parcelles de lavande coupée après le col de la Croix. Ça y est, nous sommes prêts à découvrir la première empreinte d’Andy Goldsworthy au sein de la chapelle Sainte-Madeleine. L’art s’offre nu au pas de la porte. Je me rapproche doucement effleurant de mes yeux ces pierres savamment taillées pour former une enclume ou un œuf dans lequel se lover. On se sent bien au cœur même de l’œuvre, tel un fœtus recroquevillé sur la pierre tendre. C’est peut-être la première fois que je peux jouer avec la création d’un artiste. L’observer, la toucher et prendre place. Je suis très enthousiaste pour la suite… D’autres ont laissé leur empreinte dans cette chapelle bercée entre deux montagnes.

Il est temps de rejoindre Bernard et Marie, gérants de La Bannette qui nous accueillent comme de vieux amis avec un jus de poire à tomber par terre. La soirée est teintée de voyage et mes yeux ne peuvent s’empêcher de fureter chaque recoin de la maison. Je pourrais rester ici des semaines tant mon imagination déborde malgré une journée de marche. Le feu de cheminée dansant finit par stopper mon vagabondage pour me concentrer sur le diner concoctés par nos hôtes de caractère. Au cœur de Thoard, nous voyageons en Suisse, puis de l’Inde à Israël.

De Thoard au refuge d’art La Forest

Je suis prête à l’heure et après un petit-déjeuner digne des plus grandes tablées, j’attends patiemment mes compagnons de route, Luc et Mathieu. Mes yeux dérivent sur chaque détail de la maison d’hôte, sur les objets posées ça et là, qui ont l’air chacun de raconter une histoire. Je suis sûre que de grands romans pourraient naître ici, à l’image de ces hôtes qui offrent à leurs invités une introduction à la vie d’Alexandra David-Neil, avec quelques livres sur les étagères de la chambre d’hôte bleu ou miel.

Il est l’heure de sortir de cette parenthèse pour longer la route en voiture jusqu’à la lisière de la forêt domaniale des Duyes. S’offre à nous le champ du Bois pour une marche au cœur d’un sol forestier jonché de champignons de toute sorte, où chacun semble retrouver son âme d’enfant. Puis on rejoint les crêtes sur la colline de St Joseph, dégageant la vue sur les synclinaux perchés. Les Alpes de Haute Provence sont splendides et inspirent à prévoir de futures randonnées. En ce mois d’octobre, nous ne croisons personne. Un délice pour ceux et celles qui chercheraient un moment de quiétude ou un retour à soi.

Les pauses photos sont nombreuses jusqu’au sommet du corbeau. Nous pique-niquons un peu plus loin avec la montagne de Melan en toile de fond. Du col de Mounis, le sentier serpente jusqu’au ravin de la Marine, abimé par les eaux aujourd’hui absentes. Les pins noirs d’Autriche nous accompagnent sur les derniers kilomètres menant au refuge d’Art La Forest, où Andy Goldsworthy a laissé une nouvelle trace, lumineuse cette fois.

Du refuge d’art La Forest à St-Geniez

On profite de la matinée pour jeter un coup d’œil aux ruines de La Forest avant de traverser le cours d’eau du Vançon via un petit pont suspendu. L’Ubac en arrière plan, c’est sur un chemin rocailleux que nous montons doucement jusqu’à la chapelle de Dromont, qui nous accueille pour la visite. Datant du 17ème siècle, elle est classée monument historique et recèlent quelques secrets à découvrir sur place, à l’image de sa crypte éponyme.

De la chapelle, nous prenons la route de St-Geniez pour un crochet jusqu’au village, adossé au pied du versant sud des massifs du Gouras et du Trainon. Dès le moyen-âge, le village est associé à Genies, l’un des plus anciens saints de Provence. On y rejoint le gîte d’Olivier, fervent cavalier pour profiter d’une fin d’après-midi posée.

De St-Geniez à Verdache

De St-Geniez, un taxi nous récupère pour éviter le bitume qui mène jusqu’à Feissal. Les couleurs automnales sont spectaculaires, mais je ne les vois qu’à demi-teinte à travers les vitres de l’ambulance. Heureusement ma frustration sera de courte durée avec notre arrêt à la sentinelle de la vallée du Vançon. Le soleil sort timidement de derrière la montagne nous offrant un spectacle dorée. La sentinelle, œuvre d’Andy Goldsworthy, se voit parée d’une auréole de brume un court instant. Le temps de capter la beauté de l’art corrélée à son environnement, nous reprenons notre sac à Feissal pour se laisser envoûter par les crêtes de Chine.

Le paysage se dénude offrant en toute simplicité les sommets captivants, à l’image des Monges. Au col de Clapouse, on profite d’une pause pour observer les aigles royaux, tandis que Les Écrins sortent à l’horizon. Nous laissons la « vieille bergerie de Chine » en contre-bas pour pique-niquer au refuge de Seignas. Le cadre est grandiose avec le sommet de l’Estrop en ligne de mire.

Nous redescendons doucement jusqu’au village de Barles, profitant des œuvres ça et là de Herman de Vries, nous rappelant d’observer l’environnement qui les entourent, telles des fenêtres sur un autre temps. De Barles, transfert à Verdaches chez Patrick et Alix au cœur du gîte de Flagustelle, où nous passons la soirée en bonne compagnie.

De Verdaches au refuge d’art du Vieil Esclangon

Nous partons vers 10h à vélo cette fois pour effleurer la vallée du Vançon de l’intérieur. Les arbres vert jaune orangé nous obligent à faire nos 15 kilomètres en 3h. Arrêt sur arrêt, nous pédalons des clues de Verdaches à celles de Barles et Péouré. Au bord de la route, nous découvrons le concept de l’artiste Paul Armand Gette et ses 0M. Un peu plus loin, c’est une sentinelle d’Andy Goldsworthy que nous étudions, lovée au cœur d’un bout de nature. Encore quelques coups de pédale et c’est au parking du Vélodrome que Patrick nous rend nos sacs en échange des vélos.

De là, il nous reste trois quart d’heure de marche pour rejoindre le refuge d’art qui nous accueille ce soir, celui du Vieil Esclangon. Nous déposons nos affaires au refuge pour monter au point de vue atteignable en 10 min, avant le coucher du soleil. Les lumières ont tamisé les lieux et nous admirons le vélodrome naturel devant nos yeux. L’endroit est à couper le souffle. Luc nous raconte qu’il y a plus de 20 millions d’années, la mer recouvrait la région et que le mouvement des plaques tectoniques avait dessiné les plissures que nous pouvons observer aujourd’hui.

Nous avons du mal à quitter ce promontoire nous offrant le plus beaux des paysages. Nous rallions notre refuge du soir pour admirer le serpent d’Andy Goldsworthy danser avec les flammes.

Du refuge d’art du Viel Esclangon à la ferme Bellon

Nous quittons le refuge d’art du Viel Esclangon pour découvrir les lignes naturelles qu’Andy Goldworthy a mis en valeur au coeur du refuge d’art du col de l’Escuichière. Nous gagnons ensuite le village Le Mousteiret pour le déjeuner, au cœur de la vallée de la Bléone. Après une belle pause, il est temps de gravir la crête de la Blache. Je prends les devants pour une petite montée à mon rythme et je profite du paysage en attendant mes deux compagnons de route. Les lumières du soir capturent de leurs douces lumières les sommets environnants. Mes yeux se posent enfin sur le toit de la ferme Bellon.

Nous entrons sans trop savoir à quoi nous attendre. Notre guide laisse notre imagination vagabonder au sous-sol, déambulant entre les pierres savamment posées pour former des ponts. Un jeu d’ombres se crée et les chauves-souris ont depuis longtemps pris possession des lieux. La ferme Bellon accueillait en 1944 les Mouvements Unis de Résistance. Mais suite à une dénonciation, les treize maquisards présents furent capturés par les allemands, qui mirent le feu en représailles. La ferme ne sera restaurée qu’en 2003 dans le cadre du projet Refuge d’Art.

De la ferme Bellon à Tartonne

Au petit matin, nous prenons le temps de faire quelques photos avec les chauves-souris et les lumières matinales. Puis le paysage s’ouvre sur ce qui semble être des carrières naturelles. Le gris contraste avec le vert des arbres et le chemin finit par se faufiler à travers la forêt. Nous continuons vers le Pas de l’Escayon puis le col de la Cine, qui offre des vues sur l’imposante montagne du Cheval Blanc.

Du col, on pourrait s’aventurer jusqu’au pic de Couard ou jusqu’au sommet de Cucuyon, mais nous préférons poursuivre vers la clue de la Peine, où un tunnel fut taillé au pic et à la mine, marquant un point de passage historique entre deux vallées. Le lieux est impressionnant ! La clue, creusée par le torrent des Gypsières, nous dévoile ses stries naturelles. Les roches tendres ont cédé à la force de l’eau mais le calcaire datant de la formation des Alpes, a résisté à l’érosion et au temps, nous laissant devant un spectacle naturel étonnant.

De Tartonne aux Dourbes

Après avoir passé la nuit au gîte des Robines, au cœur des montagnes de Tartonne, nous empruntons les petites routes goudronnées, pour rejoindre la sentinelle d’Andy Goldsworthy, en vallée de l’Asse. Cette œuvre indique la position de la faille du Défens, née il y a près de 200 millions d’années et aujourd’hui invisible.

Nous repartons vers Tartonne pour emprunter la route domaniale du Corton et entreprendre l’ascension de la barre des Dourbes, jusqu’au pas de Tartonne. Lorsque nous sortons la tête des arbres et prenons un peu de hauteur, les Alpes de Haute-Provence nous apparaissent dans toute leur splendeur. Le soleil couchant illumine la vallée. Nous devons nous dépêcher afin de rejoindre Les Dourbes avant la tombée de la nuit.

Des Dourbes à Digne-les-Bains

Des Dourbes, nous marchons sur le sol grisâtre des marnes noires vers notre dernier refuge d’art. A nos pieds se trouve un mélange d’argile et de calcaire qui daterait de 185 à 170 millions d’années. L’accumulation de sédiments dans un environnement pauvre en oxygène serait à l’origine de cette couleur noire. Il est difficile d’imaginer que la mer alpine y avait sa place, tandis que nous avançons sur ce plancher, presque lunaire.

Nous découvrons l’une des dernières œuvres d’Andy Goldsworthy au refuge d’art des Bains Thermaux, avant de rejoindre Digne-les-Bains en bord de route. Notre après-midi sera consacrée à la visite du musée Gassendi et notre aventure se clôturera au cœur de la magnifique Villa Gaïa.


J’étais partie sans attente, sans idée de ce que j’allais trouver lors de cette itinérance. J’y ai rencontré de sacrés personnages. J’y ai dévoré des paysages préalpins aux douces cambrures, accompagnés par le feu des couleurs automnales. Marcher. En apprendre plus sur le land art et la façon dont Andy Wordsworthy conjugue ses œuvres à leurs environnement. J’ai aimé arpenté les Alpes de Haute-Provence en belle compagnie et je sais qu’elles ont pris place sur ma liste pour de futures randonnées.

Un grand merci à Mathieu pour l’invitation ainsi qu’à l’Agence de Développement des Alpes de Haute Provence. Un petit clin d’œil à Luc, notre guide de caractère. Et pour suivre nos pas : organisez votre aventure sur le Refuge d’Art.

De Tuquerouye au Mont-Perdu : deux jours de randonnée intensive entre France et Espagne

J’ai une liste à rallonge de randonnées que je souhaite faire. Le Mont Perdu, que je n’avais pas pu atteindre la première fois. La brèche de Tuquerouye, dont on m’avait dit que je ne serais jamais capable de chevaucher. Puis ce parcours entre le Mont Perdu et la brèche de Roland, tenté il y a quelques années en arrière. Alors parfois, on fait un mix de tous ces rêves qui trainent et on en fait un parcours de 4 jours. Ils se sont finalement transformés en une aventure de deux jours entre France et Espagne, de Tuquerouye au Mont Perdu.

De Gavarnie à Tuquerouye

Nous partons de Gavarnie après avoir laissé la voiture au parking derrière le Spar. Nous empruntons le chemin qui mène jusqu’au cirque que nous ne rejoignons pas. Bifurquant sur la gauche, au niveau du ruisseau d’Alans, nous suivons les lacets qui annoncent une grimpette prononcée. Puis la vue s’ouvre sur les pâturages, laissant apparaître au loin le refuge des espuguettes. Nous croisons quelques familles qui redescendent de bon matin vers le village de Gavarnie. De notre côté, l’ascension n’est pas finie.

Du refuge, nous apercevons le petit Pimené qui me fait de l’œil. Pourtant au niveau du plateau des Cardous c’est à droite que nous allons et non à gauche. A la Hourquette d’Alans, nous soufflons un peu après une ascension rapide, admirant la vue sur le cirque d’Estaubé. Nous essayons de deviner le lieu où se trouve la brèche de Tuquerouye, sans y parvenir. Alors nous reprenons notre marche en suivant les kairns qui nous font couper au pied du Pic Rouge de Pailla et nous permettent de rejoindre le sentier venu tout droit du lac des gloriettes un court instant.

De là nous remontons vers l’Espagne, à travers les rochers qui se font plus présents. De kairns en kairns, je finis par apercevoir le fameux chemin menant au refuge de Tuquerouye. Le terrain monte doucement puis s’accentue à mesure que le sol glisse sous nos pieds. J’avance un pas après l’autre sans jamais me retourner. Mon compagnon de route est devant. Vers la fin, il faut que je m’accroche pour avancer. C’est que les récents orages et les pas de ce lieu fréquenté ont eu raison du sol. Je suis heureuse de ne pas avoir à descendre par là. Le refuge est proche. Je compte mes pas pour avancer mentalement et les effluves de pisse finissent par m’accueillir.

De Tuquerouye aux Astazous

Le refuge étant perché entre deux pays, il est difficile de trouver un recoin pour faire ses besoins. Je pose mon sac espérant que l’odeur ne l’imprègne pas, pour aller contempler la vue sur le lac de Pineta. La vue est splendide ! Les photos ne mentaient pas. Pourtant le refuge ne me tente guère pour une nuit. On est loin du luxe d’un refuge de Packe en plein hiver. Les lits sont pour la plupart occupés. De toute façon nous avions prévu de continuer…

Nous descendons vers le lac, avant de bifurquer sur la droite pour rejoindre le Grand Astazou. Nous laissons nos gros sacs derrière des rochers et je propose à mon co-équipier de manger à 3000 m d’altitude. Il ne nous reste que 200 m de dénivelé pour arriver au sommet. Pourtant à travers les gros rochers, notre avancée n’est pas rapide et le ventre commence à tirailler. Arrivés au col swan, nous suivons les kairns qui zigzaguent parmi la barre rocheuse. Il faut s’aider des mains et nous finissons par rejoindre le Grand Astazou pour grignoter.

La pluie s’en mêle et du haut des 3071 du sommet, nous regardons les nuages d’un gris profond, virevolter au dessus du Mont Perdu, jouant avec la frontière. Nous redescendons vers le col swan afin de rejoindre le Petit Astazou, mais la météo nous fait douter. Rien n’était annoncé dans la matinée mais nous savons que le temps peut vite changer.

En face de nous, deux français galèrent à trouver le chemin. A la vue de l’escalade, nous avons la flemme. Nous préférons faire demi-tour, nous disant qu’il aurait été peut-être plus simple de commencer par le petit Astazou, dont le chemin depuis le col au même nom semblait bien moins éprouvant. Nous rebroussons donc chemin pour retrouver nos sacs et installer notre bivouac du soir.

De Tuquerouye au Mont Perdu

Du lac glacé au glacier du Mont Perdu

Après la montée à Tuquerouye dont l’appréhension m’avait fait plus stresser que le chemin lui-même, je savais que le plus dur restait à venir. De l’ascension du grand Astazou au Mont Perdu, il fallait franchir une barrière rocheuse qualifié de III+. Pour ma part, je n’y connais pas grand chose… J’avais donc comparé celle nécessaire à l’ascension du Balaïtous (de III) pour me rassurer.

De Tuquerouye, nous avions repéré le chemin la veille grâce à deux randonneurs déjeunant au refuge. Le sentier visible, grimpe en épingle sur un sol sablonneux. Nous ne sommes pas les seuls et suivons un groupe de français de près. Arrivés en bas de la barre rocheuse, nous laissons filer un papa, parti poser sa corde pour assurer ses deux enfants. Mon compagnon de grimpe le suit et je me dépêche à l’arrière. Sauf que mon gros sac me fait douter sur un passage. Les français à l’arrière m’encouragent. Rien ne presse. Finalement le gars m’envoie sa corde avec son hameçon pour que j’y accroche le sac. Délestée, la confiance revient et je grimpe sans sourciller. Pour une fois, je ne m’auto-flagelle pas de désillusion. Il faut savoir reconnaître ses limites en montagne et depuis la veille, je les pousse un peu à bout gentiment.

Du glacier du Mont Perdu au col du cylindre

La barre rocheuse passée, nous rencontrons le glacier du Mont Perdu, réduit à peau de chagrin. Nous le contournons légèrement par la droite. Le paysage m’arrête : on se croirait en Islande. Les contrastes sont saisissants entre le bleu lointain du lac, la pierre orange, puis grise puis blanche. C. est parti bien devant. Je le suis de loin tout en m’offrant des pauses photos. Puis la montée vers le col du cylindre demande toute mon attention. Un pied devant l’autre, j’avance dans ce sol glissant. Un, deux, trois, quatre. Je me remets à compter. Cela me permet de contrôler mon mental et de m’encourager. « Un pied après l’autre vient compléter la chanson » que je fredonne. Mon esprit s’échappe un instant en Nouvelle-Zélande, lorsque je montais le Mont Ngauruhoe. J’en avais avalé des kilomètres depuis, accumulé de l’expérience et pourtant les terrains glissaient n’étaient toujours pas ma tasse de thé.

La tête de retour en Espagne, j’avance bien motivée et concentrée. Je fais un pas qui descend, puis un autre. C’est comme marcher sur la Dune du Pilat, sans le sable. Je finis par arriver au col d’où on aperçoit le l’étang glacé.

Du col du cylindre à l’étang glacé

C. m’attendait, cheveux au vent. Il descend bien motivé à faire quelques 3000 aujourd’hui. Dans ma tête le plus dur est passé. Je le suis doucement, descendant à pas feutré puis bifurquant sur la vire qui part à droite. Une petite barrière rocheuse se présente ensuite à moi et j’ai la sensation de mettre 10h à la descendre. Je crois que j’ai besoin d’une pause. Pourtant je continue jusqu’à l’étang glacé, où quelques années auparavant j’avais dû abandonner l’ascension du Mont Perdu. Il avait neigé la veille et aucun des grimpeurs du jour n’avait prévu les crampons.

C. est pressé. J’avale à la rache quelques graines et pose mon sac. Le Mont Perdu est dans le brouillard, pourtant nous n’attendrons pas l’éclaircie. Je laisse mon compagnon de route prendre de l’avance. Je suis déjà contente du chemin parcouru. Moi qui avait peur de devoir faire demi-tour et redescendre par la brèche de Tuquerouye, je sais maintenant que j’irai jusqu’au bout.

De l’étang glacé au Mont Perdu

J’entame la montée du Mont Perdu. Le terrain dérape sous mes pieds. Ici le sentier est plus usé qu’au col du cylindre, mais je coupe le mental pour avancer. C’était sans compter sur ces randonneurs espagnols, qui continuant leur descente, déboulent droit devant moi comme des isards aguerris. Je n’aime pas le bruit des pierres qui roulent. Avec le peu de visibilité, on a l’impression qu’une peut nous atteindre à tout moment.

Je monte. Je croise un gamin qui pleure à la descente, des filles qui hésitent et d’autres qui dérapent carrément, se retrouvant les quatre fers en l’air. J’hésite. A quoi ça sert de monter un 3000 dans le brouillard, si c’est pour ne pas avoir la vue à l’arrivée ? Je pourrais m’épargner les jambes flageolantes et la peur de la descente. Je sors mon téléphone pour me repérer sur la trace gpx… je ne suis plus très loin.

Quelques mètres plus tard, après avoir affronté un vent violant et une visibilité faible, je finis par retrouver C. qui m’attend dans le froid pour les derniers mètres. ça y est ! Nous sommes enfin en haut du Mont Perdu, un peu dépités par le brouillard. On va dire que je m’y suis habituée. Nous espérons l’éclaircie, mais j’ai peu d’espoir avec mon compagnon pressé. Il n’est même pas 12h ! Nous attendons un peu. Quelques nuages s’écartent pour nous laisser admirer… la mer de nuage ! Puis nous redescendons à l’étang glacé.

Du Mont Perdu à la Brèche de Roland

Du Mont Perdu à l’étang glacé

Finalement la descente n’était pas si pire. Les cailloux dégringolent sous mes pieds et je vois les gens monter me regarder bizarrement. Finalement le bruit ne se contrôle pas, mais il y a au fond peu de danger à voir un caillou atteindre ceux qui montent. Je fais tout de même attention, suivant de près une espagnole aussi tranquille que moi.

Nous rechargeons nos gourdes à l’étang glacé, où le brouillard fait doucement place au soleil. Je viens de croiser un guide de montagne avec qui je fais du co-working. J’imagine que lui et sa compagne auront plus de chance quant à la vue. J’ai envie de faire une pause, de m’octroyer un brin de vitamine D les pieds dans l’eau mais je sens C. impatient.

De l’étang glacé au col de la cascade

Nous empruntons donc le chemin qui grimpe vers la droite, bien dessiné mais qui n’apparaît pas sur la carte. Nous avions essayé de le prendre quelques années plus tôt avec A. A l’époque, le coin était beaucoup moins fréquenté. Du moins, au mois d’octobre ce n’était plus l’autoroute sur le Mont Perdu et j’avais apprécié le calme des montagnes. Nous n’avions jamais pu trouver le chemin qui permettait de rejoindre la brèche de Roland et pourtant ce jour-là, il était aussi clair qu’une roche dans un lac de montagne.

Nous suivons les autres randonneurs qui se sont engagés sur le sentier, à niveau. Qu’est-ce que ça fait du bien d’avancer à plat ! C’est reposant. C. se dirige vers les pics de la cascade, mais il est bien loin devant pour lui indiquer qu’un chemin plus simple se trouve en contre-bas. Je l’emprunterais bien, mais je n’ai pas le choix, ne voulant pas le perdre sur l’itinéraire. Je suis fatiguée. J’ai faim. Je râle.

Lorsque je rejoins C. il veut essayer d’aller plus haut, escalader deux trois pics. Je le laisse à ses occupations m’asseyant un brin H.S pour grignoter. Depuis le GR10 mon corps réclame beaucoup plus d’énergie… et je dois absolument l’écouter pour continuer à avancer. C. me rejoint finalement rapidement et nous descendons pour récupérer le col de la cascade.

Du col de la cascade à la Tour du Marboré

Depuis le lac glacé, j’ai 4 kg de plus sur le dos : 3L d’eau dans ma poche à eau et 1L de plus dans ma gourde filtrante. ça fait beaucoup ! Surtout lorsque je m’aperçois qu’il y a de l’eau à profusion sur le chemin qui nous mène au col de la cascade.

Depuis ce matin, j’ai l’impression de courir après C. L’objectif était de faire pas mal de 3000 entre le Mont Perdu et la brèche et pourtant, le chemin de l’Epaule partait sur la droite. Arrivés au col de la cascade, je sens l’exaspération et la déception de mon compagnon de chemin. Pour une fois dans ma vie, je ne me remets pas en question et je ne le prends pas personnellement. Je sais qu’en solitaire, il aurait peut-être fait plus, tenté plus de choses. Je suis au maximum de ma capacité phyisque et pour ma part, je trouve qu’on a déjà fait un bon morceaux.

Du col de la cascade, il nous en faut peu pour rejoindre la Tour du Marboré : notre troisième 3000. Pour moi, ce n’est pas une course ou un tableau de chasse. Je profite comme je peux du paysage, tandis que nous échangeons sur nos possibilités. Il est presque 15h et nous sommes à quelques kilomètres de la brèche. Nous, qui avions prévu de bivouaquer sur l’un des sommets, on se retrouve en avance sur notre planning. Je suis un brin frustrée… j’aurais aimé prendre mon temps, admirer la vue ensoleillée du Mont Perdu et profité d’une autre nuit en bivouac. C. l’est aussi pour d’autres raisons.

Par le pas des isards : de la Tour du Marboré à la brèche de Roland

De la Tour du Marboré, nous suivons la file de randonneurs qui se dirigent lentement vers le pas de isards. Nous passons sous le Casque du Marboré, que je ne grimperais pas cette fois. Le brouillard a été remplacé par le soleil et les pierres blanches font office de réverbération.

Le Pas des Isards se rapproche. Un pied après l’autre en file indienne, c’est la partie la moins difficile de mon périple. Les chaussures s’accrochent au sol qui ne glissent pas pour une fois sous mes pieds, et la grosse chaîne permet de s’assurer un minimum. Le passage est court et nous rejoignons la brèche, heureux de retrouver un brin d’ombre.

Cela fait 3 fois que je la descends. La première fois lorsque j’étais venue faire l’ascension du Taillon, à l’époque où la foule n’était pas. La seconde fois, le mois dernier après avoir parcouru la Vire d’Escuzana et la troisième fois, ce dimanche 13 août. Je n’aime pas particulièrement ce chemin fréquenté donc le sol s’érode sous nos pas. Un jour, je l’imagine aménagé pour que l’on puisse encore venir dans cette fente qui sépare la France de l’Espagne.

De la Brèche de Roland à Gavarnie

Nous descendons jusqu’au refuge, puis vers la cascade que j’évite en suivant les indications d’espagnol et de C. en contrebas. Nous avons plus de 1 700 m de dénivelé négatif devant nous. Je ne sais honnêtement pas comme mon corps tient encore debout. Nous pensions descendre par l’échelle des Sarradets en trois jours. Finalement nous emprunterons la vallée des Pouey Aspé, en suivant le panneau qui indique Gavarnie sur la droite. Contente d’échapper au col des tentes, nous nous engageons dans cette vallée sauvage où il n’y a plus personne. Cela nous change du parc national d’Ordesa, malheureusement blindé en ce milieu d’été.

Dans la descente, je recroise le guide et sa compagne. Ils n’ont pas eu la vue escompté en haut du Mont Perdu. Ils me racontent que ce que nous avons fait en deux jours, eux le font en une seule journée, mais beaucoup moins chargé. Je les laisse passer devant au pas de course et je maintiens l’allure pour suivre C. Le sol ne glisse plus et mes pas s’accélèrent, prêts à courir après avoir avalé tant de dénivelés et de kilomètres.

A la vue de Gavarnie loin de la foule, j’ai envie de planter ma tente là et de prolonger encore ce moment de béatitude que me procure la montagne. Sauf que ma tente est dans le coffre de mon compagnon d’aventure, qui ne l’entend pas de cette oreille. Après plusieurs tentatives à le convaincre, lui promettant marmottes et merveilles, je finis par abdiquer, bien trop contente d’avoir réussi cette belle boucle que je ne pensais accessible en bonne compagnie.

De Tuquerouye au Mont Perdu, on aura rejoint la brèche puis Gavarnie. Une de mes plus belles et dures aventures, promesse d’un boost de confiance et de lâcher prise.