Pic de Cambalès et boucle des lacs : deux jours dans les Hautes-Pyrénées

Cet hiver, en partant pour une balade jusqu’au refuge Wallon avec les filles de l’association Pyrelles, la gérante me parle des lacs qui se trouvent en amont. Je ne les connais pas. Elle me certifie qu’ils sont splendides et c’est toujours via ce genre d’échange que je chéris, qu’une graine se plante. Parfois certaines ne prennent pas racines, mais d’autres passent l’hiver au chaud avant de grandir l’été venu. Me voilà, en train de planifier un tour des lacs (et pic) de Cambalès, de Nère, du Pourtet et de l’Embarrat.

J’embarque donc Mathieu, un acolyte blogueur dans cette aventure. Du moins, c’est plutôt lui qui m’emmène vu que je n’ai plus de voiture. Il nous reste deux places à l’arrière… vous venez ?

Du pont d’Espagne aux lacs de Cambalès

Après s’être garé sur le parking toujours aussi immense du pont d’Espagne, je montre à Mathieu la cascade si photogénique, qui a amené la commune à mettre en place un tel dispositif d’accueil. L’affluence touristique du coin n’est pas encore à son apogée et nous partons sereinement vers le refuge Wallon qui a ré-ouvert l’hiver dernier.

On s’engage sur ce chemin que je connais déjà. Les pierres arrivent vite, mais c’est d’un pas motivé que nous avançons jusqu’à la pause midi. Je retrouve les tables familières du refuge pour engager le postérieur dessus. J’attends Mathieu qui s’est surement arrêté pour prendre une nouvelle photo. C’est toujours sympa de remarcher sur un chemin, accompagné d’un novice pour le regarder avec des yeux nouveaux.

On mange donc notre déjeuner, accompagné d’une crêpe sucré et bien huileuse, avant de demander quelques idées de sommets à l’un des gardiens :

– On hésitait à partir sur la Grande Fache. Vous auriez des recommandations ? demanda Mathieu.
Perplexe, j’assure le gardien que je ne suis pas partie pour gravir un 3000, encore moins la Grande Fache.
– Vous avez le Pic de Cambalès qui est pas mal. Il suffit de passer par le Col d’Aragon.
Je demande au gardien de nous montrer le chemin, m’assure du terrain, de la présence de névés et du temps approximatif.
– Vous pouvez contourner les névés. Il vous faut compter 1h30 au départ des lacs de Cambalès, nous assure-t-il.

Nous voilà (presque) rassurés ! Nous prenons donc le chemin qui grimpe derrière la chapelle pour rejoindre les lacs, où je souhaitais poser la tente pour le bivouac du soir. Il est 15h lorsque nous arrivons et la pluie fine nous offre ses gouttes qui transpercent. Après avoir partagé un morceau de gâteau basque, (une histoire de GR10 encore) et un thé chaud, chacun finit par vaquer à ses occupations pour nous retrouver au repas du soir en bord de lac de Cambalès.

Ascension imprévue du pic de Cambalès

Au petit matin, on se réveille la tête dans le brouillard. Je demande à M. s’il est toujours motivé pour l’ascension du pic de Cambalès. Bizarrement depuis la veille je ne le sens pas.

M. me répond que la visibilité n’est pas si mauvaise dans le brouillard et que l’on risque de passer au dessus de la mer de nuage. Vu que je suis abonnée à une vue brouillée depuis mes dernières randonnées, je ne suis pas très optimiste pour la photo à 360° au sommet.

Nous partons tant bien que mal, de lacs à en lacs jusqu’à trouver les cairns nous menant vers le col d’Aragon. Tout à coup à notre gauche, le brouillard se dégage pour nous laisser admirer le lac d’Opale qui porte bien son nom. L’ eau d’un bleu vif presque turquoise me prend aux tripes. La magie des montagnes, de la météo changeante, des courts instants de vie me saisit… c’est dans ces moments-là que j’apprécie le plus le moment présent. Ces petits rappels au détour d’un sentier forcent mon désir de randonnées.

Le brouillard cependant nous rappelle à lui. Nous continuons donc avec ferveur notre recherche de cairns. Le sentier grimpe et je suis contente d’avoir laissé mon sac derrière un gros rocher. C’est que la tente, le sac de couchage et le réchaud finissent toujours par peser sur mon dos. J’ai eu la bonne idée de me munir de victuailles pour l’ascension : une doudoune, une gourde, quelques galettes de riz recouvertes de chocolat… fondant !

Je regrette vite mes lunettes de soleil et la crème solaire laissées plus bas lorsque nous enchainons les montées de grosses pierres. Du pierrier en veux-tu en voilà ! Mais pour le moment, les pierres sont géantes et ne bougent pas.

Je garde l’œil sur les lacs en contrebas. Notre avancée me semblent longue, très longues par rapport à ce que nous avait promis le gardien du refuge. A la rencontre de notre premier névé, M. décide de continuer sur les crêtes, tandis que je cherche à suivre les cairns, en traversant pas peu fière la neige compactée sur les gros rochers. Le brouillard a bien fini par disparaître, laissant place à un soleil rasant. La neige fondante absorbe le choc de mes pieds à la surface. Nous n’aurons pas besoin de crampons.

Mais cette histoire ne me rassure pas. Nous sommes encore loin du col d’Aragon et voilà pourtant l’heure et demi qui passe. J’avance désespérée de ne pas avoir protégé ma peau avant de laisser mon sac en contrebas. Quelle erreur de débutante !

M. finit par me rejoindre et c’est à ce moment là que nous perdons les cairns. Confiante, je lui propose de passer par le couloir de droite qui semble accessible via un gros névé. M. est plutôt d’accord avec l’idée. Pourtant une fois les pieds dans les mini-cailloux dégoulinants, on aura tant de fois envie de faire demi-tour. Deuxième erreur de débutant : toujours retourner sur ses pattes lorsqu’on perd la trace ! Engagés dans le couloir de la mort, on se rend à l’évidence : on ne sera pas en capacité de redescendre. Nous avançons tant bien que mal et je me prends à chanter « Hallelujah » de Léonard Cohen pour faire passer la pommade.

On finit par rejoindre les cairns qui nous faisaient passer par la gauche et le col d’Aragon s’ouvre enfin. On explore le côté espagnol, jusqu’à découvrir surprise un bouquetin. Je continue à l’observer tandis que M. va chercher de l’eau au lac en contre-bas. Puis on décide de monter jusqu’au Pic.

Du Pic de Cambalès aux lacs de Cambalès

A quelques encablures du col d’Aragon, une ouverture s’ouvre sur le vide. C’est magnifique. M. n’ose pas trop s’approcher et finit par m’annoncer qu’il ne montera pas le sommet.

Après tous les rochers parcourus je trouve cela dommage de m’arrêter ici. Alors je grimpe un peu plus haut pour voir où le sentier mène. Je monte, je monte sans trop me soucier de la descente et je finis par apercevoir le sommet. Il n’est pas si loin. Je tourne la tête pour faire signe à M. qui écrit sur son carnet, posé juste avant l’ouverture. Soudain, je me rends compte de la descente qui m’attend. Je n’avais pas réalisé qu’elle serait raide et les frayeurs du matin me découragent rapidement. Regardant ma carte, je réalise que je suis seulement à 100 mètres de dénivelé du sommet.

Il ne me reste plus grand chose et pourtant je redescends. A la base, j’étais venue pour un bivouac tranquille autour des lacs. La faim me tiraille. Les quelques galettes de riz n’auront pas suffit à m’insuffler l’énergie nécessaire à cette randonnée annoncée de 3h maximum qui se transformera en 7h pause comprise ! Je rejoins alors M. un brin dépitée mais bien décidée à redescendre cet amas de pierre qui commence à me gonfler.

Il fait chaud sur ces gros cailloux. D’un pas svelte, mon corps attaque la descente et nous faisons bien attention à suivre les cairns cette fois. Le couloir se présentant sur notre droite est beaucoup plus simple que ce par quoi nous sommes montés. Nous observons assez ébahis le chemin chaotique que nous avons emprunté à l’aller. Je peste contre ce gardien de refuge qui nous a conseillé sans même nous demander notre niveau. J’aurais du écouter mon intuition… celle qui me disait que le Soum de Bassia n’était pas si mal pour un dimanche. Je préfère prévoir et regarder les topos en amont car je sais que la montagne a toujours son lot de surprise.

Le manque d’eau finit par se faire sentir. Alors que je chauffe de la tête au pied, M. remplit la gourde de la neige du névé. J’ai peur de prendre un coup de chaud. J’attrape désespéramment la neige pour me l’étaler sur le derrière du cou, les tempes et les poignets et caler sous ma casquette un petit tas rafraichissant. M. est rouge écrevisse et je ne parie pas cher pour ma propre peau.

Nous descendons et finissons par apercevoir les lacs, cherchant nos sacs à récupérer.

Après avoir loupé nos sacs de peu, nous remontons et dégustons notre déjeuner à 17h. Il était temps ! Je relâche la pression et toute la fatigue et la chaleur accumulée sur la journée se dessine dans ma tête. Restons-nous sur notre itinéraire ou descendons-nous au refuge pour se remettre les idées en place à coup de génépi ?

Je résiste à l’appel de la boisson sucrée alcoolisée pour embarquer M. jusqu’au lac de Nère. Grognon sur la descente jusqu’à la bifurcation, je n’ai pas su lâcher prise sur l’itinéraire malgré la fatigue… Je serre les dents dans la montée, crevée. 45 min plus tard, on aperçoit le lac parmi la brume qui nous a rejoint et nous continuons jusqu’au Pourtet. De ce dernier, on prolonge la randonnée alors que le soleil ne va pas tarder à se coucher. 1h30 plus tard nous voilà au lac de l’Embarrat inférieur à chercher désespéramment un spot de bivouac.

Le lieu est trempé. Nos tentes sont mouillées depuis le matin, et je culpabilise légèrement d’avoir embarqué M. jusqu’ici. Après un diner plus sympa que ma prise de tête, nous nous couchons exténué par une journée bien chaude et un nouveau terrain de jeu pour M.

Des lacs de l’Embarrat au pont d’Espagne

Notre départ est prévu à 6h30. Réveil à 5h45 pour ma part. Je traine un peu dans mon sac de couchage avant de commencer ma routine matinale de bivouac : en sortir, le plier, dégonfler le matelas, sortir de la tente et la ranger. Tout est prêt et je prends un petit-déjeuner lorsque M. sort de la sienne.

Le spot de bivouac humide du soir se révèle être parfait ! Au petit matin, plus de brouillard ! La vue est splendide et les rayons du soleil chatouillent les montagnes au dessus du lac. C’est à 6h45 que nous partons pour rejoindre le pont d’Espagne. 2h45 avait été annoncé au départ du lac de Pourtet et j’avais peur de ne pas être à l’heure pour le travail.

Une descente de 600 m de dénivelé nous attend. Les pieds sont moins sûrs que la veille et jonglent pourtant avec les rochers. Il y en a partout… jusqu’au bout ! C’est là qu’on sait que l’on randonne dans les Hautes-Pyrénées. Je rigole comme une enfant et j’avance patiemment, heureuse d’avoir accepté cette deuxième nuit de bivouac.

Nous rejoignons le chemin nous menant au Pont d’Espagne, plat mais long. La lumière matinale rase les plateaux remplis de chevaux. C’est beau et je ne regrette pas de m’être levée si tôt.

Nous reprenons la route vers le Val d’Azun. Après un arrêt à Cauterets pour enfin tester la tourte aux myrtilles de Chez Gillou, je suis prête à me mettre devant mon ordinateur pour entamer la semaine de travail qui m’attend. M, lui, reprend la route vers une autre vallée pyrénéenne. Une aventure d’un week-end que je vous recommande chaudement (mais avec beaucoup d’eau et de crème solaire !).

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