Updated on octobre 9, 2019
Le vieil homme et l’océan
Assise sur ce fauteuil écru, je regarde l’océan. Mes derniers jours en Nouvelle-Zélande, se feront à bord de Defiance. Je suis fatiguée. Après plus d’un an de voyage, j’ai ce besoin physique et moral de me poser. Et pourtant…
Après quelques semaines sur Waiheke, à essayer désespéramment de mettre quelques sous de côté, j’ai fini par me décider à aller retrouver David. Cet homme de 75 ans est une vieille connaissance. Rencontré un an plus tôt, alors que je décidais de faire mon premier woofing sur son bateau, nous sommes restés en contact jusque là. Il m’avait proposé de naviguer de Tauranga à la Bay of Islands avec un de ses amis, mais j’avais poliment refusé voulant profiter encore quelques temps de l’île du sud, avant de rejoindre le nord pour un festival de musique. Me voilà à nouveau sur son bateau, joignant mon besoin de mobilité à mon besoin de stabilité.
C’est de Russel que nous partons. Premier port et capitale de Nouvelle-Zélande, Russel était au 19ème siècle, le point de rassemblement des navigateurs, chasseurs de baleines et autres marchands. A l’époque, aucune loi ne s’impose à la ville, alors connue comme le “Hellhole of the Pacific”, où l’amour de l’alcool et de la bonne chair va bon train. Aujourd’hui, ses maisons blanches lui donnent un air doux et d’antan.
Nous passons la nuit, à quelques rames d’ici. Bercée par les vagues, je somnole. C’est qu’il n’y pas grand chose à faire, à part écouter le vieil homme et la mer. Le vent se calme nous laissant prendre la route pour Oke Bay, où je poserai le pied à terre le temps d’une balade.
L’odeur du gingembre, émanant de diner du soir me réveille de mes songes, et nous repartons, cette fois-ci pour Deep Water Cove. Le skipper me montre sur le radar la trace d’un bateau et me raconte que l’épave du Canterbury a été mis là à disposition des plongeurs. L’eau est trop froide pour que je m’y aventure, j’opte alors pour une randonnée de 5h, sur le Cape Brett Track. Il est bon de marcher seule. Le vieil homme peut être agaçant parfois avec ses histoires de femmes et de bons vins.
Le lendemain, nous prenons le large. 3h au cœur de l’océan et je m’attelle tant bien que mal à l’avant du bateau, telle une proue en détresse. Cheveux aux vents, le mal de mer m’échappe, tandis que mes yeux naviguent sur l’océan. Les îles Cavalli se rapprochent et nous jetons l’ancre tout près de Motukawanui. Le temps d’une nuit et d’une randonnée traversant celle-ci et nous repartirons un peu précipitamment vers Whangaroa Harbour, pour une traversée chaotique. La quiétude du lieu me fait vite oublier que j’entame mon avant-dernière semaine en Nouvelle-Zélande. Mon hôte me réveille à 6h30 pour que nous partions marée haute à bord du dinghy, afin de profiter d’une balade sur la rivière tout près. Je ne suis pas du matin, mais l’atmosphère qui se dégage de cette micro-aventure me calme. Je m’attends clairement à voir surgir un crocodile, ma tête étant sans doute déjà partie en Australie…
Après quelques grimpés plus ardues, telle le Mont John ou le Duke’s Nose offrant une perspective différente sur le port, je retourne à bord de Defiance.
Lorsque le soleil se lève le lendemain, j’ai cette impression de me retrouver au cœur d’Avatar, bercée par quelques nuages. Deux semaines se sont écoulées et il est déjà temps pour moi de repartir.
Mon hôte me confie que pour lui la côte Est de l’ile du nord, est la plus belle du pays. Il y a encore tant à voir… Je serais bien montée plus au nord en direction du Cap Reinga ou plus au sud dans le Golfe d’Hauraki, à la découverte de la Great Barrier Island. Heureusement que l’île du Sud compte de très beaux points de navigation, calmant ma soif d’océan… le célèbre Milford Sound, magique malgré les sandflies et la mer de Tasman, près du parc national au même nom.
Je reprends doucement pied à terre laissant le vieil homme et la mer. Il sera bientôt temps pour moi de reprendre la route, loin des côtes néo-zélandaises.
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