Voyager en Namibie en transport en commun

En janvier dernier, j’ai décidé de repartir sur les routes africaines afin de comprendre les disparités culturelles et paysagères de ce beau continent. Je venais de trouver un volontariat de 3 semaines à Swakopmund. Je ne m’étais pas vraiment renseignée sur la destination outre les questions de santé et visa. J’avais lu quelques articles de blog avant de partir, mais rien de plus pour ne pas biaiser mes attentes quant à cette nouvelle destination. Etait-il possible de voyager en Namibie en transport en commun ?

Les débuts d’un voyage en Namibie

Mon amie qui habite à Hambourg, m’avait dit que beaucoup d’Allemands se rendaient en Namibie (vol direct aidant depuis Francfort). J’avais déjà quelques indices quant à l’histoire coloniale du pays, mais pas plus pour commencer cette aventure. Je savais que cette destination était prisée par les adeptes de lunes de miel au soleil et que la plupart des visiteurs décidaient de louer un 4×4 afin de partir à la découverte de ce bout de terre au Sud-Ouest de l’Afrique.

Quelques jours avant le départ donc, je me renseignais quant à la façon de rejoindre Swakopmund depuis Windhoek la capitale. Seules des compagnies privées à l’image de Intercape m’étaient proposés par le gérant de l’auberge de jeunesse pour laquelle j’allais prêter main forte. A peine arrivée à l’aéroport presque vide, seuls des couples ou groupes de jeunes allemands débarquaient et partaient en direction de leur location de voiture. Tout le monde avait déjà organisé son arrivée et personne n’allait vers Swakop (petit surnom donner à la ville). Un couple de retraités rentraient au pays, après avoir vécu en Allemagne de nombreuses années. Les yeux pétillants de la dame me décrivant les paysages magiques de la Namibie me réveillèrent d’une nuit agitée.

J’ai fini par prendre un taxi jusqu’au lieu de départ du bus au cœur de la ville, m’émerveillant des paysages semblant hostiles, à peine sortie de l’aéroport. L’avantage ici c’est que le prix est fixe et le visiteur ne semble pas avoir besoin de négocier. 3-4h de route plus tard, je me retrouvais à Swakopmund.

Swakopmund, surfer en Namibie

Arrivée à Swakop, je trouvais une ville déserte comme happée par le temps. J’avais l’impression bizarre de me retrouver à Coober Pedy en plein milieu de l’Australie. Pourtant ici ce ne pouvait être la chaleur torride qui poussaient les gens à rester chez eux, l’air frais et iodé de la mer enivrant la ville entière. Les quelques mètres séparant l’arrêt de bus à l’auberge me mirent mal à l’aise. En quelques secondes à peine je me demandais ce que je faisais ici. Mais où était donc passé la musique des maquis ivoiriens donnant envie de danser à tout va, où étaient passés les sourires ? J’avais du me tromper de saison. Je pensais pourtant être partie sans idées namibiennes en tête et ces quelques pas me donnaient déjà tord.

Accueil froid à l’auberge, où j’ai fini par prendre quelques marques. Je passais ma journée à attendre d’éventuels clients, à échanger avec les voyageurs de passage et à me balader dans les rues désertes de Swakopmund à l’affût de quelques maisons colorées. J’y ai pris mon premier cours de surf, le pourquoi du comment j’avais décidé de faire un volontariat en Namibie, espérant rajouter à l’exotisme de la chose, l’affrontement de ma peur des vagues qui avait surgi un beau jour où je nageais à Hossegor. Mes années en Nouvelle-Zélande et en Australie n’avaient pas réussi à me faire sauter le pas, alors l’occasion était trop belle. J’avais même acheté un maillot de bain pour y faire face, me disant qu’il serait dommage de perdre le haut dans un malencontreux combat de vagues. Ce que je ne savais pas c’est que l’eau serait aussi froide et la combinaison obligatoire même à la période la plus chaude de l’année. Ni une ni deux, je partais à l’affront de ces vagues munies de ma planche et la peur disparue rapidement, trop concentrée sur les vagues qu’il fallait attraper pour se laisser glisser sur elles.

Ce fut une expérience revigorante, que je retenterais lorsque les muscles de mes bras auront pris forme. La connexion avec la nature était ce que j’attendais je crois… de faire un avec les vagues seulement quelques secondes me poussaient un peu plus vers cette détermination à suivre mon instinct et à fuir au loin. Alors je me suis débrouillée pour raccourcir mon volontariat, trouvant l’occasion de partir explorer le Damaraland pendant quelques jours et prétextant mon désir de passer mon anniversaire en haut de l’une des plus hautes dunes du monde. Après les belles dunes de Swakopmund au soleil couchant, il était temps de découvrir celles de Sossusvlei au soleil levant. Mais voyager en Namibie en transport en commun ne sera pas de tout repos.

Walvis Bay et ses flamants roses

Sur la route menant à Sossusvlei se trouve Walvis Bay. Un couchsurfeur m’accueillant pour 2 jours a décidé de me récupérer à Swakop pour faire la route avec moi. Il est cependant possible de rejoindre Walvis Bay en taxi partagé ou de lever le pouce en sortant de la ville. Il est à noter que lorsqu’on opte pour du stop en Namibie, il est souvent attendu un paiement en retour. Mettez vous d’accord avec le chauffeur dès le départ pour éviter les surprises.

Un arrêt à Longbeach

A mon arrivée à Walvis Bay, je suis surprise de voir la ville s’étendre devant moi. Je la pensais plus petite que Swakopmund et pourtant Walvis Bay est la seconde plus grande ville namibienne avec plus de 60 000 habitants. Avant de me mener chez lui, mon hôte s’arrête dans un quartier résidentiel, où aucune âme ne semble vivre. Les maisons fastes s’alignent et nous entrons dans l’une d’entre elles. A ma grande surprise nous y croisons un homme qui nous offre un café. La maison est immense avec de grandes baies vitrées. Nous parlons un moment avant que celui-ci nous entraine à la découverte de ses derniers jouets. Il est entrain de réparer un avion qu’il a acheté. Pilote d’hélicoptère, il me raconte que la semaine dernière il a survolé le Fish River Canyon avec deux VIPs et que j’aurais surement pu venir avec eux. Pas très enthousiaste à l’idée de faire un aller/retour dans les airs, je savais inconsciemment que ça aurait pu être ma seule chance d’admirer l’un des plus grands canyons du monde. Nous finissons par repartir pour nous poser au cœur de la maison de mon hôte au niveau du Lagon.

Le lendemain, il me suffit de pousser la petite porte en bois, de traverser le grand jardin et de me faufiler par l’arrière pour accéder au bord du lagon. Je marche le long de l’océan jusqu’à apercevoir mes premiers flamants roses. Je tente d’en capturer la beauté avec mon petit appareil photo et peut admirer la différence entre le flamant rose, plus pâle que le flamant nain, lui plus petit. La différence de couleurs ne viendrait pas du fait que le plus « rose » mangerait plus de crevettes, mais de sa forte consommation d’algues.

Sandwich Harbour, entre dunes et mer

Je me suis laissée tenter par une aventure jusqu’à Sandwich Harbour. Une voyageuse à Swakopmund avait décrit son expérience comme irréelle, lorsqu’elle vit la mer et les dunes se rencontrer. Elle avait tant d’émotions dans sa voix, que je me suis dit qu’elle ne devait pas exagérer. Je pris donc un tour, sans trop savoir à quoi m’attendre et partie à l’assaut des dunes avec une famille chinoise, coincée sur le continent africain à cause d’une future pandémie (nous sommes en février 2020). Mon chauffeur me fait penser à ce vieux loup de mer rencontré dans la Bay of Islands. Il me raconte qu’il a formé tous les conducteurs de 4×4 du coin. Il en faut de la technique pour se dépêtrer des dunes. D’ailleurs la seule façon d’explorer Sandwich Harbour est de réserver un tour guidé car nous entrons sur l’un des cinq sites Ramsar de Namibie, désignant ainsi une zone humide d’importance internationale. Celle-ci soutient 8 espèces d’échassiers en danger d’extinction et des recherches scientifiques y sont menées. Ainsi le tourisme est limité à certaines zones et il est impossible de s’y aventurer seuls.

Avant de pénétrer au cœur du Namib Naukluft Park, le plus grand parc national d’Afrique et le 4ème au monde, nous nous arrêtons pour observer à nouveau quelques flamants roses et nains, ainsi que les salines de Walvis Bay. Les couleurs sont incroyables et le blanc du sel contraste aisément avec le rose de l’eau, lié à la prolifération d’algues microscopiques. L’eau de mer est pompée depuis un lagon naturel puis passe à travers divers bassins pour en extraire l’or blanc depuis 1964.

Il est temps de prendre la route de la plage avant que la marée ne soit trop haute. Nous roulons sur le sable mouillé avant de ne prendre à gauche au cœur des dunes. Nous suivons les traces déjà faites par les autres véhicules et notre guide finit par nous déposer en haut d’une dune pour que nous le rejoignons à pied en contrebas. C’est sympa de marcher au cœur de l’immensité, la mer au loin. Mais le ciel est couvert et le cœur n’y est pas. Les chinois eux s’en donnent à cœur joie et je les prends en photo le temps de leur descente. Nous avons droit à une pause pique-nique avant de reprendre la route parmi les dunes, notre chauffeur s’amusant à créer un brin de sensations fortes avant de rentrer vers la Baie des Baleines.

Je crois que j’aurais préféré faire du kayak à Pelican Point, un moyen de locomotion plus doux et qui me ressemble. Mais après une dernière soirée avec mes hôtes, il est temps pour moi de reprendre la route. Je me fais déposer le lendemain à la sortie de Walvis Bay, car j’ai prévu de lever le pouce jusqu’à ma prochaine destination: Sossusvlei.

De Walvis Bay à Sossusvlei en stop

Voyager en Namibie en transport en commun n’est pas chose aisé lorsque l’on veut rejoindre des lieux touristiques au milieu du désert. Il n’y a aucun transport en commun qui va jusqu’à Sossusvlei. Je n’avais pas d’autres choix que de faire du stop. Janvier-Février étant la période la plus chaude de l’année, c’est aussi le moment où le tourisme est au plus bas. Je savais que ce ne serait donc pas facile de trouver un véhicule ce jour-là. Mais je voulais absolument rejoindre les célèbres dunes namibiennes pour mon anniversaire.

Il est presque 12h et cela fait plus d’1h que j’attends sur le bord de la route. Toutes les voitures semblent tourner à gauche et personne ne continue dans ma direction. Il fait chaud et il n’y a pas un brin d’ombre. J’ai de l’eau et mon écharpe autour de la tête. Mon hôte a attendu 30 min avec moi avant de me laisser, sachant que je pouvais l’appeler si je ne trouvais personne. Je me fixe encore une heure d’attente… après il sera sans doute trop tard pour arpenter les routes non goudronnées menant à Sossusvlei. A peine cette décision prise, un 4×4 s’arrête sur le bas côté et un homme un peu trop enthousiaste en sort. « I know you, I know you ! » s’exclame-t-il. Comment cet homme pouvait-t-il bien me connaître ? Sa tête ne me disait rien… mais il insista. « Alors tu as finalement décidé de faire du stop pour aller à Sossusvlei ? ». « Euh oui, tu y vas ? ». « Nous sommes en route avec une touriste japonaise ». Il me parle de l’auberge dans laquelle je travaillais à Swakopmund et tout me revient. « Mais oui, je me souviens de toi ! Tu es guide, n’est-ce pas ? ». Après avoir demandé à la japonaise si je pouvais me joindre à eux, je grimpe dans le 4×4 bien trop heureuse de cette rencontre. J’allais pouvoir rejoindre Sossuslvei à temps et ce en compagnie d’un guide et d’une touriste adorable !

J’ai le temps de faire sa connaissance car nous avons 370 km de pistes à parcourir. Le paysage est contrasté et le passage au niveau du Kuiseb Canyon incroyable. Sur la route nous nous arrêtons au niveau du tropique du Capricorne, que j’avais déjà eu l’occasion de franchir en sens inverse en Australie, puis au niveau d’un quivertree et d’un cactus géant. Nous finissons par atteindre Solitaire vers 16h, reconnaissable à ses vielles voitures, parfait pour s’octroyer une pause gourmande avec les célèbres « apple pies » (tartes aux pommes) du coin. Il paraît qu’elles seraient les meilleures du pays. C’est vrai qu’il est difficile d’en trouver à des kilomètres à la ronde. Mais pas le temps de les déguster sur place… nous avons encore de la route jusqu’à Sesriem et les portes du parc ferment au coucher de soleil. Je suis censée rejoindre le camping à l’intérieur du parc, l’autre touriste le lodge adjacent et notre chauffeur les hébergements des employés, avec qui il a tissé des liens.

J’aperçois les montagnes du Naukluft à ma gauche. Malgré les randonnées possibles au cœur de cette partie du parc national (le Namib Naukluft Park nous offrant plusieurs accès dont Sandwich Harbour et Sossusvlei), j’ai décidé de ne pas m’y arrêter. J’ai pourtant entendu parler de l’Olive Trail, un sentier de 11km serpentant dans les montagnes, mais je n’ai pas de tente, ni de voiture et mes chances de trouver des voyageurs s’y arrêtant sont réduites. Je ne sais pas ce que ces prochains jours vont m’apporter, mais voyager au milieu d’un pays désertique et si peu peuplé n’est pas chose facile sans son propre moyen de locomotion. Sur la route d’ailleurs, nous avons avancé une cycliste jusqu’à son prochain campement, bien trop dépassée par la chaleur du jour. Le soleil commence à descendre et j’appréhende légèrement mon arrivée au Sesriem Camp, où je suis censée passer la nuit.

Sossusvlei, au cœur d’une nature exquise

Arrivée tardive à Sesriem Camp

Vous vous souvenez de mon road-trip de 4 jours au cœur du Damaraland ? Avec mon compagnon de route, nous y avions rencontré des employés du Namibia Wildlife Resorts au camping de Tora Bay et avons pu écouter le discours inspirant du grand patron. J’y ai fait la rencontre de J., manager du camping de Sesriem, qui m’avait dit de venir le voir lorsque je passerais par là. Après quelques coups de fil, il m’avait certifié qu’il pourrait m’accueillir au cœur du Sesriem Camp et qu’il me prêterait une tente. Sans tente, je devrais m’offrir le luxe d’aller dormir au Lodge du NWR. L’ avantage de la basse saison…

J’arrive donc à l’accueil, le chauffeur s’en va appeler J. et je m’acquitte des droits d’entrée (pour l’heure le camping semblant optionnel). J. m’accueille et soulagée je dis au revoir à la touriste japonaise, la remerciant de m’avoir laissé faire le voyage avec elle et lui dit que je serais dans les parages si jamais elle voulait se joindre à moi pour le repas. Je savais que je recroiserais le guide dans tous les cas, lui ayant promis une compensation financière et une bière bien fraiche.

Je découvre ma tente, proche des sanitaires et retrouve J. pour le repas du soir, recroisant quelques têtes que j’avais vu danser à Tora Bay. L’ambiance est plus studieuse mais tout aussi conviviale. Soulagée, je vais enfin pouvoir échanger avec des locaux et peut-être avoir le grain de sable qui me manquait jusque là. Une douche chaude plus tard, je m’endors aux bruits de la nature sauvage et les quelques portes de voiture qui claquent me rappellent que je ne suis pas seule à dormir dans ce camping presque vide.

Dune 45, Big Daddy et Deadvlei

Levé vers 5h. Je retrouve le manager et me laisse guider jusqu’au parking de Sossusvlei. Le trajet se fait sur une route bitumée, puis on rejoint le sable et il faudra être à l’aise en 4×4 pour accéder aux différents parkings. Des navettes font l’A/R depuis le camping à longueur de journée.

Nous rejoignons la Dune 45 car le soleil est déjà entrain de se lever. Nous marchons dans le sable orangé jusqu’à trouver une place pour s’asseoir au sommet et admirer le changement de couleurs à mesure que les rayons du soleil évoluent. Les jeux d’ombre commencent doucement à se réveiller, donnant de la profondeur aux volumes sableux. Nous redescendons laissant les grains de sable se glisser à travers nos orteils réveillés par cette marche matinale. C’est ça que j’attendais: pouvoir toucher la nature au plus prêt, émerveillée par ce qu’elle a encore à nous offrir.

Nous reprenons la voiture pour rejoindre Big Daddy, la dune la plus haute du désert de Namib avec ses 380 mètres. Mon compagnon du jour n’est pas très partant pour la grimper, alors nous arpentons ses flancs afin de rejoindre Deadvlei, « le marais mort ». Je marche pied nus sur l’argile blanche de l’ancien marais contrastant avec l’orange foncé des dunes, qui ont fini par l’entourer. L’eau n’est plus et les acacias du désert qui ont autrefois pu prendre racine dans la rivière détournée, sont aujourd’hui présents, offrant un brin d’ombre de leur bois mort.

La foule commence à arriver.. du moins le peu de touristes présents en ce mois de février. Nous allons nous poser vers Sossusvlei et j’en profite pour admirer un Oryx de près.

Sesriem canyon

Il est temps de reprendre la route vers Sesriem Camp, le soleil commençant sérieusement à chauffer. J. décide de s’arrêter au Sesriem Canyon, pour me montrer le travail de l’ancienne rivière du Tsauchab, il y a de ça 2 millions d’année. Long de 4 km, la balade est courte mais je peine à avancer sous la chaleur. Il n’est même pas encore 12h ! Heureusement ses 30 mètres de profondeur, nous offre un peu de répit avec les quelques ombres ça et là.

Il est tant de rentrer au campement. Après un hamburger d’anniversaire, je passerais mon après-midi sur la chaise longue de la piscine, alternant entre un plouf et un peu de lecture à l’ombre des parasols. C’est le seul endroit où j’ai l’impression de pouvoir survivre, prenant enfin toute l’ampleur de la chaleur d’un mois de février namibien. Je ne suis pas seule à avoir eu cette idée. Les couples sont là, le silence s’octroie et nous prenons notre mal en silence, nous rappelant que la nature est toujours la plus forte.

Finalement, je décide de rejoindre le restaurant ombragé, profitant d’une bière à la recherche de courant d’air au milieu du désert. J. finit par me rejoindre et me parle de sa sieste dans les bâtiments réservés aux employés, chanceux d’avoir un ventilateur sur lequel compter.

Elim dune

On est en fin d’après-midi et J. veut me faire découvrir Elim Dune, qui se trouve à 5km du campement. Nous y grimpons pour le coucher de soleil. Le vent est de la partie mais J. connait un raccourci. Nous retrouvons le guide et la japonaise par surprise en haut et nous admirons les splendides couleurs de cette fin de journée d’anniversaire. C’est magique ! Mes yeux se posent sur les montagnes du Naukluft au loin, la savane proche et le sable virevoltant, dessinant de nouvelles dunes au gré du vent. Ce fut clairement la meilleure journée de mon périple namibien et je garderais précieusement ses contrastes orangé longtemps en mémoire.

Faire du stop à Sossusvlei

Le lendemain matin, il est temps de quitter Sesriem et de prendre la route vers le sud pour Lüderitz. Un panneau à l’entrée du parc indique que le stop y est interdit. Je questionne le manager, qui me rassure me disant que ça ne pose pas de problème car il me connait. Je pense qu’en demandant gentiment aux employés, ils pourront vous aiguiller sur les personnes quittant le campement, le jour où vous souhaitez partir. A vous ensuite de les aborder et de les convaincre de vous prendre, ou d’aller taper causette au gré de vos envies.
Malheureusement pour moi, personne ne part dans ma direction ce jour là et je me retrouve donc au poste de sortie, avec les collègues de J. qui m’ont promis de m’aider à trouver une voiture.

Les voitures sont rares. Un voyageur américain rencontré à Swakopmund, parti en stop avec quelques jours d’avance, m’a dit qu’il avait réussi à prendre la piste menant de Sesriem à Lüderitz. Il avait dormi prêt du château du Duwisib. Imaginez donc un bâtiment à l’allure médiévale parmi les collines semi-aride du Namib. Je voulais faire de même mais la chance me mena auprès de trois namibiens adorables qui s’en allaient vers Mariental, située sur la route principale reliant le pays du nord au sud. Ils faisaient le tour des lodges pour proposer une couverture maladie aux personnes ne pouvant se déplacer jusqu’en ville. Je pris donc le temps d’apprécier les derniers bouts du désert avant de rejoindre Mariental en plein milieu de journée. On me posa plein de questions sur le pourquoi du comment je me retrouvais seule en Namibie à faire du stop. On parla du fait qu’il était compliqué de voyager en Namibie en transport en commun. Ce fut un moment sympathique, qui me rappela à quel point j’aimais ses rencontres imprévues. Mes nouveaux amis me déposèrent à la station service et demandèrent au mini-bus qui était entrain de partir dans quelle direction il allait. A peine le temps de réfléchir, et pour rassurer tout ce beau monde, je montais dans le mini-bus en direction de Keetmanshoop. De là, si tout allait bien, je prendrais un autre mini-bus.

Lüderitz

Arrivée à Lüderitz en transport en commun

Le chauffeur du mini-bus me dit qu’il m’a trouvé une voiture pour aller à Lüderitz. Il attend avec moi à la station essence de Keetmanshoop, ne repartant vers Windhoek que bien plus tard. Un autre mini-bus semble aller à Lüderitz, mais il faudrait attendre qu’il soit rempli pour partir. Après 1h d’attente, la fameuse voiture finit par arriver. Une autre femme fera le trajet avec nous. Le chauffeur de bus avait raison: la voiture est bien plus confortable. Le trajet est long. Je tente de faire la conversation mais après quelques minutes, nous n’avons plus rien à nous dire. La musique prendra le relais jusqu’à Lüderitz.

J. de Sossusvlei m’a dit qu’il pouvait me mettre en contact avec ses collègues de NWR qui gérait le camping de Shark Island. Mais j’avais entendu dire que l’histoire de Shark Island n’était pas fameuse… et j’avais finalement pris contact avec un américain qui était prêt à vivre sa première expérience de couchsurfing. Ce dernier vivait à Lüderitz depuis quelques mois en mission pour Peace Corps Volunteer. J’étais assez curieuse de rencontrer un expatrié afin que nous puissions échanger sur nos impressions quant à notre pays d’accueil.

M. m’accueille donc et sa collègue américaine se joint à nous pour le diner du soir. Ils m’emmènent dans leur resto préféré de Lüderitz, mais nous sommes le jour de la St-Valentin. Le menu est obligatoire et ne nous tente pas. Nous ferrons le tour des restos de la ville et entre tarif exorbitant et réservation exigée, nous nous retrouvons dans le pub du coin, au Barrels, à commander des bières et un fish & chips.

Une journée à Luderitz, que faire ?

Je passe la journée à me promener dans la ville portuaire, tandis que M. travaille. Découverte par les portugais en 1488 qui ne s’y sont pas attardés, c’est en 1883 que le marchant Adolf Lüderitz signa un traité avec le chef Nama Joseph Frederiks. Ce n’est apparemment qu’après signature qu’on expliqua à Frederiks que le terrain qui venait de vendre n’était pas mesuré en miles britanniques, mais en miles prusses, quatre fois plus longues… Ce n’est finalement qu’en 1908 après la découverte de diamants dans le Sperrgebiet, aujourd’hui parc national, que la ville fut fondée et prospéra (en terme occidentaux). Aujourd’hui les mines et la pêche en sont les principales activités et la ville a gardé son cachet de première colonie allemande du pays.

On y déambule de Felsenkirche, église évangélique luthérienne construite en 1912 à Goerke Haus, ancienne villa de Hans Goerke, alors directeur des mines diamantaires. Il est possible de visiter le petit musée de la ville, mais ce dernier est fermé le week-end. Il est apparemment possible de téléphoner pour arranger une visite en dehors des heures d’ouverture.

Shark Island, aux prémices des camps de concentration allemands

Je quitte rapidement la ville pour me diriger vers Shark Island, sur la péninsule, à 15 min à pied environ du Spar local. Sur le chemin, un local m’intercepte et me raconte qu’il fait souvent du couchsurfing. Seul profil disponible en ligne, je le reconnais et nous papotons nous découvrant des connaissances communes. La Namibie compte seulement 2 millions d’habitants pour 842 000 km2, alors on finit par croire que le pays est petit. Le jeune homme décide de m’accompagner jusqu’à Shark Island et me raconte l’horrible histoire de ce lieu.

La vue est splendide sur l’océan. Aujourd’hui s’y trouve le « Skark Island campsite » où les touristes viennent poser leur tente ou leur voiture sur les emplacements. Mais savent-il seulement que Shark Island portait bien son nom ? Ce petit bout de terre était autrefois une île. De 1905 à 1907, cette île aux allures paradisiaques servit de camp de concentration à l’empire allemand. Des Héréros et Namaquas y furent envoyés pour servir de main d’œuvre pour des travaux coloniaux (chemins de fer), des femmes y furent violées sans jamais que les coupables ne soient jugés et des études médicales ont été conduites, pour prouver l’infériorité raciale des peuples autochtones, notamment à travers l’examen de leurs crânes. Aujourd’hui seulement une plaque évoque ce terrible génocide et peu de personnes n’en parlent.

Déboussolée, je retourne chez M. afin d’assimiler tout ce que je viens d’apprendre et en profite pour demander mon visa angolais. Décidemment la Namibie a beau être magnifique, ce n’est pas un pays où je me sens bien.

Surf et braai à Agate beach

M. vient de finir son travail et a envie de surfer. Les vagues seraient apparemment bonne en cette fin de journée. Nous retrouvons sa collègue volontaire et nous partons tous les trois vers Agate beach. Après avoir pris un taxi pour quelques kilomètres, nous marchons longuement jusqu’à la plage en question. Le ciel est gris depuis que je suis arrivée et le froid du bord de mer dénote étonnamment avec la chaleur de Sossusvlei. Nous en profitons pour faire un « braai », un barbecue, devant les vagues déchainées. Un ami à eux nous rejoint et nous papotons seuls au monde devant l’océan. Le soleil vient de se coucher et nous rentrons en ville à la lueur de la lune. Il est temps de rentrer au chaud, chez des locaux qui tiennent une auberge. M. partira à Windhoek le lendemain et me laissera gentiment les clés de son appart.

Kolmanskop, au cœur de la ville fantôme

Le lendemain, je décide de faire l’aller-retour en taxi jusqu’à Kolmanskop pour profiter de la ville fantôme. J’arrive alors que le premier tour vient de commencer. Je prends le numéro du chauffeur de taxi que je rappellerais et rattrape le groupe qui semble être composé d’allemands et de personnes âgées. Heureusement le tour est en anglais et j’en apprends plus sur la découverte du diamants dans la région et sur l’histoire de Kolmanskop devenue ville fantôme.

En 1908, des diamants sont découverts au sud du désert de Namib, à 10 km à l’est de Lüderitz. Cette année là, Zacherias Lewala, un employé des chemins de fer fit la découverte de pierres intéressantes alors qu’il enlevait le sable des rails. Il apporta sa trouvaille à l’inspecteur en charge de la ligne Mr Stauch, qui demanda une expertise à Lüderitz. La nouvelle se répandit aussi vite que des grains de sable poussés par le vent et de nombreux prospecteurs débarquèrent à la quête du graal. Les autorités allemandes déclarèrent rapidement la zone « Sperrgebiet » (interdite) afin de limiter l’accès aux diamants à « des citoyens ordinaires » et seule une entreprise berlinoise eut le droit d’exploiter la zone. Les locaux expulsés de leur terre furent exploités dans les mines de diamants. C’est de cette déroute que naquit Kolmanskop. La ville apparût au milieu du désert avec toute les commodités nécessaires pour accueillir ces nouveaux riches: de l’eau potable était transportée via la ligne de chemin de fer (souvenez-vous de Shark Island), une fabrique de glace était disponible, un hôpital, un opéra, un pub, un boucher, un boulanger… Il est facile d’imaginer le faste de l’époque, tant les bâtiments, vides aujourd’hui semblent majestueux dans leur cadre apocalyptique.

Dénudé de ses diamants, le sable du désert de Namib commença à reprendre ses droits sur les constructions humaines. En 1928 de nouvelles découvertes diamantaires plus au sud lancèrent un nouvel exode. La ville se vida de ses habitants pour devenir fantôme en 1956.
Après la visite guidée d’une heure, sous une chaleur torride, je déambule à travers ces allées vides, jetant un coup d’œil à l’intérieur des maisons coloniales aux douces couleurs délavées. Le cœur n’y est pas. Si cette ville m’évoque la ville de Newcastle Water, découverte en Australie sur la route entre Alice Springs et Darwin, l’histoire n’est pas semblable. Ici je suis face à une ville née des cendres de la nature ratissée en long et en large, laissant aujourd’hui le vestige d’une époque faste mais éphémère, comme les ressources qui regorgent notre planète.

Heureusement le chauffeur de taxi me ramenant à Lüderitz aura remis en boucle une musique inspirante, me permettant de laisser derrière moi la chaleur étouffante de Kolmanskop, où l’eau ne coule plus depuis longtemps. Quelques mois après, « Jerusalema » fera le tour du monde et la voix de Nomcebo Zikode m’entrainera à chaque fois dans ce bout de pays là bas, autrefois rattaché à l’Afrique du Sud.

Windhoek, capitale namibienne

De Lüderitz à Windhoek en bus

Il est grand temps de quitter ce pays… ou du moins Lüderitz. Je rejoins le lendemain matin la station service à côté du Spar, pour espérer prendre un mini-bus me ramenant à Windhoek. J’ai fini par laisser de côté l’idée du stop pour rejoindre le Fish River Canyon. Je demande aux personnes sur place si je suis au bon endroit et ils acquiescent gentiment. Une heure plus tard, le kombi débarque et je m’acquitte des 340N$ pour faire partie du voyage. On attend que ce dernier se remplisse et après avoir changé de mini-bus pour la troisième fois, on finira par partir, une heure encore plus tard. Voyager en Namibie en transport en commun est donc possible entre les différentes villes mais demande un brin de patience.

Le trajet va être long, alors j’ai pris quelques réserves, même si on s’arrête régulièrement aux stations de service sur la route pour faire une pause. Je suis occupée à trouver un logement pour la nuit, le couchsurfeur chez qui j’avais fait une requête ne pouvant m’accueillir. Heureusement un groupe whatssap a été créé par ce dernier, et je demande conseil auprès de la communauté. A ma grande surprise, 1h avant mon arrivée, un guide français me contactera et me proposera de m’héberger avant de repartir en mission.

Je passerais la journée dans le mini-bus a regardé les paysages désolés namibiens, à stresser à l’idée de ne pas trouver un logement mais j’en profiterais pour papoter avec mon voisin un brin timide mais curieux. Il se demande ce que fait une touriste comme moi dans un mini-bus au lieu d’avoir loué un 4×4 pour parcourir le pays. On discute un peu, la bonne humeur est au programme et mon corps se ramollit à chaque coup de route. Je finirais par arriver exténuer à Windhoek en plein milieu de la nuit et mon voisin, à qui j’avais demandé où on allait débarquer et s’il y avait des taxis à proximité, me proposera un lift. Je retrouverai le français avant de sombrer sur son canapé, après quelques heures d’échanges.

Que faire à Windhoek ?

Au matin, B. me demande ce que je vais faire et je lui parle du musée de la ville. Il me propose de m’y déposer et de m’expliquer quelques trucs au passage. Guide de métier, ce gars est une bibliothèque et je le suis passionnée à travers les étages du musée. L’absence de panneau explicatif est compensé par sa présence, et encore une fois je me demande ce que je fais pour être aussi chanceuse en voyage. Il doit cependant partir.
Je quitte alors le musée pour déambuler dans la petite ville et remonte à pied jusqu’à chez lui. J’ai besoin de me pauser sans stimulation autour de moi pour assimiler tout ce que je viens d’apprendre. Je dois aussi me concentrer sur la suite de mon aventure, mon visa pour l’Angola m’ayant été refusé.

Je passerai la plupart de mon temps à Windhoek au cœur de sa maison forteresse à planifier, récupérer bien trop fatiguée par ces dernières semaines. B. est patient, toujours content d’échanger et rassurant lorsqu’il m’entend dire que je devrais en profiter au lieu de rester sur son canapé. « Lucie voyons, tu as le droit de prendre soin de toi et de ne rien faire ». J’ai envie de rester des jours et des semaines pour en apprendre plus sur ce pays dont j’ai du mal à dessiner les lignes. B. doit cependant repartir sur un tour et je suis censée rejoindre J. avec qui j’ai passé mon anniversaire sur les dunes de Sossusvlei. Son équipe se retrouve à Gross Barmem à 100 km de la capitale et on avait prévu de se recroiser.

Katutura, souvenir de l’apartheid

B. me dépose à Rhino Park où je suis censée trouver tous les mini-bus en partance de Windhoek. Un semble partir pour Okahandja où mon ami me récupère… mais après plus d’une heure d’attente avec une namibienne, les gars nous embarquent pour que nous prenions un taxi. Je ne sais pas où ils veulent m’amener exactement, mais la femme me dit de venir et de lui faire confiance. Finalement on rejoint un coin où de nombreux taxis partagés sont à disposition. Le genre de coin que je cherche depuis le début de mon voyage pour pouvoir me déplacer plus facilement en « covoiturage ». On me met dans une voiture. Je demande au chauffeur s’il va bien à cet endroit et paye les 80N$. Nous devons récupérer deux personnes à Katutura, le township de Windhoek.

C’est dans ce bidonville que j’avais envie de me faufiler pour échapper à l’ambiance neutre du centre de la capitale. J’avais imaginé les bonnes odeurs du marché mais on m’avait déconseillé d’y aller seule. Prendre un tour pour visiter le bidonville est possible mais me parait tellement inapproprié. Alors que la Namibie est annexée à l’Afrique du Sud depuis 1946 (déjà sous sa responsabilité depuis 1920 après que l’Allemagne ait du renoncer à ses colonies à la fin de la 1ere guerre mondiale), c’est en 1959 que le quartier de Katutura est créé afin de rassembler les populations indigènes en dehors de la ville. Les politiques d’apartheid ont depuis pris le dessus sur les premières lois ségrégationnistes de 1908.

Finalement je me retrouve à attendre au cœur de Katutura, avec un chauffeur pressé et une dame à l’arrière. J’ai le temps d’observer la ruelle paisible par la fenêtre avec des enfants qui jouent sur la terre battue. Je me sens apaisée et repense avec nostalgie à Yopougon mon quartier d’accueil à Abidjan. Finalement une vieille dame et sa petite fille finissent par prendre place et nous partons.

Gross Barmem

Je retrouve mon ami à la station service de Okahandja, après avoir passé une demi-heure à échanger avec mes covoitureurs, la vieille dame curieuse de savoir si je parlais sa langue. Le chauffeur de taxi fit la traduction et entama la conversation. Je me tournais vers la vieille dame, ressortant le seul mot que j’avais retenu de mon périple dans le Damaraland: « Madisa » (bonjour bienvenue). Son sourire illumina son visage et le reste de cette fin de journée. Ce sont ces détails qui me font relativiser quand je me demande pourquoi je me complique la vie alors que je pourrais louer un véhicule et non voyager en Namibie en transport en commun

J. me dépose à Gross Barmem, où la réunion des équipes NWR vient de se terminer. Il me fait visiter alors que le déluge semble fort dehors et nous profitons de ce moment pour échanger les nouvelles. Rien de bien extraordinaire ici, outre le fait de recroiser J. et de lui concocter un diner. Il m’avait dit que je pourrais partir le lendemain avec la responsable du Waterberg restcamp, elle aussi présente à Gross Barmem, mais les plans ont changé.

Au cœur du parc national de Waterberg Plateau

Trouver un pasteur pour le trajet

Je retourne alors à Windhoek avec J. qui me dit que son cousin part vers Otjiwarango et peut me déposer à Waterberg, où je suis censée retrouver la responsable M. J’embarque donc avec le cousin et sur le trajet nous discutons. Comme je n’ai rien négocié et que J. avait tout arrangé tout seul, je demande au gars ce qu’il en est et me rend compte que ce ne sera pas gratuit. Soit. J’aime bien savoir dans quoi je m’embarque. On prend l’embranchement menant au Waterberg et je me rend compte que la route mériterait un 4×4 et non une voiture aussi basse. ça passe ! A. est déjà venu et est un habile conducteur. Je commence à me sentir coupable de l’avoir embarqué dans cette aventure. Nous finissons par arriver en fin de journée et A. me dit qu’il ne se sent pas faire la route du retour. Soit. Je n’ai pas de quoi lui payer une nuit au cœur du resort.

La situation commence à me monter à la tête. Je ne la sentais pas cette histoire. Arrivée à l’accueil, nous demandons à voir la responsable mais l’employé nous répond qu’elle est partie depuis longtemps et qu’elle doit faire sa sieste. J’appelle J. qui me donne son numéro: pas de réponse. La responsable M. avait proposé de m’héberger et je ne savais donc que faire dans ces conditions. J’offre une bière à A. le cousin pour l’aider à patienter et M. finit par arriver, s’excusant et m’accueillant avec un grand sourire. Je laisse le cousin expliquer sa situation… et me sens énormément mal à l’aise quant à l’idée d’abuser de l’hospitalité de M. qui n’attendait que moi. Cette personne au grand cœur finira par nous convier chez elle et nous passerons la soirée a essayé de créer un lien, avec A. dans les parages.

Histoire et randonnée à Waterberg

Le lendemain, j’embarque le cousin de J. dans une randonnée en haut du plateau de Waterberg. Ce lieu a été déclaré Réserve Naturelle en 1972. Peu accessible des espèces en danger d’extinction y ont été introduites afin d’en limiter le braconnage, à l’image du rhinocéros noir. Le plateau de Waterberg est aussi d’une importance géologique, puisque la plus ancienne strate rocheuse date de plus de 850 millions d’années. Des traces de dinosaures datant de 200 millions d’années y auraient aussi été découvertes.

Les premiers hommes à s’y être installés furent le peuple San, à raison des gravures retrouvées vieilles de plusieurs milliers d’années. Une petite tribu y pratiquait encore son mode de vie traditionnel sur le plateau jusqu’à la fin des années 60. Waterberg marque aussi un fort tournant de l’histoire namibienne. C’est ici que le peuple Herero perdit l’une des plus grande et dernière bataille contre les forces coloniales allemandes au début du 20ème siècle. Les Hereros furent forcé de battre en retraite et de se retrancher dans l’actuel Botswana. Beaucoup perdirent la vie au main de l’ennemi ou au cœur du désert de Kalahari. On estime que 2/3 de la population Herero aurait été décimée lors de cette période marquante.

C’est donc pour prendre de la hauteur que nous choisissons la randonnée menant au plateau. Elle est à faire de préférence le matin (compter 2-3h et 150 m de dénivelé). La vue y est splendide et il fait bon s’y poser. On est loin des plaines désertiques de l’Ouest et mon esprit se contente du moment présent.

De retour au lodge, nous disons au revoir à M. et la remercions de sa générosité. Nous reprenons la route avec A. jusqu’à Otjiwarango où je passerai la nuit car un guide est censé me récupérer le lendemain matin pour partir jusqu’à Etosha.

Etosha et les big 5

Aller jusqu’à Etosha en stop ?

Ce guide n’arrivera jamais. Ayant crevé la veille sur la route vers Sossusvlei, il ne me préviendra bien après notre heure de rendez-vous malgré mes relances tout au long de la journée. Il est déjà 16h et bien trop tard pour faire du stop jusqu’à Etosha. J’ai passé ma journée dans une boutique hôtel à l’attendre et je repasserais la nuit à Otjiwarango.

Je n’ai trouvé aucun tour, aucun touriste prêt à s’aventurer au cœur du Parc national d’Etosha à cette période de l’année avec moi. Je pourrais faire du stop, mais que faire sur place pour parcourir l’étendu sauvage du parc à la recherche des Big Five ? J. de Sossusvlei m’appelle pour savoir où j’en suis et me dis que son cousin serait prêt à aller jusqu’à Etosha contre dédommagement. C’est vrai que A. m’en avait parlé dans la voiture. Il avait déjà dépanné des touristes canadiens auparavant et m’avait dit qu’il avait du temps devant lui si jamais j’avais besoin d’un lift au cœur du parc (étant pasteur il semblait occupé seulement le dimanche). Il me récupèrerait donc le lendemain matin, me prêterait une tente et dormirait à la lisière du parc chez de la famille, quand nous aurons pu observer assez d’animaux sauvages.

Il est au rendez-vous le lendemain matin, accompagné à ma grande surprise d’une femme et de son fils. Un sac dans le coffre, je dépose le mien et nous partons. Pourtant je ne le sens pas. Que viennent faire ces deux personnes dans le paysage ? Il ne m’a pas prévenu. J’embarque tout de même et lui donne l’argent nécessaire pour faire le plein de provisions pour sa « petite famille » et le plein. Nous roulons et l’enfant requiert toute mon attention.

Arrivés à Etosha, A. attend que je m’enregistre et m’annonce qu’il repart et qu’il viendra me chercher le lendemain (ce qu’il ne fera jamais). « Comment ?! Ce n’est pas ce qui était prévu ! ». Il me donne un numéro, laisse mes affaires à des gardiens et m’annonce que son cousin P. prendra soin de moi. « C’est une blague ? ». Froid, il partira en me laissant au cœur d’Etosha sans tente.

Où dormir à Etosha ?

Je suis à Okaukuejo, une des entrées du parc et à quelques mètres à peine se trouve un plan d’eau. Je m’assure que mes affaires sont en sécurité avec les gardiens et les préviens que je vais me poser au point d’observation en attendant que P. arrive. Je l’ai contacté et il m’a dit qu’il rentrerait seulement à 19h et qu’il pourrait me dépanner. Les games drive (les safaris en 4×4) de l’après-midi sont déjà parties et je n’ai plus d’autre choix que d’aller me poser à l’ombre au poste d’observation, bercée de désillusions.

J’y observe mes premiers troupeaux de zèbres et l’étendue verte de ce début d’année. Dans le nord du pays, c’est la saison des pluies et Etosha s’est vêtu d’un brin de verdure. Je passerais de longues heures assise sur ce banc à espérer entrevoir d’autres espèces et à regarder autour de moi si de jeunes touristes étaient présents afin de sympathiser avec eux. Tout le monde est venu en famille.

Avant la tombée de la nuit, l’un des gardiens vient me chercher. Il a fini sa journée. Il me présente à deux guides qui viennent d’arriver avec leur groupe de touristes. Le gardien s’inquiétait pour moi et leur a expliqué ma situation. Je récupère mon sac, le remercie et les guides m’invitent à les rejoindre sur une chaise pliante. Les larmes montent et j’ai du mal à ravaler mes émotions. Les deux hommes me rassurent, me proposent de me prêter une tente pour la nuit, mais malheureusement il faudra que je me lève tôt leur groupe et matériel repartant à l’aube vers 5h du matin. Je les remercie et leur dis que j’attends un coup de fil de P. Ils me proposent de garder mes affaires, tandis que je retourne au point d’observation et qu’eux montent leur camp.

Après avoir aperçu mon premier rhinocéros au loin, je reviens récupérer mes affaires P. m’ayant appelé. Les guides m’invitent à les rejoindre pour le braai mais P. est là à m’attendre. Ils se connaissent. Me voilà rassurés. Je pars avec P. dans le quartier des employés, puis on retournera au point d’eau dans la nuit, afin d’entrevoir d’autres créatures animales.

Parcourir Etosha sans voiture

Le game drive de la matinée est complet depuis la veille. En effet, des safaris sont organisés à l’intérieur même du parc, il suffira de s’inscrire à l’accueil où vous réglez votre permis et les frais de logement (camping ou lodge). Il ne me reste qu’une option: trouver une voiture qui veut bien me prendre pour la matinée.
Les touristes à qui je m’adresse ont soit leur voiture complète, soit décidé de quitter le parc. Un ami de P. m’embarque pour quelques mètres à bord de sa petite voiture basse. Je verrais mes premières girafes.

L’après-midi, le game drive ne partira pas, étant la seule touriste à m’être inscrite. P. arrête alors des véhicules de safaris organisés, dans l’espoir que je puisse m’incruster. Il est en effet possible de dormir dans l’un des lodges à l’extérieur du parc et de participer aux safaris proposés par ces autres compagnies (les structures dans lesquelles j’ai dormi appartenant à nouveau à NWR). Après de nombreux refus, un guide finira par me laisser monter à bord avec un couple de touriste pour 600N$ (le même tarif proposé pour les games drives au départ d’Okaukuejo).

Enfin ! Après la courte balade du matin, on file sur les pistes à vive allure. Le guide semble savoir où se trouve les animaux. Il est en contact permanent avec d’autres guides lui permettant de pister leur trace. On m’avait dit qu’il était plus facile d’observer les Big 5 le matin, à la fraiche que l’après-midi. Mais finalement dans mon malheur de touriste arnaquée, j’aurais eu la chance à la clé: lion, éléphant, guépard, en quelques heures à peine j’ai pu les observer. Mon premier safari a été si rapide, que j’ai eu l’impression d’être venu pour prendre des photos et voir un maximum d’animaux, sans vraiment avoir le temps de les admirer dans leur habitat naturel. Les voitures agglutinées autour de lion souffrant au soleil m’ont un brin dérangé et pourtant j’étais dans l’une d’elles. Heureuse cependant d’avoir vu ces animaux en liberté et non dans un zoo, je rejoins P. qui me présente à une collègue qui va prendre soin de moi pendant que lui travaille.

En partance pour l’Angola

Enfin un brin de présence féminine ! Cette femme est sympathique et on papote comme de vieilles amies. Elle m’explique qu’elle a envie de rejoindre la capitale où se trouve son fils et son compagnon, mais que pour le moment elle a un emploi stable à Etosha. Je lui raconte mes aventures et lui dit que le lendemain, je pars vers l’Angola (dont j’ai enfin le visa). Après ce qui m’est arrivée avec le pasteur, elle ne veut pas me laisser toute seule. Elle appelle un ami qui habite à Oshikango, qui pourrait m’aider à traverser la frontière. Je la rassure mais elle insiste. Soit.

P. nous rejoint avec un ami et on passe la soirée à échanger tous les quatre. Ils sont vraiment adorables. P. a mon éternelle gratitude et malgré un bon repas du midi cuisiné par mes soins, je sens que je ne pourrais jamais le remercier à hauteur de ce qu’il venait de faire pour moi. De discutions en discutions, tout semble régler pour que je passe la frontière accompagnée. Un employé part à Oshikango le lendemain et semble partant pour covoiturer avec moi. Je rencontrerais ensuite l’ami de la femme qui devrait m’aider à passer la frontière.

Sauf que le lendemain, ça ne se passera pas comme prévu. L’employé est parti aux aurores et ne m’a pas attendu. Avec P. on arrête donc des voitures pour savoir si quelqu’un se dirige vers le nord. Après de nombreux échecs, je finis par covoiturer avec un guide qui se dirige jusqu’à la porte nord du parc, Nehale Lya Mpingana: je vais avoir la chance de traverser Etosha ! On roule et j’admire les étendues sauvages à portée d’yeux. Mon chauffeur est sympa et on échange sur son boulot. Décidemment malgré mes désaventures, j’aurais eu beaucoup de chance et fait de belles rencontres. A la porte nord, il me dépose auprès des gardiens, où je ferais du stop jusqu’au croisement menant à la route principale. Un local me prendra à bord de sa voiture, déjà occupée par deux voyageurs et leurs vélos. Au croisement, je lèverais le pouce à nouveau. Il y a peu de passage et après quelques minutes d’attente, un mini-bus se gare. Génial, un transport en commun allant directement à Ondangwa pour 210N$. A Ondangwa, je rejoins mon contact qui m’accompagne jusqu’à Oshikango en taxi partagé. J’y passerai la nuit dans un hôtel du coin et serai en Angola le lendemain.


Voyager en Namibie en transport en commun est-il possible ? Non sans un brin de stop. N’oubliez jamais d’écouter votre fort intérieur afin de ne pas vous faire arnaquer comme moi (même si c’est le cousin d’un ami fraichement rencontré). Et pour ne pas être dépendant des autres, prenez votre tente.

Je suis partie avec très peu d’idée sur ce pays et me suis pas mal remise en question. Je ne me suis jamais vraiment sentie à ma place lors de ce mois à voyager en Namibie. La chaleur humaine de la Côte d’Ivoire, du Ghana ou du Bénin était bien loin de la chaleur écrasante que ce pays dégageait. J’y ai rencontré des locaux discrets et timides, qui avec un peu de temps et de confiance ont fini par s’ouvrir, mais jamais complètement. L’histoire de l’apartheid laisse des cicatrices visibles et malgré les paysages extraordinaires que j’ai pu traverser, je m’y suis sentie triste. Je me suis alors dit que c’était la période dans laquelle je me trouvais qui se prêtait à ce sentiment, et pourtant à peine ai-je eu mis les pieds en Angola que je me sentais déjà chez moi.

Alors je retournerais peut-être un jour en Namibie, afin de creuser sous la poussière la véritable identité de ce bout de terre. Je suis sure que parmi le sentiment de désolation que certains paysages laissent à voir, se cache quelque chose de bien plus grand dans l’âme de ses occupants. Un pouce levé à travers l’immensité et peut-être qu’un jour j’y reviendrais à l’image de Solenn Bardet.

📖 Un livre: Rouge Himba – Solenn Bardet et Simon Hureau
🎧 Une musique: Jerusalema
💡 Une agence: TOSCO

7 Comments on “Voyager en Namibie en transport en commun

  1. Toujours un plaisir de lire tes ressentis venus de contrées dépaysantes à l’autre bout du monde. La Namibie a l’air effectivement bien différente de l’effervescence des maquis de l’Afrique de l’ouest…
    Pour ton séjour dans les Encantats et à Ordésa, ça, je connais bien mieux, c’est mon terrain de jeu. Et je comprends que du ais adoré!
    Dans les deux cas les photos sont magnifiques.
    Les voyageurs en herbes doivent se sentir un peu en cage en ce moment…
    Carpe diem.
    Clément, rencontré sur une rando dans les Pyrénées, un pied en France un pied en Espagne.

    • Bonjour Clément,
      Un plaisir de te lire également. Curieuse d’en apprendre plus sur ton terrain de jeu 😉 C’est vrai que tu es bien placé pour en profiter.
      Quant à la Namibie, on aura peut-être l’occasion d’échanger un jour à ce sujet.
      Physiquement en cage mais mentalement autre part. L’écriture a cet avantage. J’espère t’avoir fait voyager un peu.

  2. Bonjour Lucie,
    concernant mon terrain de jeu favori je fais enfin pouvoir en profiter pleinement. Le mur de cette drôle de frontière des 20km tombe enfin et l’horizon s’élargit pour tout le monde!
    On retrouve des perspectives.
    Les Pyrénées ont revêtu leur robe hivernale et l’heure est aux pas lents dans la neige profonde. C’est le temps des sorties en raquettes ou en skis de rando.
    J’ai déjà pu goûter au plaisir d’une petite sortie dans la neige la semaine dernière et je compte bien en profiter le plus possible.
    Si un jour tu es partante pour respirer un peu d’air pur ariégeois après des semaines de confinement toulousain fait moi signe, tu es la bienvenue!
    Un modeste voyage aux antipodes des terres arides de Namibie.
    Bonne fin d’année.
    Clément.

    • Mon bruit préféré: le craquement délicat de la neige sous mes pas 😉 Toujours partante pour respirer le grand air et m’octroyer un voyage (loin d’être modeste) en terre ariégeoise. Loin de la Namibie, le feu de cheminée peut néanmoins en reproduire la chaleur aride sous une autre lumière.

  3. Bonjour Lucie,
    Partante pour une sortie raquette en début de semaine prochaine si les conditions sont bonnes?
    Clément.

  4. Pingback: Paradoxe - Mondalu

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