Un été en Tasmanie

Je ne t’avais jamais rencontré et pourtant dès que j’ai posé les pieds chez toi, j’ai eu l’impression de rentrer à la maison.
J’étais fatiguée, éreintée et tu m’as accueilli sur Hobart les bras grand ouvert sur la mer dans ton petit port charmant.
Malgré mon manque d’énergie, j’ai gravi ton Hartz Peak, testé ton whiski à Salamanca Market le samedi, avant d’enchainer sur le MONA sous la pluie. Bruny Island, Tasman Peninsula et Maria Island m’ont tenu compagnie les premiers week-end chez toi. C’était facile de retrouver le goût pour l’aventure au creux de tes vallées.

À peine le dos tourné, j’ai commencé à poser mes valises, jusqu’à ce que l’on me dise, à demi-mot, que je n’étais plus la bienvenue. Et pourtant je suis restée.
Je me suis battue pour te montrer à quel point je les aimais tes montagnes, tes gens, ton caractère. J’y ai goûté tes cerises, tes pommes, ton vin, humé l’houblon à cueillir avant l’hiver. J’y ai rêvé de câlins avec un bébé Wombat, y ai rencontré ce Diable de mon enfance et ai versé quelques larmes aussi, bien amères. Incompréhension, mise à nu, malgré mes plaies à panser, tu as effacé ma colère.

Dans quelques semaines, je saurais si je remettrais les pieds sur ton petit bout de terre. Comme une envie de revenir l’an prochain, passer à nouveau un été Tasmanien. Comme un retour chez soi à 17000 km de la terre de mon enfance.

Deux ans de route

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Il y a deux ans, ma mère prenait cette photo avant de me regarder m’éloigner, à la gare de Toulouse. J’ai l’air fatiguée, déboussolée, pas très sure. Les (nombreux) préparatifs de dernière minute, ma copine a consolé après sa rupture, mon envol pour un pays tant rêvé… me laissent perplexe. Mes deux sacs bleus, déjà bien trop lourds me pèsent, confirmant l’idée que l’improvisation sera de mise en Océanie. « Une robe, un jean ? On ne sait jamais… j’en aurais peut-être besoin pour bosser ».

Il y a deux ans je partais pour la Nouvelle-Zélande. Je quittais l’hiver pour prendre une bouffée de chaleur à Singapour, en transit pour quelques jours. J’ai du m’acclimater au décalage horaire, m’adapter à mon hôte sur Auckland et briser mes peurs de voyager seule. Car même avec l’envie d’aller de l’avant, de parcourir le pays à coup de pouce et de rencontres locales, mes premières semaines se sont déroulées coller à des compatriotes. Il m’aura fallu partir en roadtrip avec deux personnes qui n’avaient pas les mêmes envies que moi, pour que je prenne finalement mon envol. Je les ai quitté, ai sauté en parachute et grimpé le Mont Ngaruhoe, me donnant le coup de pouce tant espéré. Et puis j’ai grandi.

Je ne sais pas s’il est l’heure des célébrations, du bilan ou d’une bougie à souffler aujourd’hui. Penchée sur le livre de Marlo Morgan, “Mutant message down under”, qui relate le récit de son aventure dans l’Outback australien au cœur d’une tribu aborigène, une phrase attire toute mon attention: “nous ne fêtons pas une année de plus, nous fêtons le fait qu’une personne soit devenue meilleure”. Ce qui m’amène à me demander ce que je suis devenue après deux années sur la route.

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La découverte. Intense, nouvelle, différente. J’ai appris à vivre au jour le jour, à me réveiller le matin et à me demander ce que j’avais envie de faire et suivre simplement cette envie. J’ai appris à me détacher des choses matérielles, mais à me rattacher à des expériences. J’ai affronté quelques peurs, pousser des barrières, tendu le pouce à travers un pays. J’y ai rencontré des gens fabuleux, des sourires. J’y ai poussé des soupirs aussi, désespérée par ces âpres de politesse me rendant amère.

Je m’y suis rendue avec des yeux d’enfants, émerveillée par des montagnes humbles et grandes, des cétacés géants. La faune et la flore m’ont convaincu d’aller plus loin encore. Baleines, pingouins, phoques, kangaroos, platypus… Marchant sur les chemins de Tasmanie, je m’arrête admirant ce serpent d’un noir intense, qui vient de me filer la chair de poule. Je m’extasie devant ce bébé wombat qui s’y suit sa mère au plus prêt, hume l’air à l’instant intensifié par un feu de forêt lointain. Ces deux années m’ont permis d’être plus proche de la nature, plus compréhensive, plus attentive, m’éloignant peut-être de l’humain.

IMG_5773Fuyant à fond les relations pouvant m’éloigner de mes aventures, je reste froide, impassible. Je souris plus certes, mais prête moins attention. Je ne demande même plus leurs prénoms.  Moi qui accordait beaucoup de temps à ces détails, ils me filent entre les doigts. Je mélange les histoires, radote, devient sauvage et m’écarte des voyageurs comme moi. J’ai l’impression d’être devenue égoïste, impatiente. Aigre de recevoir tout le temps et ne pas pouvoir donner autant, la culpabilité me ronge et me forge une carapace digne des personnes exécrables.

Je me suis demandée s’il ne fallait pas que je rentre. Pour retrouver une structure, des gens que je connais depuis longtemps, qui pourront peut-être m’aider à canaliser ma colère, retrouver un équilibre entre mouvement et paresse. Je me suis demandée si c’est l’Australie qui me rendait comme ça… un pays si grand, où l’Angleterre a trouvé le moyen d’y refourguer ses prisonniers et d’y déraciner la plus vieille civilisation du monde.
Je me suis demandée si je n’étais tout simplement pas fatiguée, usée à bouger tout le temps dans un lieu différent, épanchant ma soif de nouveautés et d’expériences.

Quand j’y repense, durant cette dernière année… le plus long que je sois restée en un seul lieu fut trois semaines. Alors non, je n’ai rien à me prouver. J’ai juste envie d’en savoir plus, voir plus, toujours plus. Pas de choc culturel… mais l’épuisement par le mouvement. Je suis en accord avec mes pensées, développe ma créativité tout au long de mon voyage et adore me poser devant un paysage. Le truc c’est que j’en veux toujours plus et que je n’arrive pas à me satisfaire du présent. J’envisage la suite avec impatience et me prend les pieds dans mon imprudence.
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Deux ans donc… deux ans qui font ressortir ce que je voulais apaiser à travers mon voyage. Deux ans qui auraient du me permettre de me raccrocher à des rencontres, mais qui m’en éloignent. Deux ans impatients qui me disent qu’à 30 ans, j’en serai peut-être toujours au même point, sans ancre, sans racines, sans pied à terre pour me permettre d’apprécier chaque instant à plus de 100%.

Cairns, humeur tropicale

Joli lagoon… petit marché de nuit… voilà ce qui me vient à l’esprit lorsque l’on m’évoque Cairns.

Cette ville du Nord Est s’est construite petit à petit comme ma destination. Tout est devenu concret lorsque j’ai pris mon billet d’avion, censé me ramener sur Sydney le 12 novembre, pour y retrouver mon père. Il me fallait donc arriver à Cairns avant cette date fatidique, ne me laissant que peu de temps au départ de Brisbane.

A quelques heures de la ville, la végétation avait commencé à se rapprocher du vert. Les étendues sèches se transformaient petit à petit en courbes denses, nous réveillant de notre longue route monotone. Humant l’air devenu humide, ils ne nous restaient que quelques minutes avant de rejoindre mon ami de Brisbane, venu nous retrouver pour le week-end.  Les Babinda Boulders auront tout de même raison de nous et nous nous octroyons une pause, prolongeant notre retard.

Nous passerons notre nuit à Cairns, dans une auberge de jeunesse assurant calme et convivialité dans un environnement sans alcool, avant d’enchainer sur un week-end court et intense. Vous venez ?

Envie de souvenirs ?

Ancienne ville minière, Kuranda offre aujourd’hui ces petits marchés au milieu de la forêt tropicale. Voisine des Barron Falls, le village regorge d’artisanat à découvrir avant 16h. Le flot de touristes donne cependant une image un peu trop commerciale à ce lieu catalyseur d’artistes.

Envie de café ?

Sur la route, nous nous arrêtons à une plantation de café. Jacques Australian Coffee Plantation nous invite à entrer sur la propriété bordée de termitières géantes, tandis qu’un café maison nous attend. Une visite guidée est disponible pour ceux qui voudraient découvrir l’histoire du Café d’Australie.

Envie de chic ?

On nous a beaucoup parlé de Port Douglas et pourtant je n’y ai trouvé que peu d’intérêt. C’est certes une jolie bourgade, bordée d’une plage où l’on ne peut que rarement se baigner à cause des crocodiles et autres méduses. Une balade nous a suffit à savourer le côté légèrement huppé de la ville.

Envie de nature ?

Mais le but de ce week-end était tout autre.
Traversant la Daintree River, nous nous offrons une mini-croisière afin de pouvoir observer quelques crocodiles. Plusieurs compagnies sont disponibles et offrent la même gamme de prix. Mais il est déjà tard et après une heure de navigation, aucun œil curieux ne se montrera. Si vous souhaitez observer ces merveilles de la nature, la meilleure saison reste l’hiver. Les crocodiles restent sous l’eau pour garder leur température ambiante pendant l’été, il est donc très difficile de les rencontrer. Vous pourrez toujours tenter votre chance tôt le matin à marée basse quand ces derniers prennent le bain des premières chaleurs.

Oups ! Le soleil ne va pas tarder à aller se coucher, il est temps pour nous de reprendre la route pour Cap Tribulation. Nous posons la tente à Noah Beach, spot parfait pour un week-end grandeur nature.

Le village se situe au cœur du Parc National de la forêt de Daintree, classé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO.  La Grande Barrière de Corail se trouve à quelques brasses de là, faisant de Cap Tribulation un lieu unique. Je m’attendais donc à m’aventurer au milieu de la jungle telle une exploratrice d’un autre temps. Mais il en était tout autre. La forêt tropicale étant bien protégée, nous avons seulement accès à de petites balades balisées. Si vous ne devez en faire qu’une, optez pour la Dubuji Walk qui est à mes yeux la plus belle. Cap Tribulation regorge aussi de trous d’eau, où vous pourrez vous rafraichir et nager en toute tranquillité sans avoir peur des crocodiles. Le plus connu se situe derrière le Mason’s Store et le plus tranquille au nord, avant que la route ne soit seulement accessible aux 4×4.

Si vous supportez la chaleur et vous sentez d’attaque pour 5h de randonnée, Mt Sorrow peut-être une option. Je vous avoue ne pas y avoir cédé dans cette atmosphère humide et étouffante.

Mais Cap Tribulation fut aussi le lieu d’une belle et rare rencontre.IMG_2741Un papa Cassoar et son petit nous ont fait l’honneur d’une apparition. Cette espèce , en voie de disparition, originaire de Papouanie Nouvelle-Guinée et de l’Australie du nord est, ne vit que dans les forêts tropicales et est difficile à observer.

Mais il est déjà l’heure pour moi de reprendre la route. Je laisse mes deux compères pour aller m’aventurer à Ayton, plus au nord, où mon nouvel hôte HelpX m’attend. Cette fois-ci, c’est à la rencontre du « Reef » que je partirais. Tortues, requins et coraux m’accompagneront dans cette aventure, avant que je ne retourne sur Cairns prendre mon avion. J’y laisserais un goût de « je reviendrais ».

Cadavres exquis d’une voyageuse #3

C’est censé être le premier jour de l’été.
Pourtant le vent s’engouffre, me laissant frigorifiée,
grisant mes pensées et mon avancée.
Hier je me blottissais dans ses bras,
me disant que l’idée était là,
être au chaud sous les draps,
sans penser au lendemain.
Aujourd’hui, je suis lasse,
me retrouvant encore dans cette impasse,
où certes la vue est sublime,
mais je cherche à nouveau la seconde rime
pour combler cette marque indélébile.
Il y a une semaine j’étais entourée,
d’étrangers certes et dans ma fierté,
besoin de solitude et de cocon douillet,
je ne leur ai que peu adressé,
la parole à travers un sourire effacé.
Pas de regrets pourtant,
mais parfois je me demande tant,
si le voyage ne me rend pas associable.
M’engouffrant dans une carapace,
qui me protégerait de tous ces rapaces,
qui voudraient s’en prendre à mon âme blessée,
par toutes ces rencontres, ces voluptés,
ces adieux abandonnés,
ces bus à prendre, ces avions à combler,
pour partir un peu plus loin,
et recommencer à nouveau son petit coin,
tant bien que mal
à la force de l’âge.
Demain, j’aurai retrouvé un peu de volonté,
mon armure parée pour aller affronter,
ces vieux démons du voyage.
Mais même avec de l’audace,
un brin de malice et un peu de courage,
il m’arrive de passer des heures à me demander,
pourquoi je continuerais à lutter,
alors que j’aimerais parfois quelques bras pour me réconforter.
Quelqu’un pour m’accompagner sur ce long voyage,
quelqu’un avec qui partager sentiments,
un ami, un confident, un amant,
cette envie d’aller de l’avant,
à la découverte des richesses du monde,
de ces visages, de ces facettes,
quelqu’un avec qui faire la fête,
sur le chemin des nouveautés,
sans séquelle, sans fierté,
alliant amour de la vie et simplicité.