Cadavres exquis d’une voyageuse #2

Le pouce tendu, je tâche de sourire. Je me dis que ça va être difficile de trouver une voiture aujourd’hui. La gorge serrée, je me concentre sur celles qui passent. Ils tournent tous à gauche. Est-ce que je ne devrais pas mieux marcher un petit peu ? Au fond si personne ne me prend, j’aurais une nouvelle excuse pour contacter G.
Une voiture. Le gars part de mon côté. Parfait!
Comme à mon habitude je me présente et j’oublie ausitôt le nom que l’on me donne. Ça ne me ressemblait pas il y a quelques temps, moi qui mettait toujours un prénom sur un visage. Aujourd’hui, j’ai du mal à me souvenir des histoires que l’on me raconte… et pourtant je m’attache.
Après 2h de route, le gars me dépose et je me retrouve dans une auberge, qui s’avère être un Holiday Park, où les gens passent leur temps dans leur camping-car. Je suis donc seule dans une chambre de 10 lits. Il y a 5 mois j’en rêvais. Il y a 5 mois, je voulais faire un break, m’enfermer dans une pièce où personne ne serait là pour m’emmerder. Il y a 5 mois je n’avais qu’une envie: être seule au moins une soirée. C’était mon burn out… mon burn out du voyage, qui a fini par passer. Et depuis, j’ai fait de nouvelles rencontres.

IMG_6430

Ce qui m’a marqué sur ma première escapade en solo, c’était ces gens inconnus qui s’arrêtaient au milieu de leur route pour venir me demander si, ma carte sous les yeux, je cherchais mon chemin.
Aujourd’hui les gens que je croise ne sont plus des inconnus mais différents morceaux de vie que j’ingurgite. Les collègues, les gens qui me prennent en stop, les couchsurfeurs, les voyageurs, les personnes que je croise sur les sentiers de randonnée et tous les autres avec qui j’échange un sourire.

IMG_2758

Mon voyage ne serait pas aussi riche sans ces rencontres.
Mais il ne serait pas aussi dur non plus.

Quand je quittais Toulouse pour Paris et vice-versa, je savais très bien que je les reverrai. Que dans quelques mois, on se retrouverait autour d’un café, dans une expo ou sur une ville totalement différente, histoire de bouger un peu en France. Aujourd’hui à l’autre bout du monde, mes rencontres se sont diversifiées… géographiquement.

La plupart des couchsurfeurs qui m’accueillent sont néo-zélandais. Les voyageurs que je croise en auberge ou autres pvtistes sont majoritairement européens. C’est cool, tu te dis que ça te fera un pied à terre dans les pays voisins, quand tu reviendras en France… sauf que je ne suis pas prête à rentrer au pays. Avec eux, je partage un repas, des soirées, quelques jours de voyage, des semaines de boulot, un appart, un bout de vie…
Les rencontres sont différentes avec pour chacune d’elle son degré d’attachement. Il y a les légères, où l’on se dit qu’ “on reste en contact, qui sait on se recroisera peut-être ?”. Les rencontres plus fortes, où on fait tout pour se recroiser et celle qu’on continue à construire et alimenter au gré du voyage. Il y a aussi ces coups de coeur amicaux où tu n’as même pas le temps de dire au revoir.

Ces différentes personnalités qui échangent, qui s’entraident, qui me rendent ma foi en l’humanité, c’est génial et intense. Mais au final quand on a choisi d’être nomade, ces rencontres là, tu te dois de les quitter. Il y a un moment donné où nos chemins se séparent et souvent trop vite. Parce qu’on a des objectifs différents, des envies à suivre souvent plus fortes que nos coups de cœur affectifs.

IMG_6663

La boule au ventre je m’éloigne de la voiture. Je me demande si je devrais partir avec eux. Je rentre à l’auberge les larmes aux yeux, haïssant le voyage.
Il a encore fallu que je les quitte… pour mieux les retrouver vous me dites ?

Je me dis souvent que mon fort besoin de découverte me fait passer à côté de belles choses avec les personnes que j’apprécie. Mais c’est un choix… que je remets souvent en question d’ailleurs mais que je contre-balance en me disant qu’une personne quittée, c’est une nouvelle ouverture à l’inconnu. Et c’est tellement vrai. A peine mes derniers échanges posés sur mon carnet, c’est un nouveau chapitre que j’entrouve avec de nouvelles rencontres.

IMG_6239

Et vous, comment le viv(ri)ez-vous ?

Une semaine sur Stewart Island

On parle des îles du nord et du sud pour désigner la Nouvelle-Zélande, mais on oublie souvent la troisième île, qui a tout d’une grande. J’ai nommé Stewart Island.

J’y ai passé une semaine. Travaillant le matin dans une auberge de jeunesse, je désherbais le jardin, qui s’avéra être une jungle dans laquelle mon cochon d’inde serait surement devenu fou à l’idée d’engloutir ses pissenlits géants. Mes après-midi se laissaient bercer par la pluie ou par quelques promenades autour de la seule ville de l’île, Oban.
Il faut savoir qu’il pleut approximativement 265 jours par an ici. Mais les éclaircies sont nombreuses et les journées magnifiques lorsque le soleil s’en vient.

Muni de votre parka et de vos chaussures de randonnée, il y a de quoi faire dans le coin. Les balades de criques en criques se laissent apprécier sur 2-3h et la foule des Great Walks est loin d’être présente sur l’île.
Vous pouvez opter pour le Rakiura Track qui se fait en 3 jours (mais j’ai rencontré des filles qui l’ont tenté sur une journée). Je n’ai pas choisi de le faire car les retours d’expériences que j’ai pu avoir, ne m’ont pas vendu du rêve sur son chemin boueux. D’autres chemins de randonnée plus long sont aussi disponibles.

A défaut de faire une longue marche, j’ai pris le ferry au départ de Golden Bay pour Ulva Island. 20$ l’A/R (prévoyez du cash) et c’est une jolie balade soulignée par le chant des oiseaux, qui vous attend. Le guide papier à l’entrée de la jetée vaut le coup (et coûte 2$) si vous êtes un peu curieux et souhaitez connaître le nom de ces volatiles arborant leur plumage coloré à la discrétion de votre objectif. J’y ai passé 3h dans ce sanctuaire aux oiseaux, y ai découvert de rares spécimens floraux, un paradis paisible sous un soleil présent.

Stewart Island, c’est aussi ses couchers de soleil perché sur un banc de l’Observatory Rock, son musée ouvert le matin pour échapper aux rares déluges, son fish & chips et le délicieux Blue Cod (que vous pouvez aller pêcher au cours d’une sortie en mer). Ou encore ses moules que vous pourrez ramasser à marée basse dans la baie de Thule (ou sur le Rakiura Track) et son Quizz qui égaye la ville tous les dimanches soirs au bar.

Il y a ici plus d’animation qu’à Waipara où j’ai pu passé quelques temps. Les gens sont adorables, détendus, on se sent facilement bien dans ce petit coin de fraicheur. On découvre quelques touches d’humour cachés au cœur de l’île, quelques idées originales mais aussi des Kiwis en liberté (oui je parle bien des oiseaux).

Mason Bay est réputée pour être un spot à Kiwi, mais sans aller jusque là, on peut en apercevoir à la lisière du stade de rugby, du terrain de golf ou encore de l’aérodrome. Pour avoir la chance d’en rencontrer un, munissez vous de votre torche dont vous aurez fixé au préalable un morceau de papier rouge transparent (à demander au DOC) pour ne pas les faire fuir. Soyez patient, silencieux et repérez-vous au bruit des branches qui craquent et du sol qui se laisse explorer. Je sais que c’est tentant, mais surtout n’usez pas de votre flash car vous pourriez rendre cet emblème de la Nouvelle-Zélande aveugle. L’expérience en soi est juste magique, profitez-en sans avoir l’œil collé derrière votre appareil photo 😉 De rares chanceux en aperçoivent même en plein jour… et pour vous consoler il vous reste encore les panneaux de signalisation.

Spotted Kiwi !

Astuce: Si vous souhaitez échapper au mal de mer qu’ont souvent les passagers du bateau partant de Bluff par ces eaux agitées, vous pouvez opter pour l’avion, qui ne vous reviendra pas plus cher en stand-by (vous devez être flexible cependant sur les dates). Ce n’est pas très écologique je dois l’avouer, mais cela reste une option pour profiter à fond de l’île.

Bonnes balades 🙂

TCQ #4 – Le woofing

Tout ce qu’on ne vous dit pas sur le woofing ! *

Je me dis toujours qu’il faut suivre son 6ème sens, surtout en voyage et parfois il m’arrive de ne pas le faire. Ce fut le cas il y a quelques jours… Voulant ne pas trop dépenser en attendant que le temps soit meilleur pour randonner sur le Kepler Track, j’ai cherché dans l’urgence un woofing. On m’a donné l’adresse de quelqu’un et malgré ma sensation que ça n’allait pas le faire, j’y suis allée. Bien sur ça n’a pas manqué !

Jusque là je n’ai eu que des expériences agréables.
La ou les personnes vous accueillent avec un grand sourire, vous offrent un thé pour vous mettre à l’aise et vous expliquent un peu comment elles voient l’échange. Car oui, le woofing est basé sur l’échange… contre quelques heures de travail, généralement 3 ou 4, on vous offre l’hébergemenent et/ou les repas. Chaque woofing est différent bien sûr, et les conditions aussi. Il faut savoir s’adapter… mais pas trop non plus.

C’est un ami qui m’avait parlé de ce concept, qu’il avait pu tester au Québec. Je m’étais dit que ce n’était pas pour moi, que je préférais bosser pour gagner des sous et non contre un service, mais finalement quand j’ai vu l’annonce de David je me suis inscrite sur HelpX. Ce site vous coûte 20 € par an, vous donne accès à plusieurs pays et les offres sont variées et ne se limitent pas à des jobs dans l’agriculture (comme Wwoof).

Ma première expérience fut donc sur un bateau. J’ai passé une semaine en compagnie d’un vieux loup de mer, sur le Yacht qu’il a construit lui même. Au coeur de la Bay of Island, je nettoyais et polissais le bateau le matin, tandis que mes après-midi étaient consacrées à des balades sur les différentes îles ou à quelques brasses dans l’Océan. Autour de délicieux repas, ce Kiwi qui a parcouru le monde, me contait ses diverses aventures… féminines.

Bay of Island

J’ai retenté quelques mois plus tard à Arthur’s Pass où Renée et Geoff devaient m’accueillir au début de l’hiver dans leur B&B. Ce dernier a pris feu une semaine avant que je ne vienne, ne donnant donc pas suite à ma demande. A la fin de l’hiver, je leur ai reproposé mon aide. Ils ont accepté et mes journées consistaient à nettoyer les meubles noircis et les petits objets qui leur tenaient à coeur. Triste histoire… J’y ai rencontré un couple adorable, à fond dans les élections néo-zélandaises à ce moment là. J’ai appris beaucoup en une semaine sur les potins du coin et la politique du pays, et ai pu admirer au coin du feu les flocons de neige d’un début de printemps.

Arthur's Pass

Puis, j’ai continué ma route à Fox Glacier, où j’ai testé un nouveau woofing dans une auberge de jeunesse. Cette fois-ci je n’étais plus la seule voyageuse, un français et une chinoise étaient là. Le matin, il fallait faire les lits, nettoyer les sanitaires et les après-midi se paufinaient en haut d’un sommet ou au pied d’un glacier.

IMG_6210

Une semaine plus tard, j’étais au Lac Paringa, avec le même genre de mission, tandis que je partageais mes diners avec mes hôtes Ken et Mata, dotés d’un sens de l’humour hilarant. Le reste du temps, je me battais avec les sandflies ou en profiter pour me remettre à lire.

Lac Paringa

Il y a encore quelques jours j’aidais Paula, une femme accueillant des étudiants internationaux pendant l’année et ayant un penchant un peu trop maladif sur la boisson. Mes matinées rythmaient avec désherbage, tandis que mes après-midi étaient dédiées à la recherche d’idées pour mon voyage ou à des randos sur Wanaka.

IMG_6781

Bref, comme vous pouvez le voir, différents portraits se dessinent, parfois des amitiés se créaient mais le principal dans tout ça, est que chacun y trouve son compte.

C’était le cas pour moi, jusqu’à présent.
Je suis censée rester une semaine dans un lodge à 30 min de Te Anau (mais ce que l’annonce ne précise pas c’est qu’il est impossible d’y faire du stop car au moins 20 km se font sur une Gravel Road),
T’arrives, les gens se stressent car tu n’as pas pris ton petit déj… Je leur dis que ce n’est pas grave, que je peux attendre le repas du midi, elles me répondent qu’il se fait à 14h et qu’il faut absolumenet que je mange un bout. Ok… mais apparemment ça leur coûte de me donner quelques céréales. Le gars qui m’a déposé m’a dit qu’elles étaient spéciales. Je commence à dresser le tableau.
Au lieu des 4h maximum généralement demandées aux woofers, c’est 5h que l’on nous impose. Je connaissais les conditions dès le début, c’est d’ailleurs un peu ce qui m’avait mis la puce à l’oreille, mais je me suis dit qu’en « échange » le reste – les hôtes, les repas, l’ambiance – devait être au top. Le reste ?!!
Contre 5h longues heures ennuyantes, Internet n’est pas gratuit (même pas quelques minutes pour pouvoir checker tes emails), il te faut payer tes machines (2$ ça leur revient cher dans les dépenses), pas de réception téléphonique (ça, on y peut rien)… Honnêtement ça ne me dérange pas d’être coupé du monde, ça me permet de faire un break dans mon voyage. Mais l’ambiance y est particulière, l’échange avec mes hôtes limité et cerise sur le gâteau (si seulement !), les repas se résument à un gros foutage de gueule. Le riz/carotte/viande cuisiné à l’asiat est très sympa le premier jour. Pas le quatrième !

Je ne pense pas être difficile, vraiment. Mais pour moi le woofing ce n’est pas de la main d’œuvre gratuite, ça part vraiment d’un bon principe. Malheureusement il y a de plus en plus de personnes qui en profitent, alors faites attention! Lisez les références que les anciens donnent et creuser entre les lignes car tout le monde n’ose pas toujours tout dire. D’ailleurs, lorsque vous devez écrire votre retour d’expérience, faites le avec le fond de votre cœur, ça pourrait éviter aux futurs woofers de mettre les pieds dans un endroit qui n’en vaut vraiment pas la peine.
Faites préciser à votre hôte les conditions de travail, ce qu’il attend de vous et ce que vous pouvez espérer obtenir en échange (parfois seul l’hébergement est offert, parfois les repas sont compris, tout dépend du “deal”) avant de débarquer. Ne vous précipitez pas.
Et surtout ne faites pas comme moi, du woofing pour les mauvaises raisons. J’ai toujours choisi mes lieux avec la plus grande attention, toujours en fonction de la personne qui devait me recevoir, de ce qu’elle me disait et de ce qu’on disait d’elle. Cette fois-ci, j’ai clairement accepté pour raison financière et printanière (pluie). Voulant éviter à tout prix de payer trop de nuits en backpackers, j’ai choisi la facilité et je me retrouve maintenant coincée entre ma capacité à positiver et mon désir de m’évader de cette prison.

A bon entendeur, apprenez de mes leçons. 😉

Cadavres exquis d’une voyageuse #1

Ça faisait longtemps que je n’avais pas regardé les offres d’emploi. Rien ne me passionne dans ce que peut m’offrir le marché français en ce moment. Je repense alors à mon dernier poste, génial sur le papier, les missions l’étaient oui… mais l’ambiance ne me faisait pas lever le matin avec le sourire. Heureusement que ce n’était que pour 6 mois…

Je repense au chemin parcouru. A mes bonnes notes à l’école, ma licence en poche, le jour où j’ai passé un entretien à la fac pour un master et où on m’a clairement dit que je ferais mieux de continuer en école de commerce. Le master en poche, on sort de sa zone de confort et on se retrouve confronté au marché de l’emploi. La crise. Pôle Emploi qui me dit qu’il n’y a rien dans mon secteur, qui m’affirme que je n’aurai pas le droit à une formation car les « sans diplômes » sont prioritaires. Le chômage qui t’enferme dans une routine “faut que je cherche un emploi”, qui te fout dans la case départ sans toucher la cagnotte qu’on t’avait pourtant bien promis sur ton jeu de Monopoly. Tu finis par être étouffé par cette négativité, à déprimer du contexte ambiant. Mais comment veux-tu profiter de ta vie dans ces conditions ?

A l’étranger, il faut faire des concessions. Le ménage, tu n’en auras jamais autant fait de ta vie. Récurer les chiottes ? Passe moi mon bac +5, je vais te montrer.

Franchement, quoi que tu fasses si les gens qui t’entourent sont tops, que l’ambiance est au beau fixe, que demanderais-tu de plus ?

Je me vois mal retourner dans une case… « Hé, t’es qui toi ? Tu fais quoi dans la vie ? »

Je n’ai jamais été plus heureuse que de travailler dehors en plein hiver, à recevoir des décharges électriques dans les mains en pleine nuit car mon sécateur finissait par les user. Le business, le marketing, le tourisme ? Le business, je le vis en en découvrant différents tous les jours, en allant à la rencontre de personnes qui ont montées leur structure ou qui managent les petits employés que nous sommes. Le marketing, moi qui ne jurait que par ça, au final ce ne sont que de belles paroles, non ? Tout change, le modèle économique que tu connais aujourd’hui pourra être à l’opposé demain. Alors à quoi bon ?

Le voyage m’emmène sur des chemins différents. J’apprends à croire en l’humanité et non plus aux belles paroles, j’apprends à m’ouvrir aux rencontres, à mettre mes idées de côté pour en découvrir d’autres. Je découvre l’école de la vie, celle que l’on n’apprend pas à travers les lignes des pages de ton cahier griffonné, que tu auras fini par décorer de tes rêves éveillés, assis sur un banc de classe à te faire engueuler car tu mâchouilles un chewing-gum ou que tu fredonnes discrètement un air de printemps.
Ma vie se compose du moment présent, mon lendemain d’un “on verra” et mon aujourd’hui du “j’ai envie de quoi? ».

Ce n’est peut-être qu’un passage, une façade, mais celle-ci me correspond. Et j’ai bien envie de la vivre encore quelques temps…