Campagnards, sommes-nous des privilégiés ?

Je reviens de la pelouse de mon père. J’ai enfin mis le nez dehors après une semaine et demi de confinement, suite à mon rapatriement. Vous pensez que je viens vous narguer à coup d’herbes fraiches et de pâquerettes ? Non, j’ai juste envie de déposer sur le papier ce qui me trotte dans la tête depuis un moment.

Les joies de la campagne

Petite, je crois que j’appréciais les promenades dans l’herbe, à flâner devant un papillon ou à chercher mon chat sous un arbuste. Puis est venu le temps de l’adolescence, où la mobylette n’étant pas autorisée, je ne rêvais que de ville et d’accessibilité. Jeune adulte, c’était pareil… je râlais de ce privilège des campagnes qui vous obligent à prendre la voiture pour sortir en boîte de nuit à l’autre bout de la ville la plus proche. Heureusement, j’avais un père flexible et aimant, qui venait me chercher à 6h du mat à 40 min de chez nous. Adulte j’ai déménagé maintes fois, le plus souvent en ville par praticité et préférant les transports en commun, qui ne vous obligent pas à dégivrer votre compagnon à 4 roues de bon matin. Quel plaisir alors quand je pouvais aller à pied jusqu’à mon travail.

Pourquoi je vous parle de ça ? Parce qu’en période de recherche d’emploi, je me suis rendue compte que les boulots à « haute responsabilité » étaient rares dans nos campagnes… et que si je voulais pousser ma carrière à son apogée, je devrais sacrifier mon confort et ma liberté, pour remonter m’installer à Paris, notre chère capitale. J’ai adoré mes années là-bas, mais honnêtement qui souhaiterait y retourner après des mois à gambader dans les Parcs Nationaux Australiens, Néo-Zélandais ou Ivoiriens ?
Le problème c’est que la plupart des postes qui m’intéressent s’y trouvent. Alors parfois je postule mais le cœur n’y est pas quand je m’imagine dans un appartement de 10 m2 sous les toits. Je sais pourtant qu’il y a des endroits sympas à Paris. Je me souviens d’ailleurs de cet ancien atelier d’artiste, dont la grande fenêtre donnait sur un petit jardin. Je me suis alors sentie dans un cocon en plein cœur d’une ville grouillante.

Quand je vois le nombre de parisiens ou autres français qui ont voulu quitter leur misérable cour bétonnée, alors je me suis dit que j’avais peut-être raison de vouloir me poser ce genre de question. Mais pourtant lorsque le « déconfinement » aura sonné, qui aura envie de retrouver ses amis en terrasse ou d’aller danser sur les quais de Seine, histoire de fêter cette nouvelle liberté ? Qui aura envie de rester à la campagne, seul dans son jardin, à compter les coccinelles et les quelques abeilles encore en vie ? Qui aura envie de faire des kilomètres pour aller à son travail, à nouveau coincé à l’heure des embouteillages sur le périphérique ?

Ville ou campagne, pourquoi choisir ?

Devrions-nous tous vivre en ville et avoir une résidence secondaire à la campagne ? Devrions-nous tous devoir choisir entre carrière professionnelle et confort moral ? Devrions-nous tous être amenés à vivre entassés dans des appartements mal isolés ? Devrions-nous tous vivre dans la rue ? Devrions-nous tous avoir un balcon pour aller applaudir le personnel soignant, pourtant oublié depuis plus de 30 ans ?
Ou devrions-nous tous vivre dans nos campagnes, près de nos rivières et de nos montagnes, et prendre chacun sa voiture tous les jours pour aller travailler pour nos chers patrons ? Devrions-nous tous nous mettre au télétravail ou lancer nos propres sociétés, pour pouvoir garantir un équilibre économique et moral, mais pas forcément social ? Devrions-nous tous avoir accès à un revenu universel, laissant inspirer un équilibre des classes et à chacun le soin de choisir plus confortablement son travail ?

Car si nous étions si heureux dans nos villes et nos campagnes. Si les beautés de nos montagnes étaient plus accessibles et les champs de nos campagnes moins montrés du doigts de par les pesticides. Si les enfants ne découvraient pas pour la première fois les joies de la nature sur les Champs Elysées, lorque cet été-là ils avaient été transformés en laboratoire de nos campagnes.
Et si on repensait ce petit monde en étant moins auto-centré sur nos illusions ? Et si on avançait ensemble vers moins de richesses intangibles mais plus de richesses qui s’affichent de par nos sourires, nos coup de mains et notre rapport à la terre ? Ces richesses que je redécouvre à chacun de mes voyages car j’ai tendance à les oublier, à les enfouir dans mes rêves qui ne se réaliseront jamais dans une telle société… alors peut-être que nous pourrions continuer à vivre ensemble sur cette belle planète. ♥

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