J’ai l’impression de vivre dans un monde où tout se consomme, même le confinement. Dans cette période bizarre, je pensais me sentir mieux, je pensais qu’elle serait différente de mes autres périodes de chômage, qu’enfin je pourrais me retrouver dans l’ensemble du groupe à traverser la même passe. Mais non…
On vit dans une société où tout se consomme. Même enfermée chez toi, tu dois lire, faire du yoga, regarder les informations, twitter pour donner ton opinion, écrire ton article de blog, travailler pour ceux qui peuvent le faire à distance, aller faire le tour de ton pâté de maison, cuisiner, faire ton pain et surtout être heureux d’être en vie.
Vit-on dans une société qui nous écoute ? Vit-on dans une société qui accepte tes faiblesses et les transforme en force ? Est-ce que la société de consommation t’enlèvera un jour ta culpabilité à rien faire, à te lever à 10h du matin tous les jours et avoir l’impression de passer ta journée à manger car il n’y a que les repas qui te permettent de tenir le rythme ?
A coup de matraquage des médias sur le même sujet, je me suis demandée si j’aurais du, tout comme ma mère, devenir infirmière. Si j’aurais du bosser dans un EHPAD ou continuer à récolter des fruits pour être utile…? Puis je repense à la fois où je jouais de la flute traversière dans une maison de retraite pour noël. Cette fois-là, on m’avait obligé à aller serrer la main de tous les pensionnaires, en me disant que ça leur ferait du bien. J’avais fini en pleur car mon petit cœur sensible s’était emballé. Et je m’étais dit du haut de mes 8 ans peut-être, que je ne pourrais jamais faire ce métier. Et je ne pourrais jamais devenir infirmière car je savais déjà qu’à cette époque là, l’hôpital était devenu un sujet de « consommation » pour notre société actuelle.
J’avais quand même envie d’être utile. J’avais quand même envie à cette époque là d’apporter ma petite pierre à l’édifice, un peu lorsqu’on laisse sa pierre sur un cairn qui deviendra grand. J’avais envie de soigner les gens différemment… alors je me suis dirigée vers le tourisme, ce secteur où il semble difficile de trouver sa place sur le long terme, sans ouvrir sa propre compagnie. Je voulais soigner les gens par la tête, en leur faisant ouvrir les yeux sur le monde qui les entourait mais surtout sur eux.
Alors j’applique ma propre thérapie à chaque période de chômage. D’abord je me confine. Je rentre dans ma coquille pour digérer la fin d’un contrat, pour laisser la passion que j’y ai mis de côté, pour prendre le temps de faire le deuil et me concentrer à nouveau sur autre chose. Dans ces moments là, je n’ai souvent envie de rien, pas l’envie de me lever le matin à 7h du mat et faire du yoga. Pas l’envie de me faire un planning que je ne suivrais pas. Pas l’envie de cuisiner car il faudrait que je cuisine pour 3. Pas l’envie de sortir au soleil prendre l’air. Pas l’envie d’aller danser. Pas l’envie d’aller voir mes potes, bien trop occupés à travailler ou à avoir un sens dans leur vie. Alors je laisse incuber tout ça… et quand c’est prêt je sors de chez moi.
Souvent le boost revient quand je prévois un nouveau voyage. Peut-être parce que ma petite graine intérieure a besoin d’un nouveau lieu pour re-germer. Le pot dans lequel elle se trouvait la faisait suffoquer. Elle n’y trouvait plus la place pour étendre ses racines, l’eau suffisante pour s’hydrater ou la terre assez chargée pour se nourrir. Une rivière sur le Gr10, une nouvelle terre en Afrique et la place de l’étranger à saisir, car dans sa peau la différence est positive. On n’est enfin plus le chômeur à connotation négative dans notre société, car utilisant des droits sociaux…. mais qui aimerait rester à la maison à rien faire de ses journées ? A se sentir confiné comme nous le sommes tous en ce moment, car les amis sont au travail et qu’on nous aura tous dit un jour que le travail c’était donner un sens à sa vie, même s’il peut sembler futile parfois. Qui aurait envie de se sentir isolé pendant des mois car les candidatures ne marchent pas, la motivation décroit et qu’il n’y a personne pour le sortir de là ?
Alors je suis rentrée plus tôt de ce voyage. Ce n’est pas grave. Le voyage peut aussi être intérieur. Mais ce dernier est parfois dur… dans une société où les personnes qui travaillent pendant le confinement, sont qualifiés de héros, ne leur laissant ainsi pas l’occasion de pleurer publiquement. Où est ta place à toi qui le vit mal ce confinement, à toi qui a envie de rien, à toi qui ne fait pas d’apéro skype avec tes proches, à toi qu’on a oublié depuis longtemps au fond d’une chambre d’un EHPAD ? On te répète tous les jours que des gens meurent et que, sous-entendu, tu devrais être heureux d’être encore en vie, isolé dans ta chambre à chercher encore ton utilité dans ce monde.
Alors dans cet article qui n’a peut-être ni queue ni tête, je voulais te dire à toi qui me lit, que tu as le droit d’aller mal, le droit de ne pas bien supporter ce confinement, le droit de ne pas rêver à la suite ou de ne pas penser que le voyage est un unique objet de consommation. Tu as le droit de ne pas vouloir prendre soin de toi, tu as le droit de vouloir t’empiffrer de chocolat, de ne pas t’épiler, de ne pas lire 10000 livres ou de ne pas commencer celui que tu as toujours voulu écrire. Tu as le droit d’être unique et d’être toi ♥
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