L’Afrique n’a jamais été un choix. Outre les montagnes de l’Atlas ou les étendus de sable Mauritanien, le continent africain ne me faisait point rêver.
Et pourtant j’y ai posé les pieds, il y a quelques mois, une opportunité professionnelle m’amenant en Côte d’Ivoire.
Je pense que j’y suis partie avec beaucoup de préjugés. J’aime parler avec les autres expatriés, pour comprendre leur rapport au pays, leur vécu plein d’apprentissage perpétuel. Une collègue m’a dit hier soir, qu’il fallait 3 ans au moins pour bien vivre son expatriation. La première année, on découvre. La deuxième année on cherche son équilibre et la 3ème on le trouve.
J’ai toujours cru que j’avais une capacité d’adaptation supérieure à la moyenne, après toutes ces années de mouvement. Vous vous imaginez déménager tous les 6 mois pendant 10 ans ? Aujourd’hui, lorsque je raconte ça, on me demande simplement : pourquoi ?
Et cette question, je me la suis posée maintes fois. Par fierté, par faiblesse, par facilité, par habitude, par opportunités ? J’ai toujours répondu que c’était à cause de mes CDD à répétition, ou peut-être parce que je me lasse vite des lieux, des choses que je fais… mais jamais des gens.
Aujourd’hui, cela fait 8 mois que je suis en Côte d’Ivoire, et cela faisait si longtemps que ça ne m’était pas arrivé. Le coup de cœur n’est pas là certes, car loin des montagnes et dans une ville où je ne peux marcher, je me sens prisonnière d’un monde qui ne me ressemble pas. Et pourtant, j’apprends tellement.
J’ai une sorte de relation d’amour et de haine. J’ai été en colère longtemps, car fatiguée, je me sentais seule alors que j’étais entourée, mais loin de ceux avec qui j’avais cette connexion à laquelle j’attache énormément d’importance. Alors certes j’arrive à jongler avec différentes personnalités, et cela m’enrichit au quotidien. Mais à 30 ans, on a vite fait de savoir avec qui tu as envie de papoter et ceux qui ne te sont d’aucune utilité ou qui ne te mettront pas à l’aise.
Aujourd’hui encore je me dis que ça ne sert à rien d’aller vers les nouvelles rencontres, car si il le faut, je partirais dans 4 mois… et alors les au-revoirs sauront d’autant plus difficiles.
Petite je vivais tellement dans le passé. Aujourd’hui je vis trop dans l’avenir.
Les questions me submergent de temps en temps et je les repousse brutalement, sans parvenir à les chasser de mon esprit, ou sans en trouver les réponses clés qui me permettraient de me poser.
Se poser. « Tu as envie de quoi ? » Me poser, répondais-je.
Fraichement débarquée d’Australie, je me foutais la pression pour me poser dans ma nouvelle maison : Lyon. Mais je ne m’étais pas rendu compte que le verbe même avait une connotation négative pour moi. Se poser signifiait encore il y a quelques mois « se figer, se structurer, s’arrêter »… et cela ne me ressemble pas. Je suis encore l’enfant curieux que j’étais il y a 20 ans. Je ne peux m’arrêter d’apprendre et de vivre, et si ça doit passer par le mouvement constant, alors tant pis. En voulant « me poser » absolument, je décidais de rentrer dans le moule que les autres attendaient de moi. Du moins c’est ce que je croyais. Mais qu’est-ce que les autres attendent vraiment de toi ? Qu’est-ce que moi, personnellement, j’attendrais des autres ? Et bien si vraiment, tu attaches de l’importance à ce que les autres pensent de toi… dis toi que l’inverse peut être vrai, et que si toi tu attends des autres simplement qu’ils soient heureux (et c’est le cas), alors attend la même chose de toi.
J’ai fait un constat aujourd’hui. Ma vie a été peuplée de différentes étapes clés.
Il y a eu ma période clubbing, où je prenais un brin confiance en moi sur les podiums des boîtes de nuit. Il y a eu ma période Canada, où je découvrais les joies et malheurs de vivre dans un autre pays. J’associais alors le voyage avec les mots apprentissage perpétuel et curiosité émancipée. Puis il y a eu le retour en France, où je me suis sentie déséquilibrée et où j’ai fini par me laisser bercer par une ouverture à l’autre. Il y a eu mon année parisienne, un brin joueuse et déstabilisante. Puis mon ras-le-bol et mes trois ans et demi de route en Océanie, où j’aurais appris que la liberté était finalement intérieure… et qu’en rejetant tout ce qu’il y avait autour de moi, ça n’avancerait pas. Mes remises en question, la décision de faire confiance à l’autre… sans pour autant me faire confiance à moi. Et aujourd’hui la Côte d’Ivoire.
Je pensais honnêtement que ça serait un voyage « extérieur ». Une année où je ne serais que spectatrice d’un mode de vie différent. Une année riche professionnellement parlant mais pauvre personnellement. N’ayant pas choisi de venir au pays, je pensais qu’il ne m’apporterait rien… et pourtant.
Je finis toujours par me dire que les choses arrivent pour une bonne raison.
Mon choix a été difficile. J’ai beaucoup pleuré. Je ne m’y voyais pas. Je ne voulais quitter mes montagnes. Je ne voulais déposer mes chaussures de randonnée. Je ne voulais transpirer sous la chaleur ivoirienne, je ne voulais pas de tout ça. Mais j’ai fini par faire mes valises et franchir le pas, n’ayant d’autres opportunités professionnelles plus viables.
La Côte d’Ivoire, un jour je l’aime, un jour je la déteste.
Je pense que toute relation au pays, à l’environnement qui nous entoure, reflète assez ce que l’on pense de soi-même. Un jour je m’aime, un jour je me déteste.
Ce constat je l’ai fait que bien récemment.
Lorsque je suis en colère contre quelqu’un, je me pose un instant et me demande pourquoi. Et souvent je me retrouve à répondre « parce que je suis en colère contre moi-même pour telle et telle raison ». Peut-être que vous trouverez cela tiré par les cheveux, mais essayez un instant… et revenez me dire ce que vous en pensez. J’aurais le plaisir d’apprendre de vous et de vos expériences.
La vie est riche où que l’on soit. Et c’est à travers les rencontres que l’on en apprend le plus sur soi. Ces années en dehors de chez moi m’auront tant apportée, tant déstabilisée… mais c’est pour que j’aille chercher au plus profond de moi.
Ne pouvant m’atteler à la randonnée, qui me donnait cette liberté d’être moi-même dans les montagnes, je me suis tournée vers la danse. Par curiosité au premier abord, par souhait d’apprendre, puis de perfectionner … mais je ne pensais pas que cette activité pouvait m’apprendre autant que le voyage.
A travers un simple cours aujourd’hui, j’ai réalisé plein de choses et me suis questionnée sur des sujets qui ne me seraient même pas venus à l’esprit.
« Pourquoi as-tu toujours voulu renier ton côté artiste, celui qui te faisait pourtant vibrer petite ? » « Pourquoi as-tu toujours cherché à cacher ta féminité ou à te cacher tout court ? » « Pourquoi cherches-tu désespérément à ce que les autres te voient, sans pour autant être avenante, souriante, vibrante ? » Petite, je boudais toujours sur les photos ou restais toujours dans mon coin, dans l’espoir au plus profond de moi, que quelqu’un vienne me prendre par la main et me dise qu’il ou elle me voyait et que j’étais importante.
J’ai encore ces réflexes… et pourtant je sais aujourd’hui que je suis la seule amenée à me prendre par la main pour me dire que tout ira bien.
Et bien je vous souhaite à tous et toutes, pour 2019 et toutes les autres années à venir, de vous chercher, de vous trouver et surtout de vous aimer.