De l’Italie, je n’avais que des souvenirs lointains d’un séjour de lycée. On était loin d’une idée de randonnée dans les Cinque terre. On était allé de Rome à Florence avec notre professeur de latin préférée, et j’avais gardé un souvenir presque immaculée de la vue sur le Duomo depuis le Campanile de Giotto. Depuis cette ode à la « dolce vita » a tenu son ancrage, mais c’est ce restaurant à Ventimille, alors que je vivais sur la Côte d’Azur, qui marqua mes papilles. Des pâtes fondantes aux tiramisu crémeux à la fraise, je m’étais dit que je prendrais un jour le train jusqu’aux célèbres photogéniques Cinque Terre.
À l’époque, j’ai eu la flemme. Peut-être qu’il y a quatorze ans, les informations n’étaient pas ce qu’elles étaient aujourd’hui sur Internet et mon homonyme, Lucie Tournebize, n’avait pas encore sorti son livre « L’Italie en train« . Alors que j’étais domiciliée entre Cannes et Nice, l’aventure aurait pu être pu paisible que le trajet que je m’apprêtais finalement à faire en bus. Le train semble encore aujourd’hui réservé à une élite, du moins quant on a passé l’âge d’avoir en France la carte 12-25. C’est donc au départ de Toulouse (après avoir fait fumer ma voiture sur l’autoroute depuis les Pyrénées), que je m’apprête à passer la nuit dans le bus jusqu’à Grenoble. De là, ça sera 4h à dormir sur un siège de gare avant ma correspondance me menant jusqu’à La Spezia.
Après avoir passé la nuit et profité d’un petit-déjeuner sur la terrasse de notre airbnb à l’ombre d’un citronnier, nous partons de La Spezia, rue Garibaldi. Nous montons dans le bus qui vient tout juste d’arriver, en direction de Porto Venere. Chaque passager a un ticket en main et nous demandons à la conductrice comment ça marche. Après nous avoir expliqué que les billets s’achetaient dans les tabacs, elle nous propose de monter et de payer à Porto Venere. C’était sans compter sur les deux contrôleurs à l’arrêt suivant qui essaieront vaillamment de nous vendre un pass journée pour deux à 35€. On négocie gentiment, détaillant l’accord implicite que nous avions avec la conductrice, avant de nous acquitter d’une dizaine d’euros, les convaincant de nous laisser tranquille.
Résultat des courses : achetez vos billets bien en amont et si par mégarde vous tombez sur de gentils contrôleurs, prenez votre temps. On aura servi d’animation dans le bus.
Arrivée au cœur de Porto Venere, la météo est au beau fixe. Nous montons à l’église de San Pietro pour admirer la vue. Après une focaccia délicieuse et un café d’orzo (une belle alternative au décaféiné), nous tentons de faire un tour des îles Palmaria, Tino et Tinetto mais celui de 15h est annulé. Une semaine avant Pâques, la saison touristique ne semble pas avoir été encore activée. Nous profitons donc du calme de Portovenere pour jouer aux cartes, admirer l’eau calme et récupérer de nos trajets individuels de France et d’Allemagne. Quelques emplettes plus tard, nous reprendrons le bus en sens inverse pour un hôtel dans un petit village.
Bon plan : pour ceux et celles qui n’auraient pas peur des ronfleurs, le « Rifugio Muzzerone » semble une belle halte sur le chemin menant à Riommaggiore. Comptez une demi-heure de marche grimpante depuis Porto Venere
Après avoir attendu le bus 30min sur la petite placette de la veille, nous retournons sur Porto Venere pour commencer notre marche. Le ciel est couvert mais le soleil passe à travers les nuages. La montée est rude alors le pas lent, nous avançons vers une vue sculpturale sur l’église de San Pietro. Le sentier alterne passage à couvert sous les arbres et petite enclave sur le paysage.
Vers 12h30, nous débouchons sur une petite placette jonchée de chaise et d’une caravane verte servant du café. Il est l’heure de se poser devant un point de vue sur l’océan, dégustant notre baguette achetée la veille. Trempée dans un pesto artisanal, toutes les saveurs italiennes se réveillent. Le temps change et alors que nous reprenons le chemin vers Riomaggiore, la pluie se met à tomber. Fine au premier abord, on avance imperturbable sur le sentier parsemé de pierres pas encore glissantes.
Le GR change et nous laisse avancer de petits bonheurs en arrêts photo. Malgré la brume, on aperçoit les terasses de vignes, les longeant jusqu’à découvrir le premier village des Cinque Terre au loin. Les couleurs sont aveuglées par la pluie et finalement vers 18h, nous sommes bien contentes de nous mettre à l’abri.
Nous prenons le temps de nous promener dans les rues de Riomaggiore, la pluie ayant laissé place à une éclaircie matinale. La vue en hauteur sur le village nous dévoile les couleurs attendues des Cinque Terre.
Nous laissons Riomaggiore derrière nous, pour nous engager dans les ruelles montantes et les escaliers longeant les cultures en terrasse. La vue s’ouvre alors sur la mer bleu turquoise à flanc de falaise. Nous rejoignons Manarola pour le midi, accompagnées par les cloches de l’église.
Après un déjeuner cheveux au vent et un tour du village, nous repartons vers les vignes. Ici les ceps s’étendent en pergola, laissant les vignes basses à une époque ancienne.
Le soleil nous encourage sur la montée avant de nous laisser profiter d’un sentier plus plat serpentant parmi les champs d’oliviers. La mer n’est jamais très loin jusqu’à Corniglia.
Arrivées à destination, nous profitions d’une halte sur la place au soleil, agrémentée d’une glace rafraichissante au citron – basilic. Un délice ! Nous parcourons Corniglia de long en large, nous perdant dans escaliers montants et descendants, pour trouver notre logement du soir.
Nous quittons Corniglia avec un bout de Panettone dans le ventre, nous acquittant des frais du sentier bleu en ligne. Après notre expérience auprès des contrôleurs de bus, nous voulons être en règle avant d’emprunter le chemin qui longe la mer du regard, au lieu de flirter avec l’intérieur des terres. Le parcours semble plus fréquenté qu’à notre habitude, jusqu’à Vernazza. Ici, on a quitté les vignes et les plantations en terrasse pour profiter d’une route presque pavée avec vue sur la mer.
Vernazza nous accueille avec la pluie et c’est sous une arche que nous dégustons notre tapenade achetée le matin même. Après un café d’orzo, on s’attèle à nouveau sur le chemin censé nous accompagner jusqu’à Monterosso. La pluie s’accentue. Nos pieds accélèrent la cadence, jonglant entre les marches et les pierres mouillées et glissantes. Arrivées complètement trempées, Monterosso nous apparaîtra trop humide pour que l’on veuille s’y attarder. Nous prendrons donc le train pour Levanto (5 min = 5 euros) avant une bonne douche chaude et la pizza du soir.
Nous avons quitté complètement les Cinque Terre, mais nous voulons profiter de notre dernière journée de voyage. Alors ce matin, on se lève tôt pour chopper le train de 8h11 nous menant jusqu’à Santa Marguerita, une jolie ville toujours en Ligurie. Le train a un peu de retard, alors nous avalons notre petit-déjeuner à la gare. Trente minutes plus tard, le bus pour Portofino s’attrape au pied de la gare. Pas de soucis de ticket cette fois-ci, il suffira de passer sa carte de paiement devant la machine du fond. Nous partons de bon matin sur les routes en lacet, qui longent la Méditerranée.
On découvre Portofino avant 10h, au calme. Les serveurs installent les couverts du jour, tandis que nous prenons le chemin du château, puis du phare. Après une courte balade, on re-traverse le centre pour 1h30 de randonnée jusqu’à San Fruttuoso et son monastère. Je pensais offrir à mon amie, une escapade intime sans foule au cœur d’une jolie baie sauvage. Que nenni ! Au loin, la plage semble blindée et pourtant il ne me semblait pas avoir croisé autant de randonneurs. Assises sur la plage de galet, dos au monastère, on observe les bateaux qui déversent leur dégueulis d’humains venus, eux-aussi, admirer ce lieu atypique pour un édifice religieux.
Après une courte sieste et un pique-nique à l’italienne, nous faisons chemin inverse, profitant de la fraicheur des arbres après ce bain de soleil. On retrouve Portofino qui s’est bien rempli, entremêlant randonneurs et jet-set.
Il faut serrer des coudes pour monter dans le bus du retour. On finira par retourner à la gare, serrées comme des sardines. Heureusement on arrivera avant la fermeture du supermarché à côté de chez nous, pour profiter d’une soirée tranquille au cœur de Levanto et se délecter une dernière fois de ces aubergines grillées à l’huile d’olive.
Le lendemain, j’aurais à nouveau dû prendre un bus de nuit et poiroter 4h en bord de route à Gênes, en plein milieu de la nuit. Je ne sais pas si c’est la pandémie ou si j’ai passé l’âge de telles aventures. Quoi qu’il en soit, j’ai fini par changer mon billet de bus pour un autre de jour.
Je prends donc le train pour Gênes, quittant mon amie assez rapidement pour ce que je me dis être un voyage « plus confortable ». Je profite de ma correspondance pour longer le port et me retrouver face à une foule de touristes en émoi. Il me faut que peu de temps pour faire demi-tour et me réfugier sur le fauteuil qui m’accueillera pour 10h de route. Qu’est-ce que j’imaginais finalement ? Me retrouver en hors saison sans personne ? On n’est plus les seuls à chercher l’authentique, le privilège de découvrir une destination sans peu de monde. Quelle idée finalement ! Je crois que ma vision romantique du voyage est révolu. Du moins, je n’avais pas profité de l’Europe depuis quelques temps. Peut-être que les montagnes m’ont rendu plus rustre ou plus encline à me « réfugier » dans la nature.
Les Cinque Terre finalement, je suis ravie de les avoir parcouru à pied. Cette randonnée itinérante en Italie nous aura permis de s’en approcher doucement. Sous les arbres clairsemés, c’est des senteurs, des clins d’œil à la mer et des plantations à main d’hommes qui nous auront bercé d’illusions pendant une semaine. On ne nous avait pas menti sur les couleurs de Riomaggiore, Manarola, Corniglia, Vernazza et Monterosso al Mare. Mais l’impression que ces cinq villages n’ont plus âmes qui vivent, est restée bien ancrée. À chaque balade, ce sont des appartements en location, des petits bouts de paradis à vendre, des restaurants sans saveurs et des serveurs devant prendre le train de retour chez eux. Heureusement la terre nous permet de voir au delà du tourisme de masse et on se délecte des petites choses parsemant le sentier.
Je quitte l’Italie à moitié assoupie, me réveillant un peu avant la frontière, à temps pour profiter des montagnes lointaines. Un coup d’œil à Monaco et ce sont quatorze années de vie qui défilent par la fenêtre. L’Italie m’aura ramené sur la Côte d’Azur le temps de quelques kilomètres et c’est doucement que je rentrerais chez moi, laissant mes pores s’imprégner encore un peu du voyage.
Pour retrouver tous les itinéraires de randonnée dans les Cinque terre en Italie, rendez-vous sur le site : https://www.cinqueterrehike.com/fr/
Pour ma part, j’ai trouvé notre itinéraire de 3 jours de villages en villages, assez équilibré. On profitait de se lever tranquillement le matin, nous laissant le temps d’arpenter les rues pavées brouillées par la pluie de la veille, de nous poser pour déjeuner et d’avancer tranquillement au gré des marches et des plantations en terrasse.
En fin de mois j’aurai du partir explorer les 5terres aussi à la force de mes mollets. Mais avec des problèmes au genou j’ai préféré annuler ce projet. Je me rappelle de Genes il y a de ça … 6/7 ans, ainsi que Portofino, en hiver, sans personne, village clos. J’ai toujours privilégier le hors saison, même si, suivant les endroits, ça peut paraître mort. Par contre j’ai appris, au fil des années, à ne plus « fantasmer » une destination sous aucun prétexte car mon regard a énormément évoluer sur le tourisme. Même si je prends le train et fait beaucoup d’itinérance, je reste consciente de tous nos impacts de-ci de-là et qu’importe le voyage, ça me reste toujours dans le coin de ma tête.
Merci pour ton commentaire Amélie. Il est vrai que pour les Cinque Terre, il vaut mieux avoir de bons genoux (ou des bâtons pour limiter la casse). Bon rétablissement ! Je privilégie également le hors-saison, mais on est de plus en plus nombreux à le faire. Je pense avoir eu la chance de découvrir le coin, sans trop de monde finalement, mais c’est vrai que le contraste avec des pays peu touristiques (comme l’Angola par exemple) est saisissant. Enfin, faut-il encore comparer ce qui est comparable. Je crois que pour les Cinque Terre, je « fantasmais » le pire (sauf pour la nourriture…) et la surprise a finalement été agréable. C’est toujours difficile de trouver un juste milieu mais j’ai bien l’impression que l’itinérance a encore de beau jour devant elle.