Tour du Pic du Midi d’Ossau, 4 jours de trek dans les Pyrénées

Nous devions partir dans le Néouvieille, à l’assaut des lacs dont on me parle tant depuis quelques années. Je les attends depuis un moment car nous devions nous rencontrer lors de ma traversée des Pyrénées qui s’est vu écourtée deux ans en arrière. Au vu de la météo, je propose à mon compagnon de route de nous rapprocher du Pic du Midi d’Ossau, découvert en septembre dernier en rentrant d’Espagne. Nous repérons quelques cabanes, regardons la météo pour la centième fois et tentons l’aventure sur le week-end de l’Ascension.

Du lac de Bious-Artigues au refuge d’Ayous

△ 5.7 km / 570 m D+ , 9 m D-

Après quelques heures de route au départ de Toulouse, nous arrivons sur le parking du lac Bious-Artigues qui est déjà rempli de voitures. Pourtant le temps n’est pas au beau fixe. Le ciel est parsemé de nuages éparses et nous espérons passer entre les gouttes en ce début de trek. L’ assombrissement est encore au loin et nous tentons de passer par le Col d’Aas de Bielle afin de rejoindre le Col d’Ayous pour une après-midi teintée de challenge. Nous n’étions pas hyper confiants à l’idée de la neige prévue à partir de 1800 m… c’est pourquoi lorsque nous croisons des randonneuses nous leur demandons ce qui s’en vient. « Nous avons fait demi-tour au col, la neige est là et les traces sont absentes ». Nous décidons de rebrousser chemin jusqu’au lac et de rejoindre le GR10, par la cabane du Col Long d’Ayous.

C’était finalement une bonne idée, car les gouttes commencent déjà à tomber, légères sans qu’elles ne viennent refroidir mon envie de randonner. Nous continuons vers la cabane Roumassot, où les premiers lacs d’Ayous apparaissent bien calmes face à la météo qui change. Du lac Roumassot, nous longeons au loin celui du Miey et le lac Gentau, avant de bifurquer à gauche sur le PR, laissant le GR10 s’éloigner vers la droite. La pluie se fait de plus en plus intense, le ciel s’est assombri et pourtant nous apercevons encore le Pic du Midi d’Ossau derrière les nuages.

Le refuge d’Ayous n’est plus très loin. Après avoir admiré la petite cabane qui s’est faite privée à quelques mètres de la cascade, nous rejoignons le bruit de l’eau pour remonter à sa source et suivre le sentier jusqu’au refuge. Le vent s’est levé et nous apercevons un gars essayant tant bien que mal de monter son abri pour la nuit, tout sourire avec vue sur le Pic du Midi, caché derrière de gros nuages. Le paysage est devenu irréel. L’impression de me trouver au cœur d’une Islande sauvage en plein hiver me vient à l’esprit et je souris à la chance que j’ai, d’avoir eu une collège généreuse quant à mon jour de congés.

Nous finissons par arriver au refuge, sous un froid prenant. La partie hiver est belle et bien ouverte et personne à l’horizon. Tout est propre et je choisis le matelas qui accueillera mon sac de couchage gonflant. Je suis contente de le retrouver après quelques mois de repos. Ce début de trek annonce une nouvelle saison d’aventures, où la marche berce ce besoin de reconnexion au temps.
La nuit prend entièrement place, tandis que la neige saupoudre l’entrée de notre demeure du soir. Personne ne viendra s’aventurer dans cet antre au milieu des montagnes et nous passerons la soirée à discuter, jusqu’à ce qu’il se fasse tard et que les souris viennent hanter ma nuit.

Du refuge d’Ayous au refuge de Pombie

△ 13.74 km / 807 m D+ , 751 m D-

Le lendemain, la neige a pris place et nous restons au chaud espérant une éclaircie. Mon compagnon de route sort pour humer l’air et croise des randonneurs qui attendent midi pour partir sur le même chemin que nous. « Le temps doit changer » nous affirment-ils. Après un petit-déjeuner et une sortie de duvet difficile, nous voilà dehors sous la neige à avancer sur le PR longeant le lac Bersau.

La vue est bouchée. Heureusement que les traces du groupe parti plus tôt le matin sont encore visibles. Il est 11h et le temps ne s’est toujours pas éclairci. Nous avançons doucement sous la neige, et je me sens comme une enfant écoutant les bruits étouffés alentours et mes pieds faisant craquer le doux manteau neigeux encore fragile déposé cette nuit. Je suis optimiste… les conditions météorologiques ne m’atteignent pas, je profite juste de la joie d’être au dehors loin d’un écran d’ordinateur, à profiter du paysage brouillardeux que nous offre la nature. Je me sens légère, et même si ma nuit fut courte, mon sac semble flotter au dessus de mon dos.

L’arrivée au Lac Bersau gelé est splendide. Les nuances de blanc prennent la pause le temps d’une photo, tandis que le soleil semble vouloir prendre place à travers le ciel grisonnant. Les traces de pas se font imprécises. Le groupe semble d’être perdu au niveau du lac, bifurquant vers la gauche au lieu de longer ses bords duveteux. Nous sortons la carte pour vérifier et retrouver des traces un peu plus loin nous menant vers ce qui semble être le printemps. Ce deuxième jour de trek s’apparente à une année: nous nous réveillons en hiver pour découvrir quelques heures après le printemps, puis l’été.

Lorsque nous laissons le PR qui continue vers l’Espagne et que nous empruntons le GR 108 vers le Lac Casterau, tout change. Nous croisons des randonneurs nous expliquant que la neige n’est plus. Il suffira de descendre sur un chemin boueux et parfois glissant pour nous retrouver au lac et observer les nuages dansant. Le soleil joue avec eux, transformant la neige en une pluie fine.

Nous continuons notre descente et la vallée se dégage doucement. La vue s’ouvre sur une palette de vert intense. Le blanc a laissé place au printemps et nous profitons du soleil pour nous poser dans l’herbe afin de pique-niquer. Un peu plus tard, toujours émerveillés par ce revirement de situation, nous atteignons la Cabane du Cap de la Hosse pour nous arrêter un instant. « Dormons-nous ici ce soir ? Ou continuons-nous ? » Il n’est que 15h mais le prochain endroit sec pour dormir se nomme le refuge de Pombie.

Nous décidons de poursuivre afin de profiter du beau temps qui ne pourra guère tenir au vue des prévisions météos du week-end. Il faut déjà repartir pour atteindre le refuge avant la nuit. Au détour de la cabane de Cap de Pount, nous croisons le groupe de jeunes qui nous ont offert leurs traces matinales. Ils ont l’air perdu. Ils ont fait quelques détours non voulus avec une carte peu détaillée et finissent par nous suivre de près dans la montée. 500 m de dénivelé positif nous attendent jusqu’au lac de Peyreget. Avec une matinée neigeuse dans les pattes, mon sac léger du matin se transforme en fardeau imposant.

Heureusement nous finissons par arriver au lac, où je m’octroie une pause afin de recharger les batteries et prendre quelques photos. Le spot est génial pour un bivouac. Ce trek de cabanes en cabanes, me donnent envie de revenir avec ma tente mais je sais les lieux un peu trop fréquentés en plein été.
Les jeunes ont fini par nous rattraper et passent devant nous. Nous les suivons.
Je me délecte des vues de l’Ossau, jusque-là caché sous le brouillard ou derrière un nuage. Cet après-midi il se déguise en extraverti, nous laissant entrevoir une montée difficile jusqu’au sommet. Heureusement nous n’avons pas prévu de l’arpenter et nous nous laissons charmer par ses douceurs sauvages.

Au bout d’un moment, je finis par trouver le temps long. « Es-tu sûr que nous avons pris le bon chemin ? Les jeunes de devant se sont maintes fois perdus ». « Oui nous devrions arriver au refuge d’en pas très longtemps ». Un refuge se présente à nous au loin, avec une route bitumée. « C’est bizarre ». Nous continuons tant bien que mal et mon compagnon finit par sortir sa carte. « Regarde, le Col de l’Iou, nous l’avons passé ! lui dis-je. Il me semblait bien que l’Ossau avait changé de profil ». Nous pensions passer par le col de Peyreget, mais en suivant les jeunes et sans voir d’autres sentiers, nous arrivons par surprise au Col de Soum de Pombie. Le tour du Pic de Peyreget finit tout de même par nous guider vers le refuge du soir et nous aprendrons plus tard que le Col de Peyreget était finalement impraticable.

Du refuge de Pombie à la cabane de Magnabaigt

△ 4.7 km / 100 m D+ , 439 m D-

Nous passons la nuit au refuge de Pombie entourés de jeunes ronfleurs. Heureusement le sommeil finit par m’emporter après une journée 4 saisons, qui m’offrit l’observation de marmottes pyrénéennes et de belles prises de vue, clôturée par un petit apéro en bonne compagnie. La montagne rend les gens abordables et sympathiques, et ça qu’est-ce que ça fait du bien !

Le lendemain, la journée s’annonce courte. Nous pourrions retourner au parking du lac de Bious-Artigues, mais nous avons encore une journée devant nous. Nous nous dirigeons vers le Col du Suzon. La neige fait à nouveau son apparition via quelques plaques éparses. Les traces du Sahara quelques mois après que le sable fut entrainé par les vents, sont encore là. La lumière est belle et les montagnes réapparaissent mystérieuses après s’être dévoilée lors d’une après-midi ensoleillée.

Nous finissons par arriver jusqu’à la cabane de Magnabaigt, à côté d’un torrent gelé. L’ occasion de se rafraichir après 2 jours de marches de s’octroyer un cocon de confort au travers d’une pluie fine qui rejoint le périple. Un aller-retour dans la forêt mitoyenne pour du bois et c’est le poêle qui finit par réchauffer nos cœurs bercés par la magie des lieux. Des livres, des bouteilles, des bougies… la vie semble vive lorsque le berger rejoint sa cabane l’été. Je me rêve avec quelques bêtes au milieu des montagnes, puis je me souviens que la vie peut être rude en solitaire sous les orages. Le feu crépite et demande beaucoup d’attention, tandis qu’il me ramène en Tasmanie au milieu de l’Overland Track. Quelques heures à tenir. Un brin d’histoires. Une douce musique de Sao-Tomé et c’est l’heure d’opter pour un couscous royal.

De la cabane de Magnabaigt au lac de Bious-Artigues

△ 2.7 km / 52 m D+ , 278 m D-

Notre trek de 4 jours prend fin. Le Tour du Midi d’Ossau peut se faire en une seule journée. Mais cela serait gâcher la déconnexion totale que nous amène ce pic majestueux des Pyrénées Béarnaises. Prendre son temps. Rêvasser à travers un temps changeant. Apercevoir le sommet derrière un nuage. Le retrouver lors d’une éclaircie. Se surprendre à rigoler du temps qui passe. L’impression d’être partie un mois au bout du monde, alors que non, on est seulement à quelques heures de Toulouse.

L’ arrivée au Lac de Bious-Artigues se sera faite en compagnie des bouquetins. Les chaussures à peine changées que la pluie revient. Le retour se fera sous une symphonie chaotique et mon ventre se serrera de tristesse à l’idée de m’éloigner à nouveau des montagnes et de cette échappée belle vécue le temps d’un week-end.

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