C’était l’été 2019, je rentrais de Côte d’Ivoire et ce qui me manquait le plus de mon pays, c’était les montagnes. Toulousaine d’origine et connaissant finalement très peu les Pyrénées, j’ai décidé de me prendre les deux mois d’été pour me lancer à l’aventure du Gr10. Un faux départ et une tendinite plus tard, ce ne sera seulement que la traversée des Pyrénées-Orientales… mais quelle aventure !
Après mettre fait déposer à Banyuls par un couple de jeunes en van, accro à la plongée, me voilà au départ du Gr10 vers 13h. Il fait beau et un peu trop chaud, cependant la petite brise du maquis et le champs des cigales m’accompagnent tout au long de la redoutable montée jusqu’au Pic de Sailfort.
Les Grdistes, comme on nous appelle, arrivent tous dans l’autre sens mais me renseignent sur le seul point d’eau disponible entre Banyuls et le Col de l’Ouillat.
Je finis par poser ma tente en compagnie des vaches juste avant le Col des Terres car le pic de Sailfort me semblait trop exposé. Première nuit agitée avec le meuglement d’un jeune veau et quelques randonneurs téméraires encore d’attaque à minuit.
Réveil avec le soleil et une vue magnifique derrière ma tente. Le manque d’eau me contraint à prendre la route sans petit-déjeuner jusqu’à la cabane de Tanyadera. Heureusement quelques passages en forêt ont adouci l’atmosphère bien trop chaude de cette journée d’été. Je viens d’ailleurs de croiser un naturiste, muni de son sac léger.
Après une courte pause, il est temps de repartir au col de l’Ouillat situé juste après le Pic de Neulos pour reprendre des forces et de l’eau bien fraiche.
Petite baisse de moral après mon sandwich local, peut-être l’effet d’un retour soudain à la civilisation après les belles vues dégagées, ou alors le fait d’être partie en solitaire, rendant l’aventure plus rude.
La descente vers le Perthus est longue et chaude, et le bruit de la circulation lointaine me fait perdre haleine. Beurk ! L’arrivée au Perthus par un parking me donne envie de repartir au plus vite… mais fatiguée. Éreintée, mon étape du jour semblait encore trop longue. C’est alors que je me retrouve au fort de Bellegarde par inadvertance et quelques minutes trop tard pour la dernière visite. 1h plus tard, un brin désespérée, je demande à la guide qui vient de finir son travail, si elle connait un coin où dormir. Finalement ce sera au cœur du fort même, que je passerais la nuit.
Réveil tôt mais difficile… un peu de mal à sortir de ma tente avec le bruit du vent. Finalement je remballe et finis par partir vers 8h, prenant un raccourci vers les Ruines de Panissars pour retrouver le GR. Large chemin puis route jusqu’à Las Illas, avec un brin d’ombre et quelques mûres sauvages pour tenir le coup. Las Illas semble si loin et je finis pourtant par arriver sur une aire de camping aménagée dans un petit village plein de charme. Un Tchèque dort paisiblement à l’ombre. La sieste pour moi attendra: pâtes au roquefort, douche, lessive… voilà de quoi m’occuper quelques heures avant de trouver un peu de temps pour soigner mes premières ampoules.
Je crois que le GR10 a des choses à m’apprendre sur ce besoin de toujours vouloir avancer seule et finalement lâcher-prise car il semble bon de vouloir prendre son temps. Cet après-midi sera consacré au repos, car le manque d’eau du premier jour et la montée rude jusqu’au Pic de Sailfort aura eu raison de mon tendon d’Achille.
Réveil à 6h en même temps que le lampadaire. Je m’offre un petit-déjeuner histoire de reprendre des forces. Patrick, l’anglais qui bivouaque au même endroit, m’a dit que les premiers jours étaient les plus dur et qu’il s’était rendu compte qu’il ne mangeait pas assez au début pour bien récupérer.
La montée s’est finalement bien passée malgré ma tendinite. J’ai recroisé le nudiste avec le même sac blanc et lunettes de soleil, tel un mirage au milieu des montagnes. Bizarre…
Petit pique-nique rapide après Roc de France, puis j’entame la descente. De Montalba d’Amélie au gîte, je trouve les quelques kilomètres plutôt long. Il est temps de s’arrêter… tant pis pour Arles-sur-Tech, ça sera pour demain.
Je plante ma tente au Moulin de la Palette, profite du torrent frais pour mes pieds puis d’une douche bien chaude, avant d’engloutir un dégoutant plat lyophilisé que des hommes bien trop chargés auront eu le plaisir de se débarrasser en chemin. Merci à eux 🙂
Réveil tardif, je finis par sortir de ma tente vers 7h. A ma grande surprise elle est sèche malgré l’orage de cette nuit. J’en profite pour laisser mes affaires et préparer un petit-déjeuner chaud. Au menu: crumble pomme-banane lyophilisé offert la veille. Mais à peine ai-je eu le temps de me poser, la pluie s’est remise à tomber m’obligeant à replier ma tente mouillée.
Départ vers 8h40 alors qu’une grosse journée m’attend. Montée au col de Paracolls, avant de redescendre sur Arles-sur-Tech vers midi. J’en profite pour refaire le plein de fruits et d’encas avant de me renseigner à la pharmacie sur les tendinites. Réponse attendue: du repos.
Je continue tout de même ma route, prenant le temps de pique-niquer sur les hauteurs d’Arles-sur-Tech, ce joli petit village médiéval, et d’envoyer des signes de vie à ma famille. Puis j’entame la plus longue des montées… avec 1168m de dénivelé positif avec déjà 3h de randonnées dans les pattes.
La dernière heure est bien fraiche avec l’altitude et le vent des montagnes. L’atmosphère a changé depuis Banyuls. Une communauté s’est d’ailleurs installée au creux des montagnes, elle me ramène gentiment à Lorrina. L’odeur du feu me remotive, jusqu’à ce que je finisse par me retrouver à marcher sur le goudron.
Au gîte de Batère, il fait chaud et j’ai envie de me glisser dans des draps propres. Je prends cependant l’option bivouac un peu plus loin, à côté des mines. De retour au refuge pour une douche, la vue du plat du soir aura raison de moi ! Je décide d’opter pour l’option moussaka, en compagnie d’une famille venu faire le Tour du Canigou. Un brin de compagnie et une bonne douche plus tard, me voilà réchauffée pour ma nuit en bivouac.
Réveil avec le soleil et départ vers 8h. Aujourd’hui, on y va doucement.
Les paysages changent et je commence à trouver quelques cascades. J’atteins la cabane du Pinatell juste avant midi et profite d’une pause au soleil avant que d’autres randonneurs ne viennent. Deux locaux de 70 et 74 ans débarquent avec leurs cèpes fraichement cueillis et du bon vin rouge local. On parle de la Côte-d’Ivoire au milieu des Pyrénées, de randonnées et de tendinite. Deux militaires retraités et beaucoup d’humour à la clé. Ah que je les aime les gens du coin, les gens des montagnes !
Après une longue pause en bonne compagnie, j’attaque la montée douce jusqu’au croisement, puis corsée jusqu’au refuge des Cortalets via l’ancien GR10 (variante). J’y découvre une épave d’avion et une magnifique vue donnant jusqu’à la mer.
J’installe mon bivouac dans un coin sympa à côté du refuge avec une vue sur les montagnes… mais pas de douche chaude cette fois.
C’est le Jour J ! Le jour du Pic du Canigou, hors GR. J’avais dit aux deux bons vieux militaires que je m’arrêterais peut-être après avoir gravi le Pic du Canigou, que je pensais à défaut le plus haut sommet des Pyrénées-Orientales (et non, c’est le Carlit !).
Départ des Cortalets vers 8h et montée via le Pic Joffre. Je finis par arriver au sommet vers 10h30 avec mon gros sac et ma tente. Quelques photos plus tard, j’appréhende la descente de la cheminée pour rejoindre Marailles. A force de demander des renseignements, une néerlandaise marchant sur le GR11 côté espagnol, me propose de m’accompagner sur la descente. Finalement pas d’encombre… ce qu’on me disait vertical et dangereux à descendre, se révèle être la partie la plus facile ! La descente totale jusqu’au prochain refuge s’annonce longue… très longue. Alors je me pause dans l’herbe pour le pique-nique avec une magnifique vue, dorant au soleil et à deux doigts de m’endormir.
Je finis par arriver au refuge avec Chriss et ses deux enfants, qui font la traversée des PO (Pyrénées-Orientales) en une semaine. Un vieux papi me disait que mon sac était mal réglé, alors Chriss en a profité pour papoter et j’ai fini par passer la soirée avec eux. J’ai dormi au refuge gratuit adjacent, en compagnie d’un vieux espagnol qui a pour projet de grimper tous les pics alentours, et qui à passer la nuit à me réveiller à coup de « joder ! joder ! ». Finalement dormir en tente se révèle être un luxe.
Se devait être un jour « sans » pour moi, mais Chriss et les enfants m’ont motivé pour atteindre le refuge du Ras de la Carança dans la soirée, pour pouvoir profiter des gorges du même nom, hors GR, le lendemain. Réveil courbaturé et en speed, car la cabane se révèle plus sombre que la tente, et mon réveil habituel avec le soleil s’en est retrouvé perturbé. Je suis en retard… nous devions partir à 7h et mon sac n’est pas fini. Chriss et sa petite famille m’attendent un peu puis finissent par partir.
Je ne les reverrai jamais… ni à Py, ni à Mantet, ni au refuge que je finis par atteindre paisiblement.
De Marailles à Py, je suis un GR de pays qui permet d’éviter le Col de Jou et espérer retrouver la joyeuse troupe. Un brin de ravitaillement à Py où se déroule la brocante du 15 août, j’opte pour un brin de stop jusqu’au col de Mantet (ce qui me fait gagner 2h et m’évite de marcher sur le goudron) dans l’espoir de rattraper les autres.
A Mantet, je croise un randonneur qui débute à peine et me donne des conseils pour ma tendinite et me dit d’éviter le saucisson. Il me propose de m’accompagner mais ne voulant pas le retarder avec ma petite cadence, je le laisse prendre de l’avance. J’en oublie de prendre en photo la petite place toute mignonne de Mantet dans la précipitation.
Dans ma montée vers le Col de Pal, je croise un couple du coin qui m’affirment que le meilleur de la Carança est encore plus haut au niveau des lacs… et bien, je verrais au matin ce que je décide de faire.
Arrivée tardive vers 19h, coincée par un troupeau de vache en plein milieu du chemin… c’est aussi ça les joies du GR10 ! Je n’ai pas le temps de sympathiser et recueillir quelques renseignements, car à peine ai-je fini de manger que tout le monde dort déjà. Je passerai la nuit à côté d’un torrent.
Il ne reste que deux ou trois tentes lorsque je me lève. Je discute avec les voisins, qui vont aussi passer une autre nuit au Ras de la Carança. Je pars me renseigner au refuge pour savoir combien de temps prend la descente des gorges. L’option de monter aux lacs me tente, mais je décide de ne rien faire de la journée. Je la passerai à lire auprès du torrent.
Le soir, l’arrivée des nouveaux campeurs me sort de ma solitude mais la fatigue finira par m’emporter vers 20h.
Les courbatures sont parties mais le départ avec la tendinite au repos tire… La descente des gorges est sympa mais finit par s’étirer en longueur. Arrivée au petit kiosque, le gardien me dit que le petit train jaune se prend un peu plus haut, départ 14h30. J’ai deux heures devant moi pour prendre un sandwich.
Le Petit Train Jaune (6€) me dépose à Bolquère où je récupère le GR10. C’est l’occasion de faire le plein de produits locaux et d’eau avant d’entamer la montée à travers les pins sur de larges pistes peu intéressantes. Sortie de là, les Bouillouses semblent encore loin. Le GR10 ne passe pas par l’étang de la Pradelle et je suis obligée de suivre la déviation menant à l’Etang Nègre. Le coin me rappelle le Canada et les bords du lac sont idéals pour bivouaquer. Malheureusement l’eau potable me manque et je suis obligée de pousser jusqu’au lac des Bouillouses.
Il fait déjà presque nuit lorsque j’arrive au barrage. Les couleurs sont belles au loin. Les gens campent agglutinés à côté de leur voiture. Après avoir rempli mes 3L d’eau, je continue au bord du lac dans l’espoir d’atteindre le bout et camper vers le ruisseau. Trop tard… je poserai ma tente près du GR10 sur une zone plate, avalerai ma soupe et la saucisse/fromage du jour pour enfin me coucher vers 22h30.
Levé tardif (8h), pliage de tente rapide avant de prendre un petit-déjeuner avec vue sur le lac. Mais c’était sans compter les chevaux sauvages qui ont décidé de débarquer et de venir renifler la moindre de mes affaires, emportés par leur curiosité. Mon quignon de pain à la main, j’ai du jouer les contorsionnistes pour récupérer mes biens, priant pour que la femelle devant moi et son poulain évitent d’écraser mes bâtons de marche posés sur le rondin de bois.
Je pars un peu plus loin emportant tout à la main, recouverte de bave de cheval. Quelques couples de randonneurs se réveillent après la limite imposée par le camping sauvage du parc. C’est vrai que la vue est belle avec le soleil scintillant sur le lac, dont j’avais un souvenir moins artificiel de mon enfance…
Je commence ma rando vers le 1er pic du jour: la Portella de la Grava. Les paysages sont splendides.
La montée est longue et je m’octroie une pause vers la cabane de Rouzet. Le second col (Coma d’Anyell) s’annonce compliqué après le repas. Mes forces m’arrêtent au refuge des Bésines après une longue descente dans des paysages spectaculaires. Une douche chaude, un brin d’écriture et ce sera déjà l’heure de me réfugier sous ma tente, pour une nuit d’orage.
J’aurais pu continuer encore un peu… mais une tendinite au talon d’Achille ne doit jamais se prendre à la légère. J’ai d’ailleurs forcé et poussé, et la fin aurait pu être désastreuse. Fort heureusement l’eau ne manquait plus dès le 2ème jour et j’ai appris à me pauser lorsqu’il était nécessaire. Aujourd’hui sera donc le dernier jour de cette belle aventure. Il m’aura fallu un peu de temps pour déconnecter, mais passer le cap, la routine s’installe et la montagne se dévoile.
Du refuge des Bésines, je descends doucement jusqu’à Mérens-les-Vals. Un dernier col dans le brouillard et c’est une pluie finie qui m’accompagnera jusqu’au bout, me laissant entrevoir les fleurs sauvages de la vallée. C’est magnifique mais je suis fatiguée.
Juste avant Mérens-les-Vals, je croise un groupe de promeneurs venus profiter des bains d’eau chaude naturelle. Trop de monde, je me dirigerais vers le village vide et la gare… vide elle aussi. Les trains ne s’arrêtent plus à Mérens-les-Vals.
Les chaussures pleines de boues et la dégaine transpirante, j’opte pour du stop jusqu’à Ax-les-Thermes. Pas le choix. Une femme et deux de ces enfants me prendront au passage, et je raterais le train de quelques minutes… Quelques heures plus tard et un RER, je prendrais un bus pour rentrer chez ma mère à Toulouse. C’est la fin d’une aventure, celle de la traversée des Pyrénées-Orientales… mais quelle aventure !
Quelques ressources: www.gr10.fr
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Hello merci pour ce bel article plein de simplicité ! Je pense faire ce même trajet seule, majoritairement en bivouac et en prenant mon temps au mois de juillet. Je me demandais si le manque d eau avait été reccurant ou si finalement il y avait assez de refuges et de rivière pour remplir ta gourde ? Aussi j’ ai un niveau moyen (j ai fait le base Camp de mardi himal au Népal et pas mal de rando de 2/3 jours en Argentine et en Afrique du Sud) mais le covid m a fait perdre du muscle ^^ et nos compatriotes français me martele que les Pyrénées sont dures et dangereuses. Qu en penses tu ?
Merci !!
Bonjour Mathilde,
Merci de ton passage par ici 🙂
Personnellement je venais de passer une année en Côte d’Ivoire et je n’avais pas beaucoup randonné avec la chaleur ivoirienne.
La fatigue était là avant même que je parte. Le départ a été compliqué (mois d’août, manque d’eau) mais au bout de 2-3 jours ton corps s’habitue et prend le rythme.
A part le premier jour, j’ai fini par dormir au bord des refuges pour être sûre d’avoir de l’eau pour la journée (et éviter de sortir toutes mes affaires, lorsque je pensais remplir mon camelbag en cours de route). Tu as donc de l’eau à chaque refuge et si tu pars avec 3L à la journée, cela devrait ne pas poser de problèmes pour avancer. Par contre, je n’ai pas souvenir d’avoir croisé beaucoup de rivières dans les Pyrénées Orientales.
Tu partirais dans quel sens ? Le GR10 reste fréquenté (ce qui a un côté rassurant lorsque l’on part seule). Et les gardiens des refuges sont toujours dispos en cas de question ou problème. Ce que j’ai retenu de mon expérience: faire son sac correctement est primordial ! Compte 2-3 jours de nourriture max, car on finit toujours par redescendre en vallée, en traversant une village (avec fontaine la plupart du temps).
N’hésite pas si tu as d’autres questions. 🙂
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