Rencontres Namibiennes: l’exemple de TOSCO

Il y a un moment que j’ai envie de donner un brin de visibilité aux belles actions que je trouve sur la route, lors de mes voyages ou via les rencontres que je fais ici ou ailleurs. Ces personnes inspirantes qui me font réfléchir, qui amènent de nouvelles idées chez moi, qui vibrent d’une énergie débordante ou enthousiaste finissent par se faire une petite place au creux de mon âme, alors pourquoi pas sur mon blog ?

Introduction namibienne

En janvier 2020, je partais en Namibie pour un brin de HelpX. Au cœur de cette auberge de jeunesse où je passais quelques semaines, le copain de l’autre volontaire me racontait son boulot autour d’une bière. « Comment ça ? Tu travailles pour une organisation qui cherche à protéger les éléphants du désert et à les faire cohabiter avec les locaux ? Et en plus, tu accueilles des volontaires touristes, pour les former et les accompagner dans ton quotidien ? », m’exclamais-je. J’avais l’envie irrésistible de lui poser plein de questions mais il devait partir. Il me semble que c’est à ce moment-là, que j’entendais parler de TOSCO pour la première fois, évoqué le temps de cette courte discussion avec un partenaire de l’organisation. « Il y a ce gars, c’est un français… il a monté une asso avec laquelle on bosse. Tu pourrais le contacter. »

Chemin faisant, je finis par rejoindre la capitale Windhoek, où B. un français a l’immense gentillesse de m’accueillir quelques jours. Je lui parle de mon expérience ivoirienne et lui me parle de Félix, un compatriote qui a lancé son association il y a quelques années. « Il fait plein de choses, c’est un passionné. En ce moment il accompagne des journalistes pour un futur reportage. C’est dommage que je ne sois pas dispo, je vous aurai présenté ». B. me laisse la carte de Félix et je finis par le contacter à mon retour en France.

TOSCO, c’est quoi ?

TOSCO signifie « Tourism Supporting Conservation », littéralement le tourisme qui soutient la conservation, en anglais. Ici lorsqu’on parle de Conservation, on pense à la préservation de la nature ou de la biodiversité. En Namibie, les hommes et les animaux sauvages coexistent encore sur de larges zones. Je me souviens avoir pu observer un vieil éléphant mâle près de Swakopmund, qui avait voyagé du Damaraland à la mer pour trouver de l’eau, et s’était réfugié près du golf de la ville au cœur de la végétation. Il avait apparemment déjà fait le voyage à noël et des hommes s’assuraient qu’il ne ferait pas de dégâts matériel ou humain. Voyant deux touristes se précipiter pour prendre des photos, je me demandais ce qu’il en était en terme de respect animal.

C’est donc pour faciliter ce genre de cohabitation que TOSCO est né en 2012. Pour limiter les conflits qui peuvent surgir entre les fermiers qui voient leur bétail diminué par certains animaux sauvages et faciliter le vivre ensemble, plusieurs tour-opérateurs se sont regroupés autour de la Fondation. Ainsi les membres sont principalement des réceptifs (agences de voyage locales), qui cherchent à financer des projets vertueux pour encourager un tourisme plus durable. Sans animaux sauvages, la Namibie ne serait pas la destination touristique qu’elle est aujourd’hui, limitant ainsi le nombre de touristes. Sans tourisme, les locaux devraient trouver une autre source de revenu, diversifier leur apport économique dans des régions souvent isolées. Sans animal, ces derniers auraient peut-être plus de bétails mais pas l’apport d’un revenu supplémentaire et les écosystèmes s’en retrouveraient déséquilibrés.

TOSCO, un amour pour la Namibie sauvage

L’image d’un cercle vertueux me vient en tête, et c’est, je pense, ce que Félix fondateur de TOSCO, a essayé de développer. Avant de vous présenter plus en détail son organisation, j’avais envie de comprendre ce qui avait poussé ce français à s’installer en Namibie. Pour ma part, mon expérience namibienne n’a pas été de tout repos, et j’avais peut-être égoïstement le désir de me prendre à rêver à nouveau. Félix y réussit fort bien.

Interview du fondateur de TOSCO, Félix Vallat

Pourrais-tu nous en dire plus sur ton parcours ? D’où te vient l’idée de TOSCO ?
J’ai atterri en Namibie avec un billet simple en 2004, sans rien connaitre du pays. La curiosité m’a portée mais aussi l’envie de mettre les pieds dans l’inconnu mais sans n’être que « de passage » afin de mieux vivre les réalités du pays.
 
Lors de ton premier voyage en Namibie, qu’est-ce qui t’a le plus marqué ?
Les grands espaces dans lesquels se trouve aussi l’immense ciel bleu.
 
Pourquoi as-tu eu envie de t’y installer ?
Prolonger cet épanouissement et sérénité que le pays me donnait. Étancher ma soif de découverte de ce milieu brut et sauvage.
 
Je vois que TOSCO est particulièrement présent dans le Kunene. Tu as une affinité avec ce coin de Namibie ? Pourquoi ? C’est le « Wild Wide West »… une Nature et des habitants authentiques, variété de paysages, de cultures et de faune adaptés à des conditions très difficile. C’est un retour à l’essentiel et un privilège de pouvoir l’expérimenter. Je m’y sens tout de suite dans le « vrai » et c’est ici qu’une faune vraiment sauvage hors parc national évolue et cohabite avec les communautés locales. Cela me fascine et trouvant ça admirable, TOSCO les soutient humblement.
 
Si tu étais un livre, qui serais-tu ? Je peux dire un poème ? Les oiseaux de passage de J.Richepin m’a toujours réconforté.
 
Qu’est-ce que tu conseillerais à quelqu’un qui souhaite œuvrer pour un tourisme durable et la conservation, comme le fait TOSCO ? De s’immerger complètement dans le contexte, d’écouter énormément et ne rien dire pendant des mois voire des années afin de mieux comprendre les réalités locales sans se faire influencer par son propre formatage. 
 
J’ai envie de partir en Namibie et d’être active lors de mon voyage. Est-il possible de rencontrer du personnel de TOSCO et de faire du volontariat auprès de la Fondation ? Nous sommes basés à Windhoek et disponible pour toute rencontre. Les rangers sont sur le terrain (Kunene) et peuvent aussi être rencontrés. Le volontariat sur place est compliqué pour des raisons administratives et légales, mieux vaut aider à distance ou venir en voyage en Namibie.
 
Sinon il y a-t-il des agences de voyage ou d’autres partenaires avec qui partir ou avec lesquels m’engager pendant mon séjour ? Double Sens
 
Autre chose à rajouter ? gros bisous
Interview du fondateur du TOSCO, Félix Vallat

Je découvre donc un fondateur, humain et accessible, qui donne immédiatement envie de s’engager. Pour avoir parcouru le Kunene que trop rapidement, c’est un coin de Namibie qui me semble encore inaccessible et je regrette presque doucement de ne pas m’y être immergée plus longtemps. Je vous invite d’ailleurs à lire ou relire mon voyage en Damaraland.

Que fait TOSCO concrètement ?

TOSCO rassemble des fonds pour ensuite les reverser via différents projets de conservation. Ces programmes varient d’années en années, en fonction des besoins et de l’argent récolté. Les donneurs sont considérés comme des membres à part entière et donnent leur avis sur les programmes choisis. La transparence quant à l’utilisation de ces fonds est à la clé du succès de l’organisation.

Quatre thèmes sont récurrents, à savoir « research, living with wildlife, awareness, clean travel ».

Research – Financer la recherche en Namibie

TOSCO sponsorise des scientifiques reconnus qui cherchent à comprendre et à protéger des espèces spécifiques et donnent des indications au gouvernement afin de mieux en assurer leur conservation. Ainsi on retrouve le Dr Philip Stander, spécialiste des Lions du Désert qui leur a consacré plus de 20 ans de sa vie. Radio-traquage, observation journalière et nocturne, c’est à travers l’association « Desert Lion Conservation » que TOSCO offre un apport financier pour perpétuer ces études.

J’ai personnellement découvert l’existence des Lions du Désert, lorsque je campais à Tora Bay sur la Skeleton Coast (la base scientifique se trouvant plus au nord). Les gérants nous ont expliqué que des lions s’étaient acclimatés aux conditions extrêmes désertiques et qu’ils avaient récemment vu une lionne et ses petits proche du camping. Il est parfois possible de les observer en fin de journée. Les lions du désert se nourriraient des hyènes ou de la faune marine et seraient capables de parcourir une longue distance dans ce milieu aride. Les étudier permet de comprendre leur incroyable résilience, de montrer leur importance en tant qu’espèce et donc d’aider à leur conservation et leur cohabitation avec les namibiens.

TOSCO a également aidé à financer des projets de recherche sur les dauphins, les guépards ou encore les éléphants du désert en 2019. Un projet sur les hyènes est actuellement en cours, afin de redorer l’image de ses animaux, de les comprendre pour encore une fois mieux les protéger.

Living with wildlife – Cohabitation

Le programme « vivre avec la faune sauvage » a été mis en place, afin d’accompagner les communautés dans leur cohabitation avec les animaux, en dehors des parcs nationaux. Il s’agit alors de trouver des solutions pour transformer ces éventuelles menaces sur les locaux en belles opportunités.
Grâce au « Lion West Management Plan », les fermiers peuvent eux-mêmes surveiller le déplacement des lions bagués (en vérité ce sont des colliers), et prévenir d’éventuelles attaques en déplaçant leur cheptel en conséquence. Dans le Kunene, des rangers et patrouilles anti-braconnage ont été formés afin de limiter les conflits « homme-animaux ». TOSCO emploie actuellement quatre rangers (Rodney, Bertus, et plus récemment Kaveisire et Katukuruka, leurs dernières recrues). En cas d’attaque animale, il arrive que l’organisation compense financièrement la perte des fermiers.

En tant que touriste en dehors des parcs nationaux, nous apprécions de pouvoir profiter de l’immensité sauvage et d’en observer la faune et la flore gratuitement. Souvent nous oublions que des gens y vivent et que la cohabitation peut être difficile (destruction des points d’eau ou des cultures par les éléphants, diminution du bétail). A la fin de la journée, le visiteur aura pu observer pléthore d’animaux sauvages dans leur habitat naturel… mais finalement qu’est-ce qui retient le fermier du coin de ne pas prendre son fusil ? Il a lui aussi envie de protéger ses terres, afin de pouvoir nourrir sa famille dans des conditions souvent extrêmes. Pour contre-balancer cet aspect, des emplois se créent (équipe anti-braconnage, rangers…), des contributions sont mises en place (via les agences de voyage par exemple, qui reversent une somme de leurs profits engendrés sur l’année), afin que le coût de la conservation ne soit pas porté seulement à bout de bras par des locaux qui en subissent les seules menaces. C’est encore une fois tout un équilibre que l’on essaye de préserver.

Awareness – Sensibiliser

Faire apprendre, comprendre, éduquer… c’est tout un programme ! C’est pourquoi TOSCO met en place des actions dans ce sens. A l’entrée du Namib Naukluft National Park, du Sesriem National Park et du Skeleton Coast National Park, des panneaux ont été installés à l’intention des visiteurs, afin que ces derniers puissent limiter leur impact environnemental en respectant certaines règles. Des brochures sont éditées et distribuées dans les lieux de rendez-vous touristiques (hôtel, loueurs de voitures, etc.), des évènements sont organisés avec des partenaires, afin de sensibiliser la population locale, notamment auprès des écoles. En 2019 par exemple, lors du Clean-Up day, une campagne de ramassage des déchets a été mise en place avec la participation de 45 écoles. Des workshops sont également menés afin de former les acteurs touristiques sur le comportement à adopter lorsqu’ils croisent des serpents (souvent tués par peur) ou les éléphants du désert.

Le p’tit +: Ces workshops sont ouverts à tous. Les tarifs varient cependant pour les membres et les non-membres. Alors si vous êtes sur Windhoek et libre sur 1/2 journée, n’hésitez pas à aller vous former.

Clean Travel – Le voyage propre

TOSCO en partenariat avec Eloolo Permaculture Initiative, a mis en place un programme de compensation carbone. Ces programmes sont souvent connus pour compenser les voyages aériens mais ce dernier existe afin de compenser l’utilisation des véhicules 4×4, nécessaires à un voyage en Namibie. Les arbres sont plantés chaque année pendant la semaine arboricole en Octobre et leur nombre correspond au calcul des kilomètres parcourus par les membres adhérents et au type, à la taille et à la consommation des véhicules en question. Les arbres s’enracinent au sein d’écoles ou de communautés qui pourront bénéficier de leur présence et en prendre soin, suivant les principes de permaculture. On limite ainsi la consommation d’eau et maximise leur épanouissement. 90 750 NAB ont été versés sur ce programme en 2019, avec la participation de premières agences sponsors et 363 arbres ont été plantés.

Le p’tit +: Eloolo prend soin de sa pépinière, qu’il est possible d’aller découvrir sur Windhoek, offrant une belle introduction à la flore namibienne. Pour se faire, il faudra préparer sa visite en amont avec TOSCO.

Comment sont récoltés les fonds ?

Comme je vous le disais en introduction, les fonds pour accompagner ces différents projets, sont principalement récoltés via les agences de voyage locales et tours-opérateurs qui le souhaitent. En 2019, la deuxième source de revenu était émise par la vente de marchandises (bouteilles réutilisables, casquette ou buff TOSCO, livres…). Puis arrivaient en troisième position les associations partenaires et enfin les individuels.

Graphiques issus du rapport d’activités 2019 de TOSCO, disponible sur leur site Internet

L’année 2020 étant passée par là, avec la fermeture des frontières, les restrictions liées aux voyages, les agences locales ont eu du mal à assumer leur propre charge et les fonds reversés auprès de TOSCO ont dégringolé. C’est pourquoi l’association a décidé de créer une cagnotte pour pouvoir assurer au moins les salaires des rangers sous la responsabilité directe de TOSCO et continuer à fournir le matériel nécessaire à leurs missions. Cette cagnotte aide aussi à compenser financièrement les fermiers qui subiraient des pertes liées à leur cohabitation avec la faune sauvage.

Il est possible néanmoins de s’investir sur le long terme auprès de TOSCO en devenant membre, via leur site Internet. Vous pourrez alors leur verser la somme souhaitée, qui sera redistribuée sur leurs différents projets.

Limiter son impact lors d’un voyage en Namibie

En tant que visiteur d’un pays, j’aime me poser les bonnes questions et en apprendre plus sur les initiatives qui font sens dans le pays que je visite. Je n’ai pas toujours l’occasion de rencontrer les personnes à l’origine de ces démarches, mais il est bon de se renseigner sur son propre impact.

Un touriste va avoir une influence sur la destination qu’il visite, quoi qu’il fasse. A chacun donc de prendre ses responsabilités et de choisir les alternatives qui s’offrent à lui. Mais alors comment limiter son impact ?

Voici quelques pistes:
1. Ne pas aller en Namibie mais s’informer, rêver à travers les articles de blog, les beaux livres et les documentaires sur le sujet.
2. J’ai fortement envie de voyager en Namibie (car cet article m’en a donné envie), mais j’évite de prendre l’avion. Dans ce cas, je prends un bateau de France et traverse le continent africain en transport en commun.
3. J’ai décidé de partir en Namibie par avion: je pars longtemps et peux compenser mon bilan carbone à travers diverses associations, qui vont planter des arbres afin de construire des puits de carbone pour contre-balancer ma consommation. Rien ne vous empêche cependant d’aller dans ce sens si vous décidez de voyager autrement.
4. Je suis en Namibie et loue mon propre 4×4: je décide de rester plus longtemps sur place pour que l’utilisation de mon véhicule de location s’étale sur plusieurs jours. Je peux à nouveau compenser mon bilan carbone, en reversant l’équivalent de ma consommation auprès d’associations. Je peux d’ailleurs rendre visite à Eloolo, afin de comprendre concrètement à quoi sert mon argent.
5. Je suis en Namibie et décide de passer par une agence. Je pars avec un groupe permettant de répartir ma « consommation carbone » sur plusieurs personnes. Je choisis mon agence de voyage avec soin, une agence qui respecte dans ses actions, l’environnement et les populations locales, en cherchant à limiter concrètement leurs impacts. C’est encore mieux si elles reversent une partie de leur profit chaque année à des programmes, qui cherchent à limiter le poids de la conservation sur les populations locales.
6. Je décide de ne pas passer par une agence et de ne pas louer de 4×4. Je limite mes déplacements aux transports en commun ou fais du stop, m’offrant un rapport différent aux autres et aux habitants.
7. Je fais le choix d’ajouter dans mon budget voyage, une part que je reverse à une organisation, à l’image de TOSCO, qui a un impact concret en Namibie, à travers des projets de conservation.
8. Mon impact est tout aussi social, à travers les rencontres que je fais sur place. Je trouve ce dernier plus difficile à limiter car chaque interaction conduit forcément à avoir un effet, que ce soit sur le visiteur ou l’interlocuteur. L’acculturation peut être positive si c’est le visiteur qui fait l’effort d’adaptation à la culture environnante. Elle peut aussi être négative lorsque c’est la population locale qui à force d’adaptation, finit par oublier ses propres racines. Je pense que c’est un élément à toujours avoir en tête. Je suis persuadée que le respect culturel et mutuel limitera cet impact négatif.

J’espère que ce nouveau format d’article vous aura plu et inspiré. N’hésitez pas à interagir en commentaire et à laisser votre avis sur des initiatives que vous avez pu rencontrer.

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