Traverser les Pyrénées à pied : le GR10, d’Est en Ouest de Banyuls à Hendaye

Je n’aurais jamais pensé être capable un jour de traverser les Pyrénées à pied, seule et en autonomie, sur le GR10. Pourtant c’est au cours d’un trek dans les Écrins, il me semble, que ce projet est né. Dans un coin de ma tête, je me suis dit : « finalement pourquoi pas ! Tu pourrais prendre ton sac à dos, ta tente et ton réchaud que tu n’as pas encore, pour voir jusqu’où tes pieds te mèneraient ».

C’est que finalement j’en avais fait des kilomètres en Nouvelle-Zélande et en Australie. La Tasmanie a été ma terre de treks pendant 2 beaux étés. Je bossais dans les vignes la semaine et le week-end je partais avec mon pote de rando dans les parcs nationaux accessibles en quelques heures. De retour en France, je me suis retrouvée lyonnaise et les Alpes sont alors devenues mon terrain de jeu. Pourtant au fond de moi, les Pyrénées appelaient ma quête de sauvage et j’avais le sentiment qu’y retourner, après y avoir fait quelques randonnées enfant, me permettrait d’y retrouver des ressources inespérées.

Sommaire
show

Comment se prépare-t-on à traverser les Pyrénées sur le GR10 ?

Alors j’ai laissé ce projet dans un coin de ma tête, puis à mon retour de Côte d’Ivoire, pour mieux atterrir, je me suis dit que c’était le timing idéal pour partir. Que nenni ! Les seules randonnées que j’avais pu faire étaient bien trop humides et chaleureuses pour que je sois physiquement au niveau. J’avais tout de même passé des années à enquêter sur le matériel qu’il me faudrait pour une telle traversée et dès que mes achats furent prêts, je pris le bus pour Hendaye.

Vous l’aurez compris : ce fut l’histoire d’un faux départ. Mon sac de voyage n’était clairement pas adapté à la randonnée et mes 2kgs d’amandes furent de trop. Orage, première expérience de bivouac en solo, j’ai opté pour la solution de repli pour mieux repartir.

Une semaine plus tard, je repartais avec mon sac de 30L pensant qu’il allégerait mon dos et me permettrait de m’offrir une traversée en douceur, mais cette fois au départ de Banyuls ! Le faux départ m’avait laissé un goût amer et je n’avais clairement pas envie de remarcher sur mes pas inachevés. Un covoiturage de Toulouse à Banyuls plus tard, j’étais à nouveau sur le GR10 un brin plus confiante… sauf que tout ne s’est pas passé comme prévu.

Traverser les Pyrénées Orientales, de Banyuls à Mérens-les-Vals sur le GR10

Je me souviens de cette belle montée sous la chaleur écrasante d’un après-midi d’août. Mes 3L d’eau furent compté lorsque je décidais d’opter pour une nuit en bivouac au Col des Terres. La montée jusqu’au Pic de Sailfort et l’absence d’eau furent fatidique à mon talon d’Achille. Mais je n’ai pas voulu lâcher. Non pas après avoir grimpé le Canigou, ce sommet si mythique pour les catalans et qui ferait partie de mon aventure pyrénéenne.

Ce fut donc à Mérens-les-Vals que je finissais mon aventure de GRdiste. À regret de ne pas pouvoir le faire d’une seule traite, je savais que le GR10 me rappellerait à lui ultérieurement. Et bizarrement ce fut à l’étranger que cela se produisit. Au cœur de Madagascar, j’avais décidé qu’il était temps de quitter mon travail et de reprendre ce projet qui m’avait filé du fil à retordre jusque-là. C’était donc de Mérens-les-Vals que je débutais ma traversée des Pyrénées Ariégeoises, à deux pour le week-end, puis seule avec moi-même.

Traverser les Pyrénées-Ariégeoises sur le GR10, de Mérens-les-Vals à Fos sur le GR10

J1-2 / De Mérens-les-Vals au refuge du Rulhe

Après avoir dormi dans un virage menant vers les cascades, G. qui m’accompagne sur ce week-end du 15 août et moi-même, prenons la route pour le GR10. Mon sac me semble bien trop lourd avec les kilos de nourriture que j’ai emporté avec moi. Le doute m’envahit dans la montée. Ne serais-je pas entrain de faire la même erreur que la dernière fois ? Emporter avec moi un poids conséquent de nourriture pour me rassurer, alors que tous les 2-3 jours il est possible de se ravitailler dans la vallée ?

Je finis par me donner raison. Il paraît qu’en Ariège, il y a peu de ravitaillement… les prochains jours finiront par me donner tort.

Il parait qu’on emporte ses peurs dans son sac.

Après la petite grimpette matinale, nous finissons par déjeuner juste avant l’étang de Comte, les pieds dans l’eau, regardant au loin les nuages menaçant. Nous prenons ensuite le chemin zigzaguant jusqu’à ce que G. décide de s’arrêter pour la journée au bord du ruisseau, sa cheville lui faisant très mal. Après un petit bain de pied, je lui propose de monter la tente… il est à peine 13h passé.

Quelle belle idée ! Dès 13h30, il se met à pleuvoir jusqu’à l’éclaircie de 17h. Nous dinerons bien plus tard en speed pour échapper au nouvel orage. Résultat : 13h de sieste pour repartir à 9h le lendemain et monter doucement vers le refuge du Rulhe que nous atteindrons vers 14h.

J3 / Du refuge du Rulhe à la cabane de Clarans

Je me réveille un peu avant 7h pour regarder la brume au loin et engloutir un petit-déjeuner. C’est le grand jour pour moi : celui de mon départ officiel en solitaire sur le GR10. Un mélange d’excitation mais aussi d’angoisse se conjuguent magnifiquement, tandis que vers 8h je quitte G. qui repart, cheville en vrac, vers Mérens-les-Vals.

Le chemin monte doucement et pourtant, je perds rapidement les balises du GR. Il faut que j’apprenne à me faire confiance à nouveau. Hier mon intuition et l’écoute de mon environnement nous ont évité une belle douche, aujourd’hui seule, je dois canaliser mon énergie pour aller dans la bonne direction.

Je tourne une demi-heure jusqu’à me rendre compte que la trace IGN n’est plus exacte. Je rejoins le panneau en hauteur et me détache de mon téléphone portable. Je marcherai ensuite gaiement jusqu’aux crêtes me menant au plateau de Beille. Vers 12h30, je me pose sur la petite table qui semble avoir été déposée là sur le point le plus haut. 30 min plus tard, j’échapperai au vent en me remettant en marche.

Beille, c’est long et le chemin est inintéressant.

Je finis par arriver à la station, à passer à côté des chiens de traineaux qui ont l’air d’avoir trop chaud, pour rejoindre la cabane d’Artignan.

C’est alors que Daniel sort sa tête et me propose un café. Je comprendrais alors que je me trouve devant la cabane vue dans l’émission Échappée Belle, retapée par « Antoine » alias Jacob Karhu. Je vous avoue que je l’imaginais plus coupée du monde cette cabane, loin de tout et surtout d’une station de ski. Mais Antoine en a fait un petit coin de paradis ! Daniel me raconte quelques anecdotes de cette aventure mais aussi de ceux croisés sur le GR10 au fil de ses allers-retours à venir entretenir les lieux.

Une heure plus tard, je reprends le GR10, qui descend alors dans la forêt pour arriver sur la jasse et passer un petit moment à chercher la cabane de Clarans à la boussole. Petite toilette à la micro-rivière, puis c’est la pluie qui prendra le relai vers 18h.

Un couple, dont j’ai oublié le nom, me rejoint et nous passons la soirée à papoter, échangeant sur la vie, les aventures à pieds et de par le monde, les tournants professionnels et nos lectures, jusqu’aux premiers ronflements de la gente masculine. La moustiquaire sur ma tête ne m’aidera malheureusement pas à m’endormir rapidement.

J4 / De la cabane de Clarans à Siguer

Je quitte la cabane au petit matin et croise un autre couple dans ma direction. Ça grimpe rapidement dans la forêt, puis arrivée au col de Sirmont, je redescends quelques instants pour remonter à nouveau jusqu’à la cabane de Balledreyt.

Je décide de pousser jusqu’au Courtal Marti, qui s’avère être une micro cabane entourée de vaches et de chevaux. Je salue le vacher puis continue à grimper pour trouver un « abri » en pierre au col du Sasc. 30 min de pause plus tard et je repars à cause du vent. Le ciel se fait menaçant.

Je recroise dans la montée de Montcamp le couple du matin. Charlotte et Thomas arrivent au bon moment et partagent le passage en crête sous les grondements et le vent violant.

C’est toujours lorsque tu en auras besoin, que quelqu’un surgira sur ton chemin.

Le couple qui semblait distant ce matin, s’ouvre gentiment après cet épisode de stress sous l’orage. La descente pour Siguer nous parait interminable alors on en profite pour échanger sur le chemin. Petit arrêt à Gestier au cœur de la fête du village pour une boisson sucrée puis c’est l’accueil randonneur, mis gracieusement à notre disposition à Siguer qui prendra le relais.

J5 / De Siguer à Goulier, puis Bassiès

La matinée semble dure. C’est ce qu’on appelle un jour sans. Le ciel est couvert et n’aide pas le moral. De Siguer à Goulier, ça monte puis ça descend en forêt. Le tonnerre gronde au loin, après le col de Gamel. J’hésite à continuer plus longuement. J’avais prévu de couper au vu du temps pour rejoindre directement Bassiès par un PR.

Goulier m’offre une petite placette toute mignonne pour poser mes fesses le temps d’un sandwich, mais la pluie s’en mêle. Ça crachote alors je tente d’avancer un peu.

De Goulier à Olbier, me voilà à Auzat à chercher mon chemin quand je croise Eymeric et Damien qui partent sur Marc, pour rejoindre l’Espagne.

Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous.

Paul Eluard

On prend le même chemin et en discutant, ils finissent par quitter leur idée de GR11 pour bifurquer avec moi jusqu’aux étangs. On croise alors Céline et Magali, et c’est parti pour une sacrée grimpette sous la pluie.

Partie à 7h30 ce matin, j’arrive vers 19h au refuge un brin humide. Heureusement toute la chaleur du monde avait décidé de se joindre à ma table, de discussions en points communs, je savais qu’il n’y avait pas de hasard. Repas en douce compagnie avant de rejoindre ma tente sous la pluie.

J6 / Du refuge de Bassiès à Aulus-les-Bains

Ma journée qui s’annonçait courte prend des heures de rallonge. Nous partons à 5 pour le port de Saleix, où nous laissons les filles prendre à droite tandis que nous suivons le GR. La pluie fait rage et nous peinons à trouver un lieu pour le casse-croûte, jusqu’à une installation posée au bord de la route. On se réchauffe et la pluie finit par passer. La descente jusqu’à Aulus-les-Bains se fait douce et c’est presque à la fin du chemin que je recroise Thomas et Charlotte, les deux artistes de la veille. Camping à Aulus puis repas guinguette. Oups, il est déjà minuit !

J7 / D’Aulus-les-Bains au Cirque de Cassiérans

Il est 20h. Je suis posée au cœur du cirque de Cassiérans, une heure avant le col d’Escots, pour profiter d’un bivouac au bord du ruisseau. Je me pose… seule. Eymeric et Damien sont finalement partis du côté espagnol au niveau du Cap de Rich. C’est d’ailleurs là que je les ai attendu après être montée tranquillement à la cascade d’Ars, tandis qu’eux se baignaient. Un ariégeois m’a tenu compagnie pour le repas, me racontant comment l’Ariège changeaient au fil du temps, des paysans aux étrangers (hollandais), à l’arrivée des écolos. Il me parle du HRP, des Pico de Europa et de comment il était possible dans le temps de travailler à Toulouse et d’habiter en Ariège avec l’essence peu chère. Il m’explique aussi que le sentier sur lequel les 2 compères doivent s’engager pour rallier l’Espagne, était emprunté chaque année en signe de pèlerinage, en souvenir du temps où les franquistes devaient quitter l’Espagne.

Malheureusement ces sentiers sauvages et magnifiques risquent de se perdre car les gens ne veulent plus partir en alpage, ou monter avec les bêtes.

L’ariégeois

Au moment de son départ, les 2 basques débarquent pour que je puisse leur dire au revoir. Je continue donc le chemin seule, pestant intérieurement contre les sentiers ariégeois qui montent raides et descendent… raides. Peut-être une façon de faire le deuil des belles rencontres de ces derniers jours.

J8 / Du cirque de Cassiérans à Saint-Lizier

J’arrive à Saint-Lizier vers 13h et décide de me poser au camping l’après-midi. Quand on est une femme en randonnée, on doit en plus gérer la fatigue liée à nos hormones et ce n’est pas toujours cool. Le chemin nous apprend aussi à nous écouter et même si l’envie de continuer se fait forte, je préfère prendre ce temps pour récupérer.

J9 / De Saint-Lizier à la cabane d’Aula

Le départ de Saint-Lizier se fait morose. 8h du camping, je grimpe doucement vers le col de la Serre du Cot. Je croise une mère et son fiston dans la forêt, qui me raconte que le gite d’étape de Rouze offre le repas 4 étoiles du coin. Un autre groupe me confirme que la descente sera raide. Finalement à Rouze vers 11h, il sera un peu tôt pour la pause, que je ferai à Couflens. De Couflens, je remonte rapidement à Angouls puis Faup où il semble faire bon vivre le dimanche. De Faup, je zigzague jusqu’au col de Pause, où je croise une multitude de gens, me rassurant quant à l’éventuel orage auquel j’espérais échapper.

Après avoir discuté avec une « médiatrice », également guide de montagne, je recharge mon eau avant de monter à l’étang d’Arreau, où je me fais prendre en photo par un espagnol.
De l’étang, je monte encore vers la brume avant d’entamer la redescente vers la cabane d’Aula, où trois gars y sont déjà. Je rejoins le couple et la fille qui bivouaquent pour échapper surement aux ronflements, mais non à la pluie.

La cabane d’Aula semble un repère à Gipaète Barbu. La lumière du soir était faible, je n’ai donc pas pu en observer la couleur, mais de grands rapaces étaient regroupés vers les montagnes et semblaient lâcher des choses du haut de leur altitude.

J10 / De la cabane d’Aula à Esbintz

La matinée est humide. Je sors de ma tente alors que les gouttes de pluie m’offrent encore leur son répétitif mais apaisant. Je la plierai d’ailleurs mouillée comme souvent. Je descends à travers la forêt en passant par la cascade d’Arcouzan et une cabane où les vaches m’attendent. Heureusement que je trouve un spot convivial à Couflens de Betmajou au bord de l’eau, car l’arrivée à Esbintz se fera elle aussi sur la route. Je crois qu’après les belles rencontres des premiers jours, la solitude me pèse.

J11 / De Esbintz au Pla de Lau

Je suis partie un peu tard ce matin, comme si le confort me sortait de mon cycle naturel. J’ai rapidement rejoint la cabane de Tariolle, où j’espérais dormir la veille puis le col de la Core. Après une montée parmi les fougères hautes, un petit stand semblait éclairé parmi le brouillard adjacent… pour mieux dévoiler la foule et les voitures. Heureusement, peu sont ceux qui montent et je continue d’un bon rythme jusqu’à l’étang d’Ayes indiqué à 2h20 de là. Objectif : y être pour la pause déj.

Vers 12h30, je glisse les pieds dans l’eau et profite d’une pause au soleil. La trempette me tente mais j’ai peu de temps si je veux atteindre le pla de Lau annoncé à 10h de marche du col. Puis il y a du monde à l’étang, alors je préfère m’éloigner de la foule pour rejoindre le col de Laziès.

La vue est superbe et j’ai le sentiment que le mental est au top, la tête dans les sommets et les pieds sur les crêtes. Je me régale jusqu’au cap des Lauses où s’amorce la descente. Longue hésitation à rejoindre le côté espagnol pour gravir le Valier. Mais n’étant plus sûre de la météo, je préfère rejoindre le pla de Lau pour installer mon bivouac après 1 longue descente. 1h pour choisir un spot et une douche rafraichissante plus tard, c’est au bord du torrent avec les bruits de la chouette au loin que je poserai ma plume jusqu’au lendemain.

J12 / Du Pla de Lau à la cabane d’Arech

Il est 17h, j’arrive à la cabane d’Arech. Il y a de l’eau. Je m’arrête donc pour passer la nuit en espérant que les brebis ne fassent pas de même. J’en ai plein les pattes avec les 1400 mètres de dénivelé positif. Il y a eu la montée jusqu’à la cabane du clot du lac avec un « médiateur » bien sympathique, puis celle depuis la passerelle sur l’Orle, où je pensais que ce serait ma seule source d’eau jusqu’à Eylie. Je dors très peu souvent en cabane… on verra si le berger décide de pointer le bout de son nez.

J13 / De la cabane de l’Arech aux mines de Bentaillou

On est bien dans cette petite cabane. Tellement bien que j’ai du mal à sortir de mon sac de couchage, malgré les aboiements des chiens une heure plus tôt. Finalement les brebis sont descendues et le berger aussi hier soir. Pas de discussion malgré mon bonsoir plein d’enthousiasme.

Je finis tant bien que mal par me lever pour rejoindre Eylie. 12h. Il me reste encore 3h avant l’orage, je me décide alors à rejoindre les anciennes mines de Bentaillou. C’était sans compter un autre troupeau que je tente de laisser passer sur le seul chemin praticable. Impossible… elles bifurquent dans le vide tandis que les patous me surveillent de loin. Je commence à avoir froid. Le brouillard se lève et les brebis prennent leur temps. Je finirai par rejoindre les anciennes mines, où une vieille maison ONF me servira d’abri. Le refuge non gardé est bien fermé et le réseau ne passe pas pour que je puisse appeler le numéro indiqué sur la porte. La bergère semble bien au chaud dans sa cabane. Je me contente d’une maison glauque, en compagnie des araignées, bien trop heureuse d’avoir un toit assez solide sur ma tête pendant cette longue après-midi et nuit d’orage… jusqu’à l’éclaircie du lendemain.

J14 / Des mines de Bentaillou à Fos

Je quitte les mines complètement dégagées. La brume a disparu, du moins pour quelques temps. Les pauses photos sont nombreuses devant ces montagnes escarpées, qui semblent taillées grossièrement par la main de l’homme. Je finis par rejoindre le refuge où je croise un irlandais, dépité d’avoir passé la nuit au col sous l’orage mais bien trop content d’être en vie et de parler anglais à quelqu’un. Il m’annonce qu’il a croisé 11 patous la veille juste avant la cabane d’Uls, que je dois rejoindre. Des onze, je n’en verrai que trois et j’attendrai patiemment que le troupeau veuille bien descendre de la colline.

Passé les bocages et les magnifiques couleurs qui semblent automnales, la descente s’amorce en direct de Melles. Je croise deux gars qui vont dans le même sens que moi, mais qui semblent peu enclin à partager la route. La route d’ailleurs, je la rejoins rapidement et elle me mènera jusqu’à Fos et son ancien camping avec douche chaude en prime.

Une petite bière et quelques emplettes sur la terrasse de l’hôtel le Gentilhomme plus tard, les deux jeunes finiront par m’inviter à leur table. C’est au cœur de Fos que nous parlerons de parcs nationaux africains, de famille et de la difficulté à être un chercheur, autour d’une conversation courte mais passionnante.

Traverser les Pyrénées-Centrales sur le GR10, de Fos à la corniche des Alhas

J15 / De Fos à Bagnères de Luchon

Je pars de Fos un peu tard pour m’engager dans la forêt. Pendant 1h c’est un combat avec des lipoptènes du cerf (que je prenais pour des tiques « volantes ») que je mènerai jusqu’à ce que la forêt se refroidisse. La montée est raide jusqu’à la cabane d’Artigue et grâce à l’énergie retrouvée après un échange avec un autre randonneur, je continuerai jusqu’à la cabane des Courraux pour manger. Il me reste encore une trotte mais le GR10 ne passe plus par l’étang de St-Béat et j’ai le sentiment de bien grimper.

C’est à la montée juste avant le Col d’Esclot que je croise Annie légèrement perdue sur sa boucle du jour. On marchera ensemble jusqu’au Pic de Bacanère offrant une vue à 360°, puis on se retrouvera à la cabane de Saunère où je pensais passer la nuit.

Il y a foule à la cabane, alors j’accepte la proposition d’Annie, de continuer jusqu’à Artigue où elle a laissé sa voiture. Arrivée à Luchon, je prendrai la pluie dès la montée de tente. Une pizza finira par me réconforter avant d’étendre mon linge au cœur de la nuit.

J16 / De Superbagnères à Espingo

Matinée courses à Luchon, où je suis un peu dépitée de retrouver la société de consommation. J’en avais pourtant rêvé de cette arrivée à Bagnères-de-Luchon. Je m’étais imaginé y rester 2 jours pour profiter des thermes et célébrer comme il se devait ma traversée des Pyrénées-Ariégeoises. Mais à peine arrivée à Luchon, j’ai voulu en partir. L’effet d’une ville sur une randonneuse n’est pas toujours bénéfique. J’y ai trouvé la pluie, le gris des bâtiments, malgré la douce compagnie d’Annie. Alors une fois mes courses finies, je me devais de repartir au plus vite au cœur des montagnes, qui me semblaient alors un environnement plus accueillant.

Après un déjeuner avec Annie, celle-ci m’accompagne jusqu’à Superbagnères, la journée étant déjà bien entamée. Je réussis à la convaincre de partager quelques pas encore avec moi, et nous voilà embarquées sur la montée du col de Coume de Bourg. Annie me quitte, tandis que les nuages s’obscurcissent.

C’est moins pire qu’un quai de gare !

Annie

Ce message lancé au loin me prit aux tripes. Moi aussi j’étais triste de quitter cette dame qui avait l’âge de ma mère et m’avait apporté tant en si peu de jours. Mais aussitôt seule, la nature reprit le dessus sur mes émotions et je n’avais pas d’autres choix que d’avancer.

L’orage me fait accélérer et semble arriver de part et d’autre des vallées. Les lumières sont splendides et les montagnes encore plus fières, tandis que je les guette nerveusement, happée par le stress. Au niveau de la Hourquette des Hounts Secs, j’aperçois le lac d’Oo et son auberge. L’orage semble avoir dansé au dessus de ma tête pour s’en éloigner aussi soudainement que l’arrivée de la pluie, qui m’accueille gentiment à la bifurcation pour le lac d’Espingo. Après une nuit d’orage, je décide d’opter pour l’option dortoir au refuge, alors que le ciel au dehors se dégage splendidement.

J17 / Du refuge d’Espingo à Loudenvieille

Du refuge d’Espingo, je descends en 2h aux Granges d’Astau, pour remonter sur 1000 m de dénivelé positifs vers le couret d’Esquierry. Je connais déjà le coin pour y avoir randonné l’été passée et je suis attristée par la petitesse du torrent à côté de la cabane d’Ourtiga, où j’avais bivouaqué. La pluie m’a suivi lors de la montée jusqu’au col puis n’est plus en cette après-midi. La descente vers Loudenvielle s’annonce longue avec mes pieds en compote, mais je finis par arriver avant le gros orage du soir, au camping.

J18/ De Loudenvielle au lac de l’Oule

Je quitte Loudenvielle, la tente mouillée. Je n’aurais même pas pris le temps d’aller voir le lac de plus près, ni même goûté à la tarte aux myrtilles aperçue la veille.

Je monte doucement vers le Couret de Latuhe, où je croise mon 2ème serpent. Le cœur n’y est pas, je serais bien restée à Loudenvielle pour me reposer une vraie journée… mais l’idée n’a fait son apparition qu’en chemin. Je marche lentement et finis par arriver à Bourisp vers 12h30. Je trouve l’endroit parfait pour la pause et m’autorise un bain de pied dans les eaux glacées.

Vers 13h30, je me motive pour une longue étape. De Vieille-Aure, je passe par le chemin des mines bétonné sous un soleil de plomb et finis par apprécier l’ombre que veulent bien m’offrir les arbres sur le sentier qui zigzague. Je prends de altitude et 4h30 plus tard, je finis tant bien que mal par arriver au col de Portet, où je prendrai seulement une photo avant de repartir. La route est encore longue jusqu’au Lac de l’Oule, où je souhaite passer la nuit.

Je croise deux gars qui font le tour du Néouvielle et j’emprunte le chemin menant vers le GR10C. Il faut ensuite redescendre et ce sera au pas de course que je trouverai l’aire de bivouac. Je salue mon voisin et monte ma tente mouillée du fort orage de la veille. Le temps de me faire à manger, il fera déjà nuit.

J19 / Du Lac de l’Oule à la cabane d’Aygues Cluses

Le lac de l’Oule offre des reflets parfaits de bon matin. Tellement parfaits que j’en oublie la bifurcation menant au col d’Estoudou ! Ça monte parmi les paysages familiers du Néouvielle et le col ne manque pas de m’offrir un beau spectacle. J’échange quelques minutes avec un monsieur ici pour 3 jours, puis j’entame la descente vers le lac d’Aumar, le ciel sombre derrière moi. La pluie finit par me rattraper au lac et le manque d’abri me fait poursuivre ma route jusqu’au col de Madamète, annoncé à 1h30 de là.

Mes pieds jonglent parmi les roches mouillées et le col se rapproche, tandis que l’orage tourne au dessus de ma tête depuis Aumar. Le Néouvielle, que j’ai pu grimper l’été dernier, est recouvert. Je ne m’attarde que très peu jusqu’à franchir le col et redescendre vers le lac de Madamète. Je profite d’une éclaircie pour un lunch express à 14h, agrémenté de myrtilles sauvages. 30 minutes plus tard, je serai à la cabane d’Aygues-Cluses en compagnie de Mathis et Aurélien, qui nous propose une tisane à la verveine. Encore une belle soirée en bonne compagnie, cette fois-ci entre 4 murs froids.

J20 / De la cabane d’Aygues-Cluses à Luz St-Sauveur

Je me régale toute la matinée en suivant le ruisseau. L’endroit est magique jusqu’à Pountou et mon âme d’enfant se réveille. Mais à partir de Tournaboup ce n’est plus pareil. Les stations de ski, c’est toujours aussi moche et je dois longer la route quelques temps. Je rejoins Barèges en 45 min mais il reste encore une trotte jusqu’à Luz Saint-Sauveur. À Luz, je finis par planter ma tente en dehors de la ville dans un camping familial. Quelques courses plus tard, il sera temps de m’envelopper dans mon sac de couchage.

J21 / De Luz St-Sauveur au pont St-Savin

Grosse journée au départ de Luz et beaucoup de route. Je finis péniblement par arriver aux granges de Saugué que je trouve fermées. Heureusement que la vue sur la Brèche de Roland égaye ma descente jusqu’aux Granges de Holle. 20 min avant de les atteindre, je trouve un spot de bivouac au bord du torrent et finis par poser ma tente là, à 2 pas du pont de St-Savin.

J22 / Du pont de St-Savin au refuge de Baysselance

Je rejoins les granges de Holle de bon matin que je trouve sous la brume. Il est déjà 9h et les campeurs semblent à peine sortir de leurs tentes. Je monte doucement dans la vallée d’Ossoue, un peu à l’aveugle, croisant quelques brebis sur le chemin. D’ailleurs, l’une d’entre elle, curieuse, est venue me lécher la main. Je continue jusqu’à ce que la brume se lève, me laissant complètement ébahie devant le spectacle que la nature m’offre.

De cabanes en cabanes, je finis par atteindre le barrage d’Ossoue vers 13h. Une petite pause s’impose avant d’entamer la montée jusqu’au refuge de Baysselance. Je suis le ruisseau des oulettes qui semblent peiner en cette fin d’été, double quelques personnes dans la montée et suis les lacets qui serpentent vers le refuge, que je connais déjà. Celui-ci est encore complet ce soir, mais je me glisserai sur une table pour le repas du soir, entre trois espagnols venus gravir le Vignemale, des papis en faisant le tour et deux jeunes filles se retrouvant pour le week-end entre Bordeaux et Perpignan. Le plus haut refuge gardé des Pyrénées m’offre à chaque fois une belle ambiance.

J23 / De Baysselance à Cauterets, par le col d’Araillé

Je me fais réveiller par le vent vers 6h du mat et je sais que mon seul poids permet de maintenir ma tente au sol, au vu du terrain sableux trouvé la veille. J’ai du mal à sortir de mon sac de couchage et pourtant une longue journée m’attend. Au lieu de descendre par le lac de Gaube, chemin parcouru par deux fois lors de mon ascension du Petit Vignemale, je décide de passer par le col d’Araillé.

Un gros pierrier m’attend et je finis péniblement mais fièrement par arriver au refuge d’Estom, où je ne suis pas hyper bien accueillie. Une omelette plus tard et je repartirai rapidement via la Vallée du Lutour, qui me semble remplie de touristes ingrats et malpolis. Peut-être qu’il me tarde juste d’arriver à Cauterets… La vallée est belle mais je me rends compte que je l’ai déjà parcouru il y a plus de 10 ans déjà.

J’arrive à Cauterets et indécise, je m’offrirai un bout de nuit dans le gîte le Beau Soleil. L’accueil est super, avec une cuisine à disposition, mais je serai réveillée de bon matin par un groupe de personnes sourdes, ne pouvant pas entendre leurs pas lourds et intenses dans les escaliers.

J24 / De Cauterets à Arrens-Marsous

De Cauterets, ça grimpe bien pour rejoindre le lac d’Ilhéou, mais heureusement que la route bétonnée est vite derrière moi. Je me retrouve à suivre les brebis à partir de la cascade du même nom, qui ont pour destination la petite cabane avant le refuge. Pour ma part je continue jusqu’au lac, où j’avais prévu de déjeuner, mais le vent me contraint à pousser jusqu’au col, que l’on peut rejoindre en téléphérique depuis Cauterets. Ça grimpe sec et la faim me tiraille.

Je finis par m’arrêter à la cabane d’Arras, où un jeune chien de berger m’invite à lui lancer le bâton. Repas cheveux au vent, puis je finis par atteindre le col avant de redescendre sur Estaing. Les nuages obscurcissent le ciel et je prends une grosse averse, heureusement courte. Le temps de croiser une mère et ses deux enfants adultes faisant le chemin inverse, je serai au lac d’Estaing vers 15h30. De là, je me rends compte qu’il me faut marcher 3h sur le bord de la route pour rejoindre Arrens-Marsous.

La première bifurcation au cœur de la nature semble inaccessible à cause de chutes de pierre. Je finis par lever le pouce, rêvant d’une lessive et d’une bonne douche. Un couple de retraités originaire de Belfort, en vacances dans le coin, me dépose à Arrens, les hasards de la route m’ayant permis de suivre le GR10 à vitesse grand V. S’en suivra une petite bière en bonne compagnie.

J25 / De Arrens-Marsous au lac d’Anglas

D’Arrens jusqu’au col de Saucède, le chemin est le même que celui du Tour du Val d’Azun, emprunté en automne dernier. Pas de surprise pour moi et l’envie de planter ma tente comme la veille me taraude.

Du col de Saucède, je décide de prendre la route afin de marcher à niveau quelques temps. Je retrouve la bifurcation vers le col de Tortes qui est annoncé à 1h30. Je craque pour une pause déjeuner sachant que la montée avec le ventre plein sera plus dure.

Et ce fut le cas… Le chemin me semble interminable et la descente vers Gourette peu intéressante. Malgré mon manque d’entrain du jour, je décide de pousser jusqu’au lac d’Anglas, Gourette ne m’offrant rien de saisissant pour passer la nuit. Il est 15h et j’ai encore 700 m de dénivelé positif qui m’attendent. Je croise une foule de retraités qui m’encouragent. Les deux groupes qui s’arrêtent pour discuter me redonnent la dose de motivation nécessaire pour grimper.

Je finis par planter ma tente sur une pelouse resplendissante au bord du lac.

J26 / Du lac d’Anglas à Gabas

Je quitte le lac d’Anglas après une nuit réveillée par le vent. Je monte jusqu’à la Hourquette d’Arre qui m’offre une vue magnifique et la vision de 2 bouquetins. La descente du col est moins sympa avec un terrain glissant et un vent tellement fort que j’ai eu l’impression de sauter en parachute une seconde fois. Puis la descente s’adoucit et offre un chemin plat mais long jusqu’aux cabanes de Cézy, que je ne verrai guère car hors GR10. La descente reprend et la corniche des Alhas ne présente rien de percutant, mais marque le passage vers les Pyrénées Occidentales.

Arrivée à Gabas, je n’ai plus de jambes pour continuer jusqu’au lac d’Ayous, où je rêvais de bivouaquer depuis ma dernière escapade là-bas. Je prendrai le spot de bivouac pourri que m’offrira le village, sans vous cacher ma frustration ni ma déception.

Traverser les Pyrénées-Occidentales sur le GR10, de la corniche des Alhas à Hendaye

J27 / De Gabas à Etsaut

De Gabas, je longe la route menant à Bious-Artigue et y croise quelques vaches. Du lac, la route devient chemin et après 1 crêpe à la crème de marron, je croise un ancien du PSIG (peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie) et son chien d’avalanche « réformé » comme il s’amuse à l’appeler. Essayant de me rassurer, il me raconte que dans toute sa carrière, il n’a vu que 3 personnes foudroyées et me raconte les sommets parcourus d’antan.

Le chemin monte et je découvre le Pic du Midi d’Ossau en saison estivale, ainsi que le refuge d’Ayous au loin que j’avais vu sous la neige. Le sentier bifurque à droite pour monter au col du même nom qui m’offre une vue incroyable. Pause déj. avant de redescendre sur un chemin vallonné jusqu’à la cabane de la Baigt de St-Cours, dans laquelle je me serais bien vue dormir quelques jours. Heureusement elle est réservée au berger en période d’estive (jusqu’au 15 septembre) et je continue donc ma route jusqu’au fameux Chemin de la Mature.

Et là, c’est le drame ! Avec des cailloux qui font vaciller les chevilles, j’ai beau faire attention, la mienne y passe sous un soleil de plomb. Je finirai la route en boitant jusqu’au gîte d’Etsaut, dépitée et clairement mal lunée pour la soirée.

J28 / De Etsaut à la cabane d’Ardinet

Je quitte Etsaut vers 8h, grâce au réveil matinal de mes colocataires d’un soir, pour entamer une douce montée jusqu’au col de Barrancq. Ma cheville semble tenir le coup. Au col, il n’est que 10h30. Je continue donc ma route vers Lescun que je rejoins vers 13h30. Je refais le plein à l’épicerie et depuis hier, je n’arrête pas de me dire que la fin de la saison rend les commerçants peu aimables.

Après avoir mangé sur les escaliers de la mairie, je reprends mon sac pour le refuge de Labérouat. Espérant atteindre la cabane d’Ardinet pour la nuit, je croise une dame béarnaise à qui je demande si cette cabane est bien ouverte. Elle m’explique qu’habituellement c’est son neveu le berger qui l’occupe, mais ce dernier est descendu la veille dans la vallée. On fait un bout de chemin ensemble et elle me raconte que petite elle allait ravitailler son père berger à cheval et redescendait le fromage. Son fils a quitté son boulot dans le social pour suivre les traces de son grand-père, à sa grande déception. « Vous imaginez à plus de 45 ans ? Mais il me dit être plus heureux que jamais ».

La dame fait demi-tour, puis j’aperçois la cabane à la sortie de la forêt quelques pas plus tard. Pas le temps de la visiter, je me précipite comme une enfant sur la pelouse plate et verte, qui m’offre un spot de bivouac splendide pour la nuit. Je profite du petit torrent qui coule un peu plus loin pour remplir mon camelbag et faire mon brin de toilette du soir, avant de prendre le temps d’admirer la vue splendide à 360° sur les Orgues de Camplong.

J29 / De la cabane d’Aribet à Ste-Engrâce

J’exploite mon spot favori de bivouac jusqu’au bout puis je rejoins la cabane du Cap de Baitch, où se trouve un berger, pour bifurquer à droite. Ça grimpe tranquillement dans un paysage surprenant jusqu’au Pas d’Azun. Au Pas de l’Osque, pas de difficulté majeure, excepté le temps que je trouve long jusqu’à la Pierre-St-Martin. La station est moche mais je profite d’une pause au refuge Jeandel pour mieux repartir jusqu’au col. Du col, ça redescend jusqu’à St-Engrâce où je rejoins le gite en face de l’église pour planter ma tente.

J30 / De Ste-Engrâce à Logibar

Beaucoup de bitume en cette chaude journée. Heureusement que le petit cayolar ouvert me donne du baume au cœur pour une pause déjeuner. Il me rappelle la joie des cabanes ouvertes ariégeoises. Je sors reboostée de mes rêveries, pour atteindre le col d’Anhaou Kurutché. De là, c’est à nouveau de la route goudronnée puis ça redescend doucement en plein cagnard. Je manquerai d’eau à la passerelle d’Holtzarté et bivouaquerai au bord du torrent, sur un spot détenu par le gîte, qui a bien voulu me rembourser la chambre que je venais de prendre (après m’avoir accueilli de la plus désagréable des façons). Soirée en compagnie de GRdistes marchant dans l’autre sens.

J31 / De Logibar à Iraty-Cize

Je pars de Logibar de bon matin dans l’optique d’une belle étape mais d’une nouvelle journée chaude. À peine les quelques mètres de dénivelé avalé, le vent se met à souffler. Un vent d’ouest, preneur de tête mais aussi d’équilibre. Je lutte pour avancer sur les sommets ronds du Pays-Basque, jusqu’au col d’Ugatzé. Je verse quelques larmes de peur, et c’est toujours dans ces moments-là que d’autres randonneurs croisent ma route. D’abord ceux qui viennent de la forêt et m’inspireront un détour à l’abri du vent. Ceux qui me surprennent entrain de lutter dans un nouveau col (où j’aurais fait faire un saut de 2 mètres à une vache prise de peur). Ceux qui m’encouragent et me conseillent de mettre des cailloux dans mes poches pour passer le col du Pic des Escaliers.

C’est dommage, l’étape est belle mais je suis trop concentrée à essayer de rester en vie sur le sentier. Je réussis à faire une pause déj. juste avant ce col d’ailleurs, et une fois passé, les cols d’Iraizabaleta et Bagargiak arrivent vite et semblent moins agités. Petite glace au lait de brebis aux Chalets d’Iraty, le temps d’échanger avec un voyageur à vélo venu faire la traversée des Pyrénées avec sa copine. Je rejoindrai l’aire de bivouac mise à disposition par la commune d’Iraty, bien trop contente d’être encore en vie.

J32 / D’Iraty-Cise à St-Jean-Pied-de-Port

Dès que je pars, à 8h, le vent se lève à nouveau. J’appréhende déjà une nouvelle journée folle, à lutter contre un vent d’ouest pour grimper au sommet d’Okabe. Les paysages semblent lunaires, brossées par le souffle de la nature en continu. Pas d’arbres, seulement des herbes jaunies par le soleil. Le vent semble moins m’atteindre que la veille, avec les pieds un peu plus ancrés dans la terre. Et pourtant, passé le sommet et le site des cromlechs aux arc-en-ciels et chevaux galopants, je me retrouve à douter au col d’Irau. Dois-je prendre le risque de rejoindre les bordes d’Intzarazki dans des conditions météorologiques si violentes ? Ne serait-il pas temps de quitter le GR10 pour rentrer chez moi et me mettre à l’abri ? Je suis restée là 10 bonnes grosses minutes à lutter pour rester debout, tandis qu’une basque me regardait à l’abri de sa voiture, sans même me demander si tout allait bien…

Sur le GR10 en solitaire, on ne peut compter que sur soi-même. On aura beau se conter des histoires, on se retrouve seul face au vent, aux orages, à la nature dans toute sa splendeur. Seuls face à ses décisions.

Je prends mon courage à deux mains et repars. Le fait de rejoindre un chemin plus large me calme et je finis par arriver à Estrençuby pour la pause déjeuner, croisant de nouveau les cavaliers sortis de nulle part au niveau des bordes d’Intzarazki.

Le panneau annonce encore 4h de marche pour rallier St-Jean-Pied-de-Port que je rejoindrai vers 17h. La sensation de me retrouver au cœur de Disneyland Paris, à peine passer la porte Saint-Jacques est grande. Les touristes sont là, mélangés à ceux qui marchent sur le chemin de Compostelle. L’atmosphère montagnarde est loin et j’ai tout d’un coup du mal à trouver ma place. C’est une balade à l’heure du diner qui me réconcilie avec une ville pleine de charme, à la croisée des chemins.

J33 / De St-Jean-Pied-de-Port à St-Etienne-de-Baigorry

Journée tranquille aujourd’hui, annoncée à 6h de marche. Départ vers 8h30 après une nuit agitée, je profite de la montée jusqu’au Pic de Munhoa pour prendre mon temps. Le vent est encore présent mais son degré d’intensité a diminué.

Pause déjeuner cheveux emmêlés tout de même, avant de redescendre jusqu’à St-Etienne-de-Baïgorry, où je passerai la soirée au camping municipal en compagnie de Julien et Philippe.

J34 – J35 / St-Etienne-de-Baigorry à Bidarray

Je suis restée un jour de plus à St-Etienne, pensant éviter l’orage sur les crêtes d’Iparla, qui n’aura jamais lieu. Finalement il pleut ce matin. Je finis par partir à 9h avec ma tente mouillée sur le dos. Le temps est exactement celui que je craignais pour faire les crêtes : humide et brumeux.

J’avance un peu à l’aveugle jusqu’au col d’Harrieta. Parfois la brume laisse place à de douces couleurs automnales. J’ai suivi le couple à cheval toute la matinée. Ce sont bien les cavaliers rencontrés 3 jours plus tôt sous un vent de fou. Dans leur avancé, ils se retrouvent en sens inverse par erreur. C’était peut-être pour les guider que j’ai pris une journée de pause… eux qui viennent tout droit du Canigou, lieu où j’avais décidé de quitter le chemin quelques années plus tôt.

Vers 12h, le temps semble se dégager et j’avance jusqu’au Pic d’Iparla pour ensuite descendre vers Bidarray, où je passerai une soirée sympa en compagnie d’Arthur et Félix, qui font aussi le GR10 mais cette fois-ci dans mon sens.

J36 / De Bidarray au col des 3 fontaines

Je pars tôt de Bidarray dans l’espoir de rejoindre Sare en fin de journée. J’avance vite, espérant peut-être rattraper Félix et Arthur, partis 40 min avant moi ce matin. Je rejoins le col des Veaux, puis celui des 3 croix, où je décide de manger.

Dans ma descente pour Ainhoa, je discute avec deux bordelais venus pour le week-end. De Ainhoa, j’arrive à Sare en plein mariage et me motive à continuer jusqu’au Col des 3 fontaines pour passer une belle dernière soirée. À 19h, je découvre mon spot de bivouac du soir, magnifiquement choisi par Arthur et Félix, qui m’auront convaincu malgré la fatigue de pousser jusque-là. C’est exactement là que je voulais passer ma dernière nuit sur le GR10 : face à l’océan. Tout y est : des vaches meuglant de jour comme de nuit, un feu réchauffant mon âme en perdition avec le bleu du large, un nouveau gâteau basque à partager et des randonneurs qui ne savent vraiment pas ce qu’ils m’offrent en cette douce soirée.

J37 / Du col des 3 fontaines à Hendaye

Je quitte le col vers 9h, un peu avant Félix et Arthur. Ils finissent pas me rattraper mais m’attendent patiemment au col d’Ibardin, col que j’ai envie de quitter au plus vite. Toute la société de consommation s’y est donné rendez-vous ! Je n’en reviens pas et clairement dégoutée, je finis quand même par me dégoter un sandwich et le gentil serveur espagnol me remplit ma bouteille d’eau. Les gars sont partis, alors je continue ma route pensant les retrouver le soir.

Il me tarde d’arriver à Hendaye. Il ne me tarde pas d’arriver à Hendaye.

Mes émotions me submergent. Je ne sais plus trop où donner de la tête… alors je marche. Je finis par manquer d’eau et profite d’un bonjour sympa pour en demander. Le monsieur m’invite à rentrer dans son garage pour remplir ma gourde et me félicite presque les larmes aux yeux pour le chemin parcouru. « Vous savez je marche à la journée, mais je serais bien incapable de faire ce que vous faites ». Le voyant en habits de courses, je lui rétorque que je suis incapable de courir et il me dit qu’il n’a fait que prendre sa voiture pour ensuite monter à la Rhune, ce matin même.

Cette rencontre me fait réaliser que j’y suis presque… Hendaye finit par m’accueillir. 2 femmes et un homme attendent que j’arrive à leur portée pour me demander avec un grand sourire si c’est mon dernier jour. « Nous partons nous-même demain sur le GR10 ! ». Les larmes montent et je me retrouve devant 3 inconnus à refouler des sanglots de fierté et de tristesse, ravalant un « oui » à moitié prononcé. « Tu vas voir, tu as encore un peu de chemin, mais celui-ci est plutôt sympa ». Je les quitte pour rejoindre la Bidassoa qui me mènera jusqu’à l’océan. Les gens se promènent en cette fin de week-end, et j’avance tristement jusqu’à la fin du GR10.

La fin d’une aventure : celle de la traversée des Pyrénées sur le GR10

Puis rien. Il n’y a pas de foule escomptée pour m’encourager dans ces derniers pas. Pas de copain. Pas de famille. Pas d’amis. Pas d’épaule sur laquelle pleurer, ni de panneau devant lequel prendre un selfie et l’envoyer au monde entier. J’avais envisagé cette fin de la façon suivante : une plage déserte, moi courant vers l’océan, laissant mon sac derrière moi sur le sable, puis mes chaussures puis mes habits, plongeant délicieusement dans mon plus simple appareil, me délectant de l’eau salé sur mon corps meurtri par les kilomètres.

Rien ne se passa comme je l’avais imaginé. Je pris une glace puis avançais le plus doucement possible vers l’océan. Il était 17h mais la plage me semblait encore bondée. Je m’asseyais sur un rebord bétonné, avalant cette fin comme j’engloutissais la glace sucrée que j’avais emporté. Je me sentais seule et vide. Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir faire maintenant que j’étais arrivée au bout de cette aventure ? Qui allait pouvoir me guider si ce n’était les balises rouge et blanche de ce célèbre GR10 qui avait bercé mes rêves pendant quelques années ? Ne devrais-je pas repartir dans l’autre sens pour aller prendre une photo à Banyuls et prolonger cet état de béatitude que nous offre la marche et les montagnes, malgré les coups durs, les chevilles abimées, les doigts cornés par nos bâtons de marche ?

Je décidais alors de troquer mes chaussures de randonnée pour un instant bref les pieds dans l’océan, avant d’entamer les 45 autres minutes de marche qui me ramènerait vers mon hôte du soir. Je m’éloignais doucement de la petite bière tant espérée avec mes camarades de ces derniers jours, pour passer la soirée à échanger avec un couchsurfer, prolongeant peut-être encore un instant ces souvenirs de voyages lointains que le GR10 me susurrait doucement lorsque tout allait bien.

Le GR10, finalement c’est quoi ?

Alors le GR10, finalement qu’est-ce que c’est à part un simple chemin de randonnée ?!

Pour tout vous avouer, je ne savais pas vraiment par quel bout le prendre cet article. Aurais-je dû vous partager mes étapes au jour le jour ? La sensation de mes pieds sur le bitume et les routes mal dessinées pour les randonneurs ? Le bonheur de gravir une raide montée pour s’offrir une vue sur la beauté des sommets ? La fierté de traverser les Pyrénées d’Est en Ouest, délaissant mes lunettes de soleil pour profiter du souffle venté sur mon visage ? Qu’aurais-je dû vous raconter ?

Mes peurs ? Celle de marcher sous l’orage, celle de manquer d’eau, celle de ne me blesser, de ne pas y arriver ? Ou ma rencontre avec des milliers de vaches, de brebis, quelques serpents, des nuages sous toutes leurs formes ? Le bruit de la pluie qui arrive ? L’odeur de sa trace lorsqu’elle s’efface pour laisser place à un doux soleil réconfortant ? La dureté des fougères cramées, cisaillant mes jambes non couvertes ? Ou bien… ces rencontres fortuites qui arrivent toujours quand on s’y attend le moins mais qu’on en a le plus grand besoin ? La richesse des discussions partagées avec de parfaits inconnus, qui se retrouvent finalement avec le même but : celui de marcher, d’avancer pour peut-être mieux se trouver ou essayer de comprendre pourquoi on en arrive là… à parcourir 922 km, agrémentés de 55 000 mètres de dénivelé positifs et négatifs.

Le GR10, ce n’est pas de savoir qui a le sac le plus léger, le nombre de kilomètres par jour avalé. Le GR10, c’est faire confiance, se laisser guider par un chemin tout tracé mais que l’on appréhende jamais vraiment sans l’avoir parcouru. Le GR10, c’est tout ça à la fois… et qu’est-ce qu’il est dur de le laisser derrière soi, une fois que la traversée des Pyrénées se finit. Heureusement il n’offre qu’une introduction à ce que les Pyrénées ont à nous offrir.

Pour préparer son GR10, je vous conseille le site de l’association, qui gère la cabane de Clarans : http://www.gr10.fr

Yukon, sur les traces de Jack London

Le Yukon était, pour moi, un rêve d’enfant. C’est Jack London et l’adaptation de son livre Croc-Blanc par Disney, qui m’ont mise sur sa route. Haute comme trois pommes, je rêvais déjà de grands espaces, d’une cabane en bois au bord de la rivière, parcourant les étendues blanches et sauvages avec mes chiens de traîneaux. J’ai envié « l’enfant des neiges » de Nicolas Vanier, dont la fille vivait mon rêve éveillée, de Prince George à Dawson.
Depuis, les chiens de traîneaux ne m’enchantent plus. Mais la petite Lucie, elle, a fini par me tirer par la manche de mon uniforme vert kaki. Je l’ai prise par la main et on est parties.

Sur les routes du Yukon

De Calgary à Whitehorse

Ici les pare-brises me rappellent ceux de mon enfance. Les insectes s’y écrasent incessamment, obstruant la vue. Ça n’arrive plus en France. Je dépose mon téléphone pour admirer les détails flous à travers les vitres.

Le soleil doré joue avec les ombres et parsème les arbres d’une orée scintillante. J’aimerais pouvoir arrêter la voiture pour prendre mille photos et capturer ces moments,où les heures de route finissent par valoir la peine. Il est déjà tard. 19h15. Encore quatre heures de route jusqu’à Whitehorse et des heures de sommeil à rattraper depuis Calgary.

De Carmacks, Ross River à Faro

Ces derniers jours n’ont pas été des plus joyeux. La conversation peine à naître. Les tentatives d’histoires, que je sors comme un tour de magie, tombent à plat. Les kilomètres s’avalent suite à la perte tragique de Juneau, le chien de mon hôte, une nuit à 2h30. Je ne m’étendrai pas sur le sujet, mais mon rêve de petite fille s’est vu entaché lorsque mon regard a croisé les yeux bleus de cet husky blanc, figés par la peur face à la mort.
La montée jusqu’au Yukon n’a pas l’âme d’une ruée vers l’or, sauf peut-être lorsque je m’attarde sur ces golden hours de début d’automne.

Le silence a encore pris toute la place aujourd’hui. Quelques sujets lancés. Des faux pas politiques. Il faut, apparemment, ne pas vivre dans le passé. Mais que faire de ces années d’histoire où certains ont été oubliés ?
Je me concentre sur le paysage, impassible face aux larmes de celui qui me conduit. Que dire à un vieil homme qui vient de perdre son meilleur ami ?

La route continue et j’ingurgite le sandwich le moins transformé. Heureusement que j’ai embarqué avec moi quelques fruits. Mon visage bourgeonne déjà. Après trois jours à rouler depuis l’Alberta, je n’ai pas su dire non. La tournée est longue. Partis à 7h30 ce n’est que vers 23h que nous rentrons. Il en faut des kilomètres, pour livrer les communautés de Carmarcks, Ross River et Faro.

De Tagish à Carcross

Mon camp de base se pose enfin à Tagish. J’ai envie d’hiberner au cœur de cette cabane rustique. Le mur est tapissé de souvenirs manuscrits, de photos, de cartes postales. La vie a prise place autour du poêle, sur ces lits vêtus d’un sac de couchage. C’est un peu le bazar sur la table, alors, à chaque fois qu’il faut poser une assiette, je pousse un peu plus sans jamais ranger, car le lendemain promet une nouvelle couche.

Les jours à Tagish ont fini par défiler. Les va-et-vient entre Whitehorse et Carcross nous ont offert des haltes adéquates. L’arrivée salvatrice d’une Allemande de 18 ans m’a fait déposer les armes, après avoir porté sur mes épaules la tristesse d’un hôte face à son deuil. Je décide de poser mon fardeau au cœur du Miles Canyon que nous découvrons. J’aimerais arrêter de me sentir responsable des émotions des autres.

Puis une mexicaine nous rejoint. On s’arrête enfin devant le lac Émeraude, qui subjugue à chaque fois que nous empruntons la route menant à Whitehorse. Rien à voir avec celui qui trône au milieu du parc national de Yoho. Ici, les paysages s’harmonisent comme dans ce Disney de 1992. C’est d’ailleurs en haut des dunes du désert de Carcross, que nous contemplerons le mieux ces beautés d’un autre monde.

Kluane, parc national du Yukon

De Haines Junction à Soldier’s Summit

Ça y est ! C’est l’heure de notre premier road trip ! J’ai hâte de découvrir ce territoire qui m’a bercée d’illusions depuis si longtemps, hâte d’en fouler les sentiers, hâte de m’y plonger intensément.
Mon hôte ne randonne plus. La Mexicaine profite de sa première balade menant au Soldier’s Summit, à deux pas du centre d’information Thechàl Dhàl’, fermé à cette époque de l’année.

J’absorbe les vues que la route veut bien m’offrir. Je n’atteindrai pas Observation Mountain, cette fois, qui nécessite 19 km de marche et je me répète inlassablement : « je reviendrais », comme une promesse à ma part d’adulte. Aurai-je l’occasion de fouler à nouveau ces contrées ?
J’ai choisi de faire du HelpX par praticité et parce que, parfois, j’ai moi aussi envie de me laisser guider.

Alors je lâche prise. Je me sais déjà chanceuse d’être ici, sur ces terres lointaines fantasmées petite… Effleurer le parc de Kluane sans pouvoir s’immiscer dans ses entrailles : c’est ok… puisque les couleurs automnales se sont invités.

De Katleen Lake à Haines Junction

Après une nuit sous tente, Kings Throne veille, caché sous les nuages. J’aperçois le chemin qui mène à son sommet depuis le lac Katleen. Les couleurs ne se capturent pas. Il faut les saisir d’un simple regard.

La route continue le long du parc. S. s’arrête et nous profitons d’une éclaircie pour se dégourdir les jambes sur le sentier du Glacier Rocheux. Je n’imaginais pas un instant qu’un glacier pouvait officiellement être fait de roches. J’hume les senteurs automnales qui émergent lorsque la terre est mouillée. Les roches dégoulinent de la montagne et, pourtant, nous marchons sur une voie élaborée. La pluie nous rejoint.

On reprend la route trempée jusqu’à la cascade aux millions de dollars. Le bitume se poursuit mais la vue est bloquée par les nuages de pluie. S. décide de faire demi-tour pour rejoindre Haines. Nous nous endormons bercées par les trombes d’eau pour ouvrir les yeux, éblouis par le soleil.

Le sentier Auriol nous accompagne pour 1h ou 2h, histoire d’avoir une vue sur la ville derrière les arbres. Notre exploration du parc national de Kluane s’arrête là, mais j’ai déjà noté mes prochaines étapes.

Sur les traces de la ruée vers l’or

S’il y avait bien quelque chose que j’avais effacé de ma mémoire derrière l’adaptation de Croc-Blanc, c’était l’histoire de la ruée vers l’or. Quelle ne me fut ma surprise de redécouvrir le Yukon sous cet angle. Afin d’en apprendre un peu plus, nous avons traversé la frontière…

Une journée à Skagway

S. décide de passer la journée à Skagway. Je suis exténuée. La route qui y mène est belle. La lumière du matin invite à l’aventure, mais je grelotte sur mon siège passager. Le poste-frontière surgit au milieu des montagnes. S. semble connu comme le loup blanc. On atteint la ville en fin de matinée juste à temps pour un déjeuner au Red Onion Saloon. Construit en 1897, au tout début de la ruée vers l’or du Klondike, cette institution abreuvait les chercheurs d’or et bien plus encore. Nous montons à l’étage, où l’on nous remet un porte-jarretelles en guise de bienvenue.

Les dessous d’une institution

Nous découvrons la vie des filles de joie. Chaque prostituée avait une poupée en porcelaine à son effigie. Comme le turn-over y était important, la chevelure et la couleur des yeux étaient interchangeables. C’est au bar qu’on pouvait les voir : si la poupée était couchée, il fallait en choisir une autre ou attendre son tour (de 15 min). Réparties dans 10 petites chambres à l’étage, les femmes y gagnaient bien leur vie. Et l’or… apportait son influence. Elles furent d’ailleurs parmi les premières à obtenir le droit de vote aux États-Unis dès la fin du 19ème siècle. Aujourd’hui le Red Onion Saloon trône encore fièrement sur Broadway, entouré de boutiques de souvenirs où déambulent les croisiéristes du monde entier.

Skagway fut l’une des portes d’entrée de la ruée vers l’or. Fallait-il encore franchir le White Pass Trail avec près d’une tonne de vivres sur le dos, tout en déjouant les tours de Soapy Smith, célèbre escroc de l’époque. L’autre option, via Dyea, consistait à gravir le Chilkoot Pass, avec l’espoir pour seule boussole. La construction de la voie ferrée entre 1898 et 1900, reliant Whitehorse à Skagway, amena les aventuriers à délaisser la première option.

Mais la route est longue jusqu’à Dawson City…

Dawson City, ville fantôme ?

Les arbres virent au doré. Les matinées se font plus fraiches. Je reste suspendue à mon appareil photo, peut-être parce que mes yeux se ferment souvent sous la fatigue. La route s’étire aujourd’hui. Le silence de mon hôte ne me gène plus. Je me suis accoutumée au rythme de croisière et au rock qui embaume notre van blanc. De la mythique Alaska Highway, nous empruntons la Klondike Highway.

Dawson City a été fondée en 1896, suite à la découverte d’or à Bonanza Creek. Beaucoup y sont venus pour les pépites mais la majorité y a découvert une soif pour l’aventure. Jack London y a trouvé la matière brute de ses récits. Les conditions extrêmes et les températures hivernales ont forgé une capitale vibrante, qui accueillait en 1898 plus de 30 000 habitants. Les bars, cabarets et théâtres y ont fleuri. Et c’est au cœur du Diamond Tooth Gerties que nous nous savourons, ce soir, un spectacle en trois actes, digne du célèbre Moulin Rouge.

Aujourd’hui, la rivière Klondike est exploitée par de grandes compagnies qui pillent ses rives. Pour nous elle ne regorge d’or, non pas à cause de ses pépites. Les arbres qui s’y reflètent ont revêtu leur parure dorée. Des montagnes de quartz s’agglutinent sur les berges, déformant le paysage naturel lorsque l’on rejoint le Dredge No 4. Des petits perchoirs à oiseaux parsèment les bords de route, offrant un semblant d’équilibre fragile.

C’est la fin de la saison. Depuis 1900 et la fin de la ruée vers l’or, Dawson City revêt chaque hiver une apparence de ville fantôme. Seules les façades en bois racontent encore son histoire, parfois déformées par le permafrost et les affres du temps.

Tombstone, l’or du Yukon

Notre périple s’achève à Tombstone. La météo se contente de brume et de pluie. Les couleurs sombres d’une fin d’automne émergent sous les nuages et j’espère pour le lendemain une éclaircie.

Les sommets sont saupoudrés de neige. L’hiver arrive plus tôt dans le Grand Nord. J’enfile mon bonnet pour parcourir les plaines, espérant capturer le jaune et orange vibrant. Le soleil refuse d’être de la partie. Et sur cet échiquier géant, Dame Nature contre mes cavaliers ardents. Je dois repartir pour huit heures de route, sans avoir posé les pieds sur ces chemins de randonnées, qui murmuraient à l’oreille de la petite Lucie :

« Viens t’aventurer ici. »


Ce n’est pas l’or que je suis venue chercher au Yukon. C’est la réalisation d’un rêve qui ne m’a jamais lâchée. Tenace, un peu comme cet homme vivant dans sa cabane sans eau ni électricité. J’exagère… son générateur et ses panneaux solaires comblent les manques et l’eau se puise, non pas au puits, mais chez les pompiers d’à côté. Malgré les bruits de souris et les pleurs solitaires la nuit, la générosité de mon hôte a marqué ces trois semaines au Yukon. Avant mon départ, il venait d’adopter un nouveau compagnon… peut-être pour combler la solitude qui s’abat lorsque les volontaires ne sont plus là.

Au-delà des paysages, j’y ai surtout trouvé une communauté bienveillante et soudée, une bouffée d’air frais et une envie de ne plus jamais quitter ces contrées. C’est peut-être la première fois que tout me paraît fluide depuis mon arrivée au Canada. Il suffit peut-être de suivre ses rêves pour retrouver les chemins de la liberté.

Elle s’appelait Colombia

Il y a des destinations qu’on n’avait pas prévu. Celles dont l’idée se glisse quand un ami rentre chez lui sur le même continent. L’hiver à Montréal qui se fait un peu trop long. Une date butoire de déménagement. Comme je n’ai jamais su faire les choses à moitié, j’y suis allée pour un sourire. Je crois qu’avec ma vie, on pourrait en écrire des livres.

Bogotà, introduction à la Colombie

Baragouinage

Mes billets sont pris. Un coup de tête. C’est comme ça qu’on appelle les décisions de dernière minute qui se prennent 3 jours avant le départ. Quelques textos échangés… la Colombie va-t-elle tenir ses promesses ?

Mon envol prend une heure de retard. Peut-être qu’il vaudrait mieux que je reste. Je n’ai officiellement plus d’appart. Va-t-on partir ? Les questions se bousculent dans ma tête, avec la certitude que quoi qu’il arrive je rebondirais sur mes pattes telle une déesse féline à poil noir. Les messages grésillant dans les hauts-parleurs me semblent incompréhensibles. Je n’ai pas pratiqué mon espagnol depuis les bancs du lycée. Je regarde les passagers interloqués : ce n’est pas mon niveau rouillé. On roule. Les ailes se déploient. Je me dis que j’aurais du rester à Montréal.

Après une nuit sans sommeil, je découvre Bogotà sous les nuages. Ce n’était pas prévu dans mon plan initial. Finalement ça tombe bien ! À peine arrivée, j’ai une visio qui m’attend. Sur les conseils de mon hôte, je prends un Uber à quelques pas de l’aéroport. Difficile de se retrouver dans les méandres des sorties. Avec un peu de patience, j’arrive au nord de Chapinero.

Je baragouine mes premiers mots au portier. Puis, il ouvre la porte.
Il est l’heure de faire une sieste et de me préparer : l’ambassade de France de Vancouver m’attend.

L’entretien passé, je respire. Un peu…
Je suis toujours chez ce grand brun aux yeux pas bleus.

Temps maussade

La pluie se déverse dans les rues de Bogotà. Pourtant je suis encore sur mon petit nuage.

Après une matinée au ralenti, j’ai pris la route de Monserrate. « Ne monte pas à pied », m’a-t-il dit. Pourquoi l’avoir écouté ? Soit-dit en pensant j’ai aussi pris le téléphérique à la descente de peur de glisser sur les pavés mouillés. La cage vitrée s’élève rapidement. Bogota s’étend sous mes yeux, bordé de montagnes verdoyantes, à 3 152 mètres d’altitude. Au sommet, je m’abrite au cœur de la basilique, construite en 1925, le temps de laisser passer l’averse. Les couleurs changent et les nuages accentuent l’horizon. Je déambule rapidement à travers les boutiques de souvenirs, à l’image d’un Lourdes religieux. J’ai hâte, hâte d’explorer le centre.

De là où m’a laissé le taxi, je continue à pied. L’envie de déambuler au hasard. J. m’a dit de faire attention. Je n’ai pas les codes. Alors j’écoute les conseils de l’habitant du coin. Mon instinct, lui, pense qu’il exagère.

De Monserrate, je passe près de l’université et je me retrouve à suivre des petits chemins de parcs en parcs. Le soleil est de la partie, éclairant gaiement les grafittis. Les nuages grossissent, alors je m’arrête au musée del Oro, réputé pour être magnifique. Puis de la place Bolivar, je tire au sud jusqu’au musée Santa Clara.

Coup de cœur pour Botero

La veille, j’avais pris l’après-midi pour humer l’air de la capitale colombienne. Sans pression, je m’étais avancé vers le musée Botero, gratuit, sans savoir ce qui m’y attendait. Je ne connaissais pas cet artiste colombien à la fois peintre et sculpteur. Né en 1932, Fernando Botero s’inspire de l’art précolombien et populaire qu’en 1957, après s’être cherché pendant ses études et ses séjours en Europe. Sa Nature Morte à la mandoline marque un tournant dans son style affirmant des formes rondes et décuplées, qui le rendra célèbre. C’est cela qui m’a particulièrement touché chez l’artiste. On se retrouve devant un chat bien plus gros que d’ordinaire, des personnages aux expressions stoïques mais grassouillets, une Joconde plus ronde que l’originale. Pas d’appel à la grossophobie, mais à une mise en perspective différente. Un moment plein de bonne humeur, suivi par le déluge ralentissant l’arrivée de mon taxi retour.

Je ne savais pas encore que je passerais mes soirées en solitaire et partirais frustrée de Bogota. Pas un brin de salsa au Galeria Café Libro recommandé par mon chauffeur du jour, ni de marche dans le quartier Quinta Camacho. Pas de dimanche à bruncher au cœur d’Usaquen que l’on devait rejoindre à vélo, les grandes artères étant fermées aux voitures chaque fin de semaine. C’est finalement à travers les fenêtres de mon taxi que je verrais les bogotanais profiter de ces moments en famille, pour ralentir, prendre possession de la ville et se créer des souvenirs.

Au nord, sous un ciel de caraïbes

Mon arrivée à Carthagène se fait en douceur, quoi que la ville a revêtu ses teintes tropicales. De 14 à 35 degrés, le coup de barre a sonné. J. vient me chercher à l’aéroport… peut-être pour se rattraper des derniers jours. Il m’emmène au cœur de Bocagrande où je suis censée passer la semaine. On est loin du charme de la ville portuaire que j’avais imaginé parmi les grands bâtiments élancés.

Je chille sous le ventilateur, assommé par la météo lourde de ce mois de juin. La mama débarque un jour plus tôt. Je venais à peine d’apprendre son arrivée. Je retarde la rencontre. Qui pourrait faire une bonne impression sans aligner deux mots d’espagnol ? Sauvée par le gong, le diner du soir au restaurant me laisse sans voix.

Découverte de Carthagène

Pour mon premier jour officiel dans la vibrante Carthagène, une visite guidée « gratuite » teintée d’humour comme je les aime, m’emmène à travers la vieille ville jusqu’au quartier de Gestemani. Il fait chaud aujourd’hui encore. Les couleurs ravivent mon cœur teinté d’illusions et j’erre de la Torre del Reloj, à la place de Bolivar avant de traverser le parc Centenario pour rejoindre la place de la Trinidad.

Grand port de l’empire colonial espagnol dès 1550, Carthagène est une étape privilégiée entre la métropole, le Mexique et le Pérou. C’est d’ailleurs de la ville que partent les conquistadors en quête de l’Eldorado… Véritable porte d’entrée des Andes et lieu stratégique, elle attise la convoitise anglaise et française. Dès 1586, les Espagnols profitent des défenses naturelles qu’offrent les nombreux chenaux de la baie pour édifier une enceinte autour du port. Classé depuis 1984 au patrimoine mondial de l’UNESCO, l’imposant Castillo San Felipe de Barajas rappelle inlassablement l’histoire de la ville, signant la défaite des anglais et la fin des ambitions britanniques en Amérique du Sud. Surnommée depuis l’Héroïque, Carthagène des Indes a été la première province à s’auto-déclarer indépendante de l’Espagne le 11 novembre 1811, ouvrant la voie à tout le continent.

Le soir, c’est le bord de mer qui m’accueille avant de rejoindre la mama pour un diner dans une pizzeria

Direction Santa Marta

J. doit participer à un congrès de 3 jours et m’annonce un week-end anniversaire à Bogota, où je ne suis pas conviée. Il est temps de prendre la route pour Santa Marta et jouir d’une certaine liberté.
Déposée au bus le matin, je sieste sur les cinq heures de route qui m’attendent. C’est sans compter sur mon voisin de siège, un américano-mexicain, qui a la conversation facile. On parle des heures de tout et de rien et je me retrouve à ré-apprécier le voyage, à lâcher prise sur mes derniers jours et à profiter des dernières heures du jour pour le suivre. À peine arrivés à Santa Marta, on grimpe dans un taxi pour Taganga.

On s’offre les meilleurs jus du monde. Mon compagnon de route barbote dans l’eau alors que le soleil se couche. Je suis sur mes gardes quant à ceux qui m’entourent. Deux américaines nous rejoignent et on passe la fin de journée sur la plage, face à ce petit village de bord de mer. Elles nous encouragent à prendre le bus local et des souvenirs joyeux de Côte d’Ivoire remontent à la surface. L’air qui s’engouffre par les fenêtres inexistantes permettent d’apprécier la température chaude de ce mois de Juin. À Santa Marta, on tarde à se retrouver pour le diner du soir… du poisson frais, des patacones (banane plantain)… Je dois les abandonner alors que la soirée défile. Mon réveil sonne tôt le lendemain.

Un trek pas comme les autres

Vous pensiez que j’étais seulement venue pour une belle rencontre ? Vigilante, je m’étais noté ce trek au cœur de la jungle colombienne. Peut-être une excuse… Une échappée en solitaire pour me préserver. Un joli pied-de-nez à celle que j’étais à mon arrivée. La preuve intangible que j’ai la tête sur les épaules et les pieds bien ancrés. Qui sait…

Parcourant des terres indigènes, cette randonnée de 3 à 4 jours est seulement accessible via des tours-opérateurs. Le prix est élevé. Il est temps de se lancer. L’agence choisie me donne rendez-vous dans son bureau à deux pas de mon auberge de jeunesse. J’y suis passée la veille pour tout régler. Et bien, ce matin, on n’est pas pressé. J’attends le départ, vu qu’ils organisent le transport jusqu’au parc. Les gens montent en cours de route pour nous laisser quelques minutes plus tard. À la fin nous ne sommes plus que 5 et le chauffeur.

Une bien belle aventure nous attend. Humide et pleine de piquant !

Minca et tourista

Après 4 jours de trek, on s’attendrait à ce que je me repose. Réveillé automatiquement à 6h (à croire que les sorties en nature me transforment toujours en lève-tôt), je me dis qu’il serait dommage de trainer dans un hamac toute la journée. Me voilà dans le bus local pour Minca. Une heure de trajet plus tard, à la vue de la météo, je tente de rejoindre la cascade Oido del mundo, malgré les gros nuages foncés au loin. Ce n’est pas une petite pluie qui va atteindre ma motivation aujourd’hui, même avec l’ensemble de mes affaires sur le dos. À croire que les 60 km avalés ces derniers jours n’ont pas suffit à me faire appuyer sur pause.

Une cascade et une glace

À l’arrivée, je me surprends à tenir une conversation en espagnol avec ceux qui veulent me faire payer l’entrée. Apparemment ce n’est plus gratuit depuis le mois d’Avril. Ils ne lâchent pas le morceaux et je finis par sortir le porte-monnaie malgré mon incroyable adaptation soudaine. 5 min de descente pour rejoindre la belle cascade qui m’invite à la baignade. L’eau me nettoie de ma marche mais je ne reste pas très longtemps. Je dois encore rejoindre mon auberge avant la nuit que j’ai choisi en hauteur pour ses fabuleux coucher de soleil.

De retour au village, je tente une glace délicieuse avant de m’élancer sur la montée des marches. Arrivée en haut, la vue est belle et l’ambiance cosy à la Casa Loma. Je m’abandonne sous la douche froide, m’installant ensuite sur les sièges confortables. Le coucher de soleil ne viendra pas et mon burger vegan du soir a un goût à me faire vomir mes entrailles. Je me dis que c’est surement l’espèce de pavé au pois chiche qui sort de l’ordinaire… malheureusement le réveil et mon ventre gargouillant me donneront tord. Je suis ravie de quitter cette auberge où je n’ai fermé l’œil que très tard, bataillant avec une jeune anglaise pour la lumière et son sac. À mon réveil matinal, tout ce qui m’inquiète ce sont les 5h de bus qui m’attendent pour un retour à Carthagène, sans toilettes…

Détour à Carthagène

Je retrouve les buildings sans âme de Bocagrande et l’ambiance chill de la maisonnée. La sœur est partie me laissant sa chambre, J. bosse dans la sienne et la mama s’accommode de ses telenovas et ses heures de conversations au téléphone.

Je visite le château San Felipe de Barajas à la fraiche, me ramenant bizarrement au Ghana. Peut-être parce qu’il a été construit par quelques un des 600 000 esclaves d’Afrique, qui furent envoyés dans les plantations et les mines d’or et d’argent de cette région du nord. Du 16ème au 18ème siècle, Carthagène est une plaque tournante de la traite négrière. Si Palenque de San Basilio, à deux heures de route de là, attire aujourd’hui les touristes, c’est parce qu’il fut l’une des terres d’accueil des esclaves fugitifs et témoin en 1713 de la première communauté noire libre des Amériques.

Café et amitié

Je décide de longer la mer pour rentrer… au bord de la route principale, parfumée des pots d’échappement. Mes compagnons de la Ciudad Perdida sont dans les parages et on se retrouve pour un café bien corsé, heureux de sentir à nouveau bon. Ils m’avouent avoir enfermé leurs affaires de trek dans la valise qu’ils n’ouvriront plus jusqu’à leur retour en Suisse. De mon côté, j’ai tout passé à la machine… même mon sac. J. a dû s’accommoder de mes odeurs de chaussures, ce qui ne l’a pas empêché de m’accompagner sur mes deux dernières soirées carthagènoises. Pas de salsa, mais un roof top sympa avec une piña colada à tomber par terre, une autre ambiance dans un bar extérieur et une fin de soirée à la colombienne, en mode karaoké et enterrement de jeunes filles. Nos rires sont là… pas aussi fluides que nos premières fois.

La météo n’est pas au beau fixe depuis mon retour. Mon idée d’exploration des îles du Rosaire est littéralement tombé à l’eau. Au fond ce voyage en Colombie ne suit aucune logique, en dehors de vouloir passer du temps avec J. Me voilà donc, à nouveau, en route pour Santa Marta.

Retour à Santa Marta

Si je devais absolument finir mon voyage ici, c’est à cause du Parc national de Tayrona. Fermé deux semaines en juin (mais aussi en février et octobre) pour laisser souffler la nature et respecter les rituels spirituels des peuples autochtones, j’avais fait en sorte de me garder deux jours d’ouverture pour le découvrir.

Une rencontre couchsurfing me fait passer la nuit à l’auberge/hôtel de Bohemia Beach. L’hasard fait bien les choses et j’en profite pour ralentir. Le gérant, français, me dit confiant : « tu vas avoir la queue aux portes du parc et ce ne sera pas agréable ». Ce n’est pas le premier à ne pas me recommander Tayrona, affirmant qu’il y a bien d’autres merveilles naturelles à proximité sans aller payer ce parc naturel surpeuplé. Il me conseille néanmoins de me faire déposer à Calabazo pour rejoindre Cabo San Juan via l’ouest.

Fatiguée et peu prête à faire les 4-5h de marche recommandée avec mon sac de voyage, je pars en taxi-moto à l’aube pour arriver à l’ouverture, à l’entrée la plus connue : El Zaino. Quelques européens ont eu la même idée, mais ça semble moins pire qu’annoncé. La niaque absente, je décide de n’y passer que la journée. Je rejoins Arrecifes, tentant de doubler un maximum de touristes en tong, arrive à la Piscina et continue jusqu’à ma destination finale : Cabo San Juan. J’y aperçois le camping où la plupart des visiteurs y passent la nuit. Les hamacs sont entassés en rangs serrés et les tentes respectent leur emplacement au millimètre près.

Échappée belle à Tayrona

Terre sacrée pour les descendants direct des Taironas, je suis bien trop heureuse que le parc ferme régulièrement pour tenter de réparer ce que le tourisme de masse inflige. Depuis 2019, les zones de Chengue, Los Naranjos, Pueblito Chairama et la zone orientale de Bahia Conchas sont d’ailleurs totalement interdites aux visiteurs, afin de préserver les sites spirituels du grand public.

Dégoulinante de sueur, je plonge directement dans les eaux agitées de Cabo San Juan. À peine le temps d’enfiler mon short que la foule arrive… Je remets mon sac sur les épaules pour rebrousser chemin… en solitaire. Une pause s’impose du côté de la Piscina, où seulement quelques âmes ont eu envie de ralentir. Je me délecte de ma dernière limonade de coco et je tombe amoureuse une nouvelle fois de la Colombie.

Parc naturel national protégé depuis 1960, il abrite des espèces diverses et variées et j’ai la chance de me délecter des cris des singes hurleurs alors seule sur le chemin du retour vers El Zaïno. Un bus plus tard, me voilà à Santa Marta, parcourant ses rues animées et ses petits cafés où il fait bon se pauser.

Il y aurait tant à dire sur ce voyage en Colombie. Survolé, coloré, émotionnellement instable. Mais une seule envie : y revenir au plus vite !

La Ciudad Perdida : 4 jours de trek dans la jungle colombienne

La Ciudad Perdida m’avait été évoqué quelques semaines avant de partir sur mon voyage en Colombie. Un ami me parlait de ce trek mythique à la rencontre des populations locales, au cœur d’une jungle fournie au nord-est du pays. « Le Machu Picchu du coin » m’avait-il dit. Alors que je n’aime pas comparer les merveilles d’un lieu à l’autre, sa description avait éveillé ma curiosité. Après quelques recherches, j’avais signé pour 4 jours de randonnée au départ de Santa Marta.

Jour 1 : Premiers pas dans la Sierra Nevada de Santa Marta

Au départ de Santa Marta

J’émerge à 4h du matin alors que mon réveil sonne 3h plus tard… La joie des auberges de jeunesse ! Le jour s’est déjà levé sur Santa Marta lorsque mes yeux s’ouvrent pour la deuxième fois.
Petit-déjeuner. Chaleur matinale. Le yaourt servi sur le granola ne passe pas. L’appréhension ou la chaleur trop intense ? Une bouteille d’eau fraiche achetée et je me retrouve dans les bureaux de Wiwa Tours, attendant patiemment ceux qui seront mes compagnons de route.

Deux polonais débarquent. Vais-je tenir la chandelle de ce couple que je ne connais pas ? Nous partons pour 2h de route en direction de Palomina. Un peu d’attente sur l’autoroute, de nouveaux passagers, un bracelet rose autour du poignet et nous voilà, empruntant la route cabossée par les coulées aqueuses de la jungle. J’y retrouve une sensation de déjà-vu ivoirienne. Pourtant ici, tout le monde parle espagnol.

Première étape de la Ciudad Perdida

La première montée à 12h assomme. Mon corps sut à grosses gouttes et je pense alors que mes kilos engloutis lors de mon année au Canada vont fondre sur ces 4 jours. Mes peines de cœur y passeront peut-être aussi. Le terrain est facile. Moins, la chaleur qui assomme.
Heureusement à chaque pause, des boissons fraiches se disposent, la vue s’ouvre sur les reliefs contrastés par les aspérités météorologiques. Une pastèque se déguste avec plaisir et nos doigts se plongent dans un mélange de miel et cacao cru torréfié : un délice ! Petit coup de boost assuré avant de découvrir notre camp du soir, vers 15h, pour une douche froide, méritée.

Culture de la Sierra Nevada

Après le diner, agrémenté de poissons, pomedoro et riz, Carlos nous raconte que 4 peuples vivent sur le territoire de la Sierra Nevada : les Wiwas, les Arhuacos, les Kankuamos et les Kogis. Leurs positions géographiques dépendent du niveau de la mer, à l’image d’une pyramide dominé par les Kogis. Il suffirait de connaître la signification de leur nom pour savoir à quelle étage ils se trouvent.


Carlos, lui-même Wiwa, nous parle de son poporo qui lui a été attribué à son passage à l’âge adulte. Il n’y a pas vraiment d’âge précis, nous dit-il, cela dépendrait de chaque année/individu. En possession de son poporo, le jeune homme est prêt à se marier.

Plus tôt dans la journée, j’avais baragouiné quelques mots d’espagnol pour créer une connexion avec ce guide que je trouvais distant. Il était alors en train de mâcher des feuilles de coca, tout en tournant un bâtonnet autour d’une calebasse de couleur vert eau, jaune clair : son poporo.

En créant des mouvements circulaires avec le bois sacré, préalablement trempé dans une pâte blanche (venant de sédiments marins), il y dépose ses pensées. La calebasse finit par gonfler au contact du mélange de coca et de coquillages écrasés. Lorsque sa taille devient trop importante, on la laisse chez soi pour en emporter une autre, à l’image d’une méditation constante.

Je me sens mal d’avoir dérangé Carlos dans ce processus et décide de ne plus chercher ce lien qui ne viendra jamais. Vêtu de sa tenue blanche (représentant la pureté), il nous conte que ses cheveux longs sont associés aux rivières, tandis que sa langue maternelle feraient écho aux grondements du tonnerre.

Jour 2 : Au cœur de la jungle

Pas à pas au chant des cigales

Le jour se lève et le réveil n’a pas le temps de sonner. La lumière passe du orange au vert bleuté. Le petit-déjeuner s’avale rapidement et nous prenons la route à 6h.
Hier, la pluie a rendu le terrain glissant. Il va falloir s’accoutumer des pieds dans la boue. Le chemin a rétréci parmi la jungle enjouée. Le chant des cigales stridant nous accompagne tandis que nous jonglons avec les roches mouillées. Ça monte doucement puis ça redescend à mon plus grand malheur : il va falloir que je trouve un bâton.

Après 2h30 de marche, l’orée d’une pastèque fraichement coupée nous appelle avant de laisser les moustiques nous dévorer. Vite ! Nos jambes se précipitent dans la boue pour finalement se délecter de la fraicheur de la rivière, posée là telle une piscine naturelle. Nous rejoignons le campement pour le déjeuner.

Repus, nous arpentons le chemin qui s’élance dans la forêt. Les pieds zigzaguent à travers les cailloux. Ça monte, ça descend rapidement. La chaleur ralentit nos corps fatigués. Il nous reste la grosse montée. Les premiers mètres se font avec facilité. On laisse le guide à la traine, puis la cadence s’inverse. Tout à coup mon énergie se fait aspirer par l’humidité tropicale et les coups d’huile essentielle de menthe poivrée ne suffisent plus à me requinquer. Le rythme ralentit et la chanson de Curawaka (« Pacha Mama ») s’immisce délicatement dans ma tête, me donnant le dernier souffle avant l’orage.

Pas à pas sous une pluie tropicale

Un brin d’ananas dans l’une des atiendas locales et je couvre mon sac d’une poche poubelle d’un noir profond. Il nous faut affronter la pluie jusqu’au prochain camp. Je suis prête mentalement à me retrouver tremper. Ce n’est pas comme si chaque centimètre de mes vêtements étaient déjà teintés d’humidité. Nous avançons au couvert des arbres. Les gouttes passent parfois à travers le feuillage mais sont moins transperçantes qu’espérer. Le sol argileux s’épanche en légère coulée et je suis bien contente d’avoir demandé au guide un bâton pour ne pas glisser.

Tout le monde est parti devant. Carlos et les deux compagnons de route. Carlos l’interprète, lui, reste en retrait pour me laisser le temps d’adapter mes pas à la terre lisse et mouillée. Finalement, le camp se dévoile, caché au bord de la rivière. Nous sommes tous ravis d’engloutir notre diner, après notre douche quotidienne, cette fois-ci gelée.

Jour 3 : la Cité Perdue à perte de vue

Des marches par centaines

Le réveil est difficile ce matin. Quelqu’un a joué avec la lumière blanche de sa lampe torche. La nuit fut mouvementée et courte. Le départ à 6h se fait à reculons et pourtant c’est le grand jour !

Nous nous glissons sur la plage pour rejoindre le sentier étroit. La lumière matinale éclaire le vert croquant des arbres. Les marches commencent à se poser ça et là. Je sais qu’il va falloir en grimper 1200. Vue la taille des pierres, je ne sais pas si le compte est bon.
Se présentent enfin celles que l’on voit sur les photos. Je pose un pied instable, puis l’autre avec l’impression de marcher comme un hobbit avec le bâton de Gandalf : des pieds trop grands pour la petitesse des marches qui semblent glisser plus intensément au fur et à mesure de mon avancée.

Après 2-3 grosses montées, nous arrivons au pied de la Cité Perdue, aussi surnommée ‘l’Enfer Vert ». Nous ne tardons pas à comprendre pourquoi, entourés d’un nuage de moustiques affamés. Difficile alors de se concentrer sur les explications du guide.

Découverte de la Ciudad Perdida

Nous grimpons au fur et à mesure libre d’errer dans la Ciudad Perdida. Nous découvrons les pierres qui ont servi de carte dans le passé, ainsi que les espaces où se dressaient autrefois les lieux accueillant les cérémonies : un pour les femmes, un pour les hommes. Les cartes ressemblent à de gros menhirs plats, dressés à la verticale et incrustés de symboles.

La Cité Perdue aurait été construite par les Tayronas en 800 après J.-C., dont les Indiens de la Sierra Nevada seraient les descendants. Abandonnée pendant la colonisation espagnole, elle aurait été « redécouverte » par les pilleurs de tombe (« guaqueros ») dans les années 1970.

Cachée dans la jungle pendant une centaine d’années, elle était connue des populations locales. Nous rencontrons d’ailleurs le Mamo qui nous attache un bracelet blanc orné de perles autour du poignet, afin de guérir les maux que les plantes ne soignent pas (à l’image de la tristesse par exemple). Il est le chef des Kogis qui ont repris domicile au cœur de la Ciudad Perdida. Carlos nous explique que les leaders spirituels masculins représentent le soleil tandis que les figures féminines, appelées Saga, font référence à la lune.

Après cette rencontre, nous descendons au cœur de la 3ème partie de la cité, où un canal irriguait les habitations jusqu’à la rivière. Les marches de l’aller se retrouvent et nous regagnons le camp de la veille pour déjeuner. L’après-midi consiste à rebrousser chemin, descendant sur le sol orangé, espérant échapper à l’orage qui grogne au loin. Par chance, ce n’est que 3h plus tard que la pluie tombe, alors que je pose les pieds sur le sol bétonné du camp.

Une douche, un lit sélectionné et j’attends patiemment l’heure de manger, pestant intérieurement contre cette touriste qui fume sur le banc d’à côté. La nuit fut chaude, assommée par l’humidité ambiante.

Jour 4 : Dernier jour de trek au cœur de la Sierra Nevada de Santa Marta

Le jour se lève et il faut revêtir une dernière fois ces vêtements qui ne sèchent plus. L’odeur est devenue une habitude. La marche, elle, nous demande un peu plus de motivation. Les muscles fatigués s’étirent à chaque foulée. On continue à rebrousser chemin, pourtant ma tête a déjà tout oublié : le terrain glissant, les montées, les descentes. L’avantage ? Redécouvrir le parcours comme une première fois.

Je ne sais donc pas combien de kilomètres il nous reste à parcourir avant d’arriver au village. Carlos troque des feuilles de coca à chaque rencontre. Les appareils photos sont cachés lorsque nous traversons les villages des Kogis et je continue à m’émerveiller de pouvoir les croiser sur leurs terres, eux qui portent un lien sacré avec la nature, tant oublié par notre monde occidentalisé. Lorsque je découvre ces trois hommes, vêtus de blanc, assis sur des chaises en plastique en train de regarder Roland Garros à la télé, au milieu de la jungle colombienne, mes idéaux de touriste s’effondrent. Je ne sais pas si je dois en rire ou en pleurer.

Les montées nous prennent au mental tandis que les descentes fragilisent nos cuisses déjà bien échauffées. Surpris de l’ascension du premier jour, on avance étonnés de « tienditas » en « tienditas » jusqu’à retrouver le premier camp pour un snack express. Je profite d’une micro-sieste sur un banc. Moi qui pensait que ce trek de 4 jours serait « facile », le comparant avec ma traversée des Pyrénées, c’était sans compter sur la fatigue que procure ce climat loin d’être tempéré.

12h30, c’est le graal ! Il faut affronter le soleil que la forêt cachait jusque-là. Les forces me manquent pour écrire ces lignes… Le village est atteint. Nos papilles s’émerveillent du poisson et de notre premier riz de coco, avant de faire état de nos piqures. Alexandra a gagné une infection. Mes jambes sont couvertes sur chaque centimètres et nous montons dans la Jeep, bien décidés à passer par une pharmacie à notre retour sur Santa Mata.

10 activités pour apprécier l’hiver à Montréal, à petit prix

Vous cherchez des idées d’activités pour survivre à l’hiver dans la ville de Montréal ? Ça tombe bien, j’en ai quelques unes pour vous ! Vous verrez, passer les mois les plus froids au Québec a toujours quelques choses de magique. Malgré, les chaussures tachées, les portes des métros lourdes à pousser, Montréal est pleine de charme quand s’en viennent les premières neiges ! L’hiver ici est une invitation à ralentir, à prendre soin de soi et à trouver des petits plaisirs hors de chez soi. Bon hivernage !

1. Patiner au parc Jean-Drapeau

Depuis l’Exposition universelle de 1967 et les Jeux Olympiques de 1976, le parc Jean-Drapeau à cheval sur le fleuve Saint-Laurent en a vu passer des évènements ! L’été, Piknic Electronic, Grand Prix de Formule 1, festival Osheaga agrémentent l’espace naturel du parc bercé par les eaux. Je garde un souvenir ému des sensations fortes de La Ronde, un parc d’attraction, partagées avec mes colocataires et de la visite de la Biosphère, décorant les cartes postales de la ville.

En hiver, les activités ne manquent pas à Montréal. En pleine semaine, on a même la patinoire pour nous tous seuls ! Munissez-vous de vos patins et profitez d’un espace bien entretenu pour vous exercer à la glisse. Sensations garanties et accès gratuit !

2. Skier le long du fleuve à Verdun

Lorsque j’ai emménagé dans le quartier de Verdun, on m’a parlé de sa plage et de ses chemins longeant le fleuve. On m’a même raconté que l’hiver, les gens sortaient leurs skis de fond pour profiter de la piste cyclable reconverti pour l’occasion. Au total, 21,3 km sur le sentier la Riveraine !

Je suis personnellement partie du chalet Arthur-Terrien, qui prêtent des skis de fond gratuitement le week-end (cette information date de 2025, n’hésitez pas à vérifier que c’est toujours d’actualité) ! La piste était sportive après les deux tempêtes de neige de mi-février, mais quel plaisir de découvrir un sport qui procure les plaisirs de la glisse, sans la peur des pentes raides.

3. Faire du co-working dans l’un des cafés de la ville

Depuis ma traversée des Pyrénées, j’ai commencé à écrire un livre. Le premier jet fut rapide, mais la période de réécriture a pris plus de temps que prévu. Travailler de chez soi n’est pas toujours une option pour moi alors je profite de l’ambiance chaleureuse des cafés de Montréal.

Matcha late, chai, mocha… les graines venues de Colombie, de Côte d’Ivoire ou autres pays tropicaux se conjuguent aux muffins, chocolatines (car oui les québécois ont tout compris !) et croissants aux amandes. Tous les cafés n’acceptent pas les ordinateurs mais en semaine, il est plutôt rare de ne pas pouvoir le sortir. Casque sur l’oreille, ce n’est pas toujours le lieu pour sociabiliser. Cela reste motivant d’être entouré d’autres travailleurs, avec musique de fond.

The Crew Collective est peut-être le lieu le plus impressionnant pour bosser et offre des lieux de conférences fermés à celles et ceux qui auraient besoin de calme. Pour ma part, je me rends dans les cafés du coin avec un petit coup de cœur pour Lili & Oli et Café Jardin.

4. Rester chez soi et regarder la neige tomber

Quand il neige, par contre, j’aime rester chez moi et regarder la neige tomber. C’est l’une des activités gratuites l’hiver à Montréal qui redore mon âme d’enfant. Je travaille sous un plaid, lis un bouquin ou décide simplement de ne rien faire pour me laisser happer par une douce mélancolie d’antan.

La magie des hivers à Montréal, c’est cette neige qui tombe encore quand les températures approchent les zéros degrés. Regarder les flocons m’apaise automatiquement et je me surprends à aimer appuyer sur pause pour laisser infuser le moment présent. C’est sûr qu’avec le changement climatique, les journées de pluie deviennent de plus en plus nombreuses. Mais je me laisse toujours surprendre par ces jours comme suspendus dans le temps.

5. Refaire le monde et peindre sur céramique

Qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente, se retrouver entre amies dans un café céramique invite tout un chacun à refaire le monde. On choisit son objet décoratif du jour et assis à sa table, on est libre d’opter les couleurs qui nous inspirent.

Pour ma part, j’ai choisi un porte encens aux allures de paresseux. Je n’ai pas peint depuis l’école et pourtant j’aime me prendre au jeu. Accompagnée par une boisson chaude et une amie rencontrée en Australie, nous refaisons le monde tout en prenant plaisir à la délicatesse de nos coups de pinceaux. Elle s’en va à la fin de la semaine et le lieu lui permet d’obtenir une cuisson rapide pour récupérer sa céramique. La mienne sera prête quelques jours plus tard.

6. Randonner au cœur du Mont-Royal

Dès que je suis arrivée à Montréal, j’ai grimpé les marches menant au belvédère du Mont-Royal. Prendre de la hauteur sur la ville m’a permis de faire le point sur les 17 ans qui séparaient mes deux visites. Le coin est rempli de touristes, et pourtant je trouve un coin tranquille pour profiter d’un bain de soleil.

L’hiver le Mont-Royal s’anime différemment et les pistes se recouvrent de neige. Ski de fond, patins, randonnées… les activités ne manquent pas lorsque les jours raccourcissent. J’aime m’y balader les lendemains de neige pour écouter celle-ci craquer sous mes pas. On a la sensation de se retrouver loin de la ville, sur cette montagne citadine.

7. Visiter un musée gratuitement

Cet hiver, l’une des activités que j’ai apprécié en redécouvrant Montréal, ce sont les musées. Gratuits tous les premiers dimanches du mois pour les habitants, j’ai pu en découvrir trois aux atmosphères différentes : le Musée McCord Stewart, le musée des Beaux-Arts et son mur de peluche ainsi que le Musée d’Art Contemporain de la ville. Le MAC, comme on le surnomme, consacrait une exposition à l’œuvre d’Alanis Obomsawin, chanteuse, conteuse, réalisatrice… Il serait difficile de décrire en un seul mot cette « artiviste » des droits autochtones et cette après-midi a regardé ses documentaires, aurait mérité des journées plus longues.

Au Musée McCord Stewart, j’ai eu un coup de cœur pour l’univers Inuit de Manasie Akpaliapik, qui utilise des os de baleine, bois de caribou ou ivoire de morse (décédés, bien sûr, à l’état sauvage) pour raconter l’histoire de son peuple. D’un côté, on se heurte à une tête de grand-mère dont les rides semblent dessiner toute la sagesse du monde. De l’autre, on découvre une tête de loup ou celle d’un hibou, dont l’esprit pour les Inuits accompagnerait les morts.

8. Participer à une Fresque du Climat

J’avais déjà participé à une Fresque du Climat à Toulouse, en France. J’avais bien accroché au format de découverte et au fait de se retrouver en petit groupe, entouré de gens partageant quelques valeurs communes. Alors quand une amie m’a parlé du Tiers-Lieux du Mont-Royal, je me suis inscrite à l’Atelier 2tonnes organisé cette semaine-là. J’étais surprise de voir que mon empreinte carbone était plus élevée au Québec qu’en France, dû à l’impact des services publics et étonnée de comprendre que le voyage en train n’était pas si écologique dans cette partie du monde.

Puis de fil en aiguille, j’ai découvert la Maison du Développement Durable qui organise régulièrement des soirées « complètement fresques ». On s’inscrit, se retrouve avec l’envie de partager une discussion et on repart avec des contacts, de nouvelles perspectives et un brin d’espoir pour le monde dans lequel on vit. D’autres initiatives de ce genre sont organisés un peu partout dans la ville. Il faut fouiller un petit peu pour trouver un évènement près de chez soi.

9. Profiter de l’art urbain, l’hiver, dans les rues de Montréal

Le street-art est omniprésent à Montréal. À chaque sortie, c’est comme si je redécouvrais une ruelle, un bout d’âme laissé sur le chemin. L’œil est attiré par la couleur lors d’une journée grise et les peintures sont les seules qui se distinguent clairement lors d’une tempête de neige, comme un phare au cœur d’une mer agitée.

Quand le temps est sombre et que le manque de lumière plombe le moral, admirer le street-art dans les rues de Montréal en hiver reste l’une des activités gratuites qui rebooste.

10. Sortir les crampons dans un parc régional

Le Québec compte 24 parcs nationaux, 4500 kilomètres carrés de parcs régionaux et pléthore de réserves fauniques. Il suffit donc de s’échapper de Montréal pour se retrouver rapidement en pleine nature. La plupart du temps, une voiture est nécessaire mais quelques options existent pour sortir de la ville en transport en commun. Je vous invite à lire l’article ci-dessous pour faire le plein d’idées de randonnées pour vos hivers montréalais.