Moi aussi, j’ai honte de prendre l’avion

Croajingolong national park

En ce début d’année 2020, j’ai envie de vous parler de mon sentiment d’inconfort face à l’urgence climatique et à la green positive attitude. Je ne sais pas trop comment avancer, quels sont les bonnes décisions à prendre. Je ne me suis jamais trop engagée publiquement dans mes articles, sur les réseaux sociaux car je n’aime pas les conflits. J’ai toujours essayé de faire au mieux pour ouvrir la discussion, convaincre doucement et surement sans être trop donneuse de leçon.

Mais aujourd’hui mes épaules sont lourdes, et en ce début d’année, j’ai envie de m’enlever ce poids qui semble toucher plus de monde que je ne pensais. Alors j’ouvre la discussion, le débat, qui a surement été mille fois abordé en 2019 mais qui semble encore essentiel aujourd’hui. Et puisque je tiens un blog qui parle de voyages, cet article me semble être un passage obligé.

Promouvoir le voyage et prendre l’avion ?

Je me suis souvent remise en question par rapport à ce blog… Dois-je continuer à le tenir ? Quel genre d’articles ai-je envie d’écrire ? Quel genre d’articles pourraient plaire à Google ? Comment « gagner » plus d’abonnés ? Dois-je tout arrêter ? A quoi sert-il ? Tenir un blog, alimenter les réseaux sociaux, utiliser Internet offre sa part de pollution…, dois-je continuer à y participer ?

Dans ce genre de remise en question, on peut finir par aller loin, par se dire que ça ne sert à rien. Mais je finis toujours par me dire que ce blog est mon petit pêché mignon, une douce relation que j’entretiens depuis 7 ans, mon coin de liberté où je peux écrire lorsque j’en ai envie, sans trop en dire, mais juste assez pour replonger dans un voyage, revivre des moments chers à mon cœur et les partager, dans l’espoir de donner le sourire, d’inciter le lecteur à penser, à rêver. Si je peux inspirer ne serait-ce qu’une seule personne, non pas à voyager, mais à suivre sa propre voie, alors je me dis que ce blog a une valeur douce à son existence.

J’ai toujours parlé de voyages ici, car ils font partie intégrante de ma vie. Le « comment vas-tu » rituel dans les prises de nouvelles, s’accompagne toujours d’un « tu es où ? En vadrouille ? » de la part de mes amis. J’ai bien le désir de me poser, mais mes aspirations actuelles se font dans la rencontre de l’autre et la compréhension des cultures qui nous entourent car je suis persuadée, peut-être naïvement, que c’est par là que se fera la paix. Je suis une éternelle curieuse et cette soif de découvertes ne pourra jamais se tarir.

Mais aujourd’hui avec l’accent médiatique mis sur les prises de conscience écologiques, je ne trouve plus ma place. Suis-je égoïste à vouloir aller découvrir le monde et ses beautés ? Peut-on prendre l’avion et dire que l’on a déjà pris des positions « écolos » depuis bien longtemps ?

Voyager localement

Alors certes, on peut voyager localement, et je vous encourage vivement à le faire. La France regorge de coins splendides, que j’ai eu la chance de découvrir petite avec mes parents en camping-car. On partait dans l’une de nos régions françaises pour quelques semaines, on trouvait un coin sympa pour se garer le soir et le reste du temps on alternait entre balades nature et un temps culture. Les douches étaient expéditives et non quotidiennes, on mangeait local la plupart du temps et on n’avait pas d’écrans, seule la radio qui marchait de temps en temps. Gamins avec mon frère, on pouvait même dormir sur le lit arrière pendant que nos parents conduisaient ou regardait le conducteur de derrière sans se lasser.

Pour avoir vécu dans différentes villes françaises, j’ai continué cette belle habitude: explorer mon environnement. On appelle ça la « microaventure » aujourd’hui. A Sophia-Antipolis, c’était les balades dans le Mercantour, la fête du citron à Menton ou le Carnaval de Nice. Je me souviens avoir passé mon anniversaire dans les hauteurs de Monaco. A Auxerre, c’était les châteaux Renaissance du Tonnerois, les vignobles de Chablis pour un cours d’orientation, Vézelay inspirant un futur départ sur le Chemin de St-Jacques ou le Canal du Nivernais pour une saison plus clémente… A Paris, je randonnais sur les GRs qui traversent la ville ou me baladais au départ d’une station de métro, en suivant le bouquin seconde main que m’avait offert un ami. A Lyon, c’était plutôt dans les montagnes que je passais mes week-end, en les rejoignant en train ou en covoiturage en bonne compagnie. A Toulouse aussi.
Cet été, c’est d’ailleurs dans les Pyrénées que je suis partie, sur le GR10 de Banyuls à Mérens-Les-Vals.

Continuer à voyager hors France/Europe ?

Il faudrait plus d’une vie pour découvrir la France. On a aussi la chance incroyable de pouvoir être entourés de pays aux cultures diverses et variées, accessibles en train. Alors pourquoi continuer à aller au bout du monde, nous incitant à prendre l’avion ?

Je me suis souvent posée cette question. Puis je regarde en arrière et vois ce que le voyage hors Europe m’a apporté.
Le Canada, lors d’un échange universitaire a été une véritable révélation. C’est d’ailleurs là bas que j’ai pris conscience des belles opportunités qu’offrait le secteur du tourisme dans lequel j’ai voulu travailler: j’allais enfin pouvoir « soigner » plein de gens en les poussant à voyager !
Puis il y a eu la Nouvelle-Zélande, qui s’est révélée être une quête de confiance en soi: partir loin pour se prouver que je pouvais être indépendante, me sortir des galères seule, sans la famille à côté géographiquement parlant. J’y ai découvert comment pouvaient être gérés les Parcs Nationaux, ce qu’était une espèce « endémique » et j’ai commencé à prendre conscience que le tourisme avait un impact important sur la nature, en arpentant des chemins de randonnées tout tracés ou ayant un accès limité à l’année.
En Australie, mon respect à la nature s’est vu intensifié. J’ai passé deux années le nez dehors, à en prendre plein la vue dans les nombreux parcs du pays. Je crois que je n’ai jamais autant randonné de ma vie ! J’ai aussi mis des mots sur la colonisation… et des maux sur l’aberration du peuple dit Occidental qui avait poussé la plus vieille civilisation du monde, si proche de ses terres et respectueuse de la nature, à un désencrage radical. Sans la rencontre avec ces aborigènes qui ont croisés ma route, j’aurais eu du mal à en comprendre le sujet, le contexte, l’histoire.

Le voyage hors Europe a été pour moi tout un cheminement, un appel au large pour une découverte intérieure, un réel développement personnel. Tout le monde n’a pas besoin de ça et tant mieux ! Je ne changerais ce parcours pour rien au monde, et il est loin d’être fini.
Prendre l’avion pour le Canada, la Nouvelle-Zélande ou l’Australie n’est financièrement pas donné à tout le monde et pour ces deux derniers pays, il faut du temps pour y aller, ce qui incite à rester plus longtemps sur place. Lorsque je rentre en France, les offres des compagnies aériennes m’incitent trop fortement à prendre un vol pour un pays voisin, pour un week-end parce que ce n’est pas cher ! Je trouve que la tentation est plus compliquée dans notre espace Schengen.

Pour une consommation raisonnée

C’est un peu le jeu de la thèse et de l’anti-thèse. Oui, j’ai pris deux avions pour aller en Nouvelle-Zélande avec un stop-over à Singapour. Et je suis loin d’en être fière ! Mais sur place, j’ai espéré compenser en y restant un an et trois mois (temps sur lequel je n’ai pas pris l’avion), privilégiant le stop et le voyage à pied, consommant local et choisissant de travailler pour des cultivateurs respectant les lois et les hommes. J’y ai même découvert un autre moyen de circuler, naviguant presque au gré du vent dans les eaux de la Bay of Island.
J’ai pris l’avion pour l’Australie sans rentrer en France et y ait vécu deux ans. Deux années où les transports en commun, le covoiturage, le stop ont toujours été mes alliés dans un pays deux fois plus grand que l’Europe. Oui, après avoir fait du kayak, j’ai opté pour un vol au dessus de la Grande Barrière de Corail, et je m’en suis pris plein les yeux réalisant à quel point l’homme était aveugle à détruire des richesses incommensurables. Paradoxal n’est-ce pas ?

Cette année, j’ai le sentiment d’avoir trop pris l’avion. Je suis allée au Bénin en février pour une trop courte période, en avion pour faciliter les visas. Je suis rentrée de Côte d’Ivoire en mai, en avion aussi, car le vol retour était offert par l’ONG pour laquelle je travaillais. Je me suis éclipsée à Edimbourg pour retrouver un ami géographiquement lointain, après avoir hésité une semaine pour conscience écologique… le vol a/r de 20€ chez Easyjet a fini par me convaincre. Puis il y a eu l’Inde tout récemment, sur un coup de tête. J’y suis restée un mois, mais cela n’enlève pas la culpabilité que j’éprouve à chaque fois.

Alors que faire ? Je n’ai pas la solution.
Je sais juste que j’ai du mal à éviter les pays de longues distances car ils continuent à m’apprendre tellement ! Je pourrais prendre le temps d’y aller en cargo/voilier/train, mais malheureusement je me décide souvent à la dernière minute et les décisions sur un coup de tête incitent à l’achat de vols.
Alors je continue à privilégier le voyage de la lenteur, le voyage au long-cours quand c’est possible et les modes de transport moins polluants une fois sur place. Je n’ai pas hésité à passer 21h dans le train de Jaisalmer à Delhi sur mon dernier voyage.
J’essaye aussi de compenser, même si ça ne règle directement pas le problème, soyons clair ! Mon manteau d’hiver a plus de 10 ans ! J’use mes vêtements jusqu’à la moelle et j’en ai très peu. Voyager peut inciter à avoir moins lorsqu’on vit trois ans avec son sac à dos. J’ai eu mon premier smartphone il y a seulement deux ans (mon vieux nokia 10 ans d’âge attend sagement son retour dans le placard). Je fais mes recherches Internet sur Lillo, utilise Firefox et essaye d’acheter local au maximum et en vrac. J’ai toujours privilégié les produits de saison, évité les achats sur les grosses plateformes et suis toujours à la recherche d’un cordonnier qui pourrait réparer mes chaussures usées. Je faisais du covoiturage avant même que Blablacar se prenne une commission (on payait le chauffeur en main propre !) et j’ai toujours pris le train en France.
J’ai choisi des boulots qui me ressemblaient et qui partageaient mes valeurs d’un tourisme plus durable dans le respect de la nature et des populations locales.

Et une responsabilité globale

Alors je continuerais surement à culpabiliser. Puis je me souviendrais que l’avion est peut-être financièrement trop accessible en France, qu’on nous a menti pendant longtemps quant aux tris de nos déchets qui finissent en Asie… et nos voitures qui polluent se retrouvant en Bulgarie.
Je ne vous parle même pas de l’Afrique et de ce taxi au plancher percé par la rouille, dont la France ne voulait plus. On y apprend plein de choses là-bas… On se rend facilement compte que ceux qui polluent le plus sont les plus riches. Je ne vous raconte pas ma surprise quand je me suis rendue compte que je pouvais prendre une douche avec la moitié d’un seau d’eau dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire… et qu’il fallait l’équivalent de 2 seaux pour remplir la chasse d’eau. J’ai aussi appris que notre amour du chocolat avait facilité la déforestation d’un pays entier et que celui dit « équitable » ne l’était pas forcément.

C’est tout un système à remettre en question. Je pense que ce n’est pas en montrant du doigt ce que « ne fait pas » l’autre qu’on va faire avancer les choses. L’éducation positive, l’encouragement, la persévérance et surtout l’échange, la discussion permettront de construire ensemble. J’en ai ras le bol des pseudos écolos qui sont donneurs de leçons, mais qui ne regardent pas dans leurs rétroviseurs ou ne se remettent pas en question sur d’autres aspects pour une planète meilleure.
Vous savez que les effets de mode peuvent avoir des impacts négatifs sur l’environnement ? Si je vous dis « avocat, quinoa » ?
J’espère qu’un jour, les gens comprendront que tout est lié: la planète qui crame, la course à l’argent, les burn-out au travail, les retraites. Je suis légèrement dépassée par tout ça. Il m’arrive de pleurer devant les infos, quand je vois l’Australie bruler, d’avoir le cœur brisé en entendant ce koala pleurer… Suis-je une insensible parce que je prends encore l’avion, parce que je n’ai pas éteint l’eau pendant 2 secondes ou parce que je remange de la viande depuis que je suis chez les parents ?

Alors je n’essaye pas de me déculpabiliser. Je cherche juste à démêler le vrai du faux, à trouver un sens à tous ça. Vous en pensez quoi vous ? Vous y voyez clair ? Vous avez des idées pour avancer vers le « meilleur des mondes » ? Merci 💕

7 Comments on “Moi aussi, j’ai honte de prendre l’avion

  1. Merci pour cet article personnel et sensible. Je pense que l’avion reste un vrai atout pour désenclaver les territoires et permettre de mettre le monde à notre portée et je ne souhaite pas y renoncer, je n’aime pas les discours trop culpabilisateurs et je préfère l’optimisme, je pense que la prise de conscience actuelle va conduire à des pratiques plus propres (l’aviation est en pleine réforme) et à plus de modération, et c’est une bonne chose. 🙂

    • Merci pour ton commentaire. Moi aussi je préfère l’optimisme et j’espère que la modération sera de rigueur chez ceux qui en ont pris conscience. Malheureusement beaucoup d’articles de scientifiques disent que ce ne sera jamais suffisant que de « se modérer » car nous sommes de plus en plus nombreux à prendre l’avion. La culpabilisation n’est clairement pas positive. Cependant, je suis heureuse de voir que de plus en plus de personnes se rendent compte de « l’urgence de ralentir » et s’intéressent à une « consommation » différente. Essayons de voir le problème dans son ensemble et non pas sur un seul point négatif, qui est le CO2 émit par l’aviation lié aux loisirs 🙂

  2. Ton article en dit long sur la difficulté d’avoir un comportement écologique cohérent sur toute la ligne… Mode rapide, consommation de viande, achats de fruits exotiques, voyage en avion… À la fin de la journée même le consommateur le mieux attentionné aura du mal à ne pas avoir du sang sur la conscience. Je préfère aussi rester optimiste en me disant que les prises de conscience s’accélèrent et que l’essentiel reste d’avancer dans la bonne direction en faisant des choix raisonnés au niveau individuel. Le renoncement complet (que ce soit à la viande, aux voyages en avion, aux nouveaux habits…) est une alternative très radicale. En revanche, on peut commencer par diminuer ses voyages en avion, et ne plus recourir à ce moyen de transport pour des trajets de moins de 1000 km (par exemple). Il existe aujourd’hui des systèmes de compensation carbone qui ne suppriment certes pas le problème mais qui y contribuent. Voyager sans avion c’est mieux que de voyager en compensant mais voyager en compensant son emprunte carbone reste mieux que de voyager sans compenser du tout.

    • Merci Solène pour ton commentaire positif. J’étais assez partagée au niveau de la compensation carbone, car je trouvais que ça ne diminuait pas le problème comme tu le dis justement. Un brin de « Greenwashing » à mon sens. Mais en y regardant de plus prêt, on trouve des projets sympas, auxquels on aurait presque envie de participer, sans même prendre l’avion. 😉
      Finalement, difficile d’être cohérent sur toute la ligne et il y aura toujours quelqu’un pour montrer du doigt ce que l’on ne fait pas. Un peu comme la compensation l’incite: je vais essayer de me concentrer sur mes actions positives, afin de diminuer ma culpabilité, tout en évoluant sur mes objectifs de voyage en avion.

  3. La cohésion entre nos pensées et notre comportement écologique est dure tellement c’est hors des clous d’une vie « normale ». Perso je ne me culpabilise pas à propos de l’avion. Je ne le prends que pour de longues distances et j’essaie de rester longtemps sur mon lieu de destination. Je vis au Canada et parfois je rentre en France ou je voyage. Je pense que d’autres choses telles que notre boulot, notre banque, nos dépenses quotidiennes impactent aussi énormément. Je trouve que la culpabilisation écolo est vraiment un poison pour toute avancée dans ce sens. Il faut réellement procéder à des changements mais en mettant en place des idées et actions qui soient positives et constructives. Toutes les news à la TV sont horribles et cela avaient tendance à me déprimer avant. Maintenant j’ai décidé de ne plus les regarder. Je cherche des solutions et j’essaie de tendre vers le mieux et de proposer des solutions temps que je peux.

    • Merci Perrine d’avoir laissé ton avis ici. Il est vrai que juste avant d’écrire cet article, j’avais été pas mal exposée aux news TV, qui ressassent toujours les mêmes idées. Couplées à des recherches « scientifiques » de mon côté, qui sont finalement déprimantes (on ne va pas se le cacher), j’avais besoin de poser mes ressentis à plat ici pour me déculpabiliser et essayer de démêler tout ça. Car oui, la prise de conscience est impérative, mais c’est tout un ensemble à regarder comme tu le dis si bien: « boulot, banque, consommation, etc. »
      C’est aussi important de se remettre en question de temps en temps, surtout pour ne pas inciter ceux qui n’ont pas encore cette prise de conscience à trop prendre l’avion.

      Passe le bonjour au Canada pour moi 🙂

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