De Tuquerouye au Mont-Perdu : deux jours de randonnée intensive entre France et Espagne

J’ai une liste à rallonge de randonnées que je souhaite faire. Le Mont Perdu, que je n’avais pas pu atteindre la première fois. La brèche de Tuquerouye, dont on m’avait dit que je ne serais jamais capable de chevaucher. Puis ce parcours entre le Mont Perdu et la brèche de Roland, tenté il y a quelques années en arrière. Alors parfois, on fait un mix de tous ces rêves qui trainent et on en fait un parcours de 4 jours. Ils se sont finalement transformés en une aventure de deux jours entre France et Espagne, de Tuquerouye au Mont Perdu.

De Gavarnie à Tuquerouye

Nous partons de Gavarnie après avoir laissé la voiture au parking derrière le Spar. Nous empruntons le chemin qui mène jusqu’au cirque que nous ne rejoignons pas. Bifurquant sur la gauche, au niveau du ruisseau d’Alans, nous suivons les lacets qui annoncent une grimpette prononcée. Puis la vue s’ouvre sur les pâturages, laissant apparaître au loin le refuge des espuguettes. Nous croisons quelques familles qui redescendent de bon matin vers le village de Gavarnie. De notre côté, l’ascension n’est pas finie.

Du refuge, nous apercevons le petit Pimené qui me fait de l’œil. Pourtant au niveau du plateau des Cardous c’est à droite que nous allons et non à gauche. A la Hourquette d’Alans, nous soufflons un peu après une ascension rapide, admirant la vue sur le cirque d’Estaubé. Nous essayons de deviner le lieu où se trouve la brèche de Tuquerouye, sans y parvenir. Alors nous reprenons notre marche en suivant les kairns qui nous font couper au pied du Pic Rouge de Pailla et nous permettent de rejoindre le sentier venu tout droit du lac des gloriettes un court instant.

De là nous remontons vers l’Espagne, à travers les rochers qui se font plus présents. De kairns en kairns, je finis par apercevoir le fameux chemin menant au refuge de Tuquerouye. Le terrain monte doucement puis s’accentue à mesure que le sol glisse sous nos pieds. J’avance un pas après l’autre sans jamais me retourner. Mon compagnon de route est devant. Vers la fin, il faut que je m’accroche pour avancer. C’est que les récents orages et les pas de ce lieu fréquenté ont eu raison du sol. Je suis heureuse de ne pas avoir à descendre par là. Le refuge est proche. Je compte mes pas pour avancer mentalement et les effluves de pisse finissent par m’accueillir.

De Tuquerouye aux Astazous

Le refuge étant perché entre deux pays, il est difficile de trouver un recoin pour faire ses besoins. Je pose mon sac espérant que l’odeur ne l’imprègne pas, pour aller contempler la vue sur le lac de Pineta. La vue est splendide ! Les photos ne mentaient pas. Pourtant le refuge ne me tente guère pour une nuit. On est loin du luxe d’un refuge de Packe en plein hiver. Les lits sont pour la plupart occupés. De toute façon nous avions prévu de continuer…

Nous descendons vers le lac, avant de bifurquer sur la droite pour rejoindre le Grand Astazou. Nous laissons nos gros sacs derrière des rochers et je propose à mon co-équipier de manger à 3000 m d’altitude. Il ne nous reste que 200 m de dénivelé pour arriver au sommet. Pourtant à travers les gros rochers, notre avancée n’est pas rapide et le ventre commence à tirailler. Arrivés au col swan, nous suivons les kairns qui zigzaguent parmi la barre rocheuse. Il faut s’aider des mains et nous finissons par rejoindre le Grand Astazou pour grignoter.

La pluie s’en mêle et du haut des 3071 du sommet, nous regardons les nuages d’un gris profond, virevolter au dessus du Mont Perdu, jouant avec la frontière. Nous redescendons vers le col swan afin de rejoindre le Petit Astazou, mais la météo nous fait douter. Rien n’était annoncé dans la matinée mais nous savons que le temps peut vite changer.

En face de nous, deux français galèrent à trouver le chemin. A la vue de l’escalade, nous avons la flemme. Nous préférons faire demi-tour, nous disant qu’il aurait été peut-être plus simple de commencer par le petit Astazou, dont le chemin depuis le col au même nom semblait bien moins éprouvant. Nous rebroussons donc chemin pour retrouver nos sacs et installer notre bivouac du soir.

De Tuquerouye au Mont Perdu

Du lac glacé au glacier du Mont Perdu

Après la montée à Tuquerouye dont l’appréhension m’avait fait plus stresser que le chemin lui-même, je savais que le plus dur restait à venir. De l’ascension du grand Astazou au Mont Perdu, il fallait franchir une barrière rocheuse qualifié de III+. Pour ma part, je n’y connais pas grand chose… J’avais donc comparé celle nécessaire à l’ascension du Balaïtous (de III) pour me rassurer.

De Tuquerouye, nous avions repéré le chemin la veille grâce à deux randonneurs déjeunant au refuge. Le sentier visible, grimpe en épingle sur un sol sablonneux. Nous ne sommes pas les seuls et suivons un groupe de français de près. Arrivés en bas de la barre rocheuse, nous laissons filer un papa, parti poser sa corde pour assurer ses deux enfants. Mon compagnon de grimpe le suit et je me dépêche à l’arrière. Sauf que mon gros sac me fait douter sur un passage. Les français à l’arrière m’encouragent. Rien ne presse. Finalement le gars m’envoie sa corde avec son hameçon pour que j’y accroche le sac. Délestée, la confiance revient et je grimpe sans sourciller. Pour une fois, je ne m’auto-flagelle pas de désillusion. Il faut savoir reconnaître ses limites en montagne et depuis la veille, je les pousse un peu à bout gentiment.

Du glacier du Mont Perdu au col du cylindre

La barre rocheuse passée, nous rencontrons le glacier du Mont Perdu, réduit à peau de chagrin. Nous le contournons légèrement par la droite. Le paysage m’arrête : on se croirait en Islande. Les contrastes sont saisissants entre le bleu lointain du lac, la pierre orange, puis grise puis blanche. C. est parti bien devant. Je le suis de loin tout en m’offrant des pauses photos. Puis la montée vers le col du cylindre demande toute mon attention. Un pied devant l’autre, j’avance dans ce sol glissant. Un, deux, trois, quatre. Je me remets à compter. Cela me permet de contrôler mon mental et de m’encourager. « Un pied après l’autre vient compléter la chanson » que je fredonne. Mon esprit s’échappe un instant en Nouvelle-Zélande, lorsque je montais le Mont Ngauruhoe. J’en avais avalé des kilomètres depuis, accumulé de l’expérience et pourtant les terrains glissaient n’étaient toujours pas ma tasse de thé.

La tête de retour en Espagne, j’avance bien motivée et concentrée. Je fais un pas qui descend, puis un autre. C’est comme marcher sur la Dune du Pilat, sans le sable. Je finis par arriver au col d’où on aperçoit le l’étang glacé.

Du col du cylindre à l’étang glacé

C. m’attendait, cheveux au vent. Il descend bien motivé à faire quelques 3000 aujourd’hui. Dans ma tête le plus dur est passé. Je le suis doucement, descendant à pas feutré puis bifurquant sur la vire qui part à droite. Une petite barrière rocheuse se présente ensuite à moi et j’ai la sensation de mettre 10h à la descendre. Je crois que j’ai besoin d’une pause. Pourtant je continue jusqu’à l’étang glacé, où quelques années auparavant j’avais dû abandonner l’ascension du Mont Perdu. Il avait neigé la veille et aucun des grimpeurs du jour n’avait prévu les crampons.

C. est pressé. J’avale à la rache quelques graines et pose mon sac. Le Mont Perdu est dans le brouillard, pourtant nous n’attendrons pas l’éclaircie. Je laisse mon compagnon de route prendre de l’avance. Je suis déjà contente du chemin parcouru. Moi qui avait peur de devoir faire demi-tour et redescendre par la brèche de Tuquerouye, je sais maintenant que j’irai jusqu’au bout.

De l’étang glacé au Mont Perdu

J’entame la montée du Mont Perdu. Le terrain dérape sous mes pieds. Ici le sentier est plus usé qu’au col du cylindre, mais je coupe le mental pour avancer. C’était sans compter sur ces randonneurs espagnols, qui continuant leur descente, déboulent droit devant moi comme des isards aguerris. Je n’aime pas le bruit des pierres qui roulent. Avec le peu de visibilité, on a l’impression qu’une peut nous atteindre à tout moment.

Je monte. Je croise un gamin qui pleure à la descente, des filles qui hésitent et d’autres qui dérapent carrément, se retrouvant les quatre fers en l’air. J’hésite. A quoi ça sert de monter un 3000 dans le brouillard, si c’est pour ne pas avoir la vue à l’arrivée ? Je pourrais m’épargner les jambes flageolantes et la peur de la descente. Je sors mon téléphone pour me repérer sur la trace gpx… je ne suis plus très loin.

Quelques mètres plus tard, après avoir affronté un vent violant et une visibilité faible, je finis par retrouver C. qui m’attend dans le froid pour les derniers mètres. ça y est ! Nous sommes enfin en haut du Mont Perdu, un peu dépités par le brouillard. On va dire que je m’y suis habituée. Nous espérons l’éclaircie, mais j’ai peu d’espoir avec mon compagnon pressé. Il n’est même pas 12h ! Nous attendons un peu. Quelques nuages s’écartent pour nous laisser admirer… la mer de nuage ! Puis nous redescendons à l’étang glacé.

Du Mont Perdu à la Brèche de Roland

Du Mont Perdu à l’étang glacé

Finalement la descente n’était pas si pire. Les cailloux dégringolent sous mes pieds et je vois les gens monter me regarder bizarrement. Finalement le bruit ne se contrôle pas, mais il y a au fond peu de danger à voir un caillou atteindre ceux qui montent. Je fais tout de même attention, suivant de près une espagnole aussi tranquille que moi.

Nous rechargeons nos gourdes à l’étang glacé, où le brouillard fait doucement place au soleil. Je viens de croiser un guide de montagne avec qui je fais du co-working. J’imagine que lui et sa compagne auront plus de chance quant à la vue. J’ai envie de faire une pause, de m’octroyer un brin de vitamine D les pieds dans l’eau mais je sens C. impatient.

De l’étang glacé au col de la cascade

Nous empruntons donc le chemin qui grimpe vers la droite, bien dessiné mais qui n’apparaît pas sur la carte. Nous avions essayé de le prendre quelques années plus tôt avec A. A l’époque, le coin était beaucoup moins fréquenté. Du moins, au mois d’octobre ce n’était plus l’autoroute sur le Mont Perdu et j’avais apprécié le calme des montagnes. Nous n’avions jamais pu trouver le chemin qui permettait de rejoindre la brèche de Roland et pourtant ce jour-là, il était aussi clair qu’une roche dans un lac de montagne.

Nous suivons les autres randonneurs qui se sont engagés sur le sentier, à niveau. Qu’est-ce que ça fait du bien d’avancer à plat ! C’est reposant. C. se dirige vers les pics de la cascade, mais il est bien loin devant pour lui indiquer qu’un chemin plus simple se trouve en contre-bas. Je l’emprunterais bien, mais je n’ai pas le choix, ne voulant pas le perdre sur l’itinéraire. Je suis fatiguée. J’ai faim. Je râle.

Lorsque je rejoins C. il veut essayer d’aller plus haut, escalader deux trois pics. Je le laisse à ses occupations m’asseyant un brin H.S pour grignoter. Depuis le GR10 mon corps réclame beaucoup plus d’énergie… et je dois absolument l’écouter pour continuer à avancer. C. me rejoint finalement rapidement et nous descendons pour récupérer le col de la cascade.

Du col de la cascade à la Tour du Marboré

Depuis le lac glacé, j’ai 4 kg de plus sur le dos : 3L d’eau dans ma poche à eau et 1L de plus dans ma gourde filtrante. ça fait beaucoup ! Surtout lorsque je m’aperçois qu’il y a de l’eau à profusion sur le chemin qui nous mène au col de la cascade.

Depuis ce matin, j’ai l’impression de courir après C. L’objectif était de faire pas mal de 3000 entre le Mont Perdu et la brèche et pourtant, le chemin de l’Epaule partait sur la droite. Arrivés au col de la cascade, je sens l’exaspération et la déception de mon compagnon de chemin. Pour une fois dans ma vie, je ne me remets pas en question et je ne le prends pas personnellement. Je sais qu’en solitaire, il aurait peut-être fait plus, tenté plus de choses. Je suis au maximum de ma capacité phyisque et pour ma part, je trouve qu’on a déjà fait un bon morceaux.

Du col de la cascade, il nous en faut peu pour rejoindre la Tour du Marboré : notre troisième 3000. Pour moi, ce n’est pas une course ou un tableau de chasse. Je profite comme je peux du paysage, tandis que nous échangeons sur nos possibilités. Il est presque 15h et nous sommes à quelques kilomètres de la brèche. Nous, qui avions prévu de bivouaquer sur l’un des sommets, on se retrouve en avance sur notre planning. Je suis un brin frustrée… j’aurais aimé prendre mon temps, admirer la vue ensoleillée du Mont Perdu et profité d’une autre nuit en bivouac. C. l’est aussi pour d’autres raisons.

Par le pas des isards : de la Tour du Marboré à la brèche de Roland

De la Tour du Marboré, nous suivons la file de randonneurs qui se dirigent lentement vers le pas de isards. Nous passons sous le Casque du Marboré, que je ne grimperais pas cette fois. Le brouillard a été remplacé par le soleil et les pierres blanches font office de réverbération.

Le Pas des Isards se rapproche. Un pied après l’autre en file indienne, c’est la partie la moins difficile de mon périple. Les chaussures s’accrochent au sol qui ne glissent pas pour une fois sous mes pieds, et la grosse chaîne permet de s’assurer un minimum. Le passage est court et nous rejoignons la brèche, heureux de retrouver un brin d’ombre.

Cela fait 3 fois que je la descends. La première fois lorsque j’étais venue faire l’ascension du Taillon, à l’époque où la foule n’était pas. La seconde fois, le mois dernier après avoir parcouru la Vire d’Escuzana et la troisième fois, ce dimanche 13 août. Je n’aime pas particulièrement ce chemin fréquenté donc le sol s’érode sous nos pas. Un jour, je l’imagine aménagé pour que l’on puisse encore venir dans cette fente qui sépare la France de l’Espagne.

De la Brèche de Roland à Gavarnie

Nous descendons jusqu’au refuge, puis vers la cascade que j’évite en suivant les indications d’espagnol et de C. en contrebas. Nous avons plus de 1 700 m de dénivelé négatif devant nous. Je ne sais honnêtement pas comme mon corps tient encore debout. Nous pensions descendre par l’échelle des Sarradets en trois jours. Finalement nous emprunterons la vallée des Pouey Aspé, en suivant le panneau qui indique Gavarnie sur la droite. Contente d’échapper au col des tentes, nous nous engageons dans cette vallée sauvage où il n’y a plus personne. Cela nous change du parc national d’Ordesa, malheureusement blindé en ce milieu d’été.

Dans la descente, je recroise le guide et sa compagne. Ils n’ont pas eu la vue escompté en haut du Mont Perdu. Ils me racontent que ce que nous avons fait en deux jours, eux le font en une seule journée, mais beaucoup moins chargé. Je les laisse passer devant au pas de course et je maintiens l’allure pour suivre C. Le sol ne glisse plus et mes pas s’accélèrent, prêts à courir après avoir avalé tant de dénivelés et de kilomètres.

A la vue de Gavarnie loin de la foule, j’ai envie de planter ma tente là et de prolonger encore ce moment de béatitude que me procure la montagne. Sauf que ma tente est dans le coffre de mon compagnon d’aventure, qui ne l’entend pas de cette oreille. Après plusieurs tentatives à le convaincre, lui promettant marmottes et merveilles, je finis par abdiquer, bien trop contente d’avoir réussi cette belle boucle que je ne pensais accessible en bonne compagnie.

De Tuquerouye au Mont Perdu, on aura rejoint la brèche puis Gavarnie. Une de mes plus belles et dures aventures, promesse d’un boost de confiance et de lâcher prise.

Le pic de Madamète en boucle au départ de Tournaboup

Lors de ma traversée des Pyrénées via le GR10, j’étais passé par le col de Madamète sans en gravir le pic. Alors lorsque l’opportunité se présenta, je reprenais le chemin que j’avais pris un an plus tôt, en sens inverse pour aller gravir le Pic de Madamète. Une aventure d’une journée aux paysages splendides.

De Tournaboup à Aygues-Cluses, via le GR10

Garés au parking de la station de ski de Tournaboup, nous regardons le ciel perplexe. Il fait froid, le brouillard est là et la bruine a pris place. Est-ce que les prévisions météos étaient incorrectes ? Je regarde à nouveau, ils ont bien prévu du soleil. Je me dis qu’on passera peut-être au-dessus des nuages lorsque nous commençons à marcher frigorifiés. Une amie vient de me proposer de partir en festival de salsa, ai-je vraiment envie d’emprunter à nouveau le GR10 ?

Je ferme mes pensées et fais connaissance avec les autres randonneurs qui m’accompagnent. Je me souviens très bien du chemin. Nous ne voyons pas grand chose à travers les nuages, mais les balises blanches et rouges ont un doux goût familier. Nous longeons le ruisseau dets Coubous, puis celui d’Aygues-Cluses. De cette partie du GR10, j’en garde un incroyable souvenir. Celui d’une adulte qui regarde avec ses yeux d’enfants, les bosquets, les herbes vertes claires contrastant avec le ruisseau étincelant sous le soleil, imaginant une fée sortir à chaque instant. Aujourd’hui cependant, la vue est bouchée. On devine légèrement la féérie d’antan, tandis que le soleil essaie d’émerger.

La conversation fuse tandis que nous atteignons le nouveau refuge d’Aygues-Cluses. Je l’avais aperçu en construction l’été passé et je ne savais pas trop quoi penser de ce projet. Le refuge permet de faire plus facilement le tour du Néouvielle, évitant peut-être les bivouaqueurs intempestifs, ceux qui ne respectent rien. Et en même temps, cet endroit semblait encore sauvage lorsque je l’avais traversé, profitant de la petite cabane adjacente en comité réduit et sympathique. Heureusement la cabane est encore là, et je suis ravie de retrouver celle qui a marqué mon GR10.

Il est 11h et j’aperçois en contre-bas des campeurs qui font leur toilette, tente encore montée. Je râle… mais je sais pas quelle est la règlementation exacte de ce côté. Mes compagnons de marche me mettent le doute. En tout cas il m’est impossible de prendre le lac en photo sans des mecs à moitié à poil devant… et ça, ça me fout en rogne.

D’Aygues-Cluses au Pic de Madamète

Je décide de garder des forces pour le sommet. La pente se raidit légèrement et nous avançons sur le chemin bien tracé. Je retrouve les doux lacs de Madamète vers lesquels j’avais opté pour une pause déjeuner sous les orages menaçant l’été dernier, puis le laquet, avant de m’engager sur le pierrier nous menant au col. Il y a du monde cheveux au vent. Alors que les autres randonneurs prennent une barre, j’avance pour ne pas prendre froid vers le sommet.

Le sentier est bien visible et nous ne sommes pas les seuls à l’emprunter. Une première grimpette vers la droite, puis on bifurque légèrement vers la gauche pour s’engager sur de courts lacets. Le terrain est usé et glissant, et les gens qui descendent semblent hésiter un instant. Une fois passés, je prends de l’élan pour ne pas me retrouver à piétiner dans le sable et le sommet est finalement là, après une courte grimpette.

La vue à 360° est splendide. Je reconnais le lac d’Aumar et celui d’Aubert, où j’avais dormi sur l’aire de bivouac pour monter le Néouvielle. Puis mon esprit vogue avec nostalgie, dans les souvenirs de randonnées presque lointaines, à l’image du Turon de Néouvielle en hivernal et le refuge de Packe. J’entends alors quelqu’un parler du Vignemale, et cette coupure s’offre comme la promesse d’une ascension prochaine.

On restera deux heures au sommet, le temps qu’une fille qui avait raté le départ nous rejoigne et finisse la journée avec nous.

Du Pic de Madamète à Tournaboup, via le lac d’Ets-Coubous

Pour mon plus grand bonheur, nous faisons une boucle. Nous redescendons jusqu’au col de Madamète avec la plus grande des attentions, puis nous bifurquons à gauche sur le sentier menant jusqu’au lac de Tracens. Les nuages qui nous avaient quitté à Aygues-Cluses recommencent à jouer avec le paysage.

Nous poussons jusqu’au lac de la Jonquère jusqu’à rejoindre celui dets Coubous dans le brouillard total. L’humidité ambiante rafraichit nos corps gorgés de soleil tandis que nous traversons le barrage, devinant au loin la silhouette de randonneurs inconnus. A partir de la cabane, les brebis nous rejoignent et descendent en notre compagnie, bêlant ardument au passage. Enfin nous retrouvons le GR10 matinal, puis la piste pour clore cette journée, finalement ensoleillée, autour d’un verre bien mérité.

L’ascension du Balaïtous, un sommet mythique des Hautes-Pyrénées

Le Balaïtous. Un nom qui m’a été prononcé un jour comme une promesse d’aventure lointaine. Un sommet inaccessible qui ne serait qu’un rêve en pays Toy. Et puis un jour, on en parle à un ami et ce doux nuage devient une rude épreuve. On devait en faire le tour mais les refuges étant complets, on se limitera à l’ascension du Balaïtous. Et quelle montée !

De Arrens-Marsous au Larribet

Nous prenons la route au départ de Toulouse, avec deux covoitureurs qui ont décidé de faire la même ascension que nous. Sauf qu’eux souhaitent rejoindre le sommet de 3 144 m dans la journée.

Après plus de 2h de route, nous voilà à nouveau au cœur du Val d’Azun, cette vallée que j’aime tant pour y avoir vécu et en avoir fait le tour à pied. Nous montons jusqu’au Plan d’Aste, où nous laissons la voiture et les gars qui partent devant nous. Nous montons tranquillement avec mon co-équipier du jour pour rejoindre le refuge du Larribet.

A gauche de la Maison du Parc, nous prenons la direction du lac de Suyen, puis vers la cabane de Doumblas. Le sentier est boisé et nous apprécions la fraicheur des arbres en ce 14 juillet 2022. Je n’aurais pas aimé me retrouver sur les gros cailloux sous 30°C pour faire l’ascension du Balaïtous dans l’après-midi. Nous arrivons au refuge assez tôt et profitons d’une belle pause en montagne avant le diner du soir.

Ascension du Balaïtous au départ du Larribet

Du Larribet aux lacs de Micoulaou

Le jour se lève à peine lorsque nous sortons du refuge. Nous ne sommes pas les premiers et voyons quelques personnes prendre la tête munies de leur lampe torche.

Nous nous dirigeons vers les lacs de Batcrabère, sur un sentier bien marqué, avant de remonter au dessus du lac inférieur que l’on peut admirer sans vraiment s’attarder. Puis on continue vers les lacs de Micoulaou, avant de bifurquer vers la droite… un peu trop.

Devant nous des éboulis et un amas de grosses pierres à escalader. Nous suivons tant bien que mal les cairns qui sont posés ça et là. Je n’aime pas les gros pierriers. Mon compagnon de route avance et je sens déjà qu’il s’impatiente. J’avance tant bien que mal. Je n’ai pas le contrôle sur l’itinéraire. Les gens ont longtemps tracé devant et ceux qui étaient derrière nous, ne sont plus en vue.

Au bout d’un moment, G. m’annonce qu’on s’est planté de chemin : « on est trop parti vers la droite « . Je ne sais plus si c’était vers les Passes de la Barrane ou carrément vers le Port de Lavedan. Mais nous venons de nous rajouter une heure de montée dans des grosses pierres mal agencées. G. me propose plusieurs fois de faire demi-tour. Je pense pourtant avoir le niveau mais le manque de randonnées récentes me fait douter. Je suis assez fatiguée par ce gros pierrier, mais nous décidons de continuer malgré tout.

Des lacs de Micoulaou à la Grande diagonale

Nous bifurquons sur la gauche pour tenter de rattraper le chemin menant vers la brèche des ciseaux. J’avance à mon rythme et je sens G. désemparé. Nous rattrapons finalement ceux qui étaient loin derrière nous le matin-même et continuons notre avancée vers la brèche. Encore des cailloux, toujours des cailloux. On finit par s’approcher doucement de cette ouverture dans la roche, alors que la pente s’accentue. Le sentier glisse sous nos pieds, puis ce sont nos mains qui nous permettent d’accéder au côté espagnol.

On retrouve les éboulis et je suis presque contente d’échapper aux mini graviers, ceux qui vous font glisser et donnent la sensation de marcher sur du sable, pour retourner dans des blocs plus stables. Dans ma tête une seule chose : ne pas repartir sans avoir gravi le sommet.

Nous passons rapidement l’abri Michaud pour nous engager sur la Grand Diagonale. Je l’appréhendais un peu, mais j’avais lu qu’elle était plus impressionnante qu’en réalité. Devant la montée, je suis sereine et à deux doigts de l’objectif. Je reprends confiance et monte en tête, profitant de la vue splendide lorsque je me retourne pour attendre G. Je balaie rapidement ma petite voix qui me dit « la descente ! Oh punaise, cette descente ! ». Je sais qu’elle va s’annoncer compliquée. Mais une chose à la fois… l’objectif immédiat étant de faire l’ascension du Balaïtous.

De la Grande Diagonale à l’ascension du Balaïtous

Arrivés en haut de la grande diagonale nous croisons les covoitureurs de la veille. Ils n’ont pas très bonne mine. Heureuse d’être arrivée au bout de ce que j’appréhendais, je leur demande si on y est presque. Et ils me répondent déconfis « oh que non ! ». Je ne comprends pas tout de suite. Ils ont eu tellement chaud lors de leur ascension du Balaïtous, qu’ils ont apparemment bien galéré pour l’atteindre et ne sont pas très encourageant.

Nous les quittons tout de même confiants. Mais au bout de quelques minutes, nous commençons à chercher le passage censé nous emmener au sommet alors que nous nous trouvons face à un mur. Nous ne sommes pas les seuls à hésiter. Nous tentons une grimpette d’un côté, puis de l’autre. J’assure à mes compagnons de route qu’il ne faut pas aller complètement sur la gauche vers la brèche des isards, même si soudainement c’est le sentier qui nous semble le plus facile. Heureusement certains randonneurs redescendent et nous indiquent le chemin. En regardant dans leur direction, je me demande comment ils ont bien pu passer par là.

Moi qui ait fait de l’escalade seulement deux fois dans ma vie en Australie, je ne suis pas confiante à grimper avec les trois hommes qui m’accompagnent à ce point de l’aventure. L’un d’entre eux n’ont plus, alors on s’encourage comme nous le pouvons. J’essaie à nouveau de ne pas penser à la descente. Le chemin n’est pas sûr mais nous avançons jusqu’à retrouver un semblant de passage. Je regrette de ne pas avoir pris un casque. Heureusement nous ne sommes que quatre à ce moment-là.

Finalement ça monte bien. Le mur impressionne mais les pierres sont là pour que nous posons les pieds. Nous arrivons enfin sur la crête et au sommet ! Certains ont déjà fini de manger et nous félicitent pour notre avancée.

Retour au Larribet

Soudain, G. se remet à stresser alors que de mon côté je relâche tout : la pression, la peur, le dénivelé avalé. Je réalise que j’étais partie trop confiante. Après un beau COVID, trois semaines à Madagascar et un mois à combattre le zoo que j’ai ramené du pays (vous êtes, sans aucun doute, ravis de le savoir), ce n’était pas très judicieux de ma part de me lancer dans une telle aventure. Je n’avais pas randonné depuis longtemps et mon corps n’était pas en forme. Et pourtant il me criait d’y aller et jusqu’au bout !

Je m’assoies donc pour profiter de la vue et G. m’annonce que nous n’avons pas le temps.
– Comment ça ? Je peux manger quand même ?!
– Ben oui, mais on ne va pas rester longtemps au sommet.

Il est seulement 13h. Je ne comprends pas. Mon esprit n’est plus là. Je me rattache à la vue splendide et à mon déjeuner. J’en ai plein les pattes. J’aimerais bien me poser, surtout que je sais ce qui nous attend.

Mon déjeuner avalé, je récupère toutes les émotions de G. Merci l’empathie et l’hypersensibilité ! C’est déjà assez compliqué de gérer ses propres sensations dans ces moments-là, alors quand je ne peux pas ne pas ressentir celles des autres, cela devient difficile. Je prends pourtant sur moi et j’acquiesce quand G. me dit qu’il est temps de décoller. Ceux arrivés avant nous sont encore au sommet à profiter de la météo splendide et du panorama à 360°.

Nous désescaladons ce mur qui nous semblait infranchissable à l’aller pour paraître plus simple à la descente. Je prends mon temps et nous arrivons devant la Grande Diagonale. J’avance à petit pas et la partie de plaisir commence : du caillou roulant sous les pieds, des genoux en compote et un corps qui fatigue. C’est alors que je me braque tandis que G. est loin devant. La toulousaine que nous connaissions, croisée au sommet, me double : « ah tu as peur ? ». Je reste polie, alors que les gars m’encouragent en me disant que j’ai déjà fait le plus dur.

C’est bien beau tout ça mais mon corps, lui, ne veut plus avancer. G. remonte me voir et je reprends une bouffée de stress et la culpabilité s’installe. Il fait tout ce qu’il peut et je m’excuse de ne pas assurer. Je manque de force, d’énergie. J’avale mes graines couplées de raisins secs et regrette de ne pas avoir pris du sucre instantané. J’en aurais bien eu besoin.

Le mental reprend enfin le dessus. Un pied après l’autre. Mais mon corps n’avance plus. Je force… Ma démarche se métamorphose alors en celle d’un cowboy et pour la première fois, je crains pour ma vie. Pourtant je passerais les heures suivantes à m’excuser et à culpabiliser. G. avance doucement, me regarde désemparé tandis que j’avance un pied après l’autre comme une marionnette désarticulée.

Je suis épuisée et je ne sais pas comment j’arrive à avancer. Dans ma tête tournera en boucle cette phrase : tu peux le faire. Allez, tu as fait le plus dur. Et ce sera comme ça jusqu’au refuge. Il est 19h15 quand nous arrivons. Les gens sont déjà à table. Je trouve la notre et m’installe sans pouvoir dire autre chose que « bonsoir ». Je me concentre sur la soupe chaude qui nous attendait, et même mettre la cuillère dans ma bouche me demande de redoubler d’effort. Au bout de 10 minutes enfin, je me sens reprendre des couleurs et tentait une approche vers mes voisins de droite.

Du Larribet à Arrens-Marsous, après l’ascension du Balaïtous

13h ! C’est le temps que nous avons mis pour faire le Balaïtous. Il n’y a pas de quoi être fier sur une ascension de 8h aller-retour au départ du refuge. On a perdu une heure dès le matin en faisant un détour et mon retour chaotique nous aura mangé tout le reste. Mais je n’étais pas là pour la performance. Et si c’était à refaire, je prendrais tout le temps qu’il me faut au sommet pour reprendre des forces, quitte à sortir la lampe torche depuis les lacs de Batcrabère.

Le lendemain la descente jusqu’au plan d’Aste s’est faite tranquille. Il me suffisait de refaire le plein d’énergie. Je ne suis pas une gazelle mais chacun devrait continuer à son rythme, sans essayer de s’adapter à celui de son partenaire, plus rapide.

Je m’étais promis de ne jamais le refaire. Mais à l’heure où j’écris cette article, la liste de pic s’est allongé et mes pieds sont un peu plus confiants sur des chemins dégoulinants. Et vous, est-ce que ça vous ait déjà arrivé de finir une randonnée sur les genoux ?

Pic de Cambalès et boucle des lacs : deux jours dans les Hautes-Pyrénées

Cet hiver, en partant pour une balade jusqu’au refuge Wallon avec les filles de l’association Pyrelles, la gérante me parle des lacs qui se trouvent en amont. Je ne les connais pas. Elle me certifie qu’ils sont splendides et c’est toujours via ce genre d’échange que je chéris, qu’une graine se plante. Parfois certaines ne prennent pas racines, mais d’autres passent l’hiver au chaud avant de grandir l’été venu. Me voilà, en train de planifier un tour des lacs (et pic) de Cambalès, de Nère, du Pourtet et de l’Embarrat.

J’embarque donc Mathieu, un acolyte blogueur dans cette aventure. Du moins, c’est plutôt lui qui m’emmène vu que je n’ai plus de voiture. Il nous reste deux places à l’arrière… vous venez ?

Du pont d’Espagne aux lacs de Cambalès

Après s’être garé sur le parking toujours aussi immense du pont d’Espagne, je montre à Mathieu la cascade si photogénique, qui a amené la commune à mettre en place un tel dispositif d’accueil. L’affluence touristique du coin n’est pas encore à son apogée et nous partons sereinement vers le refuge Wallon qui a ré-ouvert l’hiver dernier.

On s’engage sur ce chemin que je connais déjà. Les pierres arrivent vite, mais c’est d’un pas motivé que nous avançons jusqu’à la pause midi. Je retrouve les tables familières du refuge pour engager le postérieur dessus. J’attends Mathieu qui s’est surement arrêté pour prendre une nouvelle photo. C’est toujours sympa de remarcher sur un chemin, accompagné d’un novice pour le regarder avec des yeux nouveaux.

On mange donc notre déjeuner, accompagné d’une crêpe sucré et bien huileuse, avant de demander quelques idées de sommets à l’un des gardiens :

– On hésitait à partir sur la Grande Fache. Vous auriez des recommandations ? demanda Mathieu.
Perplexe, j’assure le gardien que je ne suis pas partie pour gravir un 3000, encore moins la Grande Fache.
– Vous avez le Pic de Cambalès qui est pas mal. Il suffit de passer par le Col d’Aragon.
Je demande au gardien de nous montrer le chemin, m’assure du terrain, de la présence de névés et du temps approximatif.
– Vous pouvez contourner les névés. Il vous faut compter 1h30 au départ des lacs de Cambalès, nous assure-t-il.

Nous voilà (presque) rassurés ! Nous prenons donc le chemin qui grimpe derrière la chapelle pour rejoindre les lacs, où je souhaitais poser la tente pour le bivouac du soir. Il est 15h lorsque nous arrivons et la pluie fine nous offre ses gouttes qui transpercent. Après avoir partagé un morceau de gâteau basque, (une histoire de GR10 encore) et un thé chaud, chacun finit par vaquer à ses occupations pour nous retrouver au repas du soir en bord de lac de Cambalès.

Ascension imprévue du pic de Cambalès

Au petit matin, on se réveille la tête dans le brouillard. Je demande à M. s’il est toujours motivé pour l’ascension du pic de Cambalès. Bizarrement depuis la veille je ne le sens pas.

M. me répond que la visibilité n’est pas si mauvaise dans le brouillard et que l’on risque de passer au dessus de la mer de nuage. Vu que je suis abonnée à une vue brouillée depuis mes dernières randonnées, je ne suis pas très optimiste pour la photo à 360° au sommet.

Nous partons tant bien que mal, de lacs à en lacs jusqu’à trouver les cairns nous menant vers le col d’Aragon. Tout à coup à notre gauche, le brouillard se dégage pour nous laisser admirer le lac d’Opale qui porte bien son nom. L’ eau d’un bleu vif presque turquoise me prend aux tripes. La magie des montagnes, de la météo changeante, des courts instants de vie me saisit… c’est dans ces moments-là que j’apprécie le plus le moment présent. Ces petits rappels au détour d’un sentier forcent mon désir de randonnées.

Le brouillard cependant nous rappelle à lui. Nous continuons donc avec ferveur notre recherche de cairns. Le sentier grimpe et je suis contente d’avoir laissé mon sac derrière un gros rocher. C’est que la tente, le sac de couchage et le réchaud finissent toujours par peser sur mon dos. J’ai eu la bonne idée de me munir de victuailles pour l’ascension : une doudoune, une gourde, quelques galettes de riz recouvertes de chocolat… fondant !

Je regrette vite mes lunettes de soleil et la crème solaire laissées plus bas lorsque nous enchainons les montées de grosses pierres. Du pierrier en veux-tu en voilà ! Mais pour le moment, les pierres sont géantes et ne bougent pas.

Je garde l’œil sur les lacs en contrebas. Notre avancée me semblent longue, très longues par rapport à ce que nous avait promis le gardien du refuge. A la rencontre de notre premier névé, M. décide de continuer sur les crêtes, tandis que je cherche à suivre les cairns, en traversant pas peu fière la neige compactée sur les gros rochers. Le brouillard a bien fini par disparaître, laissant place à un soleil rasant. La neige fondante absorbe le choc de mes pieds à la surface. Nous n’aurons pas besoin de crampons.

Mais cette histoire ne me rassure pas. Nous sommes encore loin du col d’Aragon et voilà pourtant l’heure et demi qui passe. J’avance désespérée de ne pas avoir protégé ma peau avant de laisser mon sac en contrebas. Quelle erreur de débutante !

M. finit par me rejoindre et c’est à ce moment là que nous perdons les cairns. Confiante, je lui propose de passer par le couloir de droite qui semble accessible via un gros névé. M. est plutôt d’accord avec l’idée. Pourtant une fois les pieds dans les mini-cailloux dégoulinants, on aura tant de fois envie de faire demi-tour. Deuxième erreur de débutant : toujours retourner sur ses pattes lorsqu’on perd la trace ! Engagés dans le couloir de la mort, on se rend à l’évidence : on ne sera pas en capacité de redescendre. Nous avançons tant bien que mal et je me prends à chanter « Hallelujah » de Léonard Cohen pour faire passer la pommade.

On finit par rejoindre les cairns qui nous faisaient passer par la gauche et le col d’Aragon s’ouvre enfin. On explore le côté espagnol, jusqu’à découvrir surprise un bouquetin. Je continue à l’observer tandis que M. va chercher de l’eau au lac en contre-bas. Puis on décide de monter jusqu’au Pic.

Du Pic de Cambalès aux lacs de Cambalès

A quelques encablures du col d’Aragon, une ouverture s’ouvre sur le vide. C’est magnifique. M. n’ose pas trop s’approcher et finit par m’annoncer qu’il ne montera pas le sommet.

Après tous les rochers parcourus je trouve cela dommage de m’arrêter ici. Alors je grimpe un peu plus haut pour voir où le sentier mène. Je monte, je monte sans trop me soucier de la descente et je finis par apercevoir le sommet. Il n’est pas si loin. Je tourne la tête pour faire signe à M. qui écrit sur son carnet, posé juste avant l’ouverture. Soudain, je me rends compte de la descente qui m’attend. Je n’avais pas réalisé qu’elle serait raide et les frayeurs du matin me découragent rapidement. Regardant ma carte, je réalise que je suis seulement à 100 mètres de dénivelé du sommet.

Il ne me reste plus grand chose et pourtant je redescends. A la base, j’étais venue pour un bivouac tranquille autour des lacs. La faim me tiraille. Les quelques galettes de riz n’auront pas suffit à m’insuffler l’énergie nécessaire à cette randonnée annoncée de 3h maximum qui se transformera en 7h pause comprise ! Je rejoins alors M. un brin dépitée mais bien décidée à redescendre cet amas de pierre qui commence à me gonfler.

Il fait chaud sur ces gros cailloux. D’un pas svelte, mon corps attaque la descente et nous faisons bien attention à suivre les cairns cette fois. Le couloir se présentant sur notre droite est beaucoup plus simple que ce par quoi nous sommes montés. Nous observons assez ébahis le chemin chaotique que nous avons emprunté à l’aller. Je peste contre ce gardien de refuge qui nous a conseillé sans même nous demander notre niveau. J’aurais du écouter mon intuition… celle qui me disait que le Soum de Bassia n’était pas si mal pour un dimanche. Je préfère prévoir et regarder les topos en amont car je sais que la montagne a toujours son lot de surprise.

Le manque d’eau finit par se faire sentir. Alors que je chauffe de la tête au pied, M. remplit la gourde de la neige du névé. J’ai peur de prendre un coup de chaud. J’attrape désespéramment la neige pour me l’étaler sur le derrière du cou, les tempes et les poignets et caler sous ma casquette un petit tas rafraichissant. M. est rouge écrevisse et je ne parie pas cher pour ma propre peau.

Nous descendons et finissons par apercevoir les lacs, cherchant nos sacs à récupérer.

Après avoir loupé nos sacs de peu, nous remontons et dégustons notre déjeuner à 17h. Il était temps ! Je relâche la pression et toute la fatigue et la chaleur accumulée sur la journée se dessine dans ma tête. Restons-nous sur notre itinéraire ou descendons-nous au refuge pour se remettre les idées en place à coup de génépi ?

Je résiste à l’appel de la boisson sucrée alcoolisée pour embarquer M. jusqu’au lac de Nère. Grognon sur la descente jusqu’à la bifurcation, je n’ai pas su lâcher prise sur l’itinéraire malgré la fatigue… Je serre les dents dans la montée, crevée. 45 min plus tard, on aperçoit le lac parmi la brume qui nous a rejoint et nous continuons jusqu’au Pourtet. De ce dernier, on prolonge la randonnée alors que le soleil ne va pas tarder à se coucher. 1h30 plus tard nous voilà au lac de l’Embarrat inférieur à chercher désespéramment un spot de bivouac.

Le lieu est trempé. Nos tentes sont mouillées depuis le matin, et je culpabilise légèrement d’avoir embarqué M. jusqu’ici. Après un diner plus sympa que ma prise de tête, nous nous couchons exténué par une journée bien chaude et un nouveau terrain de jeu pour M.

Des lacs de l’Embarrat au pont d’Espagne

Notre départ est prévu à 6h30. Réveil à 5h45 pour ma part. Je traine un peu dans mon sac de couchage avant de commencer ma routine matinale de bivouac : en sortir, le plier, dégonfler le matelas, sortir de la tente et la ranger. Tout est prêt et je prends un petit-déjeuner lorsque M. sort de la sienne.

Le spot de bivouac humide du soir se révèle être parfait ! Au petit matin, plus de brouillard ! La vue est splendide et les rayons du soleil chatouillent les montagnes au dessus du lac. C’est à 6h45 que nous partons pour rejoindre le pont d’Espagne. 2h45 avait été annoncé au départ du lac de Pourtet et j’avais peur de ne pas être à l’heure pour le travail.

Une descente de 600 m de dénivelé nous attend. Les pieds sont moins sûrs que la veille et jonglent pourtant avec les rochers. Il y en a partout… jusqu’au bout ! C’est là qu’on sait que l’on randonne dans les Hautes-Pyrénées. Je rigole comme une enfant et j’avance patiemment, heureuse d’avoir accepté cette deuxième nuit de bivouac.

Nous rejoignons le chemin nous menant au Pont d’Espagne, plat mais long. La lumière matinale rase les plateaux remplis de chevaux. C’est beau et je ne regrette pas de m’être levée si tôt.

Nous reprenons la route vers le Val d’Azun. Après un arrêt à Cauterets pour enfin tester la tourte aux myrtilles de Chez Gillou, je suis prête à me mettre devant mon ordinateur pour entamer la semaine de travail qui m’attend. M, lui, reprend la route vers une autre vallée pyrénéenne. Une aventure d’un week-end que je vous recommande chaudement (mais avec beaucoup d’eau et de crème solaire !).