Traverser les Pyrénées à pied : le GR10, d’Est en Ouest de Banyuls à Hendaye

Je n’aurais jamais pensé être capable un jour de traverser les Pyrénées à pied, seule et en autonomie, sur le GR10. Pourtant c’est au cours d’un trek dans les Écrins, il me semble, que ce projet est né. Dans un coin de ma tête, je me suis dit : « finalement pourquoi pas ! Tu pourrais prendre ton sac à dos, ta tente et ton réchaud que tu n’as pas encore, pour voir jusqu’où tes pieds te mèneraient ».

C’est que finalement j’en avais fait des kilomètres en Nouvelle-Zélande et en Australie. La Tasmanie a été ma terre de treks pendant 2 beaux étés. Je bossais dans les vignes la semaine et le week-end je partais avec mon pote de rando dans les parcs nationaux accessibles en quelques heures. De retour en France, je me suis retrouvée lyonnaise et les Alpes sont alors devenues mon terrain de jeu. Pourtant au fond de moi, les Pyrénées appelaient ma quête de sauvage et j’avais le sentiment qu’y retourner, après y avoir fait quelques randonnées enfant, me permettrait d’y retrouver des ressources inespérées.

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Comment se prépare-t-on à traverser les Pyrénées sur le GR10 ?

Alors j’ai laissé ce projet dans un coin de ma tête, puis à mon retour de Côte d’Ivoire, pour mieux atterrir, je me suis dit que c’était le timing idéal pour partir. Que nenni ! Les seules randonnées que j’avais pu faire étaient bien trop humides et chaleureuses pour que je sois physiquement au niveau. J’avais tout de même passé des années à enquêter sur le matériel qu’il me faudrait pour une telle traversée et dès que mes achats furent prêts, je pris le bus pour Hendaye.

Vous l’aurez compris : ce fut l’histoire d’un faux départ. Mon sac de voyage n’était clairement pas adapté à la randonnée et mes 2kgs d’amandes furent de trop. Orage, première expérience de bivouac en solo, j’ai opté pour la solution de repli pour mieux repartir.

Une semaine plus tard, je repartais avec mon sac de 30L pensant qu’il allégerait mon dos et me permettrait de m’offrir une traversée en douceur, mais cette fois au départ de Banyuls ! Le faux départ m’avait laissé un goût amer et je n’avais clairement pas envie de remarcher sur mes pas inachevés. Un covoiturage de Toulouse à Banyuls plus tard, j’étais à nouveau sur le GR10 un brin plus confiante… sauf que tout ne s’est pas passé comme prévu.

Traverser les Pyrénées Orientales, de Banyuls à Mérens-les-Vals sur le GR10

Je me souviens de cette belle montée sous la chaleur écrasante d’un après-midi d’août. Mes 3L d’eau furent compté lorsque je décidais d’opter pour une nuit en bivouac au Col des Terres. La montée jusqu’au Pic de Sailfort et l’absence d’eau furent fatidique à mon talon d’Achille. Mais je n’ai pas voulu lâcher. Non pas après avoir grimpé le Canigou, ce sommet si mythique pour les catalans et qui ferait partie de mon aventure pyrénéenne.

Ce fut donc à Mérens-les-Vals que je finissais mon aventure de GRdiste. À regret de ne pas pouvoir le faire d’une seule traite, je savais que le GR10 me rappellerait à lui ultérieurement. Et bizarrement ce fut à l’étranger que cela se produisit. Au cœur de Madagascar, j’avais décidé qu’il était temps de quitter mon travail et de reprendre ce projet qui m’avait filé du fil à retordre jusque-là. C’était donc de Mérens-les-Vals que je débutais ma traversée des Pyrénées Ariégeoises, à deux pour le week-end, puis seule avec moi-même.

Traverser les Pyrénées-Ariégeoises sur le GR10, de Mérens-les-Vals à Fos sur le GR10

J1-2 / De Mérens-les-Vals au refuge du Rulhe

Après avoir dormi dans un virage menant vers les cascades, G. qui m’accompagne sur ce week-end du 15 août et moi-même, prenons la route pour le GR10. Mon sac me semble bien trop lourd avec les kilos de nourriture que j’ai emporté avec moi. Le doute m’envahit dans la montée. Ne serais-je pas entrain de faire la même erreur que la dernière fois ? Emporter avec moi un poids conséquent de nourriture pour me rassurer, alors que tous les 2-3 jours il est possible de se ravitailler dans la vallée ?

Je finis par me donner raison. Il paraît qu’en Ariège, il y a peu de ravitaillement… les prochains jours finiront par me donner tort.

Il parait qu’on emporte ses peurs dans son sac.

Après la petite grimpette matinale, nous finissons par déjeuner juste avant l’étang de Comte, les pieds dans l’eau, regardant au loin les nuages menaçant. Nous prenons ensuite le chemin zigzaguant jusqu’à ce que G. décide de s’arrêter pour la journée au bord du ruisseau, sa cheville lui faisant très mal. Après un petit bain de pied, je lui propose de monter la tente… il est à peine 13h passé.

Quelle belle idée ! Dès 13h30, il se met à pleuvoir jusqu’à l’éclaircie de 17h. Nous dinerons bien plus tard en speed pour échapper au nouvel orage. Résultat : 13h de sieste pour repartir à 9h le lendemain et monter doucement vers le refuge du Rulhe que nous atteindrons vers 14h.

J3 / Du refuge du Rulhe à la cabane de Clarans

Je me réveille un peu avant 7h pour regarder la brume au loin et engloutir un petit-déjeuner. C’est le grand jour pour moi : celui de mon départ officiel en solitaire sur le GR10. Un mélange d’excitation mais aussi d’angoisse se conjuguent magnifiquement, tandis que vers 8h je quitte G. qui repart, cheville en vrac, vers Mérens-les-Vals.

Le chemin monte doucement et pourtant, je perds rapidement les balises du GR. Il faut que j’apprenne à me faire confiance à nouveau. Hier mon intuition et l’écoute de mon environnement nous ont évité une belle douche, aujourd’hui seule, je dois canaliser mon énergie pour aller dans la bonne direction.

Je tourne une demi-heure jusqu’à me rendre compte que la trace IGN n’est plus exacte. Je rejoins le panneau en hauteur et me détache de mon téléphone portable. Je marcherai ensuite gaiement jusqu’aux crêtes me menant au plateau de Beille. Vers 12h30, je me pose sur la petite table qui semble avoir été déposée là sur le point le plus haut. 30 min plus tard, j’échapperai au vent en me remettant en marche.

Beille, c’est long et le chemin est inintéressant.

Je finis par arriver à la station, à passer à côté des chiens de traineaux qui ont l’air d’avoir trop chaud, pour rejoindre la cabane d’Artignan.

C’est alors que Daniel sort sa tête et me propose un café. Je comprendrais alors que je me trouve devant la cabane vue dans l’émission Échappée Belle, retapée par « Antoine » alias Jacob Karhu. Je vous avoue que je l’imaginais plus coupée du monde cette cabane, loin de tout et surtout d’une station de ski. Mais Antoine en a fait un petit coin de paradis ! Daniel me raconte quelques anecdotes de cette aventure mais aussi de ceux croisés sur le GR10 au fil de ses allers-retours à venir entretenir les lieux.

Une heure plus tard, je reprends le GR10, qui descend alors dans la forêt pour arriver sur la jasse et passer un petit moment à chercher la cabane de Clarans à la boussole. Petite toilette à la micro-rivière, puis c’est la pluie qui prendra le relai vers 18h.

Un couple, dont j’ai oublié le nom, me rejoint et nous passons la soirée à papoter, échangeant sur la vie, les aventures à pieds et de par le monde, les tournants professionnels et nos lectures, jusqu’aux premiers ronflements de la gente masculine. La moustiquaire sur ma tête ne m’aidera malheureusement pas à m’endormir rapidement.

J4 / De la cabane de Clarans à Siguer

Je quitte la cabane au petit matin et croise un autre couple dans ma direction. Ça grimpe rapidement dans la forêt, puis arrivée au col de Sirmont, je redescends quelques instants pour remonter à nouveau jusqu’à la cabane de Balledreyt.

Je décide de pousser jusqu’au Courtal Marti, qui s’avère être une micro cabane entourée de vaches et de chevaux. Je salue le vacher puis continue à grimper pour trouver un « abri » en pierre au col du Sasc. 30 min de pause plus tard et je repars à cause du vent. Le ciel se fait menaçant.

Je recroise dans la montée de Montcamp le couple du matin. Charlotte et Thomas arrivent au bon moment et partagent le passage en crête sous les grondements et le vent violant.

C’est toujours lorsque tu en auras besoin, que quelqu’un surgira sur ton chemin.

Le couple qui semblait distant ce matin, s’ouvre gentiment après cet épisode de stress sous l’orage. La descente pour Siguer nous parait interminable alors on en profite pour échanger sur le chemin. Petit arrêt à Gestier au cœur de la fête du village pour une boisson sucrée puis c’est l’accueil randonneur, mis gracieusement à notre disposition à Siguer qui prendra le relais.

J5 / De Siguer à Goulier, puis Bassiès

La matinée semble dure. C’est ce qu’on appelle un jour sans. Le ciel est couvert et n’aide pas le moral. De Siguer à Goulier, ça monte puis ça descend en forêt. Le tonnerre gronde au loin, après le col de Gamel. J’hésite à continuer plus longuement. J’avais prévu de couper au vu du temps pour rejoindre directement Bassiès par un PR.

Goulier m’offre une petite placette toute mignonne pour poser mes fesses le temps d’un sandwich, mais la pluie s’en mêle. Ça crachote alors je tente d’avancer un peu.

De Goulier à Olbier, me voilà à Auzat à chercher mon chemin quand je croise Eymeric et Damien qui partent sur Marc, pour rejoindre l’Espagne.

Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous.

Paul Eluard

On prend le même chemin et en discutant, ils finissent par quitter leur idée de GR11 pour bifurquer avec moi jusqu’aux étangs. On croise alors Céline et Magali, et c’est parti pour une sacrée grimpette sous la pluie.

Partie à 7h30 ce matin, j’arrive vers 19h au refuge un brin humide. Heureusement toute la chaleur du monde avait décidé de se joindre à ma table, de discussions en points communs, je savais qu’il n’y avait pas de hasard. Repas en douce compagnie avant de rejoindre ma tente sous la pluie.

J6 / Du refuge de Bassiès à Aulus-les-Bains

Ma journée qui s’annonçait courte prend des heures de rallonge. Nous partons à 5 pour le port de Saleix, où nous laissons les filles prendre à droite tandis que nous suivons le GR. La pluie fait rage et nous peinons à trouver un lieu pour le casse-croûte, jusqu’à une installation posée au bord de la route. On se réchauffe et la pluie finit par passer. La descente jusqu’à Aulus-les-Bains se fait douce et c’est presque à la fin du chemin que je recroise Thomas et Charlotte, les deux artistes de la veille. Camping à Aulus puis repas guinguette. Oups, il est déjà minuit !

J7 / D’Aulus-les-Bains au Cirque de Cassiérans

Il est 20h. Je suis posée au cœur du cirque de Cassiérans, une heure avant le col d’Escots, pour profiter d’un bivouac au bord du ruisseau. Je me pose… seule. Eymeric et Damien sont finalement partis du côté espagnol au niveau du Cap de Rich. C’est d’ailleurs là que je les ai attendu après être montée tranquillement à la cascade d’Ars, tandis qu’eux se baignaient. Un ariégeois m’a tenu compagnie pour le repas, me racontant comment l’Ariège changeaient au fil du temps, des paysans aux étrangers (hollandais), à l’arrivée des écolos. Il me parle du HRP, des Pico de Europa et de comment il était possible dans le temps de travailler à Toulouse et d’habiter en Ariège avec l’essence peu chère. Il m’explique aussi que le sentier sur lequel les 2 compères doivent s’engager pour rallier l’Espagne, était emprunté chaque année en signe de pèlerinage, en souvenir du temps où les franquistes devaient quitter l’Espagne.

Malheureusement ces sentiers sauvages et magnifiques risquent de se perdre car les gens ne veulent plus partir en alpage, ou monter avec les bêtes.

L’ariégeois

Au moment de son départ, les 2 basques débarquent pour que je puisse leur dire au revoir. Je continue donc le chemin seule, pestant intérieurement contre les sentiers ariégeois qui montent raides et descendent… raides. Peut-être une façon de faire le deuil des belles rencontres de ces derniers jours.

J8 / Du cirque de Cassiérans à Saint-Lizier

J’arrive à Saint-Lizier vers 13h et décide de me poser au camping l’après-midi. Quand on est une femme en randonnée, on doit en plus gérer la fatigue liée à nos hormones et ce n’est pas toujours cool. Le chemin nous apprend aussi à nous écouter et même si l’envie de continuer se fait forte, je préfère prendre ce temps pour récupérer.

J9 / De Saint-Lizier à la cabane d’Aula

Le départ de Saint-Lizier se fait morose. 8h du camping, je grimpe doucement vers le col de la Serre du Cot. Je croise une mère et son fiston dans la forêt, qui me raconte que le gite d’étape de Rouze offre le repas 4 étoiles du coin. Un autre groupe me confirme que la descente sera raide. Finalement à Rouze vers 11h, il sera un peu tôt pour la pause, que je ferai à Couflens. De Couflens, je remonte rapidement à Angouls puis Faup où il semble faire bon vivre le dimanche. De Faup, je zigzague jusqu’au col de Pause, où je croise une multitude de gens, me rassurant quant à l’éventuel orage auquel j’espérais échapper.

Après avoir discuté avec une « médiatrice », également guide de montagne, je recharge mon eau avant de monter à l’étang d’Arreau, où je me fais prendre en photo par un espagnol.
De l’étang, je monte encore vers la brume avant d’entamer la redescente vers la cabane d’Aula, où trois gars y sont déjà. Je rejoins le couple et la fille qui bivouaquent pour échapper surement aux ronflements, mais non à la pluie.

La cabane d’Aula semble un repère à Gipaète Barbu. La lumière du soir était faible, je n’ai donc pas pu en observer la couleur, mais de grands rapaces étaient regroupés vers les montagnes et semblaient lâcher des choses du haut de leur altitude.

J10 / De la cabane d’Aula à Esbintz

La matinée est humide. Je sors de ma tente alors que les gouttes de pluie m’offrent encore leur son répétitif mais apaisant. Je la plierai d’ailleurs mouillée comme souvent. Je descends à travers la forêt en passant par la cascade d’Arcouzan et une cabane où les vaches m’attendent. Heureusement que je trouve un spot convivial à Couflens de Betmajou au bord de l’eau, car l’arrivée à Esbintz se fera elle aussi sur la route. Je crois qu’après les belles rencontres des premiers jours, la solitude me pèse.

J11 / De Esbintz au Pla de Lau

Je suis partie un peu tard ce matin, comme si le confort me sortait de mon cycle naturel. J’ai rapidement rejoint la cabane de Tariolle, où j’espérais dormir la veille puis le col de la Core. Après une montée parmi les fougères hautes, un petit stand semblait éclairé parmi le brouillard adjacent… pour mieux dévoiler la foule et les voitures. Heureusement, peu sont ceux qui montent et je continue d’un bon rythme jusqu’à l’étang d’Ayes indiqué à 2h20 de là. Objectif : y être pour la pause déj.

Vers 12h30, je glisse les pieds dans l’eau et profite d’une pause au soleil. La trempette me tente mais j’ai peu de temps si je veux atteindre le pla de Lau annoncé à 10h de marche du col. Puis il y a du monde à l’étang, alors je préfère m’éloigner de la foule pour rejoindre le col de Laziès.

La vue est superbe et j’ai le sentiment que le mental est au top, la tête dans les sommets et les pieds sur les crêtes. Je me régale jusqu’au cap des Lauses où s’amorce la descente. Longue hésitation à rejoindre le côté espagnol pour gravir le Valier. Mais n’étant plus sûre de la météo, je préfère rejoindre le pla de Lau pour installer mon bivouac après 1 longue descente. 1h pour choisir un spot et une douche rafraichissante plus tard, c’est au bord du torrent avec les bruits de la chouette au loin que je poserai ma plume jusqu’au lendemain.

J12 / Du Pla de Lau à la cabane d’Arech

Il est 17h, j’arrive à la cabane d’Arech. Il y a de l’eau. Je m’arrête donc pour passer la nuit en espérant que les brebis ne fassent pas de même. J’en ai plein les pattes avec les 1400 mètres de dénivelé positif. Il y a eu la montée jusqu’à la cabane du clot du lac avec un « médiateur » bien sympathique, puis celle depuis la passerelle sur l’Orle, où je pensais que ce serait ma seule source d’eau jusqu’à Eylie. Je dors très peu souvent en cabane… on verra si le berger décide de pointer le bout de son nez.

J13 / De la cabane de l’Arech aux mines de Bentaillou

On est bien dans cette petite cabane. Tellement bien que j’ai du mal à sortir de mon sac de couchage, malgré les aboiements des chiens une heure plus tôt. Finalement les brebis sont descendues et le berger aussi hier soir. Pas de discussion malgré mon bonsoir plein d’enthousiasme.

Je finis tant bien que mal par me lever pour rejoindre Eylie. 12h. Il me reste encore 3h avant l’orage, je me décide alors à rejoindre les anciennes mines de Bentaillou. C’était sans compter un autre troupeau que je tente de laisser passer sur le seul chemin praticable. Impossible… elles bifurquent dans le vide tandis que les patous me surveillent de loin. Je commence à avoir froid. Le brouillard se lève et les brebis prennent leur temps. Je finirai par rejoindre les anciennes mines, où une vieille maison ONF me servira d’abri. Le refuge non gardé est bien fermé et le réseau ne passe pas pour que je puisse appeler le numéro indiqué sur la porte. La bergère semble bien au chaud dans sa cabane. Je me contente d’une maison glauque, en compagnie des araignées, bien trop heureuse d’avoir un toit assez solide sur ma tête pendant cette longue après-midi et nuit d’orage… jusqu’à l’éclaircie du lendemain.

J14 / Des mines de Bentaillou à Fos

Je quitte les mines complètement dégagées. La brume a disparu, du moins pour quelques temps. Les pauses photos sont nombreuses devant ces montagnes escarpées, qui semblent taillées grossièrement par la main de l’homme. Je finis par rejoindre le refuge où je croise un irlandais, dépité d’avoir passé la nuit au col sous l’orage mais bien trop content d’être en vie et de parler anglais à quelqu’un. Il m’annonce qu’il a croisé 11 patous la veille juste avant la cabane d’Uls, que je dois rejoindre. Des onze, je n’en verrai que trois et j’attendrai patiemment que le troupeau veuille bien descendre de la colline.

Passé les bocages et les magnifiques couleurs qui semblent automnales, la descente s’amorce en direct de Melles. Je croise deux gars qui vont dans le même sens que moi, mais qui semblent peu enclin à partager la route. La route d’ailleurs, je la rejoins rapidement et elle me mènera jusqu’à Fos et son ancien camping avec douche chaude en prime.

Une petite bière et quelques emplettes sur la terrasse de l’hôtel le Gentilhomme plus tard, les deux jeunes finiront par m’inviter à leur table. C’est au cœur de Fos que nous parlerons de parcs nationaux africains, de famille et de la difficulté à être un chercheur, autour d’une conversation courte mais passionnante.

Traverser les Pyrénées-Centrales sur le GR10, de Fos à la corniche des Alhas

J15 / De Fos à Bagnères de Luchon

Je pars de Fos un peu tard pour m’engager dans la forêt. Pendant 1h c’est un combat avec des lipoptènes du cerf (que je prenais pour des tiques « volantes ») que je mènerai jusqu’à ce que la forêt se refroidisse. La montée est raide jusqu’à la cabane d’Artigue et grâce à l’énergie retrouvée après un échange avec un autre randonneur, je continuerai jusqu’à la cabane des Courraux pour manger. Il me reste encore une trotte mais le GR10 ne passe plus par l’étang de St-Béat et j’ai le sentiment de bien grimper.

C’est à la montée juste avant le Col d’Esclot que je croise Annie légèrement perdue sur sa boucle du jour. On marchera ensemble jusqu’au Pic de Bacanère offrant une vue à 360°, puis on se retrouvera à la cabane de Saunère où je pensais passer la nuit.

Il y a foule à la cabane, alors j’accepte la proposition d’Annie, de continuer jusqu’à Artigue où elle a laissé sa voiture. Arrivée à Luchon, je prendrai la pluie dès la montée de tente. Une pizza finira par me réconforter avant d’étendre mon linge au cœur de la nuit.

J16 / De Superbagnères à Espingo

Matinée courses à Luchon, où je suis un peu dépitée de retrouver la société de consommation. J’en avais pourtant rêvé de cette arrivée à Bagnères-de-Luchon. Je m’étais imaginé y rester 2 jours pour profiter des thermes et célébrer comme il se devait ma traversée des Pyrénées-Ariégeoises. Mais à peine arrivée à Luchon, j’ai voulu en partir. L’effet d’une ville sur une randonneuse n’est pas toujours bénéfique. J’y ai trouvé la pluie, le gris des bâtiments, malgré la douce compagnie d’Annie. Alors une fois mes courses finies, je me devais de repartir au plus vite au cœur des montagnes, qui me semblaient alors un environnement plus accueillant.

Après un déjeuner avec Annie, celle-ci m’accompagne jusqu’à Superbagnères, la journée étant déjà bien entamée. Je réussis à la convaincre de partager quelques pas encore avec moi, et nous voilà embarquées sur la montée du col de Coume de Bourg. Annie me quitte, tandis que les nuages s’obscurcissent.

C’est moins pire qu’un quai de gare !

Annie

Ce message lancé au loin me prit aux tripes. Moi aussi j’étais triste de quitter cette dame qui avait l’âge de ma mère et m’avait apporté tant en si peu de jours. Mais aussitôt seule, la nature reprit le dessus sur mes émotions et je n’avais pas d’autres choix que d’avancer.

L’orage me fait accélérer et semble arriver de part et d’autre des vallées. Les lumières sont splendides et les montagnes encore plus fières, tandis que je les guette nerveusement, happée par le stress. Au niveau de la Hourquette des Hounts Secs, j’aperçois le lac d’Oo et son auberge. L’orage semble avoir dansé au dessus de ma tête pour s’en éloigner aussi soudainement que l’arrivée de la pluie, qui m’accueille gentiment à la bifurcation pour le lac d’Espingo. Après une nuit d’orage, je décide d’opter pour l’option dortoir au refuge, alors que le ciel au dehors se dégage splendidement.

J17 / Du refuge d’Espingo à Loudenvieille

Du refuge d’Espingo, je descends en 2h aux Granges d’Astau, pour remonter sur 1000 m de dénivelé positifs vers le couret d’Esquierry. Je connais déjà le coin pour y avoir randonné l’été passée et je suis attristée par la petitesse du torrent à côté de la cabane d’Ourtiga, où j’avais bivouaqué. La pluie m’a suivi lors de la montée jusqu’au col puis n’est plus en cette après-midi. La descente vers Loudenvielle s’annonce longue avec mes pieds en compote, mais je finis par arriver avant le gros orage du soir, au camping.

J18/ De Loudenvielle au lac de l’Oule

Je quitte Loudenvielle, la tente mouillée. Je n’aurais même pas pris le temps d’aller voir le lac de plus près, ni même goûté à la tarte aux myrtilles aperçue la veille.

Je monte doucement vers le Couret de Latuhe, où je croise mon 2ème serpent. Le cœur n’y est pas, je serais bien restée à Loudenvielle pour me reposer une vraie journée… mais l’idée n’a fait son apparition qu’en chemin. Je marche lentement et finis par arriver à Bourisp vers 12h30. Je trouve l’endroit parfait pour la pause et m’autorise un bain de pied dans les eaux glacées.

Vers 13h30, je me motive pour une longue étape. De Vieille-Aure, je passe par le chemin des mines bétonné sous un soleil de plomb et finis par apprécier l’ombre que veulent bien m’offrir les arbres sur le sentier qui zigzague. Je prends de altitude et 4h30 plus tard, je finis tant bien que mal par arriver au col de Portet, où je prendrai seulement une photo avant de repartir. La route est encore longue jusqu’au Lac de l’Oule, où je souhaite passer la nuit.

Je croise deux gars qui font le tour du Néouvielle et j’emprunte le chemin menant vers le GR10C. Il faut ensuite redescendre et ce sera au pas de course que je trouverai l’aire de bivouac. Je salue mon voisin et monte ma tente mouillée du fort orage de la veille. Le temps de me faire à manger, il fera déjà nuit.

J19 / Du Lac de l’Oule à la cabane d’Aygues Cluses

Le lac de l’Oule offre des reflets parfaits de bon matin. Tellement parfaits que j’en oublie la bifurcation menant au col d’Estoudou ! Ça monte parmi les paysages familiers du Néouvielle et le col ne manque pas de m’offrir un beau spectacle. J’échange quelques minutes avec un monsieur ici pour 3 jours, puis j’entame la descente vers le lac d’Aumar, le ciel sombre derrière moi. La pluie finit par me rattraper au lac et le manque d’abri me fait poursuivre ma route jusqu’au col de Madamète, annoncé à 1h30 de là.

Mes pieds jonglent parmi les roches mouillées et le col se rapproche, tandis que l’orage tourne au dessus de ma tête depuis Aumar. Le Néouvielle, que j’ai pu grimper l’été dernier, est recouvert. Je ne m’attarde que très peu jusqu’à franchir le col et redescendre vers le lac de Madamète. Je profite d’une éclaircie pour un lunch express à 14h, agrémenté de myrtilles sauvages. 30 minutes plus tard, je serai à la cabane d’Aygues-Cluses en compagnie de Mathis et Aurélien, qui nous propose une tisane à la verveine. Encore une belle soirée en bonne compagnie, cette fois-ci entre 4 murs froids.

J20 / De la cabane d’Aygues-Cluses à Luz St-Sauveur

Je me régale toute la matinée en suivant le ruisseau. L’endroit est magique jusqu’à Pountou et mon âme d’enfant se réveille. Mais à partir de Tournaboup ce n’est plus pareil. Les stations de ski, c’est toujours aussi moche et je dois longer la route quelques temps. Je rejoins Barèges en 45 min mais il reste encore une trotte jusqu’à Luz Saint-Sauveur. À Luz, je finis par planter ma tente en dehors de la ville dans un camping familial. Quelques courses plus tard, il sera temps de m’envelopper dans mon sac de couchage.

J21 / De Luz St-Sauveur au pont St-Savin

Grosse journée au départ de Luz et beaucoup de route. Je finis péniblement par arriver aux granges de Saugué que je trouve fermées. Heureusement que la vue sur la Brèche de Roland égaye ma descente jusqu’aux Granges de Holle. 20 min avant de les atteindre, je trouve un spot de bivouac au bord du torrent et finis par poser ma tente là, à 2 pas du pont de St-Savin.

J22 / Du pont de St-Savin au refuge de Baysselance

Je rejoins les granges de Holle de bon matin que je trouve sous la brume. Il est déjà 9h et les campeurs semblent à peine sortir de leurs tentes. Je monte doucement dans la vallée d’Ossoue, un peu à l’aveugle, croisant quelques brebis sur le chemin. D’ailleurs, l’une d’entre elle, curieuse, est venue me lécher la main. Je continue jusqu’à ce que la brume se lève, me laissant complètement ébahie devant le spectacle que la nature m’offre.

De cabanes en cabanes, je finis par atteindre le barrage d’Ossoue vers 13h. Une petite pause s’impose avant d’entamer la montée jusqu’au refuge de Baysselance. Je suis le ruisseau des oulettes qui semblent peiner en cette fin d’été, double quelques personnes dans la montée et suis les lacets qui serpentent vers le refuge, que je connais déjà. Celui-ci est encore complet ce soir, mais je me glisserai sur une table pour le repas du soir, entre trois espagnols venus gravir le Vignemale, des papis en faisant le tour et deux jeunes filles se retrouvant pour le week-end entre Bordeaux et Perpignan. Le plus haut refuge gardé des Pyrénées m’offre à chaque fois une belle ambiance.

J23 / De Baysselance à Cauterets, par le col d’Araillé

Je me fais réveiller par le vent vers 6h du mat et je sais que mon seul poids permet de maintenir ma tente au sol, au vu du terrain sableux trouvé la veille. J’ai du mal à sortir de mon sac de couchage et pourtant une longue journée m’attend. Au lieu de descendre par le lac de Gaube, chemin parcouru par deux fois lors de mon ascension du Petit Vignemale, je décide de passer par le col d’Araillé.

Un gros pierrier m’attend et je finis péniblement mais fièrement par arriver au refuge d’Estom, où je ne suis pas hyper bien accueillie. Une omelette plus tard et je repartirai rapidement via la Vallée du Lutour, qui me semble remplie de touristes ingrats et malpolis. Peut-être qu’il me tarde juste d’arriver à Cauterets… La vallée est belle mais je me rends compte que je l’ai déjà parcouru il y a plus de 10 ans déjà.

J’arrive à Cauterets et indécise, je m’offrirai un bout de nuit dans le gîte le Beau Soleil. L’accueil est super, avec une cuisine à disposition, mais je serai réveillée de bon matin par un groupe de personnes sourdes, ne pouvant pas entendre leurs pas lourds et intenses dans les escaliers.

J24 / De Cauterets à Arrens-Marsous

De Cauterets, ça grimpe bien pour rejoindre le lac d’Ilhéou, mais heureusement que la route bétonnée est vite derrière moi. Je me retrouve à suivre les brebis à partir de la cascade du même nom, qui ont pour destination la petite cabane avant le refuge. Pour ma part je continue jusqu’au lac, où j’avais prévu de déjeuner, mais le vent me contraint à pousser jusqu’au col, que l’on peut rejoindre en téléphérique depuis Cauterets. Ça grimpe sec et la faim me tiraille.

Je finis par m’arrêter à la cabane d’Arras, où un jeune chien de berger m’invite à lui lancer le bâton. Repas cheveux au vent, puis je finis par atteindre le col avant de redescendre sur Estaing. Les nuages obscurcissent le ciel et je prends une grosse averse, heureusement courte. Le temps de croiser une mère et ses deux enfants adultes faisant le chemin inverse, je serai au lac d’Estaing vers 15h30. De là, je me rends compte qu’il me faut marcher 3h sur le bord de la route pour rejoindre Arrens-Marsous.

La première bifurcation au cœur de la nature semble inaccessible à cause de chutes de pierre. Je finis par lever le pouce, rêvant d’une lessive et d’une bonne douche. Un couple de retraités originaire de Belfort, en vacances dans le coin, me dépose à Arrens, les hasards de la route m’ayant permis de suivre le GR10 à vitesse grand V. S’en suivra une petite bière en bonne compagnie.

J25 / De Arrens-Marsous au lac d’Anglas

D’Arrens jusqu’au col de Saucède, le chemin est le même que celui du Tour du Val d’Azun, emprunté en automne dernier. Pas de surprise pour moi et l’envie de planter ma tente comme la veille me taraude.

Du col de Saucède, je décide de prendre la route afin de marcher à niveau quelques temps. Je retrouve la bifurcation vers le col de Tortes qui est annoncé à 1h30. Je craque pour une pause déjeuner sachant que la montée avec le ventre plein sera plus dure.

Et ce fut le cas… Le chemin me semble interminable et la descente vers Gourette peu intéressante. Malgré mon manque d’entrain du jour, je décide de pousser jusqu’au lac d’Anglas, Gourette ne m’offrant rien de saisissant pour passer la nuit. Il est 15h et j’ai encore 700 m de dénivelé positif qui m’attendent. Je croise une foule de retraités qui m’encouragent. Les deux groupes qui s’arrêtent pour discuter me redonnent la dose de motivation nécessaire pour grimper.

Je finis par planter ma tente sur une pelouse resplendissante au bord du lac.

J26 / Du lac d’Anglas à Gabas

Je quitte le lac d’Anglas après une nuit réveillée par le vent. Je monte jusqu’à la Hourquette d’Arre qui m’offre une vue magnifique et la vision de 2 bouquetins. La descente du col est moins sympa avec un terrain glissant et un vent tellement fort que j’ai eu l’impression de sauter en parachute une seconde fois. Puis la descente s’adoucit et offre un chemin plat mais long jusqu’aux cabanes de Cézy, que je ne verrai guère car hors GR10. La descente reprend et la corniche des Alhas ne présente rien de percutant, mais marque le passage vers les Pyrénées Occidentales.

Arrivée à Gabas, je n’ai plus de jambes pour continuer jusqu’au lac d’Ayous, où je rêvais de bivouaquer depuis ma dernière escapade là-bas. Je prendrai le spot de bivouac pourri que m’offrira le village, sans vous cacher ma frustration ni ma déception.

Traverser les Pyrénées-Occidentales sur le GR10, de la corniche des Alhas à Hendaye

J27 / De Gabas à Etsaut

De Gabas, je longe la route menant à Bious-Artigue et y croise quelques vaches. Du lac, la route devient chemin et après 1 crêpe à la crème de marron, je croise un ancien du PSIG (peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie) et son chien d’avalanche « réformé » comme il s’amuse à l’appeler. Essayant de me rassurer, il me raconte que dans toute sa carrière, il n’a vu que 3 personnes foudroyées et me raconte les sommets parcourus d’antan.

Le chemin monte et je découvre le Pic du Midi d’Ossau en saison estivale, ainsi que le refuge d’Ayous au loin que j’avais vu sous la neige. Le sentier bifurque à droite pour monter au col du même nom qui m’offre une vue incroyable. Pause déj. avant de redescendre sur un chemin vallonné jusqu’à la cabane de la Baigt de St-Cours, dans laquelle je me serais bien vue dormir quelques jours. Heureusement elle est réservée au berger en période d’estive (jusqu’au 15 septembre) et je continue donc ma route jusqu’au fameux Chemin de la Mature.

Et là, c’est le drame ! Avec des cailloux qui font vaciller les chevilles, j’ai beau faire attention, la mienne y passe sous un soleil de plomb. Je finirai la route en boitant jusqu’au gîte d’Etsaut, dépitée et clairement mal lunée pour la soirée.

J28 / De Etsaut à la cabane d’Ardinet

Je quitte Etsaut vers 8h, grâce au réveil matinal de mes colocataires d’un soir, pour entamer une douce montée jusqu’au col de Barrancq. Ma cheville semble tenir le coup. Au col, il n’est que 10h30. Je continue donc ma route vers Lescun que je rejoins vers 13h30. Je refais le plein à l’épicerie et depuis hier, je n’arrête pas de me dire que la fin de la saison rend les commerçants peu aimables.

Après avoir mangé sur les escaliers de la mairie, je reprends mon sac pour le refuge de Labérouat. Espérant atteindre la cabane d’Ardinet pour la nuit, je croise une dame béarnaise à qui je demande si cette cabane est bien ouverte. Elle m’explique qu’habituellement c’est son neveu le berger qui l’occupe, mais ce dernier est descendu la veille dans la vallée. On fait un bout de chemin ensemble et elle me raconte que petite elle allait ravitailler son père berger à cheval et redescendait le fromage. Son fils a quitté son boulot dans le social pour suivre les traces de son grand-père, à sa grande déception. « Vous imaginez à plus de 45 ans ? Mais il me dit être plus heureux que jamais ».

La dame fait demi-tour, puis j’aperçois la cabane à la sortie de la forêt quelques pas plus tard. Pas le temps de la visiter, je me précipite comme une enfant sur la pelouse plate et verte, qui m’offre un spot de bivouac splendide pour la nuit. Je profite du petit torrent qui coule un peu plus loin pour remplir mon camelbag et faire mon brin de toilette du soir, avant de prendre le temps d’admirer la vue splendide à 360° sur les Orgues de Camplong.

J29 / De la cabane d’Aribet à Ste-Engrâce

J’exploite mon spot favori de bivouac jusqu’au bout puis je rejoins la cabane du Cap de Baitch, où se trouve un berger, pour bifurquer à droite. Ça grimpe tranquillement dans un paysage surprenant jusqu’au Pas d’Azun. Au Pas de l’Osque, pas de difficulté majeure, excepté le temps que je trouve long jusqu’à la Pierre-St-Martin. La station est moche mais je profite d’une pause au refuge Jeandel pour mieux repartir jusqu’au col. Du col, ça redescend jusqu’à St-Engrâce où je rejoins le gite en face de l’église pour planter ma tente.

J30 / De Ste-Engrâce à Logibar

Beaucoup de bitume en cette chaude journée. Heureusement que le petit cayolar ouvert me donne du baume au cœur pour une pause déjeuner. Il me rappelle la joie des cabanes ouvertes ariégeoises. Je sors reboostée de mes rêveries, pour atteindre le col d’Anhaou Kurutché. De là, c’est à nouveau de la route goudronnée puis ça redescend doucement en plein cagnard. Je manquerai d’eau à la passerelle d’Holtzarté et bivouaquerai au bord du torrent, sur un spot détenu par le gîte, qui a bien voulu me rembourser la chambre que je venais de prendre (après m’avoir accueilli de la plus désagréable des façons). Soirée en compagnie de GRdistes marchant dans l’autre sens.

J31 / De Logibar à Iraty-Cize

Je pars de Logibar de bon matin dans l’optique d’une belle étape mais d’une nouvelle journée chaude. À peine les quelques mètres de dénivelé avalé, le vent se met à souffler. Un vent d’ouest, preneur de tête mais aussi d’équilibre. Je lutte pour avancer sur les sommets ronds du Pays-Basque, jusqu’au col d’Ugatzé. Je verse quelques larmes de peur, et c’est toujours dans ces moments-là que d’autres randonneurs croisent ma route. D’abord ceux qui viennent de la forêt et m’inspireront un détour à l’abri du vent. Ceux qui me surprennent entrain de lutter dans un nouveau col (où j’aurais fait faire un saut de 2 mètres à une vache prise de peur). Ceux qui m’encouragent et me conseillent de mettre des cailloux dans mes poches pour passer le col du Pic des Escaliers.

C’est dommage, l’étape est belle mais je suis trop concentrée à essayer de rester en vie sur le sentier. Je réussis à faire une pause déj. juste avant ce col d’ailleurs, et une fois passé, les cols d’Iraizabaleta et Bagargiak arrivent vite et semblent moins agités. Petite glace au lait de brebis aux Chalets d’Iraty, le temps d’échanger avec un voyageur à vélo venu faire la traversée des Pyrénées avec sa copine. Je rejoindrai l’aire de bivouac mise à disposition par la commune d’Iraty, bien trop contente d’être encore en vie.

J32 / D’Iraty-Cise à St-Jean-Pied-de-Port

Dès que je pars, à 8h, le vent se lève à nouveau. J’appréhende déjà une nouvelle journée folle, à lutter contre un vent d’ouest pour grimper au sommet d’Okabe. Les paysages semblent lunaires, brossées par le souffle de la nature en continu. Pas d’arbres, seulement des herbes jaunies par le soleil. Le vent semble moins m’atteindre que la veille, avec les pieds un peu plus ancrés dans la terre. Et pourtant, passé le sommet et le site des cromlechs aux arc-en-ciels et chevaux galopants, je me retrouve à douter au col d’Irau. Dois-je prendre le risque de rejoindre les bordes d’Intzarazki dans des conditions météorologiques si violentes ? Ne serait-il pas temps de quitter le GR10 pour rentrer chez moi et me mettre à l’abri ? Je suis restée là 10 bonnes grosses minutes à lutter pour rester debout, tandis qu’une basque me regardait à l’abri de sa voiture, sans même me demander si tout allait bien…

Sur le GR10 en solitaire, on ne peut compter que sur soi-même. On aura beau se conter des histoires, on se retrouve seul face au vent, aux orages, à la nature dans toute sa splendeur. Seuls face à ses décisions.

Je prends mon courage à deux mains et repars. Le fait de rejoindre un chemin plus large me calme et je finis par arriver à Estrençuby pour la pause déjeuner, croisant de nouveau les cavaliers sortis de nulle part au niveau des bordes d’Intzarazki.

Le panneau annonce encore 4h de marche pour rallier St-Jean-Pied-de-Port que je rejoindrai vers 17h. La sensation de me retrouver au cœur de Disneyland Paris, à peine passer la porte Saint-Jacques est grande. Les touristes sont là, mélangés à ceux qui marchent sur le chemin de Compostelle. L’atmosphère montagnarde est loin et j’ai tout d’un coup du mal à trouver ma place. C’est une balade à l’heure du diner qui me réconcilie avec une ville pleine de charme, à la croisée des chemins.

J33 / De St-Jean-Pied-de-Port à St-Etienne-de-Baigorry

Journée tranquille aujourd’hui, annoncée à 6h de marche. Départ vers 8h30 après une nuit agitée, je profite de la montée jusqu’au Pic de Munhoa pour prendre mon temps. Le vent est encore présent mais son degré d’intensité a diminué.

Pause déjeuner cheveux emmêlés tout de même, avant de redescendre jusqu’à St-Etienne-de-Baïgorry, où je passerai la soirée au camping municipal en compagnie de Julien et Philippe.

J34 – J35 / St-Etienne-de-Baigorry à Bidarray

Je suis restée un jour de plus à St-Etienne, pensant éviter l’orage sur les crêtes d’Iparla, qui n’aura jamais lieu. Finalement il pleut ce matin. Je finis par partir à 9h avec ma tente mouillée sur le dos. Le temps est exactement celui que je craignais pour faire les crêtes : humide et brumeux.

J’avance un peu à l’aveugle jusqu’au col d’Harrieta. Parfois la brume laisse place à de douces couleurs automnales. J’ai suivi le couple à cheval toute la matinée. Ce sont bien les cavaliers rencontrés 3 jours plus tôt sous un vent de fou. Dans leur avancé, ils se retrouvent en sens inverse par erreur. C’était peut-être pour les guider que j’ai pris une journée de pause… eux qui viennent tout droit du Canigou, lieu où j’avais décidé de quitter le chemin quelques années plus tôt.

Vers 12h, le temps semble se dégager et j’avance jusqu’au Pic d’Iparla pour ensuite descendre vers Bidarray, où je passerai une soirée sympa en compagnie d’Arthur et Félix, qui font aussi le GR10 mais cette fois-ci dans mon sens.

J36 / De Bidarray au col des 3 fontaines

Je pars tôt de Bidarray dans l’espoir de rejoindre Sare en fin de journée. J’avance vite, espérant peut-être rattraper Félix et Arthur, partis 40 min avant moi ce matin. Je rejoins le col des Veaux, puis celui des 3 croix, où je décide de manger.

Dans ma descente pour Ainhoa, je discute avec deux bordelais venus pour le week-end. De Ainhoa, j’arrive à Sare en plein mariage et me motive à continuer jusqu’au Col des 3 fontaines pour passer une belle dernière soirée. À 19h, je découvre mon spot de bivouac du soir, magnifiquement choisi par Arthur et Félix, qui m’auront convaincu malgré la fatigue de pousser jusque-là. C’est exactement là que je voulais passer ma dernière nuit sur le GR10 : face à l’océan. Tout y est : des vaches meuglant de jour comme de nuit, un feu réchauffant mon âme en perdition avec le bleu du large, un nouveau gâteau basque à partager et des randonneurs qui ne savent vraiment pas ce qu’ils m’offrent en cette douce soirée.

J37 / Du col des 3 fontaines à Hendaye

Je quitte le col vers 9h, un peu avant Félix et Arthur. Ils finissent pas me rattraper mais m’attendent patiemment au col d’Ibardin, col que j’ai envie de quitter au plus vite. Toute la société de consommation s’y est donné rendez-vous ! Je n’en reviens pas et clairement dégoutée, je finis quand même par me dégoter un sandwich et le gentil serveur espagnol me remplit ma bouteille d’eau. Les gars sont partis, alors je continue ma route pensant les retrouver le soir.

Il me tarde d’arriver à Hendaye. Il ne me tarde pas d’arriver à Hendaye.

Mes émotions me submergent. Je ne sais plus trop où donner de la tête… alors je marche. Je finis par manquer d’eau et profite d’un bonjour sympa pour en demander. Le monsieur m’invite à rentrer dans son garage pour remplir ma gourde et me félicite presque les larmes aux yeux pour le chemin parcouru. « Vous savez je marche à la journée, mais je serais bien incapable de faire ce que vous faites ». Le voyant en habits de courses, je lui rétorque que je suis incapable de courir et il me dit qu’il n’a fait que prendre sa voiture pour ensuite monter à la Rhune, ce matin même.

Cette rencontre me fait réaliser que j’y suis presque… Hendaye finit par m’accueillir. 2 femmes et un homme attendent que j’arrive à leur portée pour me demander avec un grand sourire si c’est mon dernier jour. « Nous partons nous-même demain sur le GR10 ! ». Les larmes montent et je me retrouve devant 3 inconnus à refouler des sanglots de fierté et de tristesse, ravalant un « oui » à moitié prononcé. « Tu vas voir, tu as encore un peu de chemin, mais celui-ci est plutôt sympa ». Je les quitte pour rejoindre la Bidassoa qui me mènera jusqu’à l’océan. Les gens se promènent en cette fin de week-end, et j’avance tristement jusqu’à la fin du GR10.

La fin d’une aventure : celle de la traversée des Pyrénées sur le GR10

Puis rien. Il n’y a pas de foule escomptée pour m’encourager dans ces derniers pas. Pas de copain. Pas de famille. Pas d’amis. Pas d’épaule sur laquelle pleurer, ni de panneau devant lequel prendre un selfie et l’envoyer au monde entier. J’avais envisagé cette fin de la façon suivante : une plage déserte, moi courant vers l’océan, laissant mon sac derrière moi sur le sable, puis mes chaussures puis mes habits, plongeant délicieusement dans mon plus simple appareil, me délectant de l’eau salé sur mon corps meurtri par les kilomètres.

Rien ne se passa comme je l’avais imaginé. Je pris une glace puis avançais le plus doucement possible vers l’océan. Il était 17h mais la plage me semblait encore bondée. Je m’asseyais sur un rebord bétonné, avalant cette fin comme j’engloutissais la glace sucrée que j’avais emporté. Je me sentais seule et vide. Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir faire maintenant que j’étais arrivée au bout de cette aventure ? Qui allait pouvoir me guider si ce n’était les balises rouge et blanche de ce célèbre GR10 qui avait bercé mes rêves pendant quelques années ? Ne devrais-je pas repartir dans l’autre sens pour aller prendre une photo à Banyuls et prolonger cet état de béatitude que nous offre la marche et les montagnes, malgré les coups durs, les chevilles abimées, les doigts cornés par nos bâtons de marche ?

Je décidais alors de troquer mes chaussures de randonnée pour un instant bref les pieds dans l’océan, avant d’entamer les 45 autres minutes de marche qui me ramènerait vers mon hôte du soir. Je m’éloignais doucement de la petite bière tant espérée avec mes camarades de ces derniers jours, pour passer la soirée à échanger avec un couchsurfer, prolongeant peut-être encore un instant ces souvenirs de voyages lointains que le GR10 me susurrait doucement lorsque tout allait bien.

Le GR10, finalement c’est quoi ?

Alors le GR10, finalement qu’est-ce que c’est à part un simple chemin de randonnée ?!

Pour tout vous avouer, je ne savais pas vraiment par quel bout le prendre cet article. Aurais-je dû vous partager mes étapes au jour le jour ? La sensation de mes pieds sur le bitume et les routes mal dessinées pour les randonneurs ? Le bonheur de gravir une raide montée pour s’offrir une vue sur la beauté des sommets ? La fierté de traverser les Pyrénées d’Est en Ouest, délaissant mes lunettes de soleil pour profiter du souffle venté sur mon visage ? Qu’aurais-je dû vous raconter ?

Mes peurs ? Celle de marcher sous l’orage, celle de manquer d’eau, celle de ne me blesser, de ne pas y arriver ? Ou ma rencontre avec des milliers de vaches, de brebis, quelques serpents, des nuages sous toutes leurs formes ? Le bruit de la pluie qui arrive ? L’odeur de sa trace lorsqu’elle s’efface pour laisser place à un doux soleil réconfortant ? La dureté des fougères cramées, cisaillant mes jambes non couvertes ? Ou bien… ces rencontres fortuites qui arrivent toujours quand on s’y attend le moins mais qu’on en a le plus grand besoin ? La richesse des discussions partagées avec de parfaits inconnus, qui se retrouvent finalement avec le même but : celui de marcher, d’avancer pour peut-être mieux se trouver ou essayer de comprendre pourquoi on en arrive là… à parcourir 922 km, agrémentés de 55 000 mètres de dénivelé positifs et négatifs.

Le GR10, ce n’est pas de savoir qui a le sac le plus léger, le nombre de kilomètres par jour avalé. Le GR10, c’est faire confiance, se laisser guider par un chemin tout tracé mais que l’on appréhende jamais vraiment sans l’avoir parcouru. Le GR10, c’est tout ça à la fois… et qu’est-ce qu’il est dur de le laisser derrière soi, une fois que la traversée des Pyrénées se finit. Heureusement il n’offre qu’une introduction à ce que les Pyrénées ont à nous offrir.

Pour préparer son GR10, je vous conseille le site de l’association, qui gère la cabane de Clarans : http://www.gr10.fr

Le Tour du Queyras en hiver : le GR 58 en raquettes

Le Parc naturel du Queyras, je l’ai découvert un peu par hasard pendant une recherche d’emploi. J’avais envie d’allier mes compétences professionnelles à la montagne et une offre s’était présentée à moi. De fil en aiguille, j’ai voulu y aller plusieurs fois. Mais au départ de Toulouse, la route semblait longue et sans alternative en transport en commun. J’ai donc fini par remettre ce projet à plus tard… jusqu’à cet hiver de janvier 2022. Une semaine de vacances et c’était l’heure de partir à la conquête des Alpes, après plus de 2 ans à opter pour un tourisme ultra-local. Voici mon aventure : le Tour du Queyras en hiver.

Toulouse – Ville-Vielle

Optant pour du covoiturage, la route passe d’arrêts aux abord de l’autoroute en conversations. Nous finissons par arriver tard le soir, jusqu’à un petit village du nom de Montbardon. Nous devions à la base dormir directement sur Ville-Vieille, mais les propriétaires ont annulé notre réservation pour cause de Covid. Même en vacances, il nous rattrape. Heureusement j’ai fini par trouver un petit Airbnb de dernières minutes avec des locaux flexibles. Après une montée glacée qui nécessitait des chaînes, à des virages serrés, nous finissons par atteindre le village, où nous ne trouvons pas un chat. Garés prêt de la fontaine, nous avançons vers les maisons afin de trouver notre coin pour la nuit. Un aligot et de la confiture de « grate-cul » plus tard, il est temps de rejoindre Ville-Vieille, notre point de départ.

De Ville-Vieille à Saint-Véran

Distance : 11 km
Dénivelé : 888 m D+ | 250 D-

De Ville-Vieille, nous empruntons le chemin qui bifurque vers la gauche, vers le Sommet Buchet. Nous nous enfonçons rapidement au cœur de la forêt, grimpant doucement vers un brin de soleil. On chausse rapidement les raquettes. Il n’a pourtant pas neigé dernièrement, mais le sentier semble finalement peu fréquenté et nos pieds s’enfoncent au creux d’un nuage blanc, légèrement croustillant.

Certains passages en côte montent fort, l’échauffement semble déjà dernière nous. Il ne faut pas s’arrêter très longtemps, pour garder la chaleur de la montée. Quelques touches de soleil semble se faufiler à travers les arbres. Lorsque la vue se dégage, je propose une pause déjeuner, dans un coin ensoleillé.

Finalement la pause sera courte. Le temps d’un sandwich et le froid nous gagne. Nous continuons donc notre route en direction de Molines-en-Queyras. La vue s’ouvre complètement et nous quittons la forêt pour regarder l’autre versant. Nous sommes encore loin de Saint-Véran, mais la neige s’enfonce encore plus profondément. J’envie l’autre côté, celui gorgé de soleil en cet hiver alpin. J’espérais pouvoir le rejoindre ce coin chaud, cet écrin de lumière, ce semblant de chaleur sur mes joues brunies de froid. Le chemin devient coquin avec des passages sympas. Heureusement que je ne suis pas la première à faire des traces. Saint-Véran finit par se rapprocher et nous rejoignons ses routes gelées pour enfin se réchauffer au cœur de notre gîte du soir : les Gabelous. Une chambre pour deux, un repas pour plusieurs groupes, et c’est la fin d’une première journée d’hiver sur le Tour du Queyras qui s’achève.

De Saint-Véran au refuge de la Blanche en raquettes

Distance : 8,4 km
Dénivelé : 549m D+

Nous quittons notre gîte tout confort avec nos chaussures un brin humide de la veille. Les boules de journal laissées à disposition ont fait leur affaire pour éponger le plus gros pendant la nuit. Je suis contente de quitter le côté forêt et j’imagine que la journée va être plus chaude que la première, de ce Tour du Queyras en hiver.

Au départ de Saint-Véran, nous empruntons la piste qui mène jusqu’au refuge de la Blanche. Celle-ci est damnée et les raquettes ne sont pas nécessaires. Nous faisons demi-tour pour récupérer le GR® 58, qui nous mène sur un chemin plus propice à l’amusement. La lumière matinale rase délicatement les montagnes d’une douce couleur orangé et nous profitons de cette avancée pour happer la beauté des paysages, qui se présentent à nous. La petite chapelle de Clausis se pose comme un point de repère et nous finissons par la rejoindre vers 12h.

« Et si nous profitions de la chapelle pour faire une pause déjeuner au soleil ? » Il était un peu tôt certes, mais j’avais le pressentiment que c’était le bon moment. Nous sortons nos victuailles. Le temps d’un sandwich et d’un carré de chocolat, nous voyons le soleil descendre rapidement jusqu’à atteindre les montagnes. Mon compagnon de route est gelé. Il commence à partir, tandis que je suis encore entrain de me dépatouiller avec mes raquettes. Pas le temps de digérer, le froid est tombé violemment et il faut absolument marcher pour se maintenir à flot.

De la chapelle au refuge de la Blanche, mes doigts s’endolorissent. Mes gants de ski sont à l’arrière de mon sac. Je reste avec mes gants de rando, cherchant désespéramment à les réchauffer, tout en marchant le plus vite possible pour rattraper mon compagnon de randonnée. C’est dommage. Les paysages autour de nous sont grandioses, mais l’ombre et le froid ne me permettent pas de les capturer. Ils nous laissent seulement avec la promesse d’un doux lendemain.

Nous finirons par atteindre le refuge tôt dans la journée, ravis de pouvoir se réchauffer au coin du poêle. Petit tour dehors pour prendre la température, le tour du lac gelé se finira au cœur d’un igloo déposé là.

Le pic de Caramantran, 3000 des Alpes, en raquettes

Distance : 6 km
Dénivelé : 527m D+
En boucle

Du refuge au pic du Caramantran, par le Col de Saint-Véran

Nous avions décidé de rester 2 nuits au refuge de la Blanche. Et quelle bonne idée ! Un refuge 6 étoiles avec des repas de fou et un cadre exceptionnel. Sans le savoir, nous faisions la même route que deux groupes constitués, l’un à raquettes, l’autre à ski de rando. Les guides au top n’ont pas hésité à nous conseiller plusieurs fois et les gardiens du refuge également. C’était décidé : nous partions pour le Caramantran, un sommet finalement accessible en raquettes.

Pour se faire, nous empruntons le chemin longeant l’extrémité nord du lac, pour rejoindre le Col de St-Véran. La montée se déroule tranquillement grâce aux traces d’un groupe partis devant. Nous finissons par les doubler et suivons nos compères de table et de chambre, qui nous ont proposé la veille une gorgée de rhum venu tout droit de La Réunion. Ces derniers montent en ski de rando avec un bon rythme. La vue est grandiose et je n’arrête pas de m’arrêter pour prendre des photos.

Arrivés au col de Saint-Véran, l’Italie montre le bout de son nez. J’ai hâte de me trouver en haut des 3004 mètres du Caramantran pour avoir une vue à 360°. Depuis le début de notre périple, nous n’avons pas eu un seul nuage dans le ciel. C’est l’un des premiers jours, cependant, où nous profitons pleinement du soleil. Le pique-nique sommital, s’apprécie délicieusement, l’œil aguerri sur les sommets enneigés. Au moment de redescendre, nous croisons la guide et son groupe en raquettes. Elle nous montre au loin le sommet du Mont-Blanc et nous confirme que nous avons bien de la chance avec un temps si dégagé.

Du pic de Caramantran au refuge, par les lacs Blanchet

Pour redescendre, nous décidons de continuer tout droit au niveau du col de Saint-Véran pour rejoindre la variante du GR58. Le coin est moins fréquenté et la neige se gagne raquettes aux pieds. Mais quel délice de pouvoir faire ses propres traces, avec une sensation de poudreuse ! Nous devinons les contours du Lac Blanchet Supérieur recouvert de neige et rejoignons le lac inférieur. Dos à nous, le col Blanchet en impose et je repense aux compères de la veille qui avaient décidé d’y monter en ski de rando. Nous descendons le Vallon du même nom, à l’ombre cette fois, jusqu’au Lac de la Blanche. La journée a été excellente. Le soleil et la qualité de la neige y sont surement pour quelque chose et nous profiterons de nouveaux compagnons de table et d’un brin de génépi maison, pour clore notre dernière soirée au refuge de la Blanche.

Du refuge de La Blanche à Saint-Véran

Distance : 9,8 km
Dénivelé : 511m D-

Je crois n’avoir jamais aussi bien dormi pendant une nuit de pleine lune. Il est malheureusement temps de quitter la douceur du refuge, pour redescendre sur Saint-Véran, le plus haut village d’Europe.

Nous décidons de prendre un chemin différent que celui à l’aller, légèrement plus exposé au soleil. Du refuge, nous traçons tout droit vers le Petit Canal. Nous croisons nos compagnons de route, qui avec leur guide, partent en ski de rando vers un nouveau col, inaccessible en raquettes.

Nous finissons par apercevoir la chapelle, qui quelques jours plus tôt, nous avez servi d’appui pour notre pause du midi. Le soleil matinal rase avec mélancolie les couleurs hivernales. Je sens que le meilleur est déjà dernière nous, malgré les paysages splendides. Nous finissons par rejoindre le Petit Canal et devinons la mine de marbre, qui s’écoule en éboulis à nos pieds. Le vert scintillant de la pierre m’éloigne un court instant de mes pensées gelées. Il faut savoir que j’ai horreur de la glace et les prochains kilomètres vont être délicats pour ma part.

Le chemin est pourtant plat. Je trouverais péniblement chaque prétexte pour marcher sur la terre ou la neige, qui paraît encore assez craquante pour que je m’y enfonce. Mon hiver à Montréal semble déjà loin. Les matinées à descendre la rue de Champlain gelée sont révolues. Je ne sais si c’est l’âge qui me fait prendre conscience des risques ou une peur qui s’est inconsciemment glissée jusqu’à moi… mais le chemin qui semblait sympa de loin, se transforme en une mauvaise partie de poker. Après des heures qui me parurent éternelles, nous retrouvons Saint-Véran avec le temps devant nous, pour en faire le tour et apprécier ses multiples constructions faites de bois. Les beaux cadrans solaires de la plus haute commune habitée d’Europe me feront oublier mes péripéties. La montagne s’apprécie aussi au cœur des villages, autour d’une bonne gaufre locale.

De Saint-Véran à Ville-Vielle à pied, puis Aiguilles

Distance : 13,4 km
Dénivelé : 281m D+ | 885m D-

Le lendemain, il ne nous reste qu’une journée de marche avant de retrouver notre voiture. Nous voulions de Saint-Véran continuer jusqu’à Aiguilles, pour ensuite rentrer à Ville-Vieille. Mais nous avons décidé d’adapter notre parcours aux conseils des connaisseurs du coin. De Saint-Véran, nous nous dirigeons donc vers Pierre Grosse, pour ensuite continuer vers Prat Hauts afin de redescendre vers notre point de départ.

De la dernière habitation saint-vérannaise, nous croisons un patou, un magnifique chien de montagne des Pyrénées, qui s’approche vigoureusement après avoir aboyé goulument. Finalement il nous suivra sur notre première demi-journée, nous accompagnant fièrement jusqu’à notre 1er arrêt. Une petite pensée au Tour du Val d’Azun pour ma part, et je finis par mourir de honte lorsque arrivés sur une piste de ski que nous devons longer, notre gentil compagnon du jour se remet à aboyer et à courser les skieurs, à moitié confiants, à moitié craintifs. Ils mettent du temps à réaliser que le chien blanc comme neige, ne nous appartient pas et que nous n’avons aucun moyen pour le faire obéir, à part marcher vigoureusement vers nos destinations, espérant qu’il nous suive.

Nous reprenons notre route et finalement de Pierre Grosse à Vielle-Vieille ma mémoire faiblit. La neige n’est plus. La glace a repris le dessus; le dessus sur ma confiance, sur ma joie en montagne, sur ma liberté ressentie en randonnée, sur ma capacité à marcher, à avancer, à prendre du plaisir. J’ai passé des heures à me remettre en question et j’ai fini par faire de cette journée un lointain souvenir.

Bonus : les chalets de Clapeyto

Distance : 8,7 km
Dénivelé : 582m D+ | D-

Après une nuit dans une auberge à Aiguilles, nous prenons la route pour Arvieux puis Brunissard, où nous rejoignons le parking du restaurant le Jamberoute. D’ici, nous traversons les pistes de ski de fonds, empruntant le GR5 pour l’Eychaillon. De là, nous suivons les quelques groupes de soixante-huitards qui se dirigent à raquettes vers les chalets de Clapeyto. Le temps d’une pause déjeuner, agrémentée des délices du coin, nous laissons les constructions dernière nous pour œuvrer notre retour par Le Collet. La neige est ici plus sympa avec un peu moins de passage, et je regrette doucement les journées sauvages du Queyras, où l’on se croyait seuls au monde.

Notre hôte du soir nous parlera du temps où les chalets de Clapeyto étaient réservés aux gens du coin. « Petite, on y allait fin juillet pour y passer l’été, à l’époque où il y avait encore des alpages. Aujourd’hui c’est les touristes qui ont pris le dessus, et même si nous y avons toujours notre cabane, la forte fréquentation ne rend point hommage au charme de ces étés d’antan ».

Le tour du Queyras en raquettes fut une belle aventure. Un premier trek hivernal pour ma part d’une semaine, inspiré des agences locales. Le coin semble fréquenté en été et l’hiver, la priorité est donné aux skieurs. Les randonneurs sont tout de même bienvenus et je pense que le moment était optimal pour profiter du côté sauvage du parc naturel régional. Je reviendrais dans le coin lorsque les mélèzes auront revêtu leurs couleurs feux à l’issue de l’automne. Et vous, connaissez-vous le Queyras ? ♥

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Paradoxe

Je suis capable de tout quitter pour aller découvrir le monde
De m’aventurer en stop au cœur d’un pays, où on me dit que c’est impossible.
Capable d’aller dormir sur le canapé de personnes que je ne connais pas,
Heureuse d’échanger un sourire avec un inconnu,
Mais incapable de traverser la rue pour aller déposer un CV.

Je suis capable de partir traverser les Pyrénées,
Malgré la peur que me mettent les autres en face
Ours, violeurs, chasseurs.
Je crois encore à la bonté humaine
Et pourtant, je peux en vouloir à quelqu’un pendant très longtemps.

Le mouvement me fait aller de l’avant.
Même si une balançoire part en arrière, je pense toujours que c’est pour prendre de l’élan et mieux sauter.
Je vois le positif dans le mouvement et le négatif dans la stagnation.
Une eau stagnante, ça attire bien les moustiques non ?

Je sais danser au milieu de la foule, me laisser guider par la musique,
Autrefois je montais sur les podiums, aujourd’hui cela m’est interdit.
Je peux commencer un projet artistique, puis une fois fini, une fois que je sais que je peux le faire,
mon esprit passe à autre chose. Un autre projet et vite !
Et pourtant là, je n’en ai pas.

Je suis capable de m’enfermer dans ma propre cage
et de ne plus trouver les clés pour en sortir.
Je suis capable de m’envoler avec une aile cassée
et de revenir entière, sans goût à être ici.

J’ai le syndrome de l’imposteur récurrent
et pourtant je me dis que tout est possible.
J’aime naviguer, observant au loin les baleines,
tout en ayant le mal de mer.

J’aime mon pays et je le déteste,
comme je peux le faire avec toi… paradoxe.


Le Tour du Val d’Azun : une randonnée de 3 jours dans les Pyrénées

J’avais vécu 5 mois dans le Val d’Azun, du moins à quelques kilomètres de sa frontière dans une ville que l’on pourrait confondre avec celle en bord de mer. Ici pourtant c’était bien les montagnes qui m’entouraient. Il suffisait que j’ouvre les volets de mon studio-chalet pour apercevoir au loin, un sommet caché entre deux nuages. À l’époque, mon voisin était un parapentiste et ma voisine, une fille d’origine allemande qui partait seule à la montagne. J’étais impressionnée et ne pensais pas arriver à faire comme elle un jour, et pourtant.

Rejoindre les Hautes-Pyrénées sans voiture

Mercredi soir sonnait l’heure de fin du travail. Je retrouvais une covoitureuse partant pour Tarbes, qui me déposait à une sortie d’autoroute, afin que je rejoigne mon ancienne colocataire habitant dans le coin. La soirée au coin du feu fut brève, et munie d’un nouveau sifflet et d’une carte IGN, je m’endormais pleine de promesse quant au lendemain.

Mes amis prirent la route pour me déposer au départ de ma randonnée : à Arrens-Marsous.
Pleine de gratitude à ne savoir qu’en faire, mes yeux se parèrent de quelques larmes lorsque nous approchions de Lourdes et de la route nous menant vers les hauts sommets enneigés. Les montagnes se dévoilaient dans la lumière automnale du petit matin, splendides de leur teint lumineux et brutes d’une beauté naturelle, voire hautaine. Je savais alors que tout irait bien, que cette folie d’un lundi soir, après que mon compagnon de rando me lâche, n’en était pas une… et que les angoisses des autres n’étaient plus miennes. Je ressentais au plus profond de moi l’appel sauvage du Val d’Azun et le bonheur de me retrouver seule dans les montagnes, chose qui ne m’était pas arrivée depuis mon aventure sur le GR10.

De Arrens-Marsous à Arbéost

C’est donc juste après la chapelle de Pouey-Laun que je me laisse happer par le GR10, qui monte doucement sur le Chemin de la Reine Hortense. Mon ancienne coloc est partie en me disant d’un sourire que j’avais bien choisi mon point de départ pour le Tour du Val d’Azun !

Je me lance à l’aventure, tout en sachant impunément que ce ne sera pas aussi engagée que les autres randonnées que j’avais pu faire cet été. Et pourtant, une cheville foulée, une rencontre infortune sont si vite arrivées. C’est d’ailleurs à quelques pas du refuge de Gabizos que je ferais ma première rencontre. Un patou sur la route ne se laisse point impressionner par ma confiance soudaine. Il aboie, grogne et s’approche sans vergogne. Je m’arrête pour qu’il puisse me sentir, lui parle doucement et m’éloigne vers mon objectif. Pas de troupeaux en vue pourtant… seul le Pic du Gabizos me dévoilera sa splendeur hivernale, bien plus blanche que la laine de mouton.

Je finis doucement par atteindre le Col de Saucède, après être descendue dans la boue et avoir évité les détails gelés. Dans la montée, j’aperçois un couple partant à l’Ouest à l’assaut de la neige. Je suis contente qu’elle ne vienne pas jusqu’à moi. C’était mon appréhension de fin de saison automnale, où la limite du risque est difficile à cerner. Heureusement le Tour du Val d’Azun ne dépasse pas les 1600 m d’altitude et mi-novembre il fallait quelques dénivelés de plus pour l’atteindre.

Je rejoins la route menant vers le Col du Soulor sur quelques mètres. De la cabane de Bettorte à la cabane du Litor, j’entends siffler au loin. Inquiète j’imagine quelqu’un en détresse qui cherche un peu d’aide pour se sortir d’une impasse. Mais le sifflement est récurrent et plus je m’approche, plus j’ai le sentiment que la saison de la chasse corrèle clairement avec le bruit adjacent. J’avais oublié !! Dans quoi me suis-je embarquée ?

Heureusement le Cirque de Litor me captive et je remets ma rencontre avec les chasseurs à plus tard. Malgré le ciel couvert, les couleurs automnales bercent l’atmosphère d’une rêverie joyeuse. Happée par la nature et l’apaisement qu’elle me procure, je décide de faire ma pause déjeuner, adossée à une pierre, admirant en continu les sommets blancs bordés d’arbres aux couleurs ébène.

Je reprends le chemin goudronné, quittant le GR10 pour un GR de pays qui serpente pour rejoindre l’Ouzoum, que je vais suivre un moment sous une pluie fine et légère. Au moment de m’éloigner vers la droite, Arbéost ne me semble plus très loin et le soleil apparaît me réchauffant le visage. Je rejoins doucement les zones pastorales, où un Mr sur son tracteur me targue d’un grand sourire. Que j’aime la vie ici, les gens du coin, paisibles, montagnards, accueillants. J’ai envie de me poser là sur l’herbe, à faire un bain de vitamine D, mais les chiens me sortent à nouveau de mes songes.

Ici la vie a repris, j’avance donc jusqu’à ma destination finale. À Arbéost il m’était impossible de trouver un logement, la Petite Jeanne étant fermée. C’est à 3 km plus loin que je dormirai, chez un couchsurfeur qui m’attend au croisement du village pour me montrer le chemin que je dois prendre pour rejoindre le quartier Hougarou à Ferrières. Avant le gite d’étape, j’emprunte le chemin descendant, rejoignant à nouveau la rivière Ouzoum et un parcours… dans la boue. Les 3 derniers kilomètres me sont peu agréables, mais il suffira que je pousse la porte de sa maison, pour me souvenir que je suis là au bon endroit.

Un poêle flamboyant, une ambiance chalet… je savais instinctivement que la soirée que j’allais passer avec cet inconnu, me ramènerait inexorablement au cœur de mes voyages d’antan et me ferait oublier l’année anxiogène que nous venions de vivre.

2ème jour sur le Tour du Val d’Azun : d’Arbéost au refuge Haugarou

Je quitte mon hôte après un gâteau au potimarron et quelques châtaignes, pour retrouver l’automne grandeur nature. J’ai préféré prendre la route pour retourner sur Arbéost au lieu de faire un bain de boue ou d’opter pour un raccourci, qui m’aurait fait manquer un spot de rêve pour le déjeuner.

Le chemin monte abrupt dans la forêt et il me faut un brin d’élan pour ne pas glisser. Je ne suis pas d’aussi bonne humeur que la veille et toutes les rancœurs de la semaine dégoulinent à mesure de mon avancée. J’ai toujours pensé que la randonnée était un beau moyen de méditer, d’exorciser les choses qui ne nous permettent pas d’avancer. Sur les chemins en solitaire on n’a pas le choix : il faut continuer coûte que coûte jusqu’à la prochaine habitation.

Le paysage finit par s’ouvrir sur ces merveilleuses montagnes. Tout sourire, je croise une dame assise sur le muret d’un gîte, visage face au soleil et au spectacle. « Ce chien est très gentil », me dit-elle. « Il appartient au fermier en bas ». Nous échangeons sur les splendeurs du coin et je continue ma route en compagnie de ce chien qui ne me quittera plus jusqu’au Col de Soum.

Il connait le chemin. Il serpente à travers la boue et je le suis péniblement à l’affut d’un coin sec. Ce n’est pas évident dans une zone dite marécageuse, mais honnêtement je pensais que ça serait pire en cette mi-saison. Je jongle de touffes d’herbes en touffes d’herbes, croisant le ruisseau de Hougarou jusqu’à atteindre un faux plat. Je me rends compte que les collines que j’aperçois en face ne sont que les crètes sur lesquelles je dois continuer. Il me reste encore quelques dénivelés positifs avant de rejoindre le Lac de Soum, dont mon hôte de la veille ne m’avait vanté que les algues vertes qui semblaient assécher ses profondeurs.

Je décide de prendre de la hauteur et de boucler les 1000 m de D+ de la journée en rejoignant le col au même nom. Il fait froid, le vent s’est levé mais je finis par trouver le spot idéal à côté du chemin montant sur les crêtes. C’est d’ailleurs là que le chien finira par repartir, satisfait de m’avoir accompagné sur la partie la plus éreintante de la journée.

J’en prends plein les yeux ! Les sommets brillent de mile feux, tandis que le lac dénote de ses couleurs flashies. Je profite de la vue et de mon déjeuner, avant de sombrer 20 minutes dans une sieste réconfortante. Oups ! Il est temps de rejoindre le Col de Cantau via la Crète de la Serre, qui offre un redémarrage en douceur de 1532 m à 1543 m. Je me faufile ensuite sur le chemin qui monte vers la gauche, juste après la cabane de Cantau, où je croise deux cavaliers faisant une pause avec leurs chevaux. Et oui, il est tout à fait possible de parcourir le Val d’Azun à cheval en empruntant des chemins alternatifs !

Le chemin est plutôt sympa sur les contreforts de la montagne jusqu’au Col de Berbeillet, puis celui de Bazès. Là, le sentier est barré par des filets de protection et j’aurais pu ne pas le voir ! Je fais glisser mon sac dessous et me contorsionne pour laisser les parents et leurs enfants venus en balade crier plus à l’Est. Je suis le calme de la marche en solitaire, descendant jusqu’au refuge de Hougarou, où je partagerai le dortoir avec une dame faisant le chemin à l’inverse de moi.

Attirée par le poêle de la salle principale, j’y passerai ma soirée feuilletant les magazines pyrénéens me ramenant à mon aventure espagnole, des Encantats à Ordesa. Je retrouverai la dame et une famille de 4 convives, partageant notre diner fait maison autour d’échanges de randonneurs. Du Vercors au Vignemale, en passant par le Chemin de St-Jacques, il nous aurait fallu plus d’une soirée pour faire le tour de nos aventures montagnardes. Requinquée par un brin de compagnie, je m’endors paisiblement jusqu’aux ronflements intempestifs de ma voisine.

Dernière étape du Val d’Azun : du refuge Haugarou à Aras-en-Lavedan

C’est déjà la dernière étape de mon aventure. Avant que vous vous mépreniez, il faut savoir que le Tour du Val d’Azun se fait normalement sur 5 jours continuant jusqu’au Lac d’Estaing. Le temps me manquait et finalement je semblais avoir opté pour la partie la plus ouverte sur les paysages alentours. Du moins c’est ce que je croyais jusqu’à ce que le brouillard s’en mêle.

Je quitte le refuge par un sentier dans la forêt, avant de suivre une déviation sur la route pour retrouver le Tour du Val d’Azun. Je me réengage sous les arbres jusqu’au Col de Couret. Mais c’était sans compter sur la compagnie des chasseurs !

Randonner en période de chasse

J’entends les chiens s’agiter, munis de leur grelots autour du cou, leur maître sifflant et les appelant doucement pour qu’ils reviennent au pas. Les chiens me voient et j’espère plus que tout que ces hommes aux bonnets orange finiront par me dire bonjour. Le premier me fait un signe de la main, me rassurant pour le reste de la balade. Du moins c’est ce que je pensais… le chemin serpente dans la forêt. Je passe une nouvelle voiture et je continue tranquillement sans bruit alentour. C’était sans compter le coup de feu qui me fit faire un bon de 3 mètres !

Pestant aussi fort que je le pouvais, je finis par prendre mon sifflet pour signaler ma présence, espérant que ces joyeux lurons n’auront pas trop abusé sur le pinard dès les premières lueurs du jour. Oui, on les voit sur les collines ariégeoises, tellement torchés qu’ils ne marchent plus droit. Bref… vous avez surement deviné ma joie à l’idée de me balader en compagnie de tel personnage. Heureusement le chemin s’éloigne rapidement et je ne croiserai plus personne aux couleurs fluo orangé. À la vue des trois biches dont on m’avait conté la rencontre la veille, je finis par ne plus être aux aguets rejoignant finalement le Col du Couret.

La fin d’une étape

C’est ici que j’aurais dû monter sur les arrêtes m’offrant une vue à 360° sur le Val d’Azun. Et bien non ! La météo en aura décidé autrement et la journée ensoleillée de la veille a laissé place aux nuages volants des montagnes. Le brouillard me contraint à la sécurité. Je rejoindrai le Col du Liar via le chemin adjacent, longeant la forêt d’Aragnat. Du col, j’entamerai la descente jusqu’à Arras-en-Lavedan par pistes, chemins et sentiers.

Je rejoindrai Sophie qui tient la chambre d’hôtes LeGentilhomme à la douceur et gentillesse du coin. Puis je retrouverai mon nouvel ami d’Arbéost au Café-librairie du village pour un petit repas au chaud. J’y croiserai un ancien guide à la retraite, échangeant sur cette boîte qui, il y a plus de 12 ans, avait fini par me donner ma première chance dans un secteur que je plaçais encore sur un piédestal. J’en ai parcouru du chemin depuis, de ma première randonnée en solitaire en Nouvelle-Zélande, à mon premier trek en Tasmanie et les quelques expériences pyrénéennes que j’ai vécu depuis.

Fin d’un Tour du Val d’Azun

Il est temps pour moi de quitter ce coin de paradis, cette vallée paisible et heureuse qui semble encore dormir dans une écume joyeuse. Je lève le pouce au bord de la route, me laissant amener jusqu’à Argelès-Gazost par une femme revenue dans la région, pour continuer à profiter de son indépendance tout en étant jeune maman. Sur le rond-point partant pour Lourdes, j’offrirai mon plus beau sourire sous une pluie fine espérant que quelqu’un voudra bien me prendre jusqu’à la gare, où mon train m’attend. Finalement, un passionné d’oiseaux s’arrêtera me ramenant jusqu’à Tarbes, profitant de quelques minutes en plus pour échanger sur nos passions communes et lointaines. Je sourirai intérieurement à cette idée de rencontres éphémères qui m’avaient tant manqué. Ces connexions que l’on arrive à créer avec de parfaits inconnus, redonnant du baume au cœur dans un monde coupé des autres depuis un certain temps.

Dans le Val d’Azun, je me suis remise à rêver. Je n’ osais plus depuis mon départ de Sao-Tomé. Trois jours de marche et une gratitude immense envers ceux qui avaient permis cette aventure : mon ami qui m’avait laissé tomber, mon ancienne colocataire au cœur d’or, ce couchsurfer sans qui je ne serais parti, ce chien devenu compagnon de chemin et cette nature bienveillante qui redonne confiance. D’une fleur fanée, vidée par l’atmosphère entêtante d’un pays meurtri, j’ai fini par éclore et par me demander quand est-ce que je reviendrai. Satisfaite, la sensation d’avoir bouclé la boucle me laisse tout de même avec une pointe de tristesse : celle de la nostalgie du Val d’Azun, cet eden pyrénéen où il ferait bon vivre.

Je vous aurais prévenu… quand on fait le Tour du Val d’Azun, on ne repart jamais indifférent !