Rencontres Namibiennes: l’exemple de TOSCO

Il y a un moment que j’ai envie de donner un brin de visibilité aux belles actions que je trouve sur la route, lors de mes voyages ou via les rencontres que je fais ici ou ailleurs. Ces personnes inspirantes qui me font réfléchir, qui amènent de nouvelles idées chez moi, qui vibrent d’une énergie débordante ou enthousiaste finissent par se faire une petite place au creux de mon âme, alors pourquoi pas sur mon blog ?

Introduction namibienne

En janvier 2020, je partais en Namibie pour un brin de HelpX. Au cœur de cette auberge de jeunesse où je passais quelques semaines, le copain de l’autre volontaire me racontait son boulot autour d’une bière. « Comment ça ? Tu travailles pour une organisation qui cherche à protéger les éléphants du désert et à les faire cohabiter avec les locaux ? Et en plus, tu accueilles des volontaires touristes, pour les former et les accompagner dans ton quotidien ? », m’exclamais-je. J’avais l’envie irrésistible de lui poser plein de questions mais il devait partir. Il me semble que c’est à ce moment-là, que j’entendais parler de TOSCO pour la première fois, évoqué le temps de cette courte discussion avec un partenaire de l’organisation. « Il y a ce gars, c’est un français… il a monté une asso avec laquelle on bosse. Tu pourrais le contacter. »

Chemin faisant, je finis par rejoindre la capitale Windhoek, où B. un français a l’immense gentillesse de m’accueillir quelques jours. Je lui parle de mon expérience ivoirienne et lui me parle de Félix, un compatriote qui a lancé son association il y a quelques années. « Il fait plein de choses, c’est un passionné. En ce moment il accompagne des journalistes pour un futur reportage. C’est dommage que je ne sois pas dispo, je vous aurai présenté ». B. me laisse la carte de Félix et je finis par le contacter à mon retour en France.

TOSCO, c’est quoi ?

TOSCO signifie « Tourism Supporting Conservation », littéralement le tourisme qui soutient la conservation, en anglais. Ici lorsqu’on parle de Conservation, on pense à la préservation de la nature ou de la biodiversité. En Namibie, les hommes et les animaux sauvages coexistent encore sur de larges zones. Je me souviens avoir pu observer un vieil éléphant mâle près de Swakopmund, qui avait voyagé du Damaraland à la mer pour trouver de l’eau, et s’était réfugié près du golf de la ville au cœur de la végétation. Il avait apparemment déjà fait le voyage à noël et des hommes s’assuraient qu’il ne ferait pas de dégâts matériel ou humain. Voyant deux touristes se précipiter pour prendre des photos, je me demandais ce qu’il en était en terme de respect animal.

C’est donc pour faciliter ce genre de cohabitation que TOSCO est né en 2012. Pour limiter les conflits qui peuvent surgir entre les fermiers qui voient leur bétail diminué par certains animaux sauvages et faciliter le vivre ensemble, plusieurs tour-opérateurs se sont regroupés autour de la Fondation. Ainsi les membres sont principalement des réceptifs (agences de voyage locales), qui cherchent à financer des projets vertueux pour encourager un tourisme plus durable. Sans animaux sauvages, la Namibie ne serait pas la destination touristique qu’elle est aujourd’hui, limitant ainsi le nombre de touristes. Sans tourisme, les locaux devraient trouver une autre source de revenu, diversifier leur apport économique dans des régions souvent isolées. Sans animal, ces derniers auraient peut-être plus de bétails mais pas l’apport d’un revenu supplémentaire et les écosystèmes s’en retrouveraient déséquilibrés.

TOSCO, un amour pour la Namibie sauvage

L’image d’un cercle vertueux me vient en tête, et c’est, je pense, ce que Félix fondateur de TOSCO, a essayé de développer. Avant de vous présenter plus en détail son organisation, j’avais envie de comprendre ce qui avait poussé ce français à s’installer en Namibie. Pour ma part, mon expérience namibienne n’a pas été de tout repos, et j’avais peut-être égoïstement le désir de me prendre à rêver à nouveau. Félix y réussit fort bien.

Interview du fondateur de TOSCO, Félix Vallat

Pourrais-tu nous en dire plus sur ton parcours ? D’où te vient l’idée de TOSCO ?
J’ai atterri en Namibie avec un billet simple en 2004, sans rien connaitre du pays. La curiosité m’a portée mais aussi l’envie de mettre les pieds dans l’inconnu mais sans n’être que « de passage » afin de mieux vivre les réalités du pays.
 
Lors de ton premier voyage en Namibie, qu’est-ce qui t’a le plus marqué ?
Les grands espaces dans lesquels se trouve aussi l’immense ciel bleu.
 
Pourquoi as-tu eu envie de t’y installer ?
Prolonger cet épanouissement et sérénité que le pays me donnait. Étancher ma soif de découverte de ce milieu brut et sauvage.
 
Je vois que TOSCO est particulièrement présent dans le Kunene. Tu as une affinité avec ce coin de Namibie ? Pourquoi ? C’est le « Wild Wide West »… une Nature et des habitants authentiques, variété de paysages, de cultures et de faune adaptés à des conditions très difficile. C’est un retour à l’essentiel et un privilège de pouvoir l’expérimenter. Je m’y sens tout de suite dans le « vrai » et c’est ici qu’une faune vraiment sauvage hors parc national évolue et cohabite avec les communautés locales. Cela me fascine et trouvant ça admirable, TOSCO les soutient humblement.
 
Si tu étais un livre, qui serais-tu ? Je peux dire un poème ? Les oiseaux de passage de J.Richepin m’a toujours réconforté.
 
Qu’est-ce que tu conseillerais à quelqu’un qui souhaite œuvrer pour un tourisme durable et la conservation, comme le fait TOSCO ? De s’immerger complètement dans le contexte, d’écouter énormément et ne rien dire pendant des mois voire des années afin de mieux comprendre les réalités locales sans se faire influencer par son propre formatage. 
 
J’ai envie de partir en Namibie et d’être active lors de mon voyage. Est-il possible de rencontrer du personnel de TOSCO et de faire du volontariat auprès de la Fondation ? Nous sommes basés à Windhoek et disponible pour toute rencontre. Les rangers sont sur le terrain (Kunene) et peuvent aussi être rencontrés. Le volontariat sur place est compliqué pour des raisons administratives et légales, mieux vaut aider à distance ou venir en voyage en Namibie.
 
Sinon il y a-t-il des agences de voyage ou d’autres partenaires avec qui partir ou avec lesquels m’engager pendant mon séjour ? Double Sens
 
Autre chose à rajouter ? gros bisous
Interview du fondateur du TOSCO, Félix Vallat

Je découvre donc un fondateur, humain et accessible, qui donne immédiatement envie de s’engager. Pour avoir parcouru le Kunene que trop rapidement, c’est un coin de Namibie qui me semble encore inaccessible et je regrette presque doucement de ne pas m’y être immergée plus longtemps. Je vous invite d’ailleurs à lire ou relire mon voyage en Damaraland.

Que fait TOSCO concrètement ?

TOSCO rassemble des fonds pour ensuite les reverser via différents projets de conservation. Ces programmes varient d’années en années, en fonction des besoins et de l’argent récolté. Les donneurs sont considérés comme des membres à part entière et donnent leur avis sur les programmes choisis. La transparence quant à l’utilisation de ces fonds est à la clé du succès de l’organisation.

Quatre thèmes sont récurrents, à savoir « research, living with wildlife, awareness, clean travel ».

Research – Financer la recherche en Namibie

TOSCO sponsorise des scientifiques reconnus qui cherchent à comprendre et à protéger des espèces spécifiques et donnent des indications au gouvernement afin de mieux en assurer leur conservation. Ainsi on retrouve le Dr Philip Stander, spécialiste des Lions du Désert qui leur a consacré plus de 20 ans de sa vie. Radio-traquage, observation journalière et nocturne, c’est à travers l’association « Desert Lion Conservation » que TOSCO offre un apport financier pour perpétuer ces études.

J’ai personnellement découvert l’existence des Lions du Désert, lorsque je campais à Tora Bay sur la Skeleton Coast (la base scientifique se trouvant plus au nord). Les gérants nous ont expliqué que des lions s’étaient acclimatés aux conditions extrêmes désertiques et qu’ils avaient récemment vu une lionne et ses petits proche du camping. Il est parfois possible de les observer en fin de journée. Les lions du désert se nourriraient des hyènes ou de la faune marine et seraient capables de parcourir une longue distance dans ce milieu aride. Les étudier permet de comprendre leur incroyable résilience, de montrer leur importance en tant qu’espèce et donc d’aider à leur conservation et leur cohabitation avec les namibiens.

TOSCO a également aidé à financer des projets de recherche sur les dauphins, les guépards ou encore les éléphants du désert en 2019. Un projet sur les hyènes est actuellement en cours, afin de redorer l’image de ses animaux, de les comprendre pour encore une fois mieux les protéger.

Living with wildlife – Cohabitation

Le programme « vivre avec la faune sauvage » a été mis en place, afin d’accompagner les communautés dans leur cohabitation avec les animaux, en dehors des parcs nationaux. Il s’agit alors de trouver des solutions pour transformer ces éventuelles menaces sur les locaux en belles opportunités.
Grâce au « Lion West Management Plan », les fermiers peuvent eux-mêmes surveiller le déplacement des lions bagués (en vérité ce sont des colliers), et prévenir d’éventuelles attaques en déplaçant leur cheptel en conséquence. Dans le Kunene, des rangers et patrouilles anti-braconnage ont été formés afin de limiter les conflits « homme-animaux ». TOSCO emploie actuellement quatre rangers (Rodney, Bertus, et plus récemment Kaveisire et Katukuruka, leurs dernières recrues). En cas d’attaque animale, il arrive que l’organisation compense financièrement la perte des fermiers.

En tant que touriste en dehors des parcs nationaux, nous apprécions de pouvoir profiter de l’immensité sauvage et d’en observer la faune et la flore gratuitement. Souvent nous oublions que des gens y vivent et que la cohabitation peut être difficile (destruction des points d’eau ou des cultures par les éléphants, diminution du bétail). A la fin de la journée, le visiteur aura pu observer pléthore d’animaux sauvages dans leur habitat naturel… mais finalement qu’est-ce qui retient le fermier du coin de ne pas prendre son fusil ? Il a lui aussi envie de protéger ses terres, afin de pouvoir nourrir sa famille dans des conditions souvent extrêmes. Pour contre-balancer cet aspect, des emplois se créent (équipe anti-braconnage, rangers…), des contributions sont mises en place (via les agences de voyage par exemple, qui reversent une somme de leurs profits engendrés sur l’année), afin que le coût de la conservation ne soit pas porté seulement à bout de bras par des locaux qui en subissent les seules menaces. C’est encore une fois tout un équilibre que l’on essaye de préserver.

Awareness – Sensibiliser

Faire apprendre, comprendre, éduquer… c’est tout un programme ! C’est pourquoi TOSCO met en place des actions dans ce sens. A l’entrée du Namib Naukluft National Park, du Sesriem National Park et du Skeleton Coast National Park, des panneaux ont été installés à l’intention des visiteurs, afin que ces derniers puissent limiter leur impact environnemental en respectant certaines règles. Des brochures sont éditées et distribuées dans les lieux de rendez-vous touristiques (hôtel, loueurs de voitures, etc.), des évènements sont organisés avec des partenaires, afin de sensibiliser la population locale, notamment auprès des écoles. En 2019 par exemple, lors du Clean-Up day, une campagne de ramassage des déchets a été mise en place avec la participation de 45 écoles. Des workshops sont également menés afin de former les acteurs touristiques sur le comportement à adopter lorsqu’ils croisent des serpents (souvent tués par peur) ou les éléphants du désert.

Le p’tit +: Ces workshops sont ouverts à tous. Les tarifs varient cependant pour les membres et les non-membres. Alors si vous êtes sur Windhoek et libre sur 1/2 journée, n’hésitez pas à aller vous former.

Clean Travel – Le voyage propre

TOSCO en partenariat avec Eloolo Permaculture Initiative, a mis en place un programme de compensation carbone. Ces programmes sont souvent connus pour compenser les voyages aériens mais ce dernier existe afin de compenser l’utilisation des véhicules 4×4, nécessaires à un voyage en Namibie. Les arbres sont plantés chaque année pendant la semaine arboricole en Octobre et leur nombre correspond au calcul des kilomètres parcourus par les membres adhérents et au type, à la taille et à la consommation des véhicules en question. Les arbres s’enracinent au sein d’écoles ou de communautés qui pourront bénéficier de leur présence et en prendre soin, suivant les principes de permaculture. On limite ainsi la consommation d’eau et maximise leur épanouissement. 90 750 NAB ont été versés sur ce programme en 2019, avec la participation de premières agences sponsors et 363 arbres ont été plantés.

Le p’tit +: Eloolo prend soin de sa pépinière, qu’il est possible d’aller découvrir sur Windhoek, offrant une belle introduction à la flore namibienne. Pour se faire, il faudra préparer sa visite en amont avec TOSCO.

Comment sont récoltés les fonds ?

Comme je vous le disais en introduction, les fonds pour accompagner ces différents projets, sont principalement récoltés via les agences de voyage locales et tours-opérateurs qui le souhaitent. En 2019, la deuxième source de revenu était émise par la vente de marchandises (bouteilles réutilisables, casquette ou buff TOSCO, livres…). Puis arrivaient en troisième position les associations partenaires et enfin les individuels.

Graphiques issus du rapport d’activités 2019 de TOSCO, disponible sur leur site Internet

L’année 2020 étant passée par là, avec la fermeture des frontières, les restrictions liées aux voyages, les agences locales ont eu du mal à assumer leur propre charge et les fonds reversés auprès de TOSCO ont dégringolé. C’est pourquoi l’association a décidé de créer une cagnotte pour pouvoir assurer au moins les salaires des rangers sous la responsabilité directe de TOSCO et continuer à fournir le matériel nécessaire à leurs missions. Cette cagnotte aide aussi à compenser financièrement les fermiers qui subiraient des pertes liées à leur cohabitation avec la faune sauvage.

Il est possible néanmoins de s’investir sur le long terme auprès de TOSCO en devenant membre, via leur site Internet. Vous pourrez alors leur verser la somme souhaitée, qui sera redistribuée sur leurs différents projets.

Limiter son impact lors d’un voyage en Namibie

En tant que visiteur d’un pays, j’aime me poser les bonnes questions et en apprendre plus sur les initiatives qui font sens dans le pays que je visite. Je n’ai pas toujours l’occasion de rencontrer les personnes à l’origine de ces démarches, mais il est bon de se renseigner sur son propre impact.

Un touriste va avoir une influence sur la destination qu’il visite, quoi qu’il fasse. A chacun donc de prendre ses responsabilités et de choisir les alternatives qui s’offrent à lui. Mais alors comment limiter son impact ?

Voici quelques pistes:
1. Ne pas aller en Namibie mais s’informer, rêver à travers les articles de blog, les beaux livres et les documentaires sur le sujet.
2. J’ai fortement envie de voyager en Namibie (car cet article m’en a donné envie), mais j’évite de prendre l’avion. Dans ce cas, je prends un bateau de France et traverse le continent africain en transport en commun.
3. J’ai décidé de partir en Namibie par avion: je pars longtemps et peux compenser mon bilan carbone à travers diverses associations, qui vont planter des arbres afin de construire des puits de carbone pour contre-balancer ma consommation. Rien ne vous empêche cependant d’aller dans ce sens si vous décidez de voyager autrement.
4. Je suis en Namibie et loue mon propre 4×4: je décide de rester plus longtemps sur place pour que l’utilisation de mon véhicule de location s’étale sur plusieurs jours. Je peux à nouveau compenser mon bilan carbone, en reversant l’équivalent de ma consommation auprès d’associations. Je peux d’ailleurs rendre visite à Eloolo, afin de comprendre concrètement à quoi sert mon argent.
5. Je suis en Namibie et décide de passer par une agence. Je pars avec un groupe permettant de répartir ma « consommation carbone » sur plusieurs personnes. Je choisis mon agence de voyage avec soin, une agence qui respecte dans ses actions, l’environnement et les populations locales, en cherchant à limiter concrètement leurs impacts. C’est encore mieux si elles reversent une partie de leur profit chaque année à des programmes, qui cherchent à limiter le poids de la conservation sur les populations locales.
6. Je décide de ne pas passer par une agence et de ne pas louer de 4×4. Je limite mes déplacements aux transports en commun ou fais du stop, m’offrant un rapport différent aux autres et aux habitants.
7. Je fais le choix d’ajouter dans mon budget voyage, une part que je reverse à une organisation, à l’image de TOSCO, qui a un impact concret en Namibie, à travers des projets de conservation.
8. Mon impact est tout aussi social, à travers les rencontres que je fais sur place. Je trouve ce dernier plus difficile à limiter car chaque interaction conduit forcément à avoir un effet, que ce soit sur le visiteur ou l’interlocuteur. L’acculturation peut être positive si c’est le visiteur qui fait l’effort d’adaptation à la culture environnante. Elle peut aussi être négative lorsque c’est la population locale qui à force d’adaptation, finit par oublier ses propres racines. Je pense que c’est un élément à toujours avoir en tête. Je suis persuadée que le respect culturel et mutuel limitera cet impact négatif.

J’espère que ce nouveau format d’article vous aura plu et inspiré. N’hésitez pas à interagir en commentaire et à laisser votre avis sur des initiatives que vous avez pu rencontrer.

Photo des chutes de Kalandula, prise de l'accès Ouest en venant de Malanje

Voyage en Angola, de Lubango à Luanda

Un voyage en Angola me faisait rêver depuis quelques mois. La Kizomba, découverte lors de mon année d’expatriation en Côte d’Ivoire, m’avait bercé pendant les moments difficiles. Je m’évadais sur ces notes qui redonnent espoir, qui insufflent l’énergie enserrée en étau dans un brouhaha permanent. Je reprenais confiance grâce à la danse et les paroles en portugais me donnaient des envies d’ailleurs. L’Angola serait ma prochaine destination, un choix de cœur et d’âme, pour réconcilier une dame avec ses désirs intérieurs.

De la Namibie à l’Angola

C’est de la Namibie que je rejoignais l’Angola, un jour de février 2020. Je ne savais pas encore que cette année serait bizarre et que je profitais de mes derniers instants d’insouciance. Je venais de passer la frontière accompagnée d’une personne de confiance, qui m’avait laissé à l’arrêt de bus qui me mènerait à Lubango. J’avais pu échanger de l’argent à la frontière pour me permettre de vivre quelques jours et acheter une carte SIM histoire de communiquer avec mes futurs hôtes.

Marché noir en Angola

Trouver des dollars américains en Namibie avait été une longue histoire… J’avais lu que les dollars américains étaient très recherchés en Angola et avaient plus de valeurs que les dollars namibiens sur le marché noir. On m’avait aussi dit qu’il était très compliqué de retirer de l’argent directement aux distributeurs (ce que je fais habituellement dans chaque pays que je visite) et que plusieurs voyageurs avaient retrouvé leur carte bloquée ou avalée par ceux de la frontière. Songe ou réalité, je ne voulais pas prendre le risque de me retrouver sans rien, une fois arrivée en Angola. A Windhoek, j’avais passé ma matinée à courir après ces fameux dollars américains puis à Otjiwarango, un après-midi. Mon dernier espoir s’était trouvé à la frontière de Oshikango, où après maintes négociations et explications, la dame avait bien voulu me faire l’échange requis des dollars namibiens que j’avais retiré entre temps.
Pour une question de discrétion et de sécurité, j’avais décidé que j’échangerais quelques dollars américains et mes derniers dollars namibiens, auprès des rabatteurs plutôt que d’attirer l’attention en sortant d’une banque. Ce commerce informel est illégal et pourtant les kinguillas (surnom des changeurs de devises des rues) semblent encore tolérés. Ces derniers vous donneront un peu plus de Kwanzas (monnaie de l’Angola) que si vous alliez à la banque. Il existe même un taux « officiel »: www.kinguilahoje.com

Histoire d’une économie dépendante

Pourquoi ? Depuis la crise pétrolière de 2014 (l’Angola étant le 2ème producteur africain après le Nigéria), le pays a plongé dans la récession. L’économie angolaise en est très dépendante, puisque 70% des revenus de l’état proviennent de l’or noir, d’après cet article du Monde. En 2015, les investisseurs étrangers sont partis et l’inflation a considérablement augmenté (jusqu’à 30% en 2016). Alors que plus d’un tiers de la population est sous le seuil de pauvreté (« 36,6 % de la population vit avec moins de 2 USD par jour » selon la Banque Mondiale), il a fallu trouver une solution pour survivre. Les plus pauvres ont pu se tourner vers le marché noir et en 2018, l’économie parallèle semblait « concourir jusqu’à 90% de l’activité économique locale ». Pourtant le pays s’était relevé de sa dernière guerre civile fin 2012 grâce au pétrole, qui avait permis un taux de croissance économique moyen de 12% jusqu’en 2013 (dont une croissance exceptionnelle de plus 20% du PIB en 2006 !). Avec un PIB moyen par habitant de 2 809 USD en 2019, l’Angola reste un pays riche mais très inégalitaire, avec un taux de chômage atteignant les 29% début 2019.

En attendant la diversification de son économie, l’Angola se débrouille et le dollar s’échange dans la rue, amplifiant la dépréciation de la devise locale. Échanger son argent au marché noir vous permet d’acheter plus de kwanzas que vous ne le feriez à la banque mais cela joue sur la perte de valeur de la monnaie locale, face au billet vert américain que tout le monde s’arrache. En 2015, on achetait 135,2 kwanzas avec un dollar américain contre 479 kwanzas en 2019 sur le marché officiel. Les amis angolais que j’ai rencontré m’ont tous recommandé de me tourner vers ce dernier. Maintenant que vous avez toutes les cartes en main, c’est à vous de voir.

Voyage en Angola et visa

Depuis le 30 septembre 2023, les Français et 97 autres nationalités sont exemptées de visa de tourisme.

Quand je raconte que je suis partie en voyage en Angola, la plupart des gens me regarde avec des yeux ronds. « En Angola, mais il n’y a pas la guerre là-bas ? ». Non, la guerre n’est plus depuis bien longtemps. De 1961 à 1975, la guerre d’Indépendance a eu lieu, afin de s’extraire de l’influence portugaise, présente depuis le 15ème siècle. S’en est suivi une guerre civile qui a duré 27 ans de 1975 à 2002, opposant les deux principaux mouvements de libération, au lendemain de l’Indépendance proclamée du pays. Le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) soutenu par le bloc de l’Est et Cuba, alors au pouvoir, s’oppose à l’UNITA soutenue par les États-Unis, l’Afrique du Sud et l’ex Zaïre (la République Démocratique du Congo), offrant une mini guerre froide sur le champ de bataille. Elle s’achèvera avec la disparition au combat du dirigeant historique de l’UNITA.

18 ans plus tard, je n’en vois pas les stigmates en tant que touriste marchant dans la capitale. Mais il faut faire un brin de recherche avant de venir au pays. Rare sont les informations en français sur le voyage en Angola. Heureusement les groupes de discussions et forum m’aiguillent sur les démarches du visa à la frontière terrestre de Santa Clara. Le visa coûte actuellement 120 USD pour une durée de 3 mois. Pour votre demande en ligne, il faudra fournir de nombreux justificatifs: hébergement, ressources financières et billet retour. Ce dernier est obligatoire… Moi qui n’aime pas avoir de date, j’ai du réserver un billet d’avion après avoir vu ma demande refusée une première fois (même en leur expliquant que je comptais passer à nouveau une frontière terrestre en transport en commun). Pareil pour l’hébergement: il faut pouvoir prouver où vous allez dormir pendant toute la durée de votre séjour. Grâce à un site de réservation en ligne connu, j’ai obtenu mes preuves, mais seulement pour un mois. A la frontière, un visa d’un mois m’a donc seulement été octroyé (au lieu des 3 indiqués) et il m’était alors impossible de revenir en Angola après mon excursion à Sao-Tomé-et-Principe (le visa étant multi-entrées). Si vous passez la frontière terrestre de Santa-Clara, il sera peut-être plus intéressant de payer votre visa en dollar namibien (car moins cher).

Plus d’infos sur l’obtention du visa pour un voyage en Angola ici.

Visiter Lubango lors d’un voyage en Angola

De la frontière Santa Clara à Lubango

Me voilà donc à la frontière du côté angolais, entrain d’attendre le bus qui me mènera à Lubango ma première destination. J’ai choisi de voyager avec la compagnie de bus Macon car, via leur site Internet, il est possible d’accéder aux différents horaires. Se déplacer en transport en commun en Angola est beaucoup plus facile qu’en Namibie. Il y a aussi la compagnie Angoreal que je n’ai pas testé. Si vous voyagez léger, vous pourrez toujours opter pour les mini-bus (beaucoup moins chers) qui transitent de ville en ville pas toujours confortable ou trouver une voiture. Il y a des coins particuliers de rendez-vous dans les différentes villes et si vous parlez portugais, il vous suffira de demander aux locaux, ce qui n’était pas mon cas.

Mon bus finit par arriver et me voilà à bord pour 6000 Kz en direction d’une ville dont je ne parle pas la langue. L’appréhension est là, mais mon voisin du jour en profite pour discuter. Il fait l’aller-retour entre la Namibie et l’Angola, et par chance parle donc anglais. J’essaie de grappiller quelques informations sur la ville de Lubango, mais ce dernier continue jusqu’à Luanda, la capitale. Il m’explique qu’après la crise, il a du se tourner vers le pays voisin pour son business et s’est lancé dans le commerce de voiture pour faire vivre sa famille. Il a l’air de ne pas trop mal s’en sortir, malgré le coût élevé de la vie.

Où dormir à Lubango ?

J’étais en contact avec un couchsurfeur qui ne pouvait pas m’héberger, mais devais me donner l’adresse d’un hôtel qu’il connaissait. Celui que j’avais trouvé en ligne était bien trop cher pour mon petit budget. Sauf que je n’ai plus eu de retour. Un angolais apparaissait régulièrement sur les forums de discussions relatifs à l’Angola, alors je le contactais sur le trajet qui me menait à Lubango. Il me répondit presque immédiatement me conseillant un hôtel et me proposant de m’y accompagner, le bus arrivant en pleine nuit. Maintes fois conseillé par d’autres voyageurs, je me laissais guider. Il me récupéra à la station de bus de Lubango avec sa femme, mon voisin du jour rassuré que je sois entre de bonnes mains, et me laissa à la Residencial Dumas, rue Deolinda Rodrigues (+244 92 66 86 888). J’ai déboursé 15000 kz pour deux nuits, dans un petit hôtel propre et bien situé. Le personnel ne parle pas anglais, mais a été d’une grande aide avec mon « portugnol » hésitant. Toujours serviable, avec un grand sourire, ils m’ont trouvé un taxi pour Tundavala et m’ont conseillé un petit bouiboui pour me restaurer.

Tundavala

Après avoir passé une nuit confortable, l’aventure ne faisait que commencer. J’avais lu que Tundavala valait le détour et qu’il me faudrait trouver un taxi de Lubango pour pouvoir y accéder. Je demandais un coup de main à la réception ne parlant pas portugais, et on me trouva un taxi assez rapidement. J’ai pu le négocier à 6000 kz aller-retour (compter 4000 kz en moto-taxi), sachant qu’il faut 1h de route pour y aller.

Mon nouveau chauffeur m’embarque donc sur la route menant à Tundavala. J’aperçois la statue du Christ de Lubango perchée à 2130 m d’altitude qui me projette à Rio de Janeiro, et recoupe l’histoire coloniale de ces doux pays, quittant la ville pour plonger au cœur de paysages vallonnés. La route monte doucement à bord de mon taxi roulant sur les routes qui finissent par être pavées. Les enfants marchent en petit groupe au bord, leur cartable sur le dos et parfois une chaise en plastique coloré au dessus de la tête. Ils semblent rentrer de l’école… ou y aller. Certains hèlent le taxi et le chauffeur les regarde hésitant. Je me contente d’observer à travers la vitre ce nouveau pays qui s’offre à moi, les collines majestueuses, me plongeant presque au cœur de Vattavada.

J’essaie d’échanger deux, trois mots avec mon compagnon de la matinée. A défaut de connaître le portugais malgré mes quelques leçons en ligne, je tente de me souvenir de mon espagnol, espérant qu’un mot se rapprochera de la langue locale. Un voyage en Angola se prépare, en emportant avec vous quelques phrases. Finalement c’est quand je lui dirais d’ouvrir ses portes aux enfants des bords de route, que le chauffeur de taxi finira par se dérider.

Nous finissons par arriver sur un parking et mon compagnon me dit de le suivre. Nous longeons le chemin offrant une vue plongeante sur la ville de Bibala et la plaine alentour. Le soleil est au zénith et la lumière écrasante, ne permettant pas de profiter au maximum de la profondeur de la gorge, qui semble faire office de frontière naturelle entre la province de Namib et de Huila. Il parait que les couchers de soleil y sont magnifiques. Je fais le tour et suis le chauffeur parmi les pierres. Les randonnées m’inspirent mais après quelques photos à admirer les paysages alentours, il est temps de rentrer sur Lubango.

Que voir à Lubango ?

Je vais manger un bout à la Mediateca près de l’hôtel et me retrouve coincé à ne pas pouvoir dire ce que j’aimerais qu’on me mette dans mon sandwich. Les mots « tomato » et « queso » suffiront à étancher ma faim, mais je me dis que ces prochaines semaines vont m’apparaître limitantes. Je continue ma route et décide de marcher au cœur du centre de Lubango.

Je ne sais pas à quoi m’attendre. Est-ce dangereux ? Puis-je me balader toute seule ? Je ne suis pas venue pour rester enfermer dans ma chambre d’hôtel et découvrir un pays à travers les vitres tintées d’un bus. Je m’engage donc au cœur de la ville, longeant la « rua comandante Saidi Mingas » pour rejoindre la cathédrale et son jardin. Les rues sont animées, dénotant terriblement avec mon expérience namibienne. Je suis en joie. J’observe discrètement, marche doucement et me laisse surprendre à admirer le Christ du haut de son plateau, que je ne rejoindrais pas cet après-midi là. Personne ne me dévisage, personne ne m’interpelle en me disant « eh blanca », comme on n’aurait pu le faire en Côte d’Ivoire. Mes quelques pas hésitants en Angola sonnent le début prometteur d’une belle aventure. Au fond sans rien savoir du pays, je m’attendais inconsciemment à ce qu’il soit comme ça: bienveillant, bercé par quelques rythmes anciens fusionnant avec le renouveau, un peu comme à l’image des bâtiments de Lubango, dont les teintes passées semblent vouloir évoquer une époque ancienne plus faste.

Je me prends à rêver à travers les rues de Lubango, puis rentre à l’hôtel pour me renseigner sur mon billet de bus. Je partirai le lendemain sans avoir arpenté la route de la Serra da Leba qui serpente au milieu des montagnes ou d’avoir pu randonner dans les contreforts de Tundavala. Je me dis que ce voyage en Angola est un voyage d’apprivoisement, afin de mieux revenir une prochaine fois… à vélo peut-être ou avec un moyen de locomotion à mon nom.

Visiter Benguela lors d’un voyage en Angola

En bus de Lubango à Benguela

A l’hôtel de Lubango, le réceptionniste m’indique où se trouve la station de bus. Son collègue me propose de m’accompagner… gênée, il insiste et j’en profiterais pour échanger avec lui sur le trajet. Mon « portugnol » finit par faire effet et on arrive à tenir une conversation tintée de gestes et de signes colorés, mon cœur rempli de gratitude quant à cette rencontre fortuite. Le lendemain, je décide de marcher jusqu’à la station de la compagnie Macon, bien trop timide pour arrêter une moto jusqu’à ce que l’un des réceptionnistes m’interpelle et me mette dans un mini-bus qui n’ira pas dans la bonne direction. Je finirais par grimper à l’arrière d’une moto pour quelques minutes de route, un brin en avance par rapport au bus que je dois prendre. Un thé offert par la compagnie plus tard, je partirai en direction de Benguela (compter 7800 kz).

J’apprécie la route et ses paysages, laisse mon âme absorber chaque onde qui passe à la radio, profitant du calme et des quelques conversations que j’entends ça et là. La curiosité de mon voisin finit par l’emporter et il commence à me demander ce que je viens faire en Angola. Il parle anglais… encore une fois je me sens coupable et soulagée. Coupable de ne pas parler portugais dans le pays qui m’accueille et soulager de pouvoir échanger, dans l’espoir d’ingurgiter un maximum d’informations sur l’homme qui se tient en face de moi, la femme à l’arrière ou l’enfant que je croiserais plus tard mendiant dans les rues de Luanda.

Par chance, une couchsurfeuse m’attend à Benguela et me donne rendez-vous directement chez elle un peu avant la ville chef-lieu de la province au même nom. A l’arrêt suivant, je demande au chauffeur s’il connait cet endroit. Ce dernier est loin d’être patient et me dis d’aller me rasseoir. Mon voisin viendra à mon secours, passant de l’anglais au portugais si aisément et nous finirons par trouver cette adresse au milieu de nulle part, après maintes explications de mon hôte. Je descendrais en bord de route poussiéreuse et finirait par trouver une dame et sa fille, qui m’indiqueront où se trouve M. Derrière une façade bétonnée, je découvrirais un jardin luxuriant, à l’image de la famille qui m’accueille.

Une journée à Benguela

A peine arrivée, je dépose mes affaires et part avec M. chevaucher un taxi-moto, afin de héler un mini-bus en direction de Benguela. C’est assise entourée que je ferais connaissance avec la jolie angolaise qui m’accueille pour quelques jours. J’adore les voyages en mini-bus plein de couleurs, de jolies rencontres, de conversations bruyantes. J’ai l’impression que l’âme du pays s’y donne rendez-vous et j’ai l’occasion de me familiariser avec les langues locales. On en compte une trentaine en Angola, comme le kimbundu, tchokwé ou l’umbundu. Mais ne reliant seulement les villes entre elles lors de ce voyage en Angola, je n’entendrais que les douces intonations portugaises. M., elle, parle anglais. Je suis heureuse de pouvoir apprendre à la connaître dans une langue familière, mais m’oblige à dire quelques mots en portugais, la faisant sourire. Elle est heureuse de pouvoir pratiquer son anglais et me mène chez sa tante, qui tient un restaurant. J’y goûte un délicieux poisson grillé, puis nous nous octroyons une balade digestive dans les rues de Benguela.

Nous longeons la mer via la rua Manuel Cerveira Pereira et M. me raconte que la ville était autrefois une plateforme commerciale importante, notamment liée à la traite des esclaves. Je ne visiterais pas le Musée National Archéologique, étant en bonne compagnie, mais n’hésitez pas à y faire un tour. Nous zigzaguons ensuite à travers les rues, mes yeux à la recherche des beautés passées d’antan. Les bâtiments jaunes pâles semblent les plus splendides et M. m’apprend que ce sont des constructions relatives au pouvoir. Je me laisse guider, enthousiaste aux sons de Semba et Kizomba qui émanent des rues et aux palmiers qui parsèment cette ville agréable.

Nous irons ensuite nous réfugier dans un café climatisé, mon hôte se sentant fiévreuse et malade. Quelques amis à elles sont là. Elle prend le temps de se reposer au frais et j’écoute les conversations hyper concentrée.

Virée à Lubito

Le lendemain, nous quittons Benguela pour aller plus au nord à Lubito, direction la plage au niveau du restaurant Batuk. Les chaises longues nous attendent et il n’y a personne pour venir nous sortir de notre sieste ensoleillée. Le sable fin dénote avec l’océan atlantique, et les vagues fraiches nous incitent à rester un peu trop longtemps au soleil. Une douche extérieure est à disposition. Finalement M. est un peu comme moi, pas très plage, mais nos conversations finissent par nous donner tord et nous restons assez longtemps pour je prenne quelques coups de soleil. Un repas plus tard, c’est des amis à elle que nous rencontrons. Avec bonne humeur et rire, nous nous laissons embarquer jusqu’à Benguela, où un karaoké doit se tenir le soir au dernier étage d’un hôtel. Fatiguée par mes épaules cuisantes et cette journée au soleil, nous finirons par rentrer à la maison, avant que notre table de 12 ne finissent par chanter.

Les Angolais présents étaient tous adorables et bienveillants. Lorsqu’ils ont compris que je ne parlais pas portugais, ils ont lancé quelques phrases de leur anglais hésitants, me mettant tout de suite à l’aise. L’impression d’être chez moi dans un pays inconnu jusque là, ne faisait que se renforcer.

Le lendemain, nous devions repartir pour une journée à la mer, cette fois plus au sud, mais un malentendu et la fatigue de M. suite à sa maladie inconnue, nous contraint à rester à la maison pour nous reposer. C’est au cœur de la famille que je cherche à m’intégrer, son père m’invitant à déguster une spécialité locale. Mon manque de portugais se ressent à nouveau, mais mon « muito obrigado » et mes quelques efforts en « portugnol » finiront par faire effet. Je trouve toujours cela difficile d’exprimer mon immense gratitude envers mes hôtes, même si je parle la langue… alors lorsque je ne la parle pas c’est tout un exercice qui s’impose à moi.

Une semaine à Luanda

De Benguela à Luanda

Je partirai le lendemain. M. devant travailler, sa tante et ses cousins finissent par m’embarquer de beau matin jusqu’à Benguela, où je prendrais mon bus pour Luanda (compter 7500 kz). Je passerai la journée assise à observer les paysages à travers la vitre sur plus de 540 km. J’aperçois parfois la mer, mais la route semble régulière dénotant avec l’intérieur des terres. Les passagers du bus changent régulièrement, s’arrêtant de villes en villes. Je me retrouve à côté d’une femme et son enfant magnifique, mais me contenterais de sourire lorsqu’elle tournera la tête vers moi. Je lui dis que je descends à Luanda.

Au sud de la capitale, se trouve le Miradouro da Lua, un point de vue sur une formation géologique intéressante que l’on pourrait comparer à un paysage lunaire. Difficile de demander au chauffeur de faire un petit détour sur la route principale pour immortaliser cet instant. J’essaie de l’apercevoir par la fenêtre mais il est déjà tard et la lumière rare. Peut-être pourrais-je m’y arrêter en allant à Cabo Ledo plus au sud encore, une plage réputée pour les surfers. Sur la route se trouve ensuite la Peninsula de Mussolo, apparemment magnifique que j’espère rejoindre de Luanda, tout comme le Parc national de Quiçama.

J’arrive de nuit à Luanda et mon hôte du soir m’a commandé un taxi car mon application ne marchait pas. Je finis tant bien que mal à retrouver le chauffeur, qui me dépose en plein centre Rua Rainha Ginga, repérable à la grand enseigne Total. Je rencontre ma couchsurfeuse du soir D. qui m’accueille avec un bon repas. Quand je vous parlais de gratitude…

Que faire à Luanda ?

Forteresse et Marginal

Je passe la semaine avec elle, voire deux. Je ne sais plus. Le temps a ralenti et j’ai l’impression de vivre à Luanda depuis quelques mois. D. travaille la journée et on se retrouve le soir pour échanger. Je prends donc mon temps comme le ferait une personne qui vient d’arriver dans la ville et a une année pour la découvrir. Je ne sais pas trop où trouver les informations me permettant de découvrir Luanda. Je marche donc le long de Marginal pour m’imprégner de la vue, croisant les amoureux se tenant par la main, à des années lumières de mon expérience ivoirienne, où encore aujourd’hui je cherche à en comprendre les relations humaines. Ici les codes semblent familier, comme un air du sud qu’on aurait manqué.

Puis je pousse la porte de la forteresse St Michael, le jour d’un grand évènement de musique électro. Je serpente entre les câbles et les scènes, et personne ne semble en vouloir à ma présence curieuse. Finalement je ne suis que là pour admirer la vue et prendre un peu de hauteur sur la capitale, du haut du Mont Sao Paulo. La forteresse abrite le musée des forces armées, souvenir d’un passé qu’on aimerait oublier.

Cathédrale et musée national d’Anthropologie

Le jour d’après, je m’en vais me promener vers la cathédrale, me retrouvant au milieu de personnes qui semblent s’être posés pour le déjeuner, la sieste de l’après-midi ou sont là à longueur de journée, espérant croiser un individu plus fortuné. Puis je m’aventure au Musée national d’Anthropologie qui semble être le seul musée du centre ville. L’avantage de vivre à deux pas de Marginal, c’est que je peux tout faire à pied. Le musée semble en travaux. Je rentre pousser par une nouvelle dynamique et un homme m’interpelle pour savoir où je vais. Mon « portugnol » fait à nouveau l’affaire car il me conduit à l’entrée du-dit musée auprès de la femme à l’accueil, qui récupère mon téléphone le temps de la visite.

L’homme qui m’a accueilli me présente à J. qui parle français et me propose de faire une visite guidée. Pourquoi pas un brin de compagnie. On discute doucement, son français charmant assorti à des yeux pétillants et un grand sourire. Je bois ses paroles et il me parle des différentes salles et m’explique qu’ils sont entrain de tout réorganiser dans le musée, afin qu’il retrouve son image de musée incontournable. Heureusement qu’il est là car l’absence de panneau explicatif n’aurait rien donné. Je grappille donc quelques informations et j’aimerais rester là à échanger longuement, mais le musée ferme déjà. J. m’entraine dehors, me présente à son ami musicien et me montre ses sculptures car en plus d’être anthropologue, cet angolais est un fin artiste. Charmée par cette rencontre, je prendrais la carte qu’il me tendra et rentrerait dans mon nouveau « chez moi ».

Musée de l’esclavage et artisanat local

Quelques jours plus tard, je le contacterai afin de savoir si le musée de l’esclavage est bien ouvert, ne trouvons aucune information en ligne. Par chance il a ces détails et me propose carrément de m’accompagner. Après m’être assurée que cela n’empiéterait par sur son travail, nous nous retrouvons à 10h un matin. Prendre un taxi pour aller jusqu’au musée m’aurait couté 3000 kz l’aller dans mes souvenirs. J’imaginais qu’il était possible d’y aller pour bien moins, les angolais n’étant pas tous capable de s’offrir une telle somme. J. m’offre le choix de s’atteler aux mini-bus dont je n’aurais jamais pu trouvé l’information seule dans mon portugais débutant. Même en Côte d’Ivoire, il m’aura fallu presque un an pour tenter d’apprivoiser ces transports en commun qui te prennent quelques pièces d’un point à un autre précis. J’imagine cela un peu comme une tradition orale qui se transmet de génération en génération, au bouche-à-oreille sans plan écrit. C’est peut-être pour ça que je trouve ces mini-bus fascinant: ils me donnent l’impression de faire partie de ce monde rien qu’un instant.

Je suis donc J. à travers ce labyrinthe roulant et nous finirons par prendre 2, 3 ou 4 mini-bus (qui me reviendront moins cher qu’un taxi même en payant pour deux). Nous quittons Luanda et j’en profite pour discuter, me laissant voguer au gué du trafic. Nous finissons par arriver. J. m’entraine au cœur du marché Benfica qui rassemble l’art local, de vanneries angolaises aux sculptures en bois. Je suis la seule touriste dans le coin, et chaque vendeur veut me montrer les beautés qu’il a crée de ses mains. J. vient à ma rescousse lorsqu’ils se font trop pressant, mais finalement avec un grand sourire et un air désolé, je continue à avancer parmi les allées d’artisans. Je n’ai que très peu de place dans mon sac et mon voyage est censé durer encore quelques mois.

Nous rejoignons ensuite le bâtiment du 18ème siècle et une jeune femme m’accompagne à travers les différentes salles, m’expliquant l’histoire des esclaves qui partaient pour le Brésil ou Cuba, après s’être fait baptiser dans la chapelle que nous visitons. Le musée existe depuis 1977 et comme à chacune de mes visites de ces sites témoignant des atrocités humaines, la vue y est belle. A chaque fois, la mer s’offre calme à travers le cadre d’une fenêtre ou d’un arche, nous faisant oublier pendant quelques secondes l’objet de notre présence. D’ailleurs J. me montre par la fenêtre le lieu d’embarquement pour la presqu’île de Mussulo, que l’on peut rejoindre en bateau juste en face.

Île de Luanda

Je n’irais jamais à Mussulo, où J. me raconte que les luandais y passent souvent leurs week-ends dans un cadre idyllique. Je me contenterais de la presqu’île de Luanda, où D. m’embarque le temps d’un repas. Gourmande comme moi, elle m’emmène dans un restaurant local, afin que nous partagions un Mufete. Nous choisissons notre poisson qui sera ensuite grillé et accompagné de haricots blancs cuits dans l’huile de palme, de bananes et manioc grillé: un délice !

Nous reviendrons un soir sur l’île pour profiter d’un karaoké avec ses amis expatriés et angolais, à l’Infinitus Bar. C’est un endroit convivial où vous rencontrerez la jeunesse aisé de Luanda, où du moins ce que j’en imagine. Les personnes avec qui j’ai pu parler travaillaient dans le pétrole. Vous pourrez profiter du sofa ou de la scène, admirer les portugais et angolais chanter en cœur des chansons que tout le monde semble connaître sauf moi.

Je retournerais une dernière fois sur l’île, pour profiter de la mer et d’une soirée concert avec un gars rencontré sur Marginal. La scène musicale est vive à Luanda et il suffit de demander autour de soi, chacun ayant une adresse à vous conseiller.

Où danser la Kizomba à Luanda ?

Mais un voyage en Angola ne serait rien sans quelques cours de Kizomba. C’est cette danse qui m’avait fait venir jusqu’ici et j’avais envie d’en capturer l’essence des nuits chaudes luandaises.

Mercredi soir: Marginal Lounge

C’est donc avec P. un couchsurfeur, danseur professionnel, que j’assistais à ma première soirée luandaise. Je viens à peine d’arriver à Luanda que l’on se retrouve en fin de journée un jeudi soir pour quelques heures de danse au Marginal Lounge. L’endroit est cosy avec une population mixe et il est apparemment possible de prendre quelques cours de salsa vers 20h, avant que la sociale commence. S’en suit alors plusieurs styles, et le DJ passera de la salsa à la bachata, du semba à la kizomba. P. m’accorde ma première danse, puis d’autres danseurs suivront, dans la bonne humeur et la considération. Je me dis que c’est le lieu idéal pour venir rencontrer du monde, lorsqu’on vient s’installer dans la capitale.

Il y a aussi le BarBar, qui proposait une soirée le jeudi suivant lors de mon voyage en Angola.

Jeudi soir: Caminito

Le jeudi soir c’est au Caminito que l’on se retrouve pour danser. Je n’y suis pas allée, étant invitée ailleurs. Sous forme d’afterwork payant (comptez 6000 ou 7000 kz), les angolais s’y retrouvent pour décompresser après le travail vers 18h/19h et danser avec leur groupe d’amis. La soirée continue jusqu’à 2h du matin, laissant le temps de profiter d’une partie de la nuit.

Dimanche soir: ‘Kizomba na Rua’ sur marginal

Je propose plusieurs fois à D. de s’octroyer une soirée kizomba. Elle me dit que nous pouvons aller danser à Marginal le dimanche soir, du côté du stand de glace. Dimanche arrive et je ne la sens pas motivée. Je pars donc toute seule admirer le rendez-vous incontournable de Luanda: « Kizomba na rua« , littéralement kizomba dans la rue. C’est en effet au bord de l’eau que les angolais se retrouvent de 18h à 21h. J’arrive aux alentours de 19h, ratant ainsi le cours gratuit proposé en début de soirée. Très vite, je me fais inviter et me laisse guider aux sons de la kizomba et du semba. On est loin de l’Urban Kiz, la kizomba remasteurisé à l’Européenne où les sons électros semblent s’être imposés dans l’air du temps. Ici je vibre aux sons angolais, comme une victoire du passé sur la modernité. Chaque danseur est hyper patient, apprenant et je finis par vite me mettre en confiance. Il parait qu’on peut y croiser les meilleurs danseurs et professeurs de Luanda et si je devais revenir en Angola, je ferais attention à passer plusieurs dimanches à Luanda. Si vous arrivez en ville et que vous débutez, je pense que c’est le meilleur endroit pour commencer et trouver les bonnes adresses pour prendre des cours. J’y ai rencontré un gars sympa, qui m’aiguillera le reste de la semaine sur les soirées luandaises.

Mardi, vendredi ou samedi soir: Jango Valeiro

On m’a souvent parlé de Jango Valeiro que je n’ai pas pu testé. Lors de mon voyage en Angola, un groupe y jouait de la kizomba en live un mardi soir. On m’a dit que c’était assez récurent en fin de semaine et que c’était plutôt agréable de pouvoir profiter d’un concert tout en dansant. Jango Valeiro est apparemment un restaurant sympa, à l’entrée de l’île de Luanda.

Mercredi et autres soirées: Cha de Caxinde

J. rencontré au musée d’anthropologie m’a parlé du Cha de Caxinde. C’est l’une des références angolaises en terme de scène musicale. Il semble qu’un rendez-vous hebdomadaire est proposé pour danser la kizomba et quand j’y étais cela semblait se tenir le mercredi soir. Les dates changent en fonction des années, pensez-y. Le Cha de Caxinde est, si j’ai bien compris, tenu par une association qui souhaitait proposer un accès culturel pendant la guerre civile et offrir un nouveau souffle, un exutoire. Encore active aujourd’hui, elle propose régulièrement des concerts et spectacles, alors renseignez-vous sur ce lieu immanquable.

Où sortir à Luanda en dehors des soirées kizomba ?

Je vous ai déjà laissé quelques pistes au cœur de cet article. Il y a plusieurs endroits sur l’ile de Luanda. On m’a conseillé Caribe, Miami ou encore Wakimono. Je suis allée écouter un concert de rap angolais un vendredi soir au Miami Beach. C’était assez improbable et plutôt sympa. On peut aussi en profiter pour faire un bain de minuit avec la mer juste en face, les personnes étant rares à se baigner le soir. Le dimanche, beaucoup se retrouve dans l’un de ces restaurants afin de profiter d’un brunch et d’une journée à la plage. Si vous aimez les expositions, jetez un œil à la Fundaçao Arte e Cultura qui se trouve aussi sur l’île de Luanda. Au centre ville, il y a le LAC où je retrouve une ancienne collègue d’Abidjan, qui bosse dans la ville. J’y découvre un espace ouvert, assez lounge avec un concert ce soir-là.

Vous l’aurez compris Luanda est une ville active et il suffit de pousser quelques portes pour trouver des sorties à son goût. Il y a souvent des concerts proposés, reste à savoir encore où les trouver. Les restaurants, bars, espaces artistiques ont peu souvent des sites Internet à leur nom. Par contre, n’hésitez pas à aller faire un tour sur les réseaux sociaux afin de trouver quelques adresses et évènements. Le meilleur plan est encore d’aller danser à Marginal un dimanche soir, afin de rencontrer quelques locaux qui seront ravis de vous indiquer leurs meilleures soirées.

Malanje et les chutes de Kalandula

Transport de Luanda et hôtel à Malanje

Avant de partir du pays, je souhaitais m’aventurer jusqu’à Malanje, afin de découvrir les célèbres chutes de Kalandula. P. le danseur me met en contact avec un gars qui habite sur place. Je prends un bus Macon qui m’emmène à Malanje pour 4400 kz (comptez en plus 3000 kz de taxi pour rejoindre la station de bus éloigné de la ville). Arrivée sur place, son ami C. me rejoint à l’arrêt pour me conduire à mon hôtel du soir, Hospedaria Cacuso (11 000 kz la nuit). Les hôtels semblent rares à Malanje et les informations limitées sur Internet en français comme en anglais. Il est possible de pousser jusqu’à la Poussada Calandula, à l’Est de la cascade, un hôtel qui laisse l’opportunité de planter une tente pour 5000 kz sur leur terrain (offrant une vue directe sur les chutes). Personnellement il m’était impossible de relier Malanje à cette adresse avant la nuit.

Ce n’est que le lendemain donc, que je rejoins les chutes de Kalandula, par l’accès Ouest, après maintes négociations auprès de C. qui parle portugais. On m’avait dit qu’il fallait compter 15 000 kz pour faire le chemin en taxi et je finis par acquiescer pour 20 000 kz après des heures d’échange via traducteurs en ligne. Cela me parait énorme par rapport aux prix négociés jusque-là pendant tout mon voyage en Angola, mais finalement après avoir vu l’exaspération dans son regard, je finis par acquiescer pour les 24€ de trajet. Et oui, en convertissant tout cela me parait bien ridicule. C. indique au chauffeur de taxi de me retrouver le matin à mon hôtel.

Quedas de Kalendua

C’est toujours le sentiment de profiter de mon statut de touriste qui ressort de ce genre de rendez-vous matinal, mais je ne me voyais pas prendre des taxis partagés sans être sûre de pouvoir revenir sur Malanje. Mon chauffeur de taxi est plutôt souriant de bon matin et nous faisons la route en papotant gaiement (à coup de geste et de « portugnol » pour ma part). C’est assez folklorique mais on s’en sort pour faire connaissance. Arrivée sur place, nous rencontrons deux hommes qui attendent les touristes et nous proposent de nous accompagner en bas des chutes. Pensant que le chauffeur les connait, je ne négocie aucun prix avant de partir… sacrilège ! Au retour ils me montreront un arbre gravé, sur lequel est inscrit le prix à payer: 50 000 kz. Je rigole doucement, leur explique ce que pourrais penser les touristes européens de cette magouille et les remercie avec un pourboire et quelques boissons fraiches.

Nous descendons donc sur un chemin boueux et glissant, et je me retrouve à maintes reprises à mettre les mains par terre et les pieds dans l’eau jusqu’aux genoux. Heureusement que je suis en short, avec la chaleur angolaise ! Les gars m’aident et j’ai le sentiment d’être une enfant qui débute sur les chemins de randonnées. Nous finissons tant bien que mal par arriver en bas des chutes et la vue nous offre toute la puissance de la rivière Lucala, qui se déverse là. Ces cascades hautes de 105 mètres et larges de 410 mètres, venant du plus gros affluents du fleuve Kwanza, font partie des plus impressionnantes du continent africain.

De retour à Malanje, aucun bus Macon ne semble rouler en début d’après-midi. Le chauffeur de taxi me dépose à un départ de covoiturage, après avoir insisté pour m’offrir un café dans un bar de la ville. Je partirais de Malanje en 4×4 pour 5000 kz, partageant le siège de devant avec un angolais. La voiture a beau être plus confortable que le bus, j’ai les jambes ankylosées par le trajet qui passera deux fois plus vite qu’à l’aller. De retour à Luanda, l’un des passagers m’aident à me repérer et je finirais par me faire embarquer par un policier jusqu’à la maison de mon hôte. Un brin de chance et de belles rencontres.


Je quitterais l’Angola un samedi soir, m’envolant pour Sao-Tomé-é-Principe dans un contexte mondial assez inconnu (début 2020), qui s’avèrera stressant. Voyager en Angola en transport en commun est quelque chose de possible et beaucoup plus facile qu’en Namibie. Mais il faudra trouver d’autres alternatives pour se rendre au Parc national de Quiçama ou celui de Iona plus au sud. Quant à l’intérieur des terres, je vous conseille d’avoir votre propre véhicule ou de parler couramment portugais pour pouvoir demander des conseils avisés. Les Angolais que j’ai rencontré m’ont tous accueillis avec patience, bienveillance et un grand sourire sur le visage. J’ai été touchée par tant de générosité, d’acceptation et de douceur, que j’aurais presque pu m’installer dans ce doux pays. Il a été dur d’en partir, je m’y sentais comme à la maison et c’est un sentiment rare lorsqu’on voyage de par le monde. J’en ressors grandie et remplie de gratitude.
Je vous souhaite donc de pousser au delà de vos préjugés et peurs si vous en avez, d’aller goûter à la douceur angolaise qui a laissé les sévisses d’une guerre dans un passé lointain, et de vous laisser bercer par les rondeurs ensorcelantes de la kizomba. Kizomba signifie « fête » en kimbundu. Un bel hommage à la musique et à la danse qui sont finalement bien des langues universelles.

Voyager en Namibie en transport en commun

En janvier dernier, j’ai décidé de repartir sur les routes africaines afin de comprendre les disparités culturelles et paysagères de ce beau continent. Je venais de trouver un volontariat de 3 semaines à Swakopmund. Je ne m’étais pas vraiment renseignée sur la destination outre les questions de santé et visa. J’avais lu quelques articles de blog avant de partir, mais rien de plus pour ne pas biaiser mes attentes quant à cette nouvelle destination. Etait-il possible de voyager en Namibie en transport en commun ?

Les débuts d’un voyage en Namibie

Mon amie qui habite à Hambourg, m’avait dit que beaucoup d’Allemands se rendaient en Namibie (vol direct aidant depuis Francfort). J’avais déjà quelques indices quant à l’histoire coloniale du pays, mais pas plus pour commencer cette aventure. Je savais que cette destination était prisée par les adeptes de lunes de miel au soleil et que la plupart des visiteurs décidaient de louer un 4×4 afin de partir à la découverte de ce bout de terre au Sud-Ouest de l’Afrique.

Quelques jours avant le départ donc, je me renseignais quant à la façon de rejoindre Swakopmund depuis Windhoek la capitale. Seules des compagnies privées à l’image de Intercape m’étaient proposés par le gérant de l’auberge de jeunesse pour laquelle j’allais prêter main forte. A peine arrivée à l’aéroport presque vide, seuls des couples ou groupes de jeunes allemands débarquaient et partaient en direction de leur location de voiture. Tout le monde avait déjà organisé son arrivée et personne n’allait vers Swakop (petit surnom donner à la ville). Un couple de retraités rentraient au pays, après avoir vécu en Allemagne de nombreuses années. Les yeux pétillants de la dame me décrivant les paysages magiques de la Namibie me réveillèrent d’une nuit agitée.

J’ai fini par prendre un taxi jusqu’au lieu de départ du bus au cœur de la ville, m’émerveillant des paysages semblant hostiles, à peine sortie de l’aéroport. L’avantage ici c’est que le prix est fixe et le visiteur ne semble pas avoir besoin de négocier. 3-4h de route plus tard, je me retrouvais à Swakopmund.

Swakopmund, surfer en Namibie

Arrivée à Swakop, je trouvais une ville déserte comme happée par le temps. J’avais l’impression bizarre de me retrouver à Coober Pedy en plein milieu de l’Australie. Pourtant ici ce ne pouvait être la chaleur torride qui poussaient les gens à rester chez eux, l’air frais et iodé de la mer enivrant la ville entière. Les quelques mètres séparant l’arrêt de bus à l’auberge me mirent mal à l’aise. En quelques secondes à peine je me demandais ce que je faisais ici. Mais où était donc passé la musique des maquis ivoiriens donnant envie de danser à tout va, où étaient passés les sourires ? J’avais du me tromper de saison. Je pensais pourtant être partie sans idées namibiennes en tête et ces quelques pas me donnaient déjà tord.

Accueil froid à l’auberge, où j’ai fini par prendre quelques marques. Je passais ma journée à attendre d’éventuels clients, à échanger avec les voyageurs de passage et à me balader dans les rues désertes de Swakopmund à l’affût de quelques maisons colorées. J’y ai pris mon premier cours de surf, le pourquoi du comment j’avais décidé de faire un volontariat en Namibie, espérant rajouter à l’exotisme de la chose, l’affrontement de ma peur des vagues qui avait surgi un beau jour où je nageais à Hossegor. Mes années en Nouvelle-Zélande et en Australie n’avaient pas réussi à me faire sauter le pas, alors l’occasion était trop belle. J’avais même acheté un maillot de bain pour y faire face, me disant qu’il serait dommage de perdre le haut dans un malencontreux combat de vagues. Ce que je ne savais pas c’est que l’eau serait aussi froide et la combinaison obligatoire même à la période la plus chaude de l’année. Ni une ni deux, je partais à l’affront de ces vagues munies de ma planche et la peur disparue rapidement, trop concentrée sur les vagues qu’il fallait attraper pour se laisser glisser sur elles.

Ce fut une expérience revigorante, que je retenterais lorsque les muscles de mes bras auront pris forme. La connexion avec la nature était ce que j’attendais je crois… de faire un avec les vagues seulement quelques secondes me poussaient un peu plus vers cette détermination à suivre mon instinct et à fuir au loin. Alors je me suis débrouillée pour raccourcir mon volontariat, trouvant l’occasion de partir explorer le Damaraland pendant quelques jours et prétextant mon désir de passer mon anniversaire en haut de l’une des plus hautes dunes du monde. Après les belles dunes de Swakopmund au soleil couchant, il était temps de découvrir celles de Sossusvlei au soleil levant. Mais voyager en Namibie en transport en commun ne sera pas de tout repos.

Walvis Bay et ses flamants roses

Sur la route menant à Sossusvlei se trouve Walvis Bay. Un couchsurfeur m’accueillant pour 2 jours a décidé de me récupérer à Swakop pour faire la route avec moi. Il est cependant possible de rejoindre Walvis Bay en taxi partagé ou de lever le pouce en sortant de la ville. Il est à noter que lorsqu’on opte pour du stop en Namibie, il est souvent attendu un paiement en retour. Mettez vous d’accord avec le chauffeur dès le départ pour éviter les surprises.

Un arrêt à Longbeach

A mon arrivée à Walvis Bay, je suis surprise de voir la ville s’étendre devant moi. Je la pensais plus petite que Swakopmund et pourtant Walvis Bay est la seconde plus grande ville namibienne avec plus de 60 000 habitants. Avant de me mener chez lui, mon hôte s’arrête dans un quartier résidentiel, où aucune âme ne semble vivre. Les maisons fastes s’alignent et nous entrons dans l’une d’entre elles. A ma grande surprise nous y croisons un homme qui nous offre un café. La maison est immense avec de grandes baies vitrées. Nous parlons un moment avant que celui-ci nous entraine à la découverte de ses derniers jouets. Il est entrain de réparer un avion qu’il a acheté. Pilote d’hélicoptère, il me raconte que la semaine dernière il a survolé le Fish River Canyon avec deux VIPs et que j’aurais surement pu venir avec eux. Pas très enthousiaste à l’idée de faire un aller/retour dans les airs, je savais inconsciemment que ça aurait pu être ma seule chance d’admirer l’un des plus grands canyons du monde. Nous finissons par repartir pour nous poser au cœur de la maison de mon hôte au niveau du Lagon.

Le lendemain, il me suffit de pousser la petite porte en bois, de traverser le grand jardin et de me faufiler par l’arrière pour accéder au bord du lagon. Je marche le long de l’océan jusqu’à apercevoir mes premiers flamants roses. Je tente d’en capturer la beauté avec mon petit appareil photo et peut admirer la différence entre le flamant rose, plus pâle que le flamant nain, lui plus petit. La différence de couleurs ne viendrait pas du fait que le plus « rose » mangerait plus de crevettes, mais de sa forte consommation d’algues.

Sandwich Harbour, entre dunes et mer

Je me suis laissée tenter par une aventure jusqu’à Sandwich Harbour. Une voyageuse à Swakopmund avait décrit son expérience comme irréelle, lorsqu’elle vit la mer et les dunes se rencontrer. Elle avait tant d’émotions dans sa voix, que je me suis dit qu’elle ne devait pas exagérer. Je pris donc un tour, sans trop savoir à quoi m’attendre et partie à l’assaut des dunes avec une famille chinoise, coincée sur le continent africain à cause d’une future pandémie (nous sommes en février 2020). Mon chauffeur me fait penser à ce vieux loup de mer rencontré dans la Bay of Islands. Il me raconte qu’il a formé tous les conducteurs de 4×4 du coin. Il en faut de la technique pour se dépêtrer des dunes. D’ailleurs la seule façon d’explorer Sandwich Harbour est de réserver un tour guidé car nous entrons sur l’un des cinq sites Ramsar de Namibie, désignant ainsi une zone humide d’importance internationale. Celle-ci soutient 8 espèces d’échassiers en danger d’extinction et des recherches scientifiques y sont menées. Ainsi le tourisme est limité à certaines zones et il est impossible de s’y aventurer seuls.

Avant de pénétrer au cœur du Namib Naukluft Park, le plus grand parc national d’Afrique et le 4ème au monde, nous nous arrêtons pour observer à nouveau quelques flamants roses et nains, ainsi que les salines de Walvis Bay. Les couleurs sont incroyables et le blanc du sel contraste aisément avec le rose de l’eau, lié à la prolifération d’algues microscopiques. L’eau de mer est pompée depuis un lagon naturel puis passe à travers divers bassins pour en extraire l’or blanc depuis 1964.

Il est temps de prendre la route de la plage avant que la marée ne soit trop haute. Nous roulons sur le sable mouillé avant de ne prendre à gauche au cœur des dunes. Nous suivons les traces déjà faites par les autres véhicules et notre guide finit par nous déposer en haut d’une dune pour que nous le rejoignons à pied en contrebas. C’est sympa de marcher au cœur de l’immensité, la mer au loin. Mais le ciel est couvert et le cœur n’y est pas. Les chinois eux s’en donnent à cœur joie et je les prends en photo le temps de leur descente. Nous avons droit à une pause pique-nique avant de reprendre la route parmi les dunes, notre chauffeur s’amusant à créer un brin de sensations fortes avant de rentrer vers la Baie des Baleines.

Je crois que j’aurais préféré faire du kayak à Pelican Point, un moyen de locomotion plus doux et qui me ressemble. Mais après une dernière soirée avec mes hôtes, il est temps pour moi de reprendre la route. Je me fais déposer le lendemain à la sortie de Walvis Bay, car j’ai prévu de lever le pouce jusqu’à ma prochaine destination: Sossusvlei.

De Walvis Bay à Sossusvlei en stop

Voyager en Namibie en transport en commun n’est pas chose aisé lorsque l’on veut rejoindre des lieux touristiques au milieu du désert. Il n’y a aucun transport en commun qui va jusqu’à Sossusvlei. Je n’avais pas d’autres choix que de faire du stop. Janvier-Février étant la période la plus chaude de l’année, c’est aussi le moment où le tourisme est au plus bas. Je savais que ce ne serait donc pas facile de trouver un véhicule ce jour-là. Mais je voulais absolument rejoindre les célèbres dunes namibiennes pour mon anniversaire.

Il est presque 12h et cela fait plus d’1h que j’attends sur le bord de la route. Toutes les voitures semblent tourner à gauche et personne ne continue dans ma direction. Il fait chaud et il n’y a pas un brin d’ombre. J’ai de l’eau et mon écharpe autour de la tête. Mon hôte a attendu 30 min avec moi avant de me laisser, sachant que je pouvais l’appeler si je ne trouvais personne. Je me fixe encore une heure d’attente… après il sera sans doute trop tard pour arpenter les routes non goudronnées menant à Sossusvlei. A peine cette décision prise, un 4×4 s’arrête sur le bas côté et un homme un peu trop enthousiaste en sort. « I know you, I know you ! » s’exclame-t-il. Comment cet homme pouvait-t-il bien me connaître ? Sa tête ne me disait rien… mais il insista. « Alors tu as finalement décidé de faire du stop pour aller à Sossusvlei ? ». « Euh oui, tu y vas ? ». « Nous sommes en route avec une touriste japonaise ». Il me parle de l’auberge dans laquelle je travaillais à Swakopmund et tout me revient. « Mais oui, je me souviens de toi ! Tu es guide, n’est-ce pas ? ». Après avoir demandé à la japonaise si je pouvais me joindre à eux, je grimpe dans le 4×4 bien trop heureuse de cette rencontre. J’allais pouvoir rejoindre Sossuslvei à temps et ce en compagnie d’un guide et d’une touriste adorable !

J’ai le temps de faire sa connaissance car nous avons 370 km de pistes à parcourir. Le paysage est contrasté et le passage au niveau du Kuiseb Canyon incroyable. Sur la route nous nous arrêtons au niveau du tropique du Capricorne, que j’avais déjà eu l’occasion de franchir en sens inverse en Australie, puis au niveau d’un quivertree et d’un cactus géant. Nous finissons par atteindre Solitaire vers 16h, reconnaissable à ses vielles voitures, parfait pour s’octroyer une pause gourmande avec les célèbres « apple pies » (tartes aux pommes) du coin. Il paraît qu’elles seraient les meilleures du pays. C’est vrai qu’il est difficile d’en trouver à des kilomètres à la ronde. Mais pas le temps de les déguster sur place… nous avons encore de la route jusqu’à Sesriem et les portes du parc ferment au coucher de soleil. Je suis censée rejoindre le camping à l’intérieur du parc, l’autre touriste le lodge adjacent et notre chauffeur les hébergements des employés, avec qui il a tissé des liens.

J’aperçois les montagnes du Naukluft à ma gauche. Malgré les randonnées possibles au cœur de cette partie du parc national (le Namib Naukluft Park nous offrant plusieurs accès dont Sandwich Harbour et Sossusvlei), j’ai décidé de ne pas m’y arrêter. J’ai pourtant entendu parler de l’Olive Trail, un sentier de 11km serpentant dans les montagnes, mais je n’ai pas de tente, ni de voiture et mes chances de trouver des voyageurs s’y arrêtant sont réduites. Je ne sais pas ce que ces prochains jours vont m’apporter, mais voyager au milieu d’un pays désertique et si peu peuplé n’est pas chose facile sans son propre moyen de locomotion. Sur la route d’ailleurs, nous avons avancé une cycliste jusqu’à son prochain campement, bien trop dépassée par la chaleur du jour. Le soleil commence à descendre et j’appréhende légèrement mon arrivée au Sesriem Camp, où je suis censée passer la nuit.

Sossusvlei, au cœur d’une nature exquise

Arrivée tardive à Sesriem Camp

Vous vous souvenez de mon road-trip de 4 jours au cœur du Damaraland ? Avec mon compagnon de route, nous y avions rencontré des employés du Namibia Wildlife Resorts au camping de Tora Bay et avons pu écouter le discours inspirant du grand patron. J’y ai fait la rencontre de J., manager du camping de Sesriem, qui m’avait dit de venir le voir lorsque je passerais par là. Après quelques coups de fil, il m’avait certifié qu’il pourrait m’accueillir au cœur du Sesriem Camp et qu’il me prêterait une tente. Sans tente, je devrais m’offrir le luxe d’aller dormir au Lodge du NWR. L’ avantage de la basse saison…

J’arrive donc à l’accueil, le chauffeur s’en va appeler J. et je m’acquitte des droits d’entrée (pour l’heure le camping semblant optionnel). J. m’accueille et soulagée je dis au revoir à la touriste japonaise, la remerciant de m’avoir laissé faire le voyage avec elle et lui dit que je serais dans les parages si jamais elle voulait se joindre à moi pour le repas. Je savais que je recroiserais le guide dans tous les cas, lui ayant promis une compensation financière et une bière bien fraiche.

Je découvre ma tente, proche des sanitaires et retrouve J. pour le repas du soir, recroisant quelques têtes que j’avais vu danser à Tora Bay. L’ambiance est plus studieuse mais tout aussi conviviale. Soulagée, je vais enfin pouvoir échanger avec des locaux et peut-être avoir le grain de sable qui me manquait jusque là. Une douche chaude plus tard, je m’endors aux bruits de la nature sauvage et les quelques portes de voiture qui claquent me rappellent que je ne suis pas seule à dormir dans ce camping presque vide.

Dune 45, Big Daddy et Deadvlei

Levé vers 5h. Je retrouve le manager et me laisse guider jusqu’au parking de Sossusvlei. Le trajet se fait sur une route bitumée, puis on rejoint le sable et il faudra être à l’aise en 4×4 pour accéder aux différents parkings. Des navettes font l’A/R depuis le camping à longueur de journée.

Nous rejoignons la Dune 45 car le soleil est déjà entrain de se lever. Nous marchons dans le sable orangé jusqu’à trouver une place pour s’asseoir au sommet et admirer le changement de couleurs à mesure que les rayons du soleil évoluent. Les jeux d’ombre commencent doucement à se réveiller, donnant de la profondeur aux volumes sableux. Nous redescendons laissant les grains de sable se glisser à travers nos orteils réveillés par cette marche matinale. C’est ça que j’attendais: pouvoir toucher la nature au plus prêt, émerveillée par ce qu’elle a encore à nous offrir.

Nous reprenons la voiture pour rejoindre Big Daddy, la dune la plus haute du désert de Namib avec ses 380 mètres. Mon compagnon du jour n’est pas très partant pour la grimper, alors nous arpentons ses flancs afin de rejoindre Deadvlei, « le marais mort ». Je marche pied nus sur l’argile blanche de l’ancien marais contrastant avec l’orange foncé des dunes, qui ont fini par l’entourer. L’eau n’est plus et les acacias du désert qui ont autrefois pu prendre racine dans la rivière détournée, sont aujourd’hui présents, offrant un brin d’ombre de leur bois mort.

La foule commence à arriver.. du moins le peu de touristes présents en ce mois de février. Nous allons nous poser vers Sossusvlei et j’en profite pour admirer un Oryx de près.

Sesriem canyon

Il est temps de reprendre la route vers Sesriem Camp, le soleil commençant sérieusement à chauffer. J. décide de s’arrêter au Sesriem Canyon, pour me montrer le travail de l’ancienne rivière du Tsauchab, il y a de ça 2 millions d’année. Long de 4 km, la balade est courte mais je peine à avancer sous la chaleur. Il n’est même pas encore 12h ! Heureusement ses 30 mètres de profondeur, nous offre un peu de répit avec les quelques ombres ça et là.

Il est tant de rentrer au campement. Après un hamburger d’anniversaire, je passerais mon après-midi sur la chaise longue de la piscine, alternant entre un plouf et un peu de lecture à l’ombre des parasols. C’est le seul endroit où j’ai l’impression de pouvoir survivre, prenant enfin toute l’ampleur de la chaleur d’un mois de février namibien. Je ne suis pas seule à avoir eu cette idée. Les couples sont là, le silence s’octroie et nous prenons notre mal en silence, nous rappelant que la nature est toujours la plus forte.

Finalement, je décide de rejoindre le restaurant ombragé, profitant d’une bière à la recherche de courant d’air au milieu du désert. J. finit par me rejoindre et me parle de sa sieste dans les bâtiments réservés aux employés, chanceux d’avoir un ventilateur sur lequel compter.

Elim dune

On est en fin d’après-midi et J. veut me faire découvrir Elim Dune, qui se trouve à 5km du campement. Nous y grimpons pour le coucher de soleil. Le vent est de la partie mais J. connait un raccourci. Nous retrouvons le guide et la japonaise par surprise en haut et nous admirons les splendides couleurs de cette fin de journée d’anniversaire. C’est magique ! Mes yeux se posent sur les montagnes du Naukluft au loin, la savane proche et le sable virevoltant, dessinant de nouvelles dunes au gré du vent. Ce fut clairement la meilleure journée de mon périple namibien et je garderais précieusement ses contrastes orangé longtemps en mémoire.

Faire du stop à Sossusvlei

Le lendemain matin, il est temps de quitter Sesriem et de prendre la route vers le sud pour Lüderitz. Un panneau à l’entrée du parc indique que le stop y est interdit. Je questionne le manager, qui me rassure me disant que ça ne pose pas de problème car il me connait. Je pense qu’en demandant gentiment aux employés, ils pourront vous aiguiller sur les personnes quittant le campement, le jour où vous souhaitez partir. A vous ensuite de les aborder et de les convaincre de vous prendre, ou d’aller taper causette au gré de vos envies.
Malheureusement pour moi, personne ne part dans ma direction ce jour là et je me retrouve donc au poste de sortie, avec les collègues de J. qui m’ont promis de m’aider à trouver une voiture.

Les voitures sont rares. Un voyageur américain rencontré à Swakopmund, parti en stop avec quelques jours d’avance, m’a dit qu’il avait réussi à prendre la piste menant de Sesriem à Lüderitz. Il avait dormi prêt du château du Duwisib. Imaginez donc un bâtiment à l’allure médiévale parmi les collines semi-aride du Namib. Je voulais faire de même mais la chance me mena auprès de trois namibiens adorables qui s’en allaient vers Mariental, située sur la route principale reliant le pays du nord au sud. Ils faisaient le tour des lodges pour proposer une couverture maladie aux personnes ne pouvant se déplacer jusqu’en ville. Je pris donc le temps d’apprécier les derniers bouts du désert avant de rejoindre Mariental en plein milieu de journée. On me posa plein de questions sur le pourquoi du comment je me retrouvais seule en Namibie à faire du stop. On parla du fait qu’il était compliqué de voyager en Namibie en transport en commun. Ce fut un moment sympathique, qui me rappela à quel point j’aimais ses rencontres imprévues. Mes nouveaux amis me déposèrent à la station service et demandèrent au mini-bus qui était entrain de partir dans quelle direction il allait. A peine le temps de réfléchir, et pour rassurer tout ce beau monde, je montais dans le mini-bus en direction de Keetmanshoop. De là, si tout allait bien, je prendrais un autre mini-bus.

Lüderitz

Arrivée à Lüderitz en transport en commun

Le chauffeur du mini-bus me dit qu’il m’a trouvé une voiture pour aller à Lüderitz. Il attend avec moi à la station essence de Keetmanshoop, ne repartant vers Windhoek que bien plus tard. Un autre mini-bus semble aller à Lüderitz, mais il faudrait attendre qu’il soit rempli pour partir. Après 1h d’attente, la fameuse voiture finit par arriver. Une autre femme fera le trajet avec nous. Le chauffeur de bus avait raison: la voiture est bien plus confortable. Le trajet est long. Je tente de faire la conversation mais après quelques minutes, nous n’avons plus rien à nous dire. La musique prendra le relais jusqu’à Lüderitz.

J. de Sossusvlei m’a dit qu’il pouvait me mettre en contact avec ses collègues de NWR qui gérait le camping de Shark Island. Mais j’avais entendu dire que l’histoire de Shark Island n’était pas fameuse… et j’avais finalement pris contact avec un américain qui était prêt à vivre sa première expérience de couchsurfing. Ce dernier vivait à Lüderitz depuis quelques mois en mission pour Peace Corps Volunteer. J’étais assez curieuse de rencontrer un expatrié afin que nous puissions échanger sur nos impressions quant à notre pays d’accueil.

M. m’accueille donc et sa collègue américaine se joint à nous pour le diner du soir. Ils m’emmènent dans leur resto préféré de Lüderitz, mais nous sommes le jour de la St-Valentin. Le menu est obligatoire et ne nous tente pas. Nous ferrons le tour des restos de la ville et entre tarif exorbitant et réservation exigée, nous nous retrouvons dans le pub du coin, au Barrels, à commander des bières et un fish & chips.

Une journée à Luderitz, que faire ?

Je passe la journée à me promener dans la ville portuaire, tandis que M. travaille. Découverte par les portugais en 1488 qui ne s’y sont pas attardés, c’est en 1883 que le marchant Adolf Lüderitz signa un traité avec le chef Nama Joseph Frederiks. Ce n’est apparemment qu’après signature qu’on expliqua à Frederiks que le terrain qui venait de vendre n’était pas mesuré en miles britanniques, mais en miles prusses, quatre fois plus longues… Ce n’est finalement qu’en 1908 après la découverte de diamants dans le Sperrgebiet, aujourd’hui parc national, que la ville fut fondée et prospéra (en terme occidentaux). Aujourd’hui les mines et la pêche en sont les principales activités et la ville a gardé son cachet de première colonie allemande du pays.

On y déambule de Felsenkirche, église évangélique luthérienne construite en 1912 à Goerke Haus, ancienne villa de Hans Goerke, alors directeur des mines diamantaires. Il est possible de visiter le petit musée de la ville, mais ce dernier est fermé le week-end. Il est apparemment possible de téléphoner pour arranger une visite en dehors des heures d’ouverture.

Shark Island, aux prémices des camps de concentration allemands

Je quitte rapidement la ville pour me diriger vers Shark Island, sur la péninsule, à 15 min à pied environ du Spar local. Sur le chemin, un local m’intercepte et me raconte qu’il fait souvent du couchsurfing. Seul profil disponible en ligne, je le reconnais et nous papotons nous découvrant des connaissances communes. La Namibie compte seulement 2 millions d’habitants pour 842 000 km2, alors on finit par croire que le pays est petit. Le jeune homme décide de m’accompagner jusqu’à Shark Island et me raconte l’horrible histoire de ce lieu.

La vue est splendide sur l’océan. Aujourd’hui s’y trouve le « Skark Island campsite » où les touristes viennent poser leur tente ou leur voiture sur les emplacements. Mais savent-il seulement que Shark Island portait bien son nom ? Ce petit bout de terre était autrefois une île. De 1905 à 1907, cette île aux allures paradisiaques servit de camp de concentration à l’empire allemand. Des Héréros et Namaquas y furent envoyés pour servir de main d’œuvre pour des travaux coloniaux (chemins de fer), des femmes y furent violées sans jamais que les coupables ne soient jugés et des études médicales ont été conduites, pour prouver l’infériorité raciale des peuples autochtones, notamment à travers l’examen de leurs crânes. Aujourd’hui seulement une plaque évoque ce terrible génocide et peu de personnes n’en parlent.

Déboussolée, je retourne chez M. afin d’assimiler tout ce que je viens d’apprendre et en profite pour demander mon visa angolais. Décidemment la Namibie a beau être magnifique, ce n’est pas un pays où je me sens bien.

Surf et braai à Agate beach

M. vient de finir son travail et a envie de surfer. Les vagues seraient apparemment bonne en cette fin de journée. Nous retrouvons sa collègue volontaire et nous partons tous les trois vers Agate beach. Après avoir pris un taxi pour quelques kilomètres, nous marchons longuement jusqu’à la plage en question. Le ciel est gris depuis que je suis arrivée et le froid du bord de mer dénote étonnamment avec la chaleur de Sossusvlei. Nous en profitons pour faire un « braai », un barbecue, devant les vagues déchainées. Un ami à eux nous rejoint et nous papotons seuls au monde devant l’océan. Le soleil vient de se coucher et nous rentrons en ville à la lueur de la lune. Il est temps de rentrer au chaud, chez des locaux qui tiennent une auberge. M. partira à Windhoek le lendemain et me laissera gentiment les clés de son appart.

Kolmanskop, au cœur de la ville fantôme

Le lendemain, je décide de faire l’aller-retour en taxi jusqu’à Kolmanskop pour profiter de la ville fantôme. J’arrive alors que le premier tour vient de commencer. Je prends le numéro du chauffeur de taxi que je rappellerais et rattrape le groupe qui semble être composé d’allemands et de personnes âgées. Heureusement le tour est en anglais et j’en apprends plus sur la découverte du diamants dans la région et sur l’histoire de Kolmanskop devenue ville fantôme.

En 1908, des diamants sont découverts au sud du désert de Namib, à 10 km à l’est de Lüderitz. Cette année là, Zacherias Lewala, un employé des chemins de fer fit la découverte de pierres intéressantes alors qu’il enlevait le sable des rails. Il apporta sa trouvaille à l’inspecteur en charge de la ligne Mr Stauch, qui demanda une expertise à Lüderitz. La nouvelle se répandit aussi vite que des grains de sable poussés par le vent et de nombreux prospecteurs débarquèrent à la quête du graal. Les autorités allemandes déclarèrent rapidement la zone « Sperrgebiet » (interdite) afin de limiter l’accès aux diamants à « des citoyens ordinaires » et seule une entreprise berlinoise eut le droit d’exploiter la zone. Les locaux expulsés de leur terre furent exploités dans les mines de diamants. C’est de cette déroute que naquit Kolmanskop. La ville apparût au milieu du désert avec toute les commodités nécessaires pour accueillir ces nouveaux riches: de l’eau potable était transportée via la ligne de chemin de fer (souvenez-vous de Shark Island), une fabrique de glace était disponible, un hôpital, un opéra, un pub, un boucher, un boulanger… Il est facile d’imaginer le faste de l’époque, tant les bâtiments, vides aujourd’hui semblent majestueux dans leur cadre apocalyptique.

Dénudé de ses diamants, le sable du désert de Namib commença à reprendre ses droits sur les constructions humaines. En 1928 de nouvelles découvertes diamantaires plus au sud lancèrent un nouvel exode. La ville se vida de ses habitants pour devenir fantôme en 1956.
Après la visite guidée d’une heure, sous une chaleur torride, je déambule à travers ces allées vides, jetant un coup d’œil à l’intérieur des maisons coloniales aux douces couleurs délavées. Le cœur n’y est pas. Si cette ville m’évoque la ville de Newcastle Water, découverte en Australie sur la route entre Alice Springs et Darwin, l’histoire n’est pas semblable. Ici je suis face à une ville née des cendres de la nature ratissée en long et en large, laissant aujourd’hui le vestige d’une époque faste mais éphémère, comme les ressources qui regorgent notre planète.

Heureusement le chauffeur de taxi me ramenant à Lüderitz aura remis en boucle une musique inspirante, me permettant de laisser derrière moi la chaleur étouffante de Kolmanskop, où l’eau ne coule plus depuis longtemps. Quelques mois après, « Jerusalema » fera le tour du monde et la voix de Nomcebo Zikode m’entrainera à chaque fois dans ce bout de pays là bas, autrefois rattaché à l’Afrique du Sud.

Windhoek, capitale namibienne

De Lüderitz à Windhoek en bus

Il est grand temps de quitter ce pays… ou du moins Lüderitz. Je rejoins le lendemain matin la station service à côté du Spar, pour espérer prendre un mini-bus me ramenant à Windhoek. J’ai fini par laisser de côté l’idée du stop pour rejoindre le Fish River Canyon. Je demande aux personnes sur place si je suis au bon endroit et ils acquiescent gentiment. Une heure plus tard, le kombi débarque et je m’acquitte des 340N$ pour faire partie du voyage. On attend que ce dernier se remplisse et après avoir changé de mini-bus pour la troisième fois, on finira par partir, une heure encore plus tard. Voyager en Namibie en transport en commun est donc possible entre les différentes villes mais demande un brin de patience.

Le trajet va être long, alors j’ai pris quelques réserves, même si on s’arrête régulièrement aux stations de service sur la route pour faire une pause. Je suis occupée à trouver un logement pour la nuit, le couchsurfeur chez qui j’avais fait une requête ne pouvant m’accueillir. Heureusement un groupe whatssap a été créé par ce dernier, et je demande conseil auprès de la communauté. A ma grande surprise, 1h avant mon arrivée, un guide français me contactera et me proposera de m’héberger avant de repartir en mission.

Je passerais la journée dans le mini-bus a regardé les paysages désolés namibiens, à stresser à l’idée de ne pas trouver un logement mais j’en profiterais pour papoter avec mon voisin un brin timide mais curieux. Il se demande ce que fait une touriste comme moi dans un mini-bus au lieu d’avoir loué un 4×4 pour parcourir le pays. On discute un peu, la bonne humeur est au programme et mon corps se ramollit à chaque coup de route. Je finirais par arriver exténuer à Windhoek en plein milieu de la nuit et mon voisin, à qui j’avais demandé où on allait débarquer et s’il y avait des taxis à proximité, me proposera un lift. Je retrouverai le français avant de sombrer sur son canapé, après quelques heures d’échanges.

Que faire à Windhoek ?

Au matin, B. me demande ce que je vais faire et je lui parle du musée de la ville. Il me propose de m’y déposer et de m’expliquer quelques trucs au passage. Guide de métier, ce gars est une bibliothèque et je le suis passionnée à travers les étages du musée. L’absence de panneau explicatif est compensé par sa présence, et encore une fois je me demande ce que je fais pour être aussi chanceuse en voyage. Il doit cependant partir.
Je quitte alors le musée pour déambuler dans la petite ville et remonte à pied jusqu’à chez lui. J’ai besoin de me pauser sans stimulation autour de moi pour assimiler tout ce que je viens d’apprendre. Je dois aussi me concentrer sur la suite de mon aventure, mon visa pour l’Angola m’ayant été refusé.

Je passerai la plupart de mon temps à Windhoek au cœur de sa maison forteresse à planifier, récupérer bien trop fatiguée par ces dernières semaines. B. est patient, toujours content d’échanger et rassurant lorsqu’il m’entend dire que je devrais en profiter au lieu de rester sur son canapé. « Lucie voyons, tu as le droit de prendre soin de toi et de ne rien faire ». J’ai envie de rester des jours et des semaines pour en apprendre plus sur ce pays dont j’ai du mal à dessiner les lignes. B. doit cependant repartir sur un tour et je suis censée rejoindre J. avec qui j’ai passé mon anniversaire sur les dunes de Sossusvlei. Son équipe se retrouve à Gross Barmem à 100 km de la capitale et on avait prévu de se recroiser.

Katutura, souvenir de l’apartheid

B. me dépose à Rhino Park où je suis censée trouver tous les mini-bus en partance de Windhoek. Un semble partir pour Okahandja où mon ami me récupère… mais après plus d’une heure d’attente avec une namibienne, les gars nous embarquent pour que nous prenions un taxi. Je ne sais pas où ils veulent m’amener exactement, mais la femme me dit de venir et de lui faire confiance. Finalement on rejoint un coin où de nombreux taxis partagés sont à disposition. Le genre de coin que je cherche depuis le début de mon voyage pour pouvoir me déplacer plus facilement en « covoiturage ». On me met dans une voiture. Je demande au chauffeur s’il va bien à cet endroit et paye les 80N$. Nous devons récupérer deux personnes à Katutura, le township de Windhoek.

C’est dans ce bidonville que j’avais envie de me faufiler pour échapper à l’ambiance neutre du centre de la capitale. J’avais imaginé les bonnes odeurs du marché mais on m’avait déconseillé d’y aller seule. Prendre un tour pour visiter le bidonville est possible mais me parait tellement inapproprié. Alors que la Namibie est annexée à l’Afrique du Sud depuis 1946 (déjà sous sa responsabilité depuis 1920 après que l’Allemagne ait du renoncer à ses colonies à la fin de la 1ere guerre mondiale), c’est en 1959 que le quartier de Katutura est créé afin de rassembler les populations indigènes en dehors de la ville. Les politiques d’apartheid ont depuis pris le dessus sur les premières lois ségrégationnistes de 1908.

Finalement je me retrouve à attendre au cœur de Katutura, avec un chauffeur pressé et une dame à l’arrière. J’ai le temps d’observer la ruelle paisible par la fenêtre avec des enfants qui jouent sur la terre battue. Je me sens apaisée et repense avec nostalgie à Yopougon mon quartier d’accueil à Abidjan. Finalement une vieille dame et sa petite fille finissent par prendre place et nous partons.

Gross Barmem

Je retrouve mon ami à la station service de Okahandja, après avoir passé une demi-heure à échanger avec mes covoitureurs, la vieille dame curieuse de savoir si je parlais sa langue. Le chauffeur de taxi fit la traduction et entama la conversation. Je me tournais vers la vieille dame, ressortant le seul mot que j’avais retenu de mon périple dans le Damaraland: « Madisa » (bonjour bienvenue). Son sourire illumina son visage et le reste de cette fin de journée. Ce sont ces détails qui me font relativiser quand je me demande pourquoi je me complique la vie alors que je pourrais louer un véhicule et non voyager en Namibie en transport en commun

J. me dépose à Gross Barmem, où la réunion des équipes NWR vient de se terminer. Il me fait visiter alors que le déluge semble fort dehors et nous profitons de ce moment pour échanger les nouvelles. Rien de bien extraordinaire ici, outre le fait de recroiser J. et de lui concocter un diner. Il m’avait dit que je pourrais partir le lendemain avec la responsable du Waterberg restcamp, elle aussi présente à Gross Barmem, mais les plans ont changé.

Au cœur du parc national de Waterberg Plateau

Trouver un pasteur pour le trajet

Je retourne alors à Windhoek avec J. qui me dit que son cousin part vers Otjiwarango et peut me déposer à Waterberg, où je suis censée retrouver la responsable M. J’embarque donc avec le cousin et sur le trajet nous discutons. Comme je n’ai rien négocié et que J. avait tout arrangé tout seul, je demande au gars ce qu’il en est et me rend compte que ce ne sera pas gratuit. Soit. J’aime bien savoir dans quoi je m’embarque. On prend l’embranchement menant au Waterberg et je me rend compte que la route mériterait un 4×4 et non une voiture aussi basse. ça passe ! A. est déjà venu et est un habile conducteur. Je commence à me sentir coupable de l’avoir embarqué dans cette aventure. Nous finissons par arriver en fin de journée et A. me dit qu’il ne se sent pas faire la route du retour. Soit. Je n’ai pas de quoi lui payer une nuit au cœur du resort.

La situation commence à me monter à la tête. Je ne la sentais pas cette histoire. Arrivée à l’accueil, nous demandons à voir la responsable mais l’employé nous répond qu’elle est partie depuis longtemps et qu’elle doit faire sa sieste. J’appelle J. qui me donne son numéro: pas de réponse. La responsable M. avait proposé de m’héberger et je ne savais donc que faire dans ces conditions. J’offre une bière à A. le cousin pour l’aider à patienter et M. finit par arriver, s’excusant et m’accueillant avec un grand sourire. Je laisse le cousin expliquer sa situation… et me sens énormément mal à l’aise quant à l’idée d’abuser de l’hospitalité de M. qui n’attendait que moi. Cette personne au grand cœur finira par nous convier chez elle et nous passerons la soirée a essayé de créer un lien, avec A. dans les parages.

Histoire et randonnée à Waterberg

Le lendemain, j’embarque le cousin de J. dans une randonnée en haut du plateau de Waterberg. Ce lieu a été déclaré Réserve Naturelle en 1972. Peu accessible des espèces en danger d’extinction y ont été introduites afin d’en limiter le braconnage, à l’image du rhinocéros noir. Le plateau de Waterberg est aussi d’une importance géologique, puisque la plus ancienne strate rocheuse date de plus de 850 millions d’années. Des traces de dinosaures datant de 200 millions d’années y auraient aussi été découvertes.

Les premiers hommes à s’y être installés furent le peuple San, à raison des gravures retrouvées vieilles de plusieurs milliers d’années. Une petite tribu y pratiquait encore son mode de vie traditionnel sur le plateau jusqu’à la fin des années 60. Waterberg marque aussi un fort tournant de l’histoire namibienne. C’est ici que le peuple Herero perdit l’une des plus grande et dernière bataille contre les forces coloniales allemandes au début du 20ème siècle. Les Hereros furent forcé de battre en retraite et de se retrancher dans l’actuel Botswana. Beaucoup perdirent la vie au main de l’ennemi ou au cœur du désert de Kalahari. On estime que 2/3 de la population Herero aurait été décimée lors de cette période marquante.

C’est donc pour prendre de la hauteur que nous choisissons la randonnée menant au plateau. Elle est à faire de préférence le matin (compter 2-3h et 150 m de dénivelé). La vue y est splendide et il fait bon s’y poser. On est loin des plaines désertiques de l’Ouest et mon esprit se contente du moment présent.

De retour au lodge, nous disons au revoir à M. et la remercions de sa générosité. Nous reprenons la route avec A. jusqu’à Otjiwarango où je passerai la nuit car un guide est censé me récupérer le lendemain matin pour partir jusqu’à Etosha.

Etosha et les big 5

Aller jusqu’à Etosha en stop ?

Ce guide n’arrivera jamais. Ayant crevé la veille sur la route vers Sossusvlei, il ne me préviendra bien après notre heure de rendez-vous malgré mes relances tout au long de la journée. Il est déjà 16h et bien trop tard pour faire du stop jusqu’à Etosha. J’ai passé ma journée dans une boutique hôtel à l’attendre et je repasserais la nuit à Otjiwarango.

Je n’ai trouvé aucun tour, aucun touriste prêt à s’aventurer au cœur du Parc national d’Etosha à cette période de l’année avec moi. Je pourrais faire du stop, mais que faire sur place pour parcourir l’étendu sauvage du parc à la recherche des Big Five ? J. de Sossusvlei m’appelle pour savoir où j’en suis et me dis que son cousin serait prêt à aller jusqu’à Etosha contre dédommagement. C’est vrai que A. m’en avait parlé dans la voiture. Il avait déjà dépanné des touristes canadiens auparavant et m’avait dit qu’il avait du temps devant lui si jamais j’avais besoin d’un lift au cœur du parc (étant pasteur il semblait occupé seulement le dimanche). Il me récupèrerait donc le lendemain matin, me prêterait une tente et dormirait à la lisière du parc chez de la famille, quand nous aurons pu observer assez d’animaux sauvages.

Il est au rendez-vous le lendemain matin, accompagné à ma grande surprise d’une femme et de son fils. Un sac dans le coffre, je dépose le mien et nous partons. Pourtant je ne le sens pas. Que viennent faire ces deux personnes dans le paysage ? Il ne m’a pas prévenu. J’embarque tout de même et lui donne l’argent nécessaire pour faire le plein de provisions pour sa « petite famille » et le plein. Nous roulons et l’enfant requiert toute mon attention.

Arrivés à Etosha, A. attend que je m’enregistre et m’annonce qu’il repart et qu’il viendra me chercher le lendemain (ce qu’il ne fera jamais). « Comment ?! Ce n’est pas ce qui était prévu ! ». Il me donne un numéro, laisse mes affaires à des gardiens et m’annonce que son cousin P. prendra soin de moi. « C’est une blague ? ». Froid, il partira en me laissant au cœur d’Etosha sans tente.

Où dormir à Etosha ?

Je suis à Okaukuejo, une des entrées du parc et à quelques mètres à peine se trouve un plan d’eau. Je m’assure que mes affaires sont en sécurité avec les gardiens et les préviens que je vais me poser au point d’observation en attendant que P. arrive. Je l’ai contacté et il m’a dit qu’il rentrerait seulement à 19h et qu’il pourrait me dépanner. Les games drive (les safaris en 4×4) de l’après-midi sont déjà parties et je n’ai plus d’autre choix que d’aller me poser à l’ombre au poste d’observation, bercée de désillusions.

J’y observe mes premiers troupeaux de zèbres et l’étendue verte de ce début d’année. Dans le nord du pays, c’est la saison des pluies et Etosha s’est vêtu d’un brin de verdure. Je passerais de longues heures assise sur ce banc à espérer entrevoir d’autres espèces et à regarder autour de moi si de jeunes touristes étaient présents afin de sympathiser avec eux. Tout le monde est venu en famille.

Avant la tombée de la nuit, l’un des gardiens vient me chercher. Il a fini sa journée. Il me présente à deux guides qui viennent d’arriver avec leur groupe de touristes. Le gardien s’inquiétait pour moi et leur a expliqué ma situation. Je récupère mon sac, le remercie et les guides m’invitent à les rejoindre sur une chaise pliante. Les larmes montent et j’ai du mal à ravaler mes émotions. Les deux hommes me rassurent, me proposent de me prêter une tente pour la nuit, mais malheureusement il faudra que je me lève tôt leur groupe et matériel repartant à l’aube vers 5h du matin. Je les remercie et leur dis que j’attends un coup de fil de P. Ils me proposent de garder mes affaires, tandis que je retourne au point d’observation et qu’eux montent leur camp.

Après avoir aperçu mon premier rhinocéros au loin, je reviens récupérer mes affaires P. m’ayant appelé. Les guides m’invitent à les rejoindre pour le braai mais P. est là à m’attendre. Ils se connaissent. Me voilà rassurés. Je pars avec P. dans le quartier des employés, puis on retournera au point d’eau dans la nuit, afin d’entrevoir d’autres créatures animales.

Parcourir Etosha sans voiture

Le game drive de la matinée est complet depuis la veille. En effet, des safaris sont organisés à l’intérieur même du parc, il suffira de s’inscrire à l’accueil où vous réglez votre permis et les frais de logement (camping ou lodge). Il ne me reste qu’une option: trouver une voiture qui veut bien me prendre pour la matinée.
Les touristes à qui je m’adresse ont soit leur voiture complète, soit décidé de quitter le parc. Un ami de P. m’embarque pour quelques mètres à bord de sa petite voiture basse. Je verrais mes premières girafes.

L’après-midi, le game drive ne partira pas, étant la seule touriste à m’être inscrite. P. arrête alors des véhicules de safaris organisés, dans l’espoir que je puisse m’incruster. Il est en effet possible de dormir dans l’un des lodges à l’extérieur du parc et de participer aux safaris proposés par ces autres compagnies (les structures dans lesquelles j’ai dormi appartenant à nouveau à NWR). Après de nombreux refus, un guide finira par me laisser monter à bord avec un couple de touriste pour 600N$ (le même tarif proposé pour les games drives au départ d’Okaukuejo).

Enfin ! Après la courte balade du matin, on file sur les pistes à vive allure. Le guide semble savoir où se trouve les animaux. Il est en contact permanent avec d’autres guides lui permettant de pister leur trace. On m’avait dit qu’il était plus facile d’observer les Big 5 le matin, à la fraiche que l’après-midi. Mais finalement dans mon malheur de touriste arnaquée, j’aurais eu la chance à la clé: lion, éléphant, guépard, en quelques heures à peine j’ai pu les observer. Mon premier safari a été si rapide, que j’ai eu l’impression d’être venu pour prendre des photos et voir un maximum d’animaux, sans vraiment avoir le temps de les admirer dans leur habitat naturel. Les voitures agglutinées autour de lion souffrant au soleil m’ont un brin dérangé et pourtant j’étais dans l’une d’elles. Heureuse cependant d’avoir vu ces animaux en liberté et non dans un zoo, je rejoins P. qui me présente à une collègue qui va prendre soin de moi pendant que lui travaille.

En partance pour l’Angola

Enfin un brin de présence féminine ! Cette femme est sympathique et on papote comme de vieilles amies. Elle m’explique qu’elle a envie de rejoindre la capitale où se trouve son fils et son compagnon, mais que pour le moment elle a un emploi stable à Etosha. Je lui raconte mes aventures et lui dit que le lendemain, je pars vers l’Angola (dont j’ai enfin le visa). Après ce qui m’est arrivée avec le pasteur, elle ne veut pas me laisser toute seule. Elle appelle un ami qui habite à Oshikango, qui pourrait m’aider à traverser la frontière. Je la rassure mais elle insiste. Soit.

P. nous rejoint avec un ami et on passe la soirée à échanger tous les quatre. Ils sont vraiment adorables. P. a mon éternelle gratitude et malgré un bon repas du midi cuisiné par mes soins, je sens que je ne pourrais jamais le remercier à hauteur de ce qu’il venait de faire pour moi. De discutions en discutions, tout semble régler pour que je passe la frontière accompagnée. Un employé part à Oshikango le lendemain et semble partant pour covoiturer avec moi. Je rencontrerais ensuite l’ami de la femme qui devrait m’aider à passer la frontière.

Sauf que le lendemain, ça ne se passera pas comme prévu. L’employé est parti aux aurores et ne m’a pas attendu. Avec P. on arrête donc des voitures pour savoir si quelqu’un se dirige vers le nord. Après de nombreux échecs, je finis par covoiturer avec un guide qui se dirige jusqu’à la porte nord du parc, Nehale Lya Mpingana: je vais avoir la chance de traverser Etosha ! On roule et j’admire les étendues sauvages à portée d’yeux. Mon chauffeur est sympa et on échange sur son boulot. Décidemment malgré mes désaventures, j’aurais eu beaucoup de chance et fait de belles rencontres. A la porte nord, il me dépose auprès des gardiens, où je ferais du stop jusqu’au croisement menant à la route principale. Un local me prendra à bord de sa voiture, déjà occupée par deux voyageurs et leurs vélos. Au croisement, je lèverais le pouce à nouveau. Il y a peu de passage et après quelques minutes d’attente, un mini-bus se gare. Génial, un transport en commun allant directement à Ondangwa pour 210N$. A Ondangwa, je rejoins mon contact qui m’accompagne jusqu’à Oshikango en taxi partagé. J’y passerai la nuit dans un hôtel du coin et serai en Angola le lendemain.


Voyager en Namibie en transport en commun est-il possible ? Non sans un brin de stop. N’oubliez jamais d’écouter votre fort intérieur afin de ne pas vous faire arnaquer comme moi (même si c’est le cousin d’un ami fraichement rencontré). Et pour ne pas être dépendant des autres, prenez votre tente.

Je suis partie avec très peu d’idée sur ce pays et me suis pas mal remise en question. Je ne me suis jamais vraiment sentie à ma place lors de ce mois à voyager en Namibie. La chaleur humaine de la Côte d’Ivoire, du Ghana ou du Bénin était bien loin de la chaleur écrasante que ce pays dégageait. J’y ai rencontré des locaux discrets et timides, qui avec un peu de temps et de confiance ont fini par s’ouvrir, mais jamais complètement. L’histoire de l’apartheid laisse des cicatrices visibles et malgré les paysages extraordinaires que j’ai pu traverser, je m’y suis sentie triste. Je me suis alors dit que c’était la période dans laquelle je me trouvais qui se prêtait à ce sentiment, et pourtant à peine ai-je eu mis les pieds en Angola que je me sentais déjà chez moi.

Alors je retournerais peut-être un jour en Namibie, afin de creuser sous la poussière la véritable identité de ce bout de terre. Je suis sure que parmi le sentiment de désolation que certains paysages laissent à voir, se cache quelque chose de bien plus grand dans l’âme de ses occupants. Un pouce levé à travers l’immensité et peut-être qu’un jour j’y reviendrais à l’image de Solenn Bardet.

📖 Un livre: Rouge Himba – Solenn Bardet et Simon Hureau
🎧 Une musique: Jerusalema
💡 Une agence: TOSCO

Randonner dans les Pyrénées Espagnoles au coeur du Cirque de Soaso

Randonner dans les Pyrénées Espagnoles: des Encantats à Ordesa

« Ça te dirait d’aller randonner dans les Pyrénées Espagnoles ? » Un ami me propose de l’accompagner sur sa semaine de vacances. Le connaissant pour ses week-end bivouac et randonnées, je saisis l’opportunité pour aller explorer les Pyrénées côté espagnol. Originaire de Toulouse, je n’y ai jamais mis les pieds. On m’avait pourtant dit, lorsque je suis partie marcher sur le GR10, que l’Espagne recelait de petits trésors de l’autre côté de la frontière et qu’il serait dommage de passer à côté. Depuis l’envie de mixer le GR10, avec un brin de GR11 et de HRP se fait sentir, mais ce sera pour une prochaine aventure.

Randonner dans les Pyrénées Espagnoles: Trois jours dans les Encantats

Nous partons donc de Toulouse, et après seulement 3h de route, nous arrivons à Espot où commence notre randonnée. D’ Espot nous croisons les taxis qui font la navette jusqu’aux différents départs des sentiers. Nous montons en voiture jusqu’au parking le Prat de Pierro, où pas mal de personnes se sont déjà garées et où les distances de sécurité semblent aussi s’appliquer aux différents moyens de locomotion (nous sommes encore en pleine pandémie). Nous chaussons nos chaussures de randonnées qui vont nous accompagner pendant 3 jours de trek dans le Parc national d’Aigüestortes et lac Saint-Maurici. Ce parc, créé en 1955 est le seul parc national catalan. Les Encantats (« enchantés ») sont en fait deux pics rocheux jumeaux au cœur du parc, qui le caractérise. De leurs sommets respectifs, ils ne sont pas les plus hauts, mais veillent sur les randonneurs avançant entre mille lacs.

Jour 1: D’Espot à Maria Blanca via le Col du Monastero

C’est sur le chemin entre le parking et le Lac Maurici, que je découvre la légende qui les incarne. Je ne comprends pas tout avec mon espagnol hésitant. Lorsque nous apercevons l’ermitage de Sant Maurici, un panneau nous parle de deux hommes, qui auraient séché la messe ou un pèlerinage important, pour aller chasser et crapahuter dans les montagnes, et se seraient fait prendre par l’orage et pétrifier dans la roche pour les punir de leur audace. Cristòfol et Esteve seraient donc aujourd’hui le Grand Encantat et le Petit Encantat… une jolie histoire qui est censée nous rappeler que la montagne sera toujours maitre et que la nature se respecte.

Sur ces belles paroles, nous prenons une bifurcation à gauche avant le Lac Maurici pour nous diriger vers le Col du Monastero. A quelques mètres de l’embranchement, nous voilà déjà éblouis par les célèbres Encantats et le soleil. Il est déjà 12h ! Nous nous posons au bord d’un lac asséché, avant de ne continuer vers le col.

Le col finit par arriver, sableux et glissant, et j’ai bizarrement un coup de boost pour le grimper. Peut-être la joie de reprendre la randonnée après deux semaines de pause, dans des paysages fabuleux ou l’idée que je n’aurais pas à descendre ce monstre ensablé en sens inverse. Mon coéquipier me suit difficilement avec la tente et le réchaud (qu’on aura fini par prendre pour rien), puis reprend du service après le col.

La descente se fait au travers une myriade de lacs, où les eaux scintillent à travers les rayons du soleil. C’est époustouflant et je m’arrête régulièrement pour prendre quelques photos. Après le barrage, nous apercevons le fameux refuge de Maria Blanca, que mon ami m’ayant conseillé cette randonnée, qualifie comme l’un des plus beaux des Pyrénées. Il serait difficile de le contredire.

Après un brin d’étirement et de yoga avec une vue splendide, il est temps de profiter de la demi-pension obligatoire. Les yeux du gérant semblent se confondre avec l’eau des lacs environnants. Je passerai une nuit désastreuse, non pas à cause du confort ou des ronflements, mais parce que parfois en tant que femme, il faut savoir gérer certains désagréments.

Jour 2: De Maria Blanca à Colomina puis Estany Llong

Le lendemain matin, la question de continuer se pose: arriverais-je à faire l’étape après la courte nuit et mon corps en feu ? Je décide de tenter l’aventure et tout se passe pour le mieux jusqu’au refuge de Colomina.

De Maria Blanca, il faut reprendre le chemin de la veille jusqu’à la bifurcation menant au col de Saburo.

A Colomina la vue est belle. On se pose le temps de manger au refuge et de savoir s’il sera possible de dormir à celui d’Estany Llong le soir. En effet, il était indiqué complet en ligne, bien avant de partir et nous n’avions pas réussi à joindre les gérants depuis. C’est qu’au cœur du Parc national d’Aigüestortes et lac Saint-Maurici le camping et le bivouac sont interdits. Nous avions longtemps cherché l’information quant au bivouac, sans vraiment être surs que nous étions en tord si nous plantions notre tente au coucher de soleil et la plions avant le jour. Les personnes rencontrées à Colomina et tout au long du trajet, nous ont confirmés que le bivouac était interdit au sein du parc (même autour des refuges) et que nous risquions une amende de 300€ minimum chacun si nous avions la chance de tomber sur un garde. Loin de nous le désir d’enfreindre ce qui est mis en place pour protéger une nature fragile, nous avons néanmoins rencontré des randonneurs qui prenaient ce risque. Dans tous les cas, ne laissez aucune trace ! Ni papier toilette, ni peau d’orange (vu sur les chemins).

Notre demi-pension confirmée pour la soirée, nous reprenons la route encore longue jusqu’à l’Estany Llong. Le sentier longe et finit par se confondre avec le chemin de fer qui servait autrefois peut-être à amener le matériel construisant les barrages. Nous atteignons l‘Estany Tort puis commençons la descente qui finit par se faire longue jusqu’à l’Estany Llong. Le refuge se dévoile enfin… une douche, un bon repas et quelques mots en français avec nos voisins de table et ce sera l’heure de récupérer de ma dernière nuit courte.

Jour 3: D’Estany Llong à Espot

C’est la dernière journée de notre aventure dans les Encantats. Le temps a changé légèrement et les nuages se sont épaissis. Les couleurs du matin offrent une ambiance mystérieuse, sur le plateau aux vaches espagnoles. Ces dernières prennent la pause devant les ombres bleutées des sommets lointains.

Il nous reste un dernier col à gravir, celui du Portaro d’Espot. Son nom nous indique que nous sommes sur le chemin du retour et pourtant l’enthousiasme me manque. Les vues sublimes m’entrainent avec elles et je finis par avancer par automatisme vers un lac que je n’ai pas découvert à l’aller. Après le col, le Maurici s’offre à nous, grand, aquatique et imperturbable face aux promeneurs de la journée. C’est que ce lac reste accessible aux personnes à mobilité réduite, et que du parking initial il est bon de venir passer la journée muni de son pique-nique.

La descente jusqu’au parking nous semble beaucoup plus longue qu’il y a 2 jours. Nous finissons tout de même par arriver et nous reprenons la route vers notre 2ème étape, ravis de ces quelques jours dans le parc et confiants quant à la suite de notre périple. Les Encantats m’ont laissé un goût de « reviens-y » et je serais curieuse de les découvrir en plein hiver, lorsque les lacs seront recouverts de neige.

Pour réserver vos nuits en refuge: http://refusonline.com/fr/carte-reserves-en-ligne
La carte du Parc national d’Aigüestortes et lac Saint-Maurici à télécharger ici.

Au delà des Pyrénées Espagnoles: randonnée kayak au Congost de Mont Rebei

D’Espot à l’auberge de Montfalco, il faut compter 2h30 de route en fonction de vos aptitudes à conduire sur une route non goudronnée à partir de Viacamp. Le Congost de Mont Rebei, ce sont des gorges dont les parois vertigineuses atteignent plus de 500 mètres, dessinées par la rivière Noguera Ribagorçana qui serpente au milieu des montagnes de Montsec, nous émerveillant de ses eaux turquoise. Afin de découvrir cette beauté de la nature, plusieurs points de départ sont possibles: La Pertusa, juste après le village de Corça (ou de Corça même ou Ager si vous commencez en kayak depuis la base nautique), La Masieta ou depuis l’auberge de Montfalco. Nous avons choisi la dernière option car nous pensions pousser notre découverte jusqu’aux Finestras, dont j’avais entendu parler sur le blog de Guillaume et Betty.

Nous arrivons donc à l’auberge en fin de journée, après notre troisième étape depuis les Encantats. L’impression d’être au milieu de nulle part se fait sentir et mon compagnon de route s’empresse d’aller papoter avec la gérante du coin. Celle-ci nous donne quelques pistes pour dormir et nous renseigne sur nos options kayak pour le lendemain. Nous voulions absolument faire un aller sur l’eau puis un retour sur terre, afin de profiter complètement du Congost de Mont-Rebei. Après avoir glané quelques informations, nous réservons notre embarcation pour le lendemain matin et nous nous dirigeons vers l’ermitage de Santa Quiteria, à quelques minutes de l’auberge. Ça grimpe sec, puis nous nous retrouvons en hauteur entre des murs de pierres claires, au cœur d’une église, dominant les eaux turquoise séparant l’Aragon de la Catalogne.

Nous redescendons pressés de trouver un lieu pour dormir et avare de la journée qui nous attend le lendemain. Nous dormirons au bord de l’eau sous les étoiles brillantes.

Le lendemain, nous avons rendez-vous à l’auberge d’où nous partons en voiture avec l’un des gérants, qui vient de nous équiper. De la base nautique, nous pagayons sur 7km au dessus des eaux merveilleuses de la Noguera Ribagorçana pour rejoindre La Masieta. Avec mon compagnon de route, on a du mal à se coordonner… lui hyperactif et derrière, moi plutôt calme et devant. Il a du mal à s’adapter à mon rythme zen et profond et tape sur mes pagaies régulièrement. Je ne peux que vous conseiller de prendre un kayak en solo dans ces conditions. La magie du lieu finit cependant par m’apaiser, et je ne regrette une seconde d’avoir tenté l’expérience (compter 40€ par personne). Nous avons 3 bonnes heures devant nous, alors nous prenons le temps de nous arrêter pour faire des photos, d’aller explorer les petits recoins à droite sous un pont puis de rejoindre La Masieta, où nous laissons nos kayaks et trouverons un banc au bord de l’eau pour nous remettre de nos émotions.

Enfin il est temps de rejoindre le chemin nous ramenant à l’auberge, cette fois-ci en hauteur. On vous conseille de faire la randonnée le matin, pour bénéficier de toute la fraicheur nécessaire à cette aventure… puis de rentrer en kayak lorsque le soleil tape, afin de bénéficier de l’eau à portée de main. Pour cette-fois, nous n’avions pas le choix.

Le chemin est très fréquenté. Il suffit de voir le sol poli par nos pas de visiteurs chevronnés, bien contents d’avoir pris leurs chaussures de randonnée. Il est difficile de se perdre. Nous suivons la rivière d’un coin de l’œil et apprécions la vue vertigineuse, nous laissant admirer les profondeurs des gorges. Le sentier monte et descend, la chaleur en cette fin septembre lourde, mais bien plus supportable qu’un mois d’été.
Nous retrouvons les ponts que nous avions découverts sur l’eau et nous rendons compte qu’il nous faudra beaucoup plus de temps à pieds. Nous avançons profitant d’un chemin plus facile que sur notre trek des Encantats. La vue est splendide et il est difficile de ne pas s’arrêter pour faire des milliers de photos.

Nous reconnaissons enfin le premier pont que nous avions dépassé en kayak et retrouvons les célèbres passerelles à flanc de falaise que nous avions vu de la rivière. Il faut monter quelques escaliers aux longues marches, pour finalement redescendre les passerelles pour ensuite… remonter. Ces dernières sont spectaculaires et on se demande bien comment l’homme a eu l’idée de les construire à même la roche. Il est tant de remonter jusqu’à l’auberge, la fin d’après-midi approchant. Ça grimpe à nouveau à travers la forêt et nous profitons de l’absence de soleil pour accélérer le pas. Nous arrivons enfin à la source, étonnés de trouver une poubelle remplie et accrochée à un arbre. Un sac de poubelle français… Quel honte ! Nous l’embarquons avec nous et retrouvons l’auberge de Montfalco pour une petite boisson fraiche. Quelle journée, splendide du début à la fin ! Avant que mon ami ne me parle de cette endroit, je n’en avais jamais entendu parler alors que nous sommes seulement à 3h30 de route de Toulouse !

Ravis de cette belle expérience, nous reprenons la route pour Alquezar, mon ami peut confiant à l’idée de faire la route non-goudronnée jusqu’à Finestras. En chemin, nous avons la joie de faire une jolie rencontre. Un renard a traversé la route devant nous, puis s’est assis sur le bas côté pour nous observer.

Retrouvez ici la carte du Congost de Mont-Rebei

2 jours dans la Sierra de Guara: découvertes et randonnées

Balade à Alquezar

Nous arrivons à Alquezar de nuit et nous nous posons dans un camping pas très loin de là. Je propose à mon coéquipier d’aller manger quelques tapas dans la ville. Il y a très peu de touristes à cette époque de l’année. Nous profitons des lumières du soir sur la ville et de la non-amabilité des serveurs du restaurant que nous avons choisi.

Nous reviendrons le lendemain à la lumière du jour pour découvrir la jolie ville et s’élancer sur les passerelles du Vero. Cette jolie balade est payante. Elle nous fait longer le Rio Vero, célèbre pour les activités de canyoning proposées dans la région. Nous descendons jusqu’à la rivière pour ensuite prendre le petit chemin sur la gauche nous menant vers une cavité. Depuis cette cavité, nous mettons les pieds à l’eau pour remonter le Vero, alternant entre les chemins du bord et la trempette de pied. Nous finissons par arriver jusqu’au petit pont de pierre romain de Villacontal, que vous verrez sur presque toutes les photos d’Alquezar. Après un pique-nique en bord d’eau, nous faisons demi-tour pour rejoindre la grotte à nouveau et emprunter le sentier menant aux passerelles. Pour éviter de faire l’aller-retour dans l’eau, il est possible d’accéder au pont via le village directement. Nous longeons donc le Vero et profitons de cette marche accessible aux petits comme aux plus grands. Les eaux semblent bien pâles après la découverte du Congost de Mont-Rebei, mais il suffit de lever la tête au ciel pour se rendre compte que les nuages ne leur font pas honneur ce jour-là.

La boucle finie, nous retrouvons le joli village d’Alquezar, qui nous offre ses petites ruelles de pierre animées. Du moins c’est ce que j’aurais espéré… l’heure de la sieste ayant sonné, les magasins ont fermé leur porte pour quelques heures, nous laissant dans un village vide mais magnifique. Nous aurions aimé profité des visites de la ville proposée par l’Office de Tourisme, mais les horaires ne collaient pas.

Nous reprenons donc la route vers la partie Ouest de la Sierra de Guara: le canyon du Mascun.

Découverte de Rodellar

Nous arrivons en fin de journée à Rodellar pour nous installer au camping situé à l’entrée de la ville. Nous plantons notre tente et partons explorer le petit village. Le temps n’est pas au beau fixe et le ciel s’est assombri. Nous savions que nous ne pourrions pas profiter de la Sierra de Guara comme nous l’entendions.
Pourtant cette région était pour moi un rêve lointain, découverte sur les brochures enflammées de la boîte dans laquelle je faisais mes premiers pas dans le monde du tourisme d’aventure. J’avais dans ma tête les images sur papier glacé des eaux turquoise espagnoles, qui serpentaient à travers des canyons profonds, nous permettant de randonner les pieds dans l’eau, profitant de glissade et de sauts.

Afin de nous réconforter face à la météo, nous poussons la balade jusqu’au Kalandraka une auberge au milieu de nulle part. Mon ami l’avait repéré en ligne et m’avait convaincu d’aller y faire un tour. Nous profitons des délicieuses lasagnes végétarienne et je suis projetée quelques années en arrière au cœur même des Blues Mountains en Australie. Le temps d’un « tinto verano » (ou vin d’été, un mélange de vin, de limonade espagnole et d’agrumes; un délice frais pour les journées ensoleillées), la nostalgie m’entraine au cœur d’une auberge de jeunesse où je travaillais et rencontrais les voyageurs s’étant donnés rendez-vous pour des journées d’escalade. J’y avais d’ailleurs fait mes premiers pas, de nuit, sur la roche munie de ma lampe torche avec deux français et un canadien. La française, monitrice d’escalade, m’avait parlé de la Sierra de Guara et de ses spots uniques au monde. Je me revois avec eux… puis mon esprit divague jusqu’en Tasmanie, où ma coloc argentine me parlait de ses sorties. De retour en Espagne, je vois défiler les adeptes à l’escalade munis de leurs baudriers, rejoignant leur joyeuse famille créée les soirs d’été. Un lieu comme j’aime, à quelques pas de la nature profonde, dans une joyeuse ambiance respectueuse et bon enfant.

Le lendemain viendra la pluie, froide et terrible. Nous n’aurons pas l’occasion de descendre dans le Canyon du Mascun, désenchantés par la météo. Nous décidons de quitter la Sierra de Guara, à contre-coeur pour moi, mais le temps n’annonçait aucune éclaircie jusqu’à la fin de notre escapade. Nous irons nous abriter en ville pour quelques heures à Huesca.

Télécharger ici la carte du Parc naturel de la Sierra de Guara

Détour à Huesca et les Mallos de Riglos

A 1h de Rodellar, Huesca se situe sur le Chemin de Saint-Jacques. Il suffit d’aller se balader en ville le temps d’une éclaircie, pour apercevoir les coquilles au sol. Nous marcherons du parc Miguel Servet à l’église de San Vicente el Real, pour rejoindre la Cathédrale à travers les petites ruelles enchantées. Du point le plus haut de Huesca, nous redescendrons vers la Plaza de Toros avant de passer à travers les rues marchandes de la ville qui se réveillent doucement, pour rejoindre le parking. Quelques photos de l’ancienne capitale d’Aragon et nous partons faire un crochet aux Mallos de Riglos à 45 min de route de Huesca.

Los Mallos de Riglos sont des formations géologiques que l’on peut admirer dans le petit village de Riglos. Nous nous garons en bas et grimpons les rues pour atteindre une jolie église. Les falaises de couleurs orangé sont impressionnantes et semblent changer au gré de la lumière du jour. Il est possible d’en faire le tour sur une randonnée de 2h-3h ou de s’adonner à l’escalade pour les plus expérimentés. Nous nous contenterons de la vue du village, le pluie ayant obscurci le ciel. Nous reprenons la route pour Torla, à 2h de là pour la dernière étape de notre périple, pour à nouveau randonner dans les Pyrénées Espagnoles.

2 jours à la conquête du Mont Perdu, à randonner dans les Pyrénées Espagnoles

Lorsque mon ami me parla du Mont Perdu, il semblait évoquer pour moi l’ascension impossible de l’un des sommets mythiques pyrénéens que je ne pensais atteindre seulement dans mes songes d’aventures. Les voix de mes profs de sport du collège raisonnaient dans ma tête: « nulle, nulle, nulle ». C’est marrant comme le sport collectif ne convient pas à tout le monde. En Australie, la randonnée fait partie des sports proposées à l’école.
En serais-je vraiment capable ? Toute enthousiaste à l’idée de réaliser un rêve qui me semblait si lointain, le Mont Perdu devait se faire à tout prix. Même à celui de la météo.

Nous avons passé la semaine à suivre son évolution, afin de trouver une éclaircie qui nous permettait de monter ses 3355 mètres d’altitude. Nous étions vendredi, les nuages semblaient se dissiper le dimanche.

Nous passons la nuit dans un camping à Torla, abrités dans l’un de leur refuge de pierre. La pluie est tellement puissante ce jour-là, qu’elle finit par s’infiltrer dans les murs et glisser sous la porte. Un plat de pâte plus tard, nous profitons du confort du soir pour une nuit à l’abri du torrent qui se déverse dehors, sans penser à ce qui nous attend le lendemain.

Jour 1: Du parking de la Pradera au refuge de Goritz

Nous laissons Torla derrière nous pour le parking de la Pradera d’Ordesa à 20 min de là. La pluie semble s’être arrêtée dans la nuit, mais nous savions que cette sensation serait de courte durée. Arrivés au parking, nous nous chaussons, prenons nos bâtons et nos sacs et nous aventurons dans le Parc national d’Ordesa et du Mont Perdu. Nous sommes surpris de voir autant de monde braver la pluie. Un garde nous arrête pour nous expliquer que le Chemin des Chasseurs n’est pas accessible et qu’une déviation est prévu jusqu’à la Cascade de Aripas, à cause des fortes pluies de ces derniers jours.
Bien sûr, nous avions prévu de prendre le Chemin des Chausseurs, qui nous aurait permis de faire une boucle jusqu’au refuge et de prendre un peu de hauteur sur la vallée. La ‘Faja de Pelay’ sera pour une autre fois et nous nous contentons de suivre la foule jusqu’à la première cascade.

La pluie a repris à peine le pied posé sur le sentier. Nous le savions, c’est ce qui était prévu. Je suis pourtant de bonne humeur, à un jour près de réaliser un rêve inavoué. Nous avançons sur un chemin facile et je me rends compte que la plupart des familles ne monteront pas jusqu’à Goritz. Elles sont là pour la promenade du week-end et la cascade semble à portée de main. Après l’avoir dépassé, nous montons doucement pendant quelques heures, sous la pluie, pas encore trempés jusqu’aux os, mais bien concentrés sur notre objectif. Les arbres du Bosque de Las Hayas nous permettent d’avancer entre les gouttes et nous offre une couverture naturelle jusqu’à ce que nous quittions la forêt. Doucement la vallée finit par se découvrir, immense sous nos yeux. Nous devons la remonter jusqu’à la Cascade de la queue de cheval ou Cascada de la Cola de Caballo, où la plupart des promeneurs du jour s’arrêteront.

Beaucoup moins abrités sans les arbres au dessus de nos têtes, nous avançons au cœur du cirque de Soaso. La vue à travers mes lunettes embuée est splendide. Je ne peux m’empêcher de m’arrêter. Trempée, je ne peux qu’admirer la vallée magique, dégoulinant de cascades par milliers. Nous longeons la rive gauche de la rivière Arazas. Soudain une cabane surgie au milieu de nulle part, et nous profitons de sa présence pour faire une pause repas frigorifiée. Nous échappons quelques longues minutes à la pluie battante, qui nous offre son manteau de gouttes fines et grises. Le froid finit par nous transpercer et nous reprenons notre chemin jusqu’à la célèbre cascade. Il faut compter 3h de marche entre le parking et celle-ci.

Le vert se mélange au gris profond et majestueux des montagnes et nous finissons par arriver à la Cascade de la queue de cheval. Elle semble bien porter son nom. Nous nous arrêtons seulement quelques minutes car le sentier ne s’arrête pas là pour nous. Nous traversons le pont, pour rejoindre les panneaux en face, laissant la rive gauche du Rio Arazas derrière nous. Deux choix s’offrent alors à nous: continuer jusqu’au refuge de Goritz via les voies d’escalade ou via le chemin de randonnée. Nous opterons pour le dernier.

La pluie s’est calmé et nous montons tranquillement jusqu’au refuge. Nous avons quitté les cascades et il nous tarde de nous mettre à l’abri. Nous séchons sur le chemin qui s’avère légèrement plus difficile que le chemin du bas accessible aux familles. Nous grimpons doucement et finissons par attendre le refuge, bien pressée de prendre une douche chaude. Il est possible de planter notre tente dehors après l’avoir signalé aux gardiens, mais nous choisissons le confort après une journée si humide. Une douche de 4 minutes et un chocolat chaud plus tard, nous serons à nouveau sur pied.

Dans notre chambre, nous rencontrons trois espagnols qui sont venus passer le week-end avec le même objectif que nous. Ils sont montés ce jour-là jusqu’au Mont Perdu, sans pour autant pouvoir accéder au sommet, stoppés net par la neige. Avec la pluie que nous avons eu tout le long, nous n’aurions même pas tenté une ascension le samedi. Heureusement pour nous le lendemain, il n’y avait pas de pluie prévue.

Jour 2: Du refuge de Goritz au parking de la Pradera

C’est le jour J ! Randonner dans les Pyrénées Espagnoles pour atteindre ce rêve… enfin ! Le but ultime est à portée de main. Nous laissons quelques affaires dernière nous au refuge (qui nous propose un cadenas contre une caution de 10€) et partons à la conquête du Mont Perdu. Le chemin n’est pas balisée, il nous faut donc repérer les cairns déposés ça et là pour avancer à peine le jour levé.

On commence directement par une mini session d’escalade et de franchissement d’escaliers naturels. Nous progressons rapidement. Un passage délicat nous amène à utiliser nos bras pour grimper puis après le sol friable et les cairns éparpillés, nous croisons les deux lèves-tôt de la journée qui sont partis ce matin à la frontale. Le couple nous explique qu’il est impossible d’accéder au Mont Perdu sans les crampons.

N’étant pas sûrs d’avoir bien compris dans notre espagnol hésitant (bon… je pense qu’on n’avait juste pas envie d’entendre ça), nous continuons cependant notre route, certains de croiser le groupe de randonneurs qui nous devançaient de plus près. Nous finissons par arriver à l’étang glacé, sur un chemin d’éboulis. Et là, nous croisons ceux qui étaient partis devant nous ce matin, dépités.
Nous levons les yeux et il faut bien se rendre à l’évidence: la forte pluie des jours précédents était de neige à plus de 3000 mètres. A 2965 mètres, nous voyons clairement le couloir raide de neige dure, se déversant de tout son long. Chaque groupe de randonneurs s’assoie devant le lac, admirant les trois compères qui essayent munis d’une corde d’atteindre le graal. Ils feront demi-tour. Personne n’avait prévu les crampons à cette époque de l’année. A quelques jours près nous y étions.

Doucement l’effet de légèreté qui m’avait transpercé depuis notre départ ce matin-là, se fit plus lourd. Si près du but, à quelques pas raides du sommet, nous aurions pu y être… Le Monte Perdido restera un bout de rêve accroché à la neige.

Je n’ai alors qu’une envie: retourner à la voiture et rentrer en France. Mais mon ami me propose de continuer vers le Pic du Marboré dont on parlait la veille, encore enflammés par nos idées de conquêtes. Nous poussons donc vers l’Ouest, pensant que la neige serait la même à plus de 3000 m. La veille, l’une des gardiennes du refuge nous disait qu’il était possible de rejoindre la Brèche de Roland du Mont Perdu, en passant par une vire non balisée. Nous tentons l’aventure parmi les rochers, surpris de découvrir un paysage totalement différent à quelques pas à peine du lac glacé. Nous poussons le chemin jusqu’à ce que nous ne puissions plus avancer. Nous ne sommes pas sûrs d’être sur la bonne vire et la gardienne nous confirmera que nous étions à peine plus haut. Après un casse croûte mérité, nous redescendons jusqu’au refuge pour récupérer nos affaires, admirant le fabuleux canyon d’Ordesa. Nous reprendrons le chemin de retour jusqu’au parking, beaucoup plus long que dans mes souvenirs pluvieux de la veille. C’est fou comme le mental impacte tant nos forces. De retour à la Pradera d’Ordesa, nous rentrerons en France. Je laisserai dernière moi ce rêve inachevé, qui en aura créé finalement bien d’autres.

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Et vous connaissez vous ? Avez-vous déjà randonner dans les Pyrénées Espagnoles ? Certaines randonnées vous ont-elles marqué ? Avez-vous pu admirer la vue à 360° au sommet du Mont Perdu ?